Je vous remercie de me recevoir ce soir.
Mon nom est Pierre Condamin-Gerbier, j'ai 42 ans, je suis français et je travaille depuis vingt ans dans le domaine du family office. Ce métier recoupe naturellement le placement des liquidités d'un certain nombre de grandes familles internationales, mais également une fonction de secrétaire privé. Je gère la quasi-totalité des différents aspects de la vie personnelle et professionnelle de nos clients. J'ai exercé ce métier dans l'environnement anglo-saxon au service d'une famille d'armateurs grecs et d'une grande famille française. J'étais basé à Londres mais je voyageais très régulièrement dans les places aujourd'hui qualifiées d'« off-shore » pour le compte de ces familles ou des familles avec lesquelles elles avaient des relations personnelles ou professionnelles. J'ai ensuite pris résidence en Suisse, Reyl & Co m'ayant proposé de les rejoindre afin de développer le métier de family office. J'ai eu l'occasion d'être témoin des pratiques de l'ensemble de leurs conseils, notamment bancaires. J'ai pu observer la totalité de la palette de solutions techniques imaginées par des banques, notamment françaises, au service de clients internationaux. Ces outils permettaient d'aider les clients à optimiser légalement leur fiscalité, ou parfois à mettre en place un exil fiscal, jusqu'à la fraude la plus sophistiquée telle qu'elle est aujourd'hui découverte dans l'environnement français au travers de l'affaire UBS. L'intégralité des banques suisses et étrangères présentes en Suisse ont eu des pratiques similaires sur le territoire français. UBS a amené cette pratique à une forme d'industrialisation. Toutes ces banques ont utilisé leurs bureaux parisiens pour y attirer des petites, moyennes et grandes fortunes françaises à la recherche de technique de non-déclaration ou de fraude. Ces familles étaient alors accompagnées en Suisse, et elles le sont aujourd'hui vers d'autres lieux ou vers d'autres techniques plus sophistiquées et plus opaques. Contrairement à ce que je lis dans les médias, ces pratiques ne s'arrêtent pas ; elles se sophistiquent.
Mes interventions dans les médias datent de 2006-2007 et de mon mandat de représentant officiel de l'UMP en Suisse. J'ai dénoncé les pratiques de ma famille politique. Ma motivation est celle d'un citoyen français.
Je constate aujourd'hui, et depuis vingt ans, une très large utilisation par des personnalités de l'ensemble des partis politiques des techniques mises à disposition par ces intermédiaires financiers. Cela relève selon moi d'une très grande hypocrisie.
L'attitude des autorités suisses dans l'affaire UBS est très révélatrice. Elle est très différente de celle que ces mêmes personnes ont adoptée face aux Etats-Unis. Le marché américain n'a en effet pas la même importance que le marché français. Toutefois, la Direction nie aujourd'hui des pratiques avérées et a un sentiment d'impunité très fort. Selon moi, UBS dispose d'un certain nombre d'informations compromettantes concernant des personnalités politiques françaises, ce qui n'était pas le cas face aux Etats-Unis. Les pratiques découvertes lors de l'affaire Cahuzac ne se résument pas au mensonge d'un homme ; elles sont aussi le fait du mensonge d'un système et de la classe politique française en général.
Les Suisses ont d'ailleurs inventé le secret bancaire en 1934 à l'occasion de l'affaire de la banque commerciale de Bâle. Des membres du gouvernement Herriot avaient reçu des bons d'obligations payés en liquide dans les locaux de cette banque. Cela ressemble fortement à l'affaire Cahuzac, 80 ans auparavant.
Dans le monde de la gestion de fortune, nous constatons depuis vingt ans ce qui est découvert aujourd'hui dans les médias. C'est le témoignage que je me propose de vous apporter.