Monsieur le président, en réponse à votre question, permettez-moi d'indiquer qu'à mes yeux le développement n'est pas seulement utile à la paix et à la sécurité du monde, il est même indispensable. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de nos échanges, ainsi que sur l'ensemble des enjeux que vous avez identifiés.
J'en reviens au budget. Je vous rappelle que notre aide publique au développement (APD) a représenté près de 10 milliards d'euros en 2010 et 2011, ce qui nous situe au troisième rang mondial.
Ce montant, qui représente 0,5 % de notre revenu national brut, est supérieur à ce qu'il était il y a quelques années. Je rappelle qu'une telle évolution s'inscrit dans le cadre de l'engagement pris par la France et d'autres pays d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2015. Il faut s'y tenir, même si c'est difficile et même si cet objectif avait été fixé avant qu'un certain nombre de crises ne viennent modifier profondément l'environnement économique mondial.
Le niveau de notre APD est marqué par un réel volontarisme et le budget qui vous est présenté en témoigne. En dépit de fortes contraintes sur nos finances publiques, les moyens du programme 209 restent inchangés en 2012, soit 2,1 milliards d'euros, conformément aux engagements du triennum 2011-2013. Ce programme 209 échappe au « coup de rabot » d'un milliard qui touche l'ensemble des ministères et il n'est pas affecté par la baisse générale de 2,5 % des dépenses des ministères décidée par le Premier ministre.
La baisse de notre contribution au FED représente 26 millions, soit un total de 797 millions contre 823 prévus. Le montant ainsi économisé est intégralement réutilisé dans le programme 209 afin de servir nos priorités. Par ailleurs, la contribution de la France dans le 10e FED a été ramenée à 19,5%.
D'une façon plus générale, nous veillons à rééquilibrer le rapport entre le volet multilatéral et le volet bilatéral de notre aide, au profit de ce dernier. A ce jour, l'aide bilatérale représente 60 % de l'APD en 2011 et ce chiffre devrait atteindre 64 ou 65 % en 2013.
En ce qui concerne nos interventions, je tiens tout d'abord à indiquer qu'à côté des actions classiques nous veillons à nous ménager assez de souplesse pour faire face aux situations nouvelles qui pourraient se faire jour. Tel a, par exemple, été le cas des printemps arabes. Le partenariat de Deauville, organisé dans le cadre du G8, mobilise 40 milliards de dollars en faveur des transitions démocratiques en Tunisie, Égypte, Maroc et en Jordanie. La France y contribue à hauteur de 1,1 milliard d'euros d'ici 2013 à travers des prêts de l'AFD. Nous avons annoncé en septembre, lors du G20 Finances que cette contribution sera portée à 2,7 milliards.
De même, nous avons accompagné les transitions démocratiques africaines dans des pays tels que la Guinée-Conakry, le Niger et la Côte d'Ivoire. Pour cette dernière, près de 3,5 milliards d'euros vont être mobilisés, répartis entre un contrat de désendettement et de développement (C2D) de 2 milliards, un milliard d'annulation de dette pour 2012 et un engagement exceptionnel de 400 millions d'euros.
En outre, une partie de notre intervention s'inscrit désormais dans la ligne du discours du Cap prononcé par le Président de la République en février 2008, qui a mis l'accent sur la nécessité d'associer de nouveaux acteurs à la croissance économique de l'Afrique. Il s'agit notamment de favoriser une « croissance endogène », en encourageant de nouveaux acteurs locaux tels que les PME. Cette nécessité est particulièrement sensible dans le secteur agricole, ne serait-ce que si l'on songe au défi que va constituer la réponse aux besoins d'un continent qui compte aujourd'hui un milliard d'habitants sur les sept milliards d'habitants de la planète et qui devrait représenter deux milliards d'habitants sur une population totale de neuf milliards à l'horizon 2050.
Enfin, je vous rappelle que le « G20 développement » se tiendra dans quelques jours à Cannes.
Concernant nos priorités pour 2012, je souhaiterais tout d'abord rappeler qu'elles confirment la priorité donnée à l'Afrique. La France demeure de loin le pays européen le plus engagé dans la solidarité et la coopération avec ce continent.
L'Afrique sub-saharienne représente environ 60 % de nos crédits budgétaires comme de notre aide globale au développement, intégrant l'ensemble de nos contributions, bilatérales, européennes et multilatérales. Plus précisément, la moitié de nos subventions est destinée aux 14 pays pauvres prioritaires qui sont tous africains et pratiquement tous francophones.
