La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre. §
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, laissez-moi vous dire le plaisir qui est le mien d’être devant vous aujourd'hui pour poursuivre le débat entamé hier à l'Assemblée nationale et ici même, avec l’intervention de Laurent Fabius.
Hier, lors de ma déclaration de politique générale, j’ai dit la nécessité de vérité et d’efficacité de l’action publique, afin de redonner confiance à nos compatriotes. Nous devons aller à l’essentiel de leurs préoccupations – vous les connaissez, elles se sont exprimées avec force à l’occasion du scrutin municipal, et le Président de la République a souhaité se saisir de ce message –, à savoir le chômage, la vie chère, la feuille d’impôt, pour y apporter des solutions concrètes. Et c’est cette mission que m’a confiée le chef de l’État.
Aller à l’essentiel, c’est vous parler, aujourd’hui, de trois sujets majeurs pour notre pays.
Il s’agit, d’abord, du renforcement de notre économie, de nos entreprises, pour favoriser la croissance et créer de l’emploi. Sans croissance économique, sans renforcement de la compétitivité de toutes nos entreprises, quelle que soit leur taille, rien n’est possible. Nous devons, avec pragmatisme, en mobilisant les énergies, en rassemblant l’ensemble des partenaires sociaux, lutter contre le chômage de masse qui ronge notre société.
C’est le but du pacte de responsabilité et de solidarité, présenté par le Président de la République il y a déjà quelques mois, qu’il s’agit à présent de mettre en œuvre.
Je veux ensuite vous parler de nos territoires – de nos communes, de nos départements, de nos régions –, de leur importance pour le redressement de notre pays, mais aussi de la façon dont ils doivent évoluer. Cette question, souvent évoquée et discutée, mais jamais vraiment abordée – dans le sens de mise en œuvre –, je veux m’y atteler, dans le dialogue avec les élus, avec les citoyens bien sûr, animé de la volonté d’avancer.
Enfin, alors que s’ouvre une nouvelle étape du quinquennat, je veux revenir devant vous sur la manière dont le Gouvernement entend aborder le travail parlementaire qui est devant nous.
Hier, j’ai longuement évoqué les difficultés de notre pays. Ces difficultés, vous les connaissez ; vous les rencontrez chaque jour dans nos territoires.
Les souffrances, les doutes, je les ai vus lorsque j’étais maire d’Évry, lorsque j’étais ministre de l’intérieur, c’est-à-dire aussi en charge de l’organisation de notre État, de sa présence sur le territoire.
J’ai d’abord vu la violence qui, sur fond de crise économique et sociale, frappe nos villes, nos quartiers.
Mais cette violence, que nous avons souvent évoquée ici au cours des vingt-deux derniers mois, est mouvante. Elle prend de nouvelles formes. Elle se déplace et touche des territoires jusqu’alors épargnés. Nos villages, nos petites villes, nos villes moyennes n’éprouvent plus ce sentiment de quiétude qui faisait que l’on pouvait laisser la porte ouverte en partant.
Il faut prévenir les peurs de nos concitoyens qui vivent dans les territoires ruraux. La ruralité, nos campagnes, c’est l’histoire longue de notre pays, mais c’est aussi – je l’ai dit hier – une part importante de notre modernité. C'est un atout tant sur le plan de l’identité que sur les plans culturel et économique.
Je pense à nos agriculteurs qui ont une importance capitale pour notre économie, pour la préservation de notre environnement, de notre cadre de vie. Ils doutent parfois de l’attention des pouvoirs publics à leur égard. Je veux le redire ici, le Gouvernement est totalement engagé à leurs côtés. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinerez d’ailleurs à partir de ce soir le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Il y a encore ces territoires qui, face à la marche brutale du monde, subissent la désindustrialisation, ces usines qui ferment, ces ouvriers, ces salariés, ces cadres qui perdent leur emploi, et donc toutes ces familles qui se retrouvent dans l’inquiétude du lendemain. Il y a aussi ces parents qui voient partir leurs enfants vers les grandes villes, mais aussi vers l’étranger, parce que ces derniers pensent que leur avenir n’est plus ici.
