Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 octobre 2013 : 1ère réunion
Situation sociale des personnes prostituées — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy, rapporteur :

A côté de ces risques sanitaires spécifiques, on rencontre chez les personnes prostituées diverses pathologies qui ne sont pas nécessairement directement imputables à l'exercice de la prostitution, mais qui reflètent plus largement leurs conditions de vie et leur environnement. Ces troubles, pour la plupart chroniques, se retrouvent plus généralement chez les publics en situation de précarité, indépendamment de toute activité prostitutionnelle. Parmi les pathologies recensées, les problèmes respiratoires de type infections broncho-pulmonaires et asthme tiennent une place importante. Certains cas de tuberculose ont même été relevés, en particulier chez la population prostituée vieillissante. D'après les témoignages recueillis, les prostituées dites « traditionnelles » continuent parfois d'exercer jusqu'à l'âge de soixante-dix voire de quatre-vingts ans ! Les problèmes dermatologiques sont également très fréquents ; ils traduisent des conditions de vie précaires et stressantes, parfois un manque d'hygiène. Les troubles digestifs liés au stress sont aussi régulièrement mentionnés par les personnes prostituées, de même que les troubles musculo-squelettiques, qui sont souvent consécutifs aux violences subies et à une position statique répétée dans le cas de la prostitution de rue. Les déséquilibres alimentaires représentent un autre problème de santé récurrent, qui s'explique par des rythmes de vie décalés et des conditions d'existence souvent difficiles. Ces troubles alimentaires, parfois associés au manque d'hygiène et de suivi bucco-dentaire, sont également responsables de nombreux problèmes dentaires.

Ces pathologies coexistent avec divers problèmes psychiques, qui vont des troubles de somatisation, du sommeil et de l'anxiété, à des maladies psychiatriques plus graves. Les pensées suicidaires sont également beaucoup plus présentes chez les personnes prostituées, en particulier chez les transgenres, que dans la population générale. Bien qu'il soit très difficile d'évaluer le degré d'imputabilité de la prostitution sur la survenue de ces troubles - d'autres facteurs entrant en compte -, nombre de témoignages indiquent que l'exercice de cette activité ne laisse pas indemne sur le plan psychique.

De toutes ces données épidémiologiques, nous dressons le constat d'une très grande vulnérabilité sanitaire des personnes prostituées, étant précisé que le niveau d'exposition aux risques sanitaires et la fréquence des pathologies rencontrées varient fortement selon les situations individuelles et les modes d'exercice de la prostitution. Il apparaît en effet clairement que les victimes des réseaux de proxénétisme et de traite sont particulièrement fragiles sur le plan sanitaire.

Dans ce contexte, de quel suivi médical bénéficient les personnes prostituées ? Tout comme l'exposition aux risques sanitaires, le recours aux soins diffère selon les publics et les conditions d'activité. La prostitution de rue se traduit ainsi par des difficultés d'accès aux soins et de suivi médical plus marquées que la prostitution en salon de massage : les personnes travaillant dans la rue sont moins nombreuses à être inscrites auprès d'un médecin généraliste, moins souvent dépistées pour les IST et enregistrent plus de retards dans leurs contrôles du col de l'utérus.

Plus généralement, le recours aux soins s'avère d'autant plus problématique que la situation de la personne prostituée est précaire. Comme pour d'autres publics vulnérables, le cumul de difficultés économiques et sociales agit comme un frein à l'accès aux soins. Les personnes qui se prostituent ont tendance à attendre le dernier moment pour consulter, la santé n'étant pas la première de leurs priorités. Le manque de suivi médical est particulièrement patent sur le plan gynécologique : alors que le taux de suivi s'élève à 85 % dans la population féminine globale, il varie entre 54 % et 74 % parmi les femmes prostituées. Le recours au dépistage du VIH est, lui aussi, insuffisant, en particulier s'agissant des personnes prostituées étrangères et de celles exerçant « indoor ».

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