Intervention de Jean-Claude Trichet

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 16 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Claude Trichet gouverneur de la banque de france

Jean-Claude Trichet :

Par « nous », j'entends la communauté internationale. Je n'identifie pas de responsable particulier. Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons assisté à une évolution extraordinaire des technologies ainsi que de l'économie et de la finance internationalisées. Ce phénomène est fondamental. La très large partie du monde récemment convertie à l'économie de marché, fait partie du « nous ». Nous devons nous garder d'identifier un bouc émissaire qui disculperait tous les autres acteurs. Chacun a sa responsabilité. Le monde était tellement certain d'être solide et résilient que lorsque les deux directeurs généraux successifs du FMI ont été nommés, il leur a été dit : « Le monde est désormais suffisamment solide pour que nous n'ayons plus besoin du FMI pour aider les pays : les marchés financiers privés pourront les financer ». Cette croyance, finalement extrêmement naïve, était partagée par tous, indépendamment de leur sensibilité. Je me permets de dire, avec prudence, que les seules institutions qui continuaient à prêcher une certaine sagesse, étaient généralement les banques centrales. Durant pratiquement toute ma carrière, j'ai été considéré comme trop prudent. Cette analyse ne s'est retournée qu'avec le déclenchement de la crise. Auparavant, « l'accommodation » et l'ouverture d'esprit étaient quasi unanimement prisées.

Je n'ai pas mentionné l'offshore comme l'une des causes principales de la crise car je considère qu'il s'agit d'un élément parmi d'autres. J'aurai pu le mentionner. Au-delà de l'offshore, la négligence générale en matière de réglementation et de contrôle est importante. L'offshore m'apparaît comme l'un des points d'application particulièrement dangereux de cette négligence. Je distingue trois concepts autour de ce thème. Le premier est l'offshore en tant qu'entité se prêtant au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme. Ces deux activités sont criminelles. La communauté internationale s'est penchée sur ce sujet en 1989 lors du sommet des pays industrialisés. J'intervenais à l'époque en tant que négociateur. Nous avons alors créé le GAFI auprès de l'OCDE. Son objectif est de combattre le terrorisme et le blanchiment d'argent. Le GAFI a été le premier point d'application universelle. S'il n'était pas dirigé uniquement sur l'offshore, il s'impliquait particulièrement dans les pays appliquant le moins les règles internationales visant notamment à combattre ces deux activités. Un second élément est intervenu plus tard : la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales. Une partie du délit de fraude est traitée dans la lutte contre le blanchiment d'argent. L'évasion fiscale n'a quant à elle été que récemment reconnue par la communauté internationale comme un problème important. Le dernier point, absolument essentiel, est apparu avec la crise : l'universalisation des règles de prudence à toutes les entités mondiales, y compris aux places offshore. La crise a renforcé ces deux derniers points, le premier remontant lui au début des années 1990.

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