Intervention de Didier Marie

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 9 avril 2014 : 1ère réunion
Artisanat commerce et très petites entreprises — Examen du rapport pour avis

Photo de Didier MarieDidier Marie, rapporteur pour avis :

Notre commission n'avait guère de raison d'examiner la rédaction initiale de ce texte, jusqu'à ce que nos collègues députés y insèrent des dispositions nous concernant directement et dont nous nous sommes saisis pour avis : l'article 24 bis nouveau, relatif au régime d'autorisation applicable à l'implantation d'établissements cinématographiques, ainsi que les alinéas 28 à 30 de l'article 9, relatifs à la définition des métiers d'art.

L'article 9 modifie la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, en particulier le seuil d'effectifs pour l'inscription au répertoire des métiers et les modalités de contrôle de la chambre des métiers et de l'artisanat. L'Assemblée nationale, en séance publique et avec soutien du Gouvernement, a précisé à cet article la notion d'» artisans d'art », une précision absente de l'arrêté dit « Dutreil » de 2003, qui répertorie quelque 217 métiers artisanaux.

Lors de mes auditions, j'ai mesuré combien les artisans attendaient une définition légale des entreprises d'artisanat d'art au sein des métiers d'art, notamment pour bénéficier de crédits d'impôt et du soutien de la banque publique d'investissement (BPI) au titre de l'innovation.

J'ai constaté aussi la méconnaissance des règles en vigueur et la crainte de voir la nouvelle définition exclure bon nombre de professionnels du secteur des métiers d'art, alors qu'elle vise seulement l'artisanat : le présent texte n'a pas vocation à définir les autres pans de la création relevant également des métiers d'art, nous y reviendrons en examinant, le moment venu, le projet de loi sur la création.

Enfin, mes interlocuteurs se sont légitimement inquiétés des termes utilisés pour définir les artisans relevant des métiers d'art. Je vous proposerai en conséquence une nouvelle rédaction de l'alinéa 29 de l'article 9, évitant toute confusion avec la définition des métiers de la conservation, et donc avec les dispositions du code du patrimoine qui encadrent strictement l'intervention des professionnels, notamment dans les musées de France - et confiant aux ministres chargés de l'artisanat et de la culture, qui m'en ont dit leur accord, le soin d'arrêter conjointement la liste des métiers d'art, ce qui est logique puisque nous reconnaissons la dimension artistique de l'activité des artisans d'art.

Deuxième sujet qui nous intéresse directement, l'article 24 bis transpose dans le code du cinéma et de l'image animée des dispositions relatives au régime d'autorisation applicable à l'implantation d'établissements cinématographiques, actuellement dispersées entre le code du cinéma et le code de commerce. Il n'appelle donc en lui-même que peu de commentaires.

Pour mémoire, la réglementation relative à l'aménagement cinématographique a été élaborée, à sa création en 1996, par analogie au régime de la « loi Royer » de 1973 applicable à l'ouverture et à l'extension des grandes surfaces commerciales. Contre les tentatives récurrentes de le contourner, ce régime d'autorisation a été progressivement renforcé, jusqu'à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, qui a défini les critères actuellement en vigueur. Sont ainsi soumis à autorisation les projets portant création d'un établissement de plus de 300 places, ainsi que les projets d'extension ou de réouverture au public d'un établissement ayant atteint ce seuil ou ayant vocation à le dépasser. La réforme de 2008 a également substitué aux critères économiques des critères relatifs à l'offre culturelle, en application de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

L'autorisation d'implantation est donnée par la commission départementale d'aménagement commercial siégeant en matière cinématographique, au regard tant de l'effet potentiel de la réalisation du projet sur la diversité cinématographique dans la zone d'influence concernée que de ses conséquences sur l'aménagement culturel du territoire. En cas de rejet, un recours peut être déposé devant la commission nationale, qui tranche en dernière instance.

L'article 24 bis n'a pas vocation à modifier ce dispositif mais, pour en améliorer la clarté, il rassemble ses éléments dans le seul code du cinéma et de l'image animée.