Je connais comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les souffrances de ces territoires, de tous les territoires. Je pense aussi aux outre-mer. La vie chère, le chômage, le problème du logement, la violence, le trafic de drogue y frappent davantage encore nos compatriotes, et en particulier la jeunesse.
Depuis dix ans, la France a perdu de sa compétitivité et de son attractivité économique. Dans un monde où la compétition internationale est de plus en plus dure, nos entreprises ont vu disparaître des parts de marché.
Sur le plan diplomatique, la France est une grande puissance. Sa voix est entendue ; nos armées sont parmi les rares qui peuvent intervenir dans le monde – et nous savons quel est l’engagement de nos soldats aujourd'hui encore au Mali ou en Centrafrique ; la France est membre du Conseil de sécurité des Nations unies.
Mais, pour peser dans le monde d’aujourd'hui, il faut aussi être une grande puissance économique et industrielle. Si nous voulons demeurer une grande puissance, nous devons donc soutenir notre tissu économique, toutes nos entreprises, nos TPE, nos PME, nos PMI, nos grands groupes, et ce pour produire plus en France, pour innover : produire plus, mais aussi produire mieux.
Nous devons encourager nos jeunes pousses. La prise de risque, l’audace, l’ambition doivent être mieux récompensées, et la liberté de créer et d’entreprendre encouragée. Ces femmes et ces hommes qui travaillent dur et contribuent au redressement de la France doivent trouver un cadre plus simple, plus lisible, pour encourager la création de richesse.
Le Président de la République m’a confié, ainsi qu’au Gouvernement, la charge de donner corps au pacte de responsabilité. La démarche est claire : l’engagement de tous pour l’emploi, pour l’investissement et pour la compétitivité de notre économie.
Beaucoup a déjà été fait. Des réformes courageuses ont été entreprises par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, à qui je veux, de nouveau, devant vous, rendre hommage. Et les premiers résultats sont là. Je pense notamment à cette question fondamentale pour notre pays qu’est l’insertion des jeunes dans la vie active.
Mais nous devons faire plus.
J’ai évoqué hier trois décisions qui fondent désormais le pacte de responsabilité. Je travaillerai en étroite association avec le Parlement et les partenaires sociaux pour les mettre en œuvre.
Le premier pilier du pacte concerne la baisse du coût du travail, qui sera diminué de 10 milliards d’euros supplémentaires, venant s’ajouter aux 20 milliards d’euros de l’actuel crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE.
C’est un facteur primordial de la compétitivité de nos entreprises. Cette décision s’appliquera notamment sur les salaires les plus faibles afin que, à partir du 1er janvier 2015, l’employeur d’un salarié touchant le SMIC ne verse plus aucune cotisation patronale à l’URSSAF.
La deuxième décision a trait à la fiscalité des entreprises. Nous allons agir sur deux impôts.
D’une part, la C3S, ou contribution sociale de solidarité des sociétés, sera progressivement supprimée en trois ans. Dès 2015, deux tiers des entreprises concernées, soit 200 000 d’entre elles, ne la paieront plus.
En 2016, la surtaxe temporaire d’impôt sur les sociétés, créée par la majorité précédente, sera définitivement supprimée et, d’ici à 2020, le taux de l’impôt sur les sociétés sera diminué, pour atteindre 28 %, ce qui nous rapprochera de nos partenaires européens.
Dans le cadre des lois de finances, nous proposerons également la suppression de petites taxes à faible rendement.
Enfin, je souhaite évoquer devant vous une dernière décision : les salariés modestes bénéficieront, dès 2015, d’une augmentation de salaire net s’élevant à 500 euros par an pour ceux qui perçoivent le SMIC, par une baisse de leurs cotisations salariales. Nous savons ce que représente une telle somme dans le budget d’une famille :…
M. Manuel Valls, Premier ministre. … c’est la moitié d’un treizième mois de salaire !
M. Alain Bertrand applaudit.
Le pacte de responsabilité est aussi un pacte de solidarité, qui doit améliorer la vie des plus modestes.
