Intervention de Denis Robert

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 11 septembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Denis Robert essayiste

Denis Robert :

Il n'y a que deux chambres de compensation au monde. La première est Euroclear et la seconde est Clearstream. Euroclear est une émanation de la banque nord-américaine JP Morgan. Clearstream était, jusqu'en 2002, la propriété d'un consortium bancaire qui l'a revendu, par la suite, à Deutsche Börse Group, qui en est l'actuel propriétaire. Rappelons que ces chambres de compensation sont nées au début des années 70. Elles ont permis à la plupart des acteurs industriels et bancaires nord-américains de s'implanter en Europe et d'y conquérir des marchés. La première chambre à avoir été instituée est Euroclear. Deux ans plus tard, est née Clearstream. Leur vocation première est d'être des « coopératives ». Elles répondaient à un véritable problème, celui des braquages dont était l'objet nombre de dirigeants d'entreprises ou d'hommes d'affaires à leur descente d'avion. L'avènement des chambres de compensation correspond à la dématérialisation de l'argent puisque les titres électroniques remplacent les titres en papier. Le problème est que ces chambres ont, par la suite, échappé à leurs concepteurs suite à leur perfectionnement. Elles sont devenues, à l'aune des années 90, des outils informatiques d'une puissance redoutable sur lesquels il n'était plus possible d'exercer de contrôle.

Les chambres de compensation sont devenues, en quelque sorte, des « notaires » car elles sont les « notaires de la finance ». Le propos n'est pas de moi, mais de l'ancien PDG de Clearstream. 2/3 des fonds traités dans cette dernière chambre sont des obligations, le dernier tiers étant constitué d'actions. On y trouve aussi de l'argent en liquide ou de l'or. La plupart des fonds sont toutefois constitués d'obligations et d'actions. A partir du moment où l'argent rentre dans les circuits financiers, elle devient une donnée électronique. Dès lors, la chambre de compensation devient le gestionnaire de cette donnée. L'enjeu, vous l'aurez donc compris, est absolument considérable, d'autant que Clearstream n'a jamais vraiment été contrôlé. Pendant longtemps, son auditeur était Arthur Andersen. Désormais, il s'agit d'Ernst & Young. En 2002, suite à mes premières révélations, Clearstream a missionné le cabinet Arthur Andersen pour auditer ses comptes. Ernst & Young a repris l'audit, quand le cabinet Arthur Andersen a sombré corps et biens avec l'affaire Enron. Cet audit a coûté un peu plus de 16 millions d'euros ! La Direction générale de Clearstream s'est appuyée sur le contenu de cet audit pour prouver sa transparence et la véracité de ses comptes. Pourtant, il n'a jamais été rendu public en dépit du fait qu'il a mobilisé une vingtaine d'auditeurs qui ont travaillé pendant trois mois à Luxembourg.

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