Pour autant, cette priorité n'entrave pas nos capacités d'action sur d'autres terrains politiquement sensibles. Je pense à l'Afghanistan pour lequel les crédits sont maintenus et où la question se pose de remplacer la baisse des dépenses liées à l'intervention militaire par un accroissement de l'aide au développement. Je songe aussi à la Palestine à laquelle la France a versé plus de 15 millions d'euros de crédits de « sortie de crise » en quinze ans. Si au moins cela pouvait effectivement aider à la sortie de crise...
Un accent particulier de notre politique est aussi mis sur la santé à laquelle nous consacrons 1 milliard d'euros par an. L'augmentation de notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida a été tenue. A la demande du Président de la République 60 millions supplémentaires s'ajoutent en 2011 aux 300 millions annuels inscrits dans le budget, financés par la ressource extrabudgétaire que constitue la taxe sur les billets d'avion ; 5 % de cette contribution au Fonds mondial, soit 18 millions d'euros, seront affectés à la mobilisation de l'expertise française en appui aux pays bénéficiaires, en lien avec les ONG.
J'ai aussi annoncé à la conférence de Londres, le 13 juin dernier une contribution de 100 millions additionnels à l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (le Gavi) pour la période 2011-2015.
Enfin, l'engagement de Muskoka en faveur de la santé infantile et maternelle - qui inclut non seulement la santé mais aussi l'éducation ou la contraception - sera tenu puisque 100 millions d'euros sont programmés chaque année entre 2012 et 2015.
Au final, je dirais que nous nous adaptons à un contexte budgétaire contraint et à de nouveaux défis. Notre trajectoire d'APD est inscrite dans le triennum. Dans ce cadre, nous continuons de cheminer vers l'objectif de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacré à l'APD. Ce pourcentage atteignait le chiffre déjà indiqué de 0,50 % en 2010. La collecte des données 2011 n'étant pas terminée, je ne puis communiquer aujourd'hui à la représentation nationale le chiffre pour cette année. Mais cela sera fait dès que possible.
Un moment important a été la réunion du G20 consacrée au développement, souhaitée par la présidence française à la suite du G20 de Séoul. Cette réunion s'est tenue à Washington le 23 septembre en présence des ministres des finances et des ministres en charge de la coopération et du développement. Alors que l'on aurait pu craindre que les premiers ne fassent prévaloir les contraintes liées à la crise financière, ma satisfaction a été grande de constater que, bien au contraire, les ministres ont validé le cadre de travail proposé notamment par la France, et visant à avancer sur trois sujets prioritaires. Le premier de ces sujets est celui de la sécurité alimentaire et consiste à mettre en place des stocks alimentaires d'urgence pour faire face à des situations comparables à celles qui affectent la Corne de l'Afrique. Le deuxième sujet concerne les infrastructures. Comment, en effet, envisager un développement réel, par exemple en Afrique, sans disposer des infrastructures de base en matière d'électricité, d'eau ou de transport ? Il a même été prévu que le G20 puisse adopter une liste de onze infrastructures régionales à réaliser. Nous avons enfin souligné la nécessité absolue de dégager des financements nouveaux de nature à faire face aux nouveaux besoins. Le besoin porte sur des ressources financières stables et pérennes qui viendraient, non pas se substituer, mais s'ajouter aux 129 milliards de financements publics existants. Cette exigence nous est dictée ne serait-ce que par les évolutions démographiques à venir.
C'est dans ce cadre que la France et l'Allemagne ont préconisé la création d'une taxe sur les transactions financières. La Commission européenne, qui avait reçu pour mandat de préparer un rapport sur ce sujet, vient de le rendre et celui-ci est inscrit à l'ordre du jour de la réunion du prochain G20 de Cannes. Même si les discussions s'annoncent difficiles du fait de la forte opposition de certains pays, l'enjeu est néanmoins qu'elles puissent permettre d'aboutir à deux résultats. Le premier serait une décision de principe sur la création de cette taxe. La seconde serait, sans attendre que ce prélèvement ne devienne universel, que quelques pays pionniers décident de l'appliquer. Il conviendrait évidemment que le nombre de ces pays soit suffisant pour pouvoir disposer d'une assiette large et d'un taux suffisamment bas pour ne pas affecter la compétitivité des places financières concernées. Tout ceci sera discuté sur la base d'un rapport qui a été commandé par la France à M. Bill Gates.
Ces nouveaux modes de financement ne nous exonèrent pas de nos obligations budgétaires. Ils représentent, en revanche, un moyen de répondre aux défis massifs qui se posent à la communauté des bailleurs si elle entend faire face aux enjeux du développement.
Tels sont les éléments que je souhaitais vous communiquer concernant le projet de budget pour 2012 et son environnement immédiat