Renforcer le pouvoir d’achat, c’est agir sur la feuille de paie, mais aussi sur la feuille d’impôts, en particulier des ménages qui sont entrés dans le champ de l’impôt sur le revenu ces dernières années alors même que leur situation ne s’était pas améliorée. Je ferai des propositions en ce sens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, retrouver la croissance, c’est aussi choisir la croissance que nous voulons pour notre qualité de vie.
L’environnement, l’écologie sont peut-être – et je le dis avec une certaine gravité – les plus grands enjeux auxquels nous allons être confrontés. Ils concernent l’humanité tout entière. Collectivement, nous sommes sommés de retrouver rapidement un équilibre avec le milieu naturel ; je pense notamment au dérèglement climatique. D’ailleurs, Paris accueillera, à la fin de l’année 2015, la grande conférence de l’ONU sur le climat.
Engager la transition énergétique, c’est repenser notre modèle productif, depuis la production d’énergie jusqu’aux produits finis et aux services. Autrement dit, c’est repenser nos modes de consommation et nos modes de vie.
Je veux insister sur ce point : la transition énergétique, c’est aussi un projet dont les effets seront très concrets pour les Français. Comme le rappelait voilà un instant Mme Ségolène Royal à l’Assemblée nationale, il s’agit de redonner du pouvoir d’achat aux ménages en réduisant leur facture d’énergie, notamment par la rénovation thermique d’un logement ou l’achat d’un véhicule qui consomme peu.
Engager la transition énergétique, c’est aussi créer de l’emploi, avec de nouveaux métiers et de nouvelles filières industrielles. Je sais que de nombreuses collectivités ont déjà pris des initiatives innovantes, parfois audacieuses, concourant à cet objectif.
Grâce à un modèle économique économe en énergie, nos entreprises maintiendront leur compétitivité. Nous préserverons également notre souveraineté par la réduction du déficit de la balance commerciale énergétique.
Enfin, comme je l’ai dit hier, nous avons l’obligation de remplir nos engagements environnementaux en privilégiant les efforts de réduction de consommation d’hydrocarbures fossiles. L’objectif est de réduire de 30 % notre consommation d’énergie fossile et de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
Les engagements du Président de la République seront tenus : la part du nucléaire dans la production d’électricité passera à 50 % d’ici à 2025. §
Cet engagement sera inscrit dans le texte fondateur de notre nouvelle politique énergétique : le projet de loi sur la transition énergétique, qui sera présenté en conseil des ministres avant l’été.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le redressement de notre pays, c’est aussi une mobilisation de tous les territoires qui le composent.
Je sais le travail qu’accomplissent déjà, au quotidien, les élus locaux ; je connais leur dévouement. Pour avoir moi-même été maire, je connais l’exigence de ce mandat, ainsi que sa beauté.
En m’adressant à vous, je pense à tous les maires, parlementaires ou non, qui, emportés par un mouvement à caractère national, ont perdu leur mandat à la suite des élections municipales, malgré un bilan de qualité. Je veux leur témoigner mon soutien et mon affection. §
Ce n’est pas à vous que j’apprendrai combien les Français sont attachés à la figure du maire, ce symbole d’une République de la proximité. Qu’il s’agisse d’éducation, de logement, de sécurité, de transport, d’emploi, ce sont d’abord de leurs élus que les citoyens attendent des réponses et des solutions. Les maires sont les garants du vivre-ensemble et de la qualité de vie. Ils sont, tout simplement, un rempart contre la montée de l’individualisme.
Dans une société traversée par des fractures nombreuses, en proie souvent à un terrible sentiment d’abandon, de relégation – je pense notamment à nos territoires périurbains et ruraux, mais aussi aux quartiers de nos villes ainsi qu’aux outre-mer –, les collectivités territoriales ont, aux côtés de l’État, un rôle déterminant à jouer pour la cohésion et l’unité de notre pays.
Ces élus sont aussi résolument tournés vers la préparation de l’avenir, car ils sont les mieux placés pour œuvrer pour l’attractivité et le dynamisme de leurs territoires. