Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, car vous avez déjà écouté ma déclaration de politique générale hier. J’ai souhaité aujourd'hui, et c’était normal – il n’y a rien de surprenant à cela –, m’adresser de nouveau à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais cette fois-ci directement. Je voulais, et vous l’avez bien compris, insister sur le lien avec les territoires et évoquer la réforme territoriale. Je voulais ainsi marquer mon respect pour le Sénat.
J’ai déjà eu l’occasion, il y a quelques jours, lors du conseil des ministres, d’insister sur le respect dû au Parlement, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ce respect devant être la marque de ce gouvernement. Il ne peut pas en être autrement.
Le nouveau gouvernement est resserré, compact, mais les ministres, ou les secrétaires d’États, qui viennent d’être nommés, doivent être attentifs au travail parlementaire, à sa qualité, aux relations avec les commissions et les groupes. Ils doivent évidemment veiller au respect de l’opposition, et j’y veillerai tout particulièrement. À défaut, vous ne manquerez pas, les uns et les autres, de nous rappeler à nos engagements.
Je vous ai bien sûr écoutés avec attention, notamment le président Gaudin et le président Zocchetto.
Vous avez de l’expérience, monsieur Gaudin, comme vous l’avez rappelé. Vous avez connu de nombreuses alternances – et je ne parle pas de Marseille, même si vous en avez également connu dans votre ville –, ici, au Sénat.
Ce que j’ai tout simplement voulu dire hier, et encore aujourd'hui, c’est que, face à la situation que nous connaissons, il faut faire preuve – moi le premier, bien sûr – de retenue et de modestie. Il ne faut jamais se laisser griser par des victoires électorales, monsieur Gaudin. Vous en avez connu, ainsi que des défaites ; vous savez ce que cela signifie. Or j’ai senti en vous écoutant, avec votre verbe, que vous vous laissiez un peu griser, ce que je peux comprendre, par l’attachement que les Marseillais vous ont témoigné.
J’ai du respect pour vous, monsieur Gaudin, mais, face à la situation de notre pays, pensez-vous réellement que le niveau de la dette – M. Caffet l’a rappelé tout à l’heure –, que le niveau du déficit public, que l’état de notre école républicaine puissent être imputés uniquement à ce gouvernement ?
Arrêtons-nous un instant sur la situation de notre pays.
Nous avons perdu des centaines de milliers d’emplois industriels. En dix ans, le différentiel avec l’Allemagne, pays qui a effectué des réformes importantes dans bien des domaines, s’est accru. Nous sommes en train de décrocher en termes de compétitivité et d’attractivité.
Nous pouvons tous faire le procès des uns et des autres, mais moi, j’ai une conviction, monsieur Gaudin : cela ne marche plus ! Nous pouvons tenir tous les discours, tous répandre en invectives, tous nous accuser mutuellement d’être responsables de tous les échecs du pays, mais les Français nous disent : « Assez ! ».
En 2008, du fait de l’abstention de l’électorat de droite, la gauche a gagné les élections municipales. Cette année, du fait de l’abstention massive de l’électorat de gauche, vous avez gagné ces municipales. Cela n’enlève rien à la qualité des uns et des autres, mais le constat est là : attention, les Français n’y croient plus ! Nous devons y être attentifs.
Nous pourrions inventer, mais je ne suis pas naïf, et je sais que ce sera difficile. Au reste, il faut qu’il y ait des solutions et des projets différents – la différence est nécessaire, c’est cela, une démocratie. Mais, attention, vous ne convaincrez pas les Français que la situation très difficile du pays ne nécessite pas un sursaut, et je le dis non sans une certaine gravité. Les solutions peuvent être différentes, mais, en tout cas, partons de ce constat.
Tous les gouvernements se sont d’ailleurs essayés à trouver des solutions, et depuis des années.
Prenons un seul exemple : les hausses d’impôts. Trop souvent, les gouvernements, non pas par facilité, car ce n’est jamais facile, ont augmenté les impôts. Ainsi, entre 2010 et 2012, les impôts ont augmenté de 30 milliards d’euros, puis de nouveau de 30 milliards d’euros depuis 2012. La dépense publique a crû. Pensez-vous donc être en situation de nous donner des leçons dans ce domaine, monsieur Gaudin ? De même, sommes-nous en situation, nous, de vous en donner ?
Non, c’en est fini des discours de ce type : très honnêtement, j’attendais, moi, de votre part, un propos à la hauteur du moment. Je me permets de vous le dire, car je vous connais : vous êtes parfait pour lancer des piques ; vous êtes enthousiasmé par votre victoire à Marseille. Mais en quoi avons-nous fait avancer le débat ? Monsieur Gaudin, cela ne marche plus ! Et, si cela continue ainsi, il ne faudra pas vous étonner que notre démocratie s’abîme !
Je suis inquiet. Certes, une immense majorité d’Européens sont attachés à l’Union européenne, mais, si chacun ne se mobilise pas, attendons-nous à certains constats dans quelques semaines, et pas seulement en France, mais dans toute l’Europe. Avez-vous vu les résultats en Hongrie ?
(Mme Chantal Jouanno s’exclame.) – je me maîtrise –, mais il m’a semblé que, entre Méditerranéens, je pouvais me le permettre.