Intervention de Bernard Cazeneuve

Commission des affaires sociales — Réunion du 9 octobre 2013 : 4ème réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Audition de M. Bernard Cazeneuve ministre délégué chargé du budget

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget :

Merci, madame la présidente, de me donner l'occasion de présenter devant votre commission les principales dispositions financières du PLFSS pour 2014. Celles-ci s'inscrivent dans la volonté du gouvernement de redresser l'ensemble des comptes publics et de créer les conditions d'une réduction de nos déficits et de nos dettes. Nous y voyons la condition de la pérennisation du modèle social français et du financement de nos priorités politiques et budgétaires.

Nous avons pris, depuis 2012, des mesures destinées à réduire le déficit nominal et à honorer les engagements pris devant la Commission européenne en matière de réduction des déficits structurels.

Si je neutralise l'effet de la lutte contre la fraude fiscale, les prélèvements obligatoires augmenteront d'un milliard d'euros en 2014. Exprimée en pourcentage, cette hausse représente 0,05 % pour 2014 contre 0,5 % chacune de ces quatre dernières années.

Les efforts réalisés nous permettent d'enregistrer une diminution des déficits nominaux. Ceux-ci passeront de 5,3 % du PIB en 2012 à 4,8 % en 2013, l'écart avec l'objectif initial de 4,5 % résultant de la nécessaire recapitalisation de Dexia et de la sous-évaluation, par le gouvernement précédent, des crédits de paiement destinés au budget européen dans le cadre du prélèvement sur recettes (PSR).

Le projet de loi de finances pour 2014, qui présente un objectif de déficit nominal de 3,6 %, se situe dans cette séquence de réduction régulière des déficits. Cette réduction est sans doute moins importante que certains pourraient le souhaiter, mais nous avons choisi, au plus fort de la crise, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques afin de ne pas ajouter la récession à la récession et de laisser toutes ses chances à la croissance. Ce choix semble porter ses fruits puisque le fonds monétaire international (FMI) a révisé à la hausse ses prévisions de croissance pour la France : 0,2 % en 2013 contre 0,1 % initialement et 1 % en 2014 plutôt que 0,9 %.

Concernant la réduction des déficits structurels, la Cour des comptes a qualifié l'effort réalisé en 2012 d'historique. Cette réduction atteindra 1,7 % en 2013 puis 1 % en 2014 conformément aux engagements pris devant l'Union européenne.

L'effort engagé en 2012 se poursuivra également en matière de comptes sociaux. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit avait augmenté de 160 milliards d'euros entre 2002 et 2012. Le déficit des régimes de sécurité sociale a atteint un niveau record - 28 milliards d'euros - en 2010, alors que la croissance était de 1,6 %.

Les efforts demandés aux Français, au travers d'une hausse des prélèvements obligatoires et d'une véritable maîtrise des dépenses d'assurance maladie ont entraîné, en 2013, une diminution du déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de 1,3 milliard d'euros. Sans ces mesures, ces déficits se seraient établis à 25 milliards d'euros.

S'agissant de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), nous avons réalisé une économie d'un milliard d'euros par rapport aux objectifs 2012 et de 500 millions d'euros sur les objectifs fixés pour 2013.

La réduction des déficits se réalise dans un contexte économique difficile. Les résultats obtenus doivent être comparés à ceux de 2010. Cette année-là, le déficit s'était accru de 4,5 milliards d'euros, pour atteindre 28 milliards d'euros, dans un contexte où la croissance était de 1,6 %, soit près de quinze fois supérieure à ce qu'elle est cette année.

L'année 2014 marque une nouvelle étape, celle des réformes structurelles destinées à rénover le modèle social français. Notre démarche s'articule autour de trois idées simples.

Nous voulons en premier lieu que le modèle social français soit économiquement, budgétairement et financièrement soutenable.

Nous ne voulons pas laisser les différentes branches du régime général s'enfoncer dans le déficit et dans les dettes. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation où ce que l'on prétendrait donner aujourd'hui serait pris sur ceux qui viendront demain !

Nous proposons donc, dans le cadre du PLFSS pour 2014, d'effectuer un effort de 8,5 milliards d'euros afin de limiter le déficit cumulé des branches du régime général et du FSV à 12,8 milliards d'euros. Sans les mesures que je vais vous présenter, ce déficit cumulé atteindrait plus de 21 milliards d'euros. Cela signifie que nous allons doubler l'effort par rapport à 2013, et que nous parviendrons à diminuer le déficit non pas de 1,3 milliard d'euros, comme cela a été le cas cette année, mais de 3,4 milliards d'euros par rapport à 2013 !

Si nous parvenons à atteindre ce but - et il n'y a aucune raison que nous n'y parvenions pas - nous aurons ramené le déficit des comptes sociaux en 2014 au niveau auquel il était avant la crise, en 2008. Le déficit du seul régime général passera sous la barre des 10 milliards d'euros pour atteindre 9,6 milliards d'euros...

Nous souhaitons en second lieu que les réformes que nous menons s'inscrivent dans la durée : réforme des retraites, réforme de la politique familiale, stratégie nationale de santé présentée par le ministre des affaires sociales il y a quelques jours... A l'horizon 2017, le déficit du régime général et du FSV devrait revenir à 4 milliards d'euros soit une division par cinq du déficit des comptes sociaux entre 2012 et 2017 !