Simplement, les commissions départementales et nationales d'aménagement cinématographique sont consacrées, au lieu de n'être que des formations ponctuelles des commissions d'aménagement commercial ; elles accueillent un expert supplémentaire du secteur cinématographique, sans modifier le nombre des personnalités qualifiées.

Certains regretteront le manque d'ambition de cet article, tant il est vrai que l'aménagement cinématographique des territoires ne se limite pas à l'autorisation d'implanter des établissements - mais qu'il compte dans la diversité culturelle, l'équilibre concurrentiel entre multiplexes et salles d'art et d'essai et, finalement, qu'il conditionne l'avenir même du modèle économique du secteur cinématographique français.

Je ne méconnais pas ces enjeux ; ils ont fait l'objet de travaux d'expertise récents, notamment, en janvier dernier, le rapport de René Bonnell sur le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l'heure du numérique et, le mois dernier, le rapport de notre ancien collègue Serge Lagauche sur le bilan du régime d'autorisation d'aménagement cinématographique issu de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008. Il y est question de ciblage des aides, de réforme de la chronologie des médias et de régionalisation du dispositif d'aménagement cinématographique du territoire. Mais le présent texte, faute du temps nécessaire à l'évaluation des propositions des auteurs comme à la consultation des professionnels et des élus, ne les met en oeuvre qu'a minima.

En conséquence, les prochains rendez-vous législatifs, qu'ils concernent les missions des collectivités territoriales en matière culturelle ou l'avenir de la création cinématographique et de son financement, ne pourront faire l'économie d'une réflexion plus approfondie sur ces sujets. Notre commission de la culture y veillera, j'en suis certain.

À ce stade, s'agissant seulement de l'autorisation d'implanter des salles de cinéma, je vous proposerai de lier plus efficacement l'aménagement cinématographique aux engagements de programmation pris par les exploitants de salles en faveur de la diversité de l'offre. Ainsi, lorsque le projet concerne l'extension d'un établissement existant, un contrôle du respect de l'engagement de programmation devra être réalisé par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) préalablement à l'instruction du dossier et transmis à la commission d'aménagement cinématographique compétente. Tel est le sens de l'amendement que je vous présenterai.

Permettez-moi enfin de dire quelques mots d'un amendement déposé par le Gouvernement, tendant à l'habiliter à prendre, par ordonnances, et dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, les mesures nécessaires à la création d'un nouveau statut d'établissement d'enseignement supérieur consulaire.

Nous avons évoqué le sujet l'an passé, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR) : les écoles de commerce se sont constituées, historiquement, sous la forme de simples services des chambres de commerce et d'industrie, dépourvus de statut juridique propre. Les principales agences d'accréditation internationales ont recommandé le renforcement de l'autonomie de gouvernance de ces écoles, incitant certaines à opter pour un statut associatif, ce dont la Cour des comptes s'est inquiétée l'an passé.

La réforme tant attendue n'a pas été menée à l'occasion de la loi ESR, le Gouvernement ayant indiqué que la réflexion devait se poursuivre. Dans l'objet de l'amendement présenté à l'occasion du présent projet de loi, le Gouvernement envisage de créer des « entités autonomes de droit privé dédiées à la gestion de leurs écoles d'enseignement supérieur » et un statut d'établissement d'enseignement supérieur consulaire. Ce nouveau statut comportera des garanties relatives à l'indépendance du corps professoral, sur le plan social, mais également sur le plan patrimonial.

Ces mesures envisagées me paraissent de nature à consolider l'autonomie de gestion des écoles consulaires, au bénéfice de leur développement stratégique. Quoi qu'il en soit, notre commission n'étant saisie que pour avis, elle n'a pas à se prononcer sur un amendement qui sera examiné par la commission des affaires économiques, saisie au fond. Mais compte tenu des compétences de notre commission en matière d'enseignement supérieur, il me paraissait indispensable d'appeler votre attention sur ce point.

Sous réserve de l'adoption de mes deux amendements, je vous propose de rendre un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

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