Intervention de Olivier Sivieude

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 4 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Olivier Sivieude directeur de la direction des vérifications nationales et internationales au ministère de l'économie et des finances

Olivier Sivieude, directeur de la direction des vérifications nationales et internationales au ministère de l'économie et des finances :

La direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) est chargée de contrôler la situation fiscale des quelque 3 500 plus grandes entreprises établies en France, soit, avec leurs filiales, environ 70 000 entreprises. Nous nous intéressons aussi dans le cadre des contrôles sur place des entreprises à la rémunération de leurs dirigeants, mais nous ne contrôlons pas les particuliers - c'est le travail d'une autre direction de la direction générale des finances publiques (DGFIP). Je dispose de 500 collaborateurs. Les vérificateurs sont spécialisés par secteur socioprofessionnel, et nous avons formé des spécialistes des questions internationales et financières, qui viennent les appuyer si besoin. Les résultats de ma direction sont en progression constante depuis cinq ans. Le montant des droits et pénalités a augmenté jusqu'à atteindre 4,6 milliards d'euros en 2012. Le taux de recouvrement s'élève à 85 %, les 15 % restants correspondant au contentieux. Sur ce total les opérations internationales représentent 2 milliards d'euros en 2012. Un contrôle sur trois comporte désormais au moins un rappel à l'international. Il s'agit d'une priorité forte de la DGFIP et par conséquent de ma direction.

Nos rappels à l'international reposent principalement sur trois piliers. L'article 57 d'abord, qui porte sur les prix de transfert intragroupe, et qui établit que ceux-ci doivent être formés de la même manière qu'à l'égard d'une société indépendante. Cette règle dite de pleine concurrence a été posée il y a quatre-vingts ans. Deux autres articles anti-abus, ensuite. L'article 209 B permet, dans certaines conditions très restrictives, de taxer les bénéfices réalisés par des filiales de sociétés françaises dans des pays à fiscalité privilégiée ; l'article 238 A est utile pour remettre en cause des commissions, intérêts, honoraires facturés à une entreprise située en France par une autre située dans un paradis fiscal. L'abus de droit, enfin, qui est défini sous l'article L-64 par trois critères ; montage artificiel, à but exclusivement fiscal, et contraire à l'intention du législateur.

Nous sommes reconnaissants à ce dernier de nous avoir facilité la tâche. L'administration fiscale n'est compétente qu'à l'intérieur de nos frontières. Or il est pourtant essentiel, dans les affaires internationales, de savoir ce qui se passe ailleurs. En 2009, des dispositions fiscales dures ont été prises à l'égard des États non coopératifs, afin de les inciter à répondre aux demandes d'assistance administrative internationale. Résultat : alors que nous formulions une centaine de demandes à l'époque, et que nous attendions en moyenne un an la réponse, le nombre des demandes a doublé et nous obtenons plus rapidement des réponses de meilleure qualité.

Depuis trois ans, les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 400 millions d'euros doivent fournir une documentation sur leurs prix de transfert. Cette contrainte est bénéfique pour les entreprises, obligées de s'interroger sur leur politique interne et mes vérificateurs travaillent plus efficacement.

Enfin, la taxation des bénéfices localisés dans des pays à fiscalité privilégiée ne pouvait se faire, dans le passé, que si nous démontrions l'absence de réelle activité économique locale, ce qui est extrêmement difficile. Heureusement, la charge de la preuve a été inversée.

S'agissant des rappels effectués en matière internationale, je citerai cinq catégories de pratiques parmi les plus fréquentes dans des domaines non financiers à proprement parler. L'usage des prix de transfert d'abord : par exemple une entreprise française facture insuffisamment ses prestations à ses filiales étrangères ou une entreprise étrangère installée en France est trop faiblement rémunérée. Le business restructuring, ensuite, qui consiste à transférer des fonctions - achats, marketing, publicité... - dans d'autres entités installées dans des pays à fiscalité plus favorable, le plus souvent la Suisse, parfois le Luxembourg. Cela entraîne une perte de substance, donc de bénéfice imposable. Troisième pratique, les sociétés propriétaires des marques sont installées dans des pays à fiscalité favorable et perçoivent des redevances anormalement élevées de la part des filiales. La quatrième catégorie consiste pour certains groupes à utiliser des entités situées dans des paradis fiscaux pour se faire facturer des prestations ou des opérations financières. Enfin dans le domaine de l'économie numérique, des entreprises nient la réalité même d'une activité en France. Aucun secteur professionnel n'échappe totalement à ces pratiques mais heureusement, toutes les entreprises de ces secteurs n'y cèdent pas.

Quant aux montages financiers ils ont toujours le même objet : accroître les charges financières en France et faire en sorte que le produit correspondant ne soit pas taxable. Nous y perdons et l'autre pays dans lequel le produit est perçu n'y gagne rien, seule l'entreprise en profite. Cinq types de procédés sont utilisés. L'endettement artificiel, d'abord : des réserves financières sont distribuées dans un autre pays, puis prêtées à la société française sous forme d'obligations remboursables en actions (ORA) par exemple. L'argent ne sort pas réellement de l'entreprise, l'actionnariat n'est pas modifié, mais les charges financières augmentent.

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