Nous voulons enfin que le rétablissement des comptes sociaux ne se fasse pas au détriment de la croissance et de l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de préserver la diminution du coût du travail. Nous avons pris une mesure qui peut faire l'objet de débats, mais qui commence à faire connaître ses effets : le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) représente une enveloppe de 20 milliards d'euros d'allégements nets de charges sur les entreprises. C'est une mesure assez différente de la TVA sociale, qui diminuait les cotisations et transférait intégralement la diminution du coût du travail résultant des cotisations sur le consommateur, par le truchement de la TVA. Par ailleurs, la diminution des cotisations sociales transférées intégralement sur la TVA permettait de bonifier le bénéfice des sociétés, et élargissait l'assiette de l'impôt sur les sociétés (IS). Nous ne récupérions donc pas, à travers l'IS, ce que nous avions donné à travers la baisse de cotisations.

Les calculs auxquels nous avons procédé montrent que, pour réaliser 20 milliards d'euros d'allégements nets de charges à travers le dispositif de la TVA sociale, il aurait fallu faire 33 milliards d'euros de TVA sociale. Voyez ce que peut représenter, en termes d'augmentation du taux de TVA, le transfert des entreprises vers les ménages...

Le CICE représente quant à lui un allégement net de charges. Il s'agit d'un crédit d'impôt sur l'IS qui ne sera pas intégralement financé par la TVA. En effet, la clé de financement du CICE, ce sont 10 milliards d'euros d'économies en dépenses, 6 milliards d'euros d'augmentation de la TVA et un peu plus de 3 milliards d'euros d'augmentation de la fiscalité écologique.

Afin que la réduction du coût du travail résultant du CICE ne soit pas altérée par la réforme des retraites, nous avons décidé de compenser l'augmentation des cotisations vieillesse imposée aux entreprises, et cela sur toute la durée de la réforme, par une diminution des cotisations à la branche famille.

Le choix de l'emploi est donc réalisé à travers un effort de compétitivité maintenu, mais également avec la réforme de la politique familiale visant à multiplier les solutions d'accueil pour les jeunes enfants dont les parents travaillent. 275 000 solutions d'accueil seront ainsi financées par les mesures que nous prenons en matière de quotient familial.

Le choix de la croissance se traduit enfin par un effort particulier en matière de réduction des dépenses en matière sociale. L'effort structurel engagé dans le cadre du PLFSS représente plus de 4 milliards d'euros et se décompose de la manière suivante : 3 milliards d'euros au titre de l'enveloppe assurance maladie dont 2,5 milliards d'euros issus de la maîtrise du taux de croissance de l'Ondam, 800 millions d'euros d'économies réalisés grâce au décalage de la revalorisation des pensions dans le cadre de la réforme des retraites et 200 millions d'euros supplémentaires dans le cadre de la réforme des prestations familiales. Nous attendons également des économies de la renégociation des conventions de gestion des organismes de sécurité sociale, notamment grâce à la dématérialisation et à la numérisation du fonctionnement d'un certain nombre de caisses.

Les économies réalisées en matière de dépenses permettent de limiter les prélèvements supplémentaires. Elles ne nous empêchent pas d'apporter des ressources à la sécurité sociale, grâce aux réformes structurelles qui ont été annoncées.

Dans le cadre de la réforme de la politique familiale, le produit de l'abaissement du plafond du quotient familial sera bien entendu intégralement affecté à la branche famille. Les montants dégagés permettront de réduire le déficit de la branche famille, qui s'élève à 2,5 milliards d'euros, et de financer des mesures nouvelles, comme les 270 000 places de crèche que j'évoquais à l'instant. Ils permettront également d'augmenter respectivement de 50 % et de 25 % le complément familial et l'allocation de soutien familial.

S'agissant de la réforme des retraites, les mesures en faveur des petites pensions agricoles seront financées par des ressources nouvelles. Je pense notamment à l'encadrement des pratiques d'optimisation consistant à distribuer une partie des revenus de l'exploitation aux membres de la famille de l'exploitant.

Par ailleurs, nous franchirons, dans le cadre des lois financières de cet automne, une étape décisive dans la mise en oeuvre de l'engagement pris par le Président de la République en faveur d'une complémentaire santé pour tous. Les premières pierres de ce chantier ont été posées cette année dans le cadre de la loi de sécurisation de l'emploi garantissant l'élargissement des conditions d'accès à la CMU-c et à l'aide à la complémentaire santé. Au total, 750 000 personnes supplémentaires bénéficieront d'une couverture dont, jusqu'à présent, elles ne bénéficiaient pas.

Avec le projet de loi de finances et le PLFSS, nous poursuivons dans cette voie. Conformément aux recommandations du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, nous proposons d'une part la suppression de l'exonération fiscale des sommes versées par les entreprises au titre des contrats collectifs de complémentaire santé, mesure dont le rendement d'un milliard d'euros sera affecté à l'assurance maladie. Nous proposons d'autre part la mise en place d'une régulation accrue des complémentaires santé en redéfinissant le concept de contrat responsable.

Ces mesures relèvent d'une réforme globale, centrée sur la réduction des niches fiscales, permettant la généralisation de la complémentaire santé au titre des contrats collectifs et l'accompagnement des contrats responsables. Cette réforme appelle une fiscalisation accrue des contrats qui ne le sont pas, afin de valoriser et de promouvoir les premiers.

En complément des mesures issues des grandes réformes - retraites, politique familiale, complémentaires santé - le PLFSS 2014 comprend une mesure modifiant les modalités d'application des prélèvements sociaux applicables à certains produits de placements. Elle permettra d'appliquer le taux de 15,5 % à l'ensemble de ces produits. Il s'agit d'une mesure de justice permettant de dégager 600 millions d'euros de recettes, dont 450 millions d'euros seront affectés à la sécurité sociale.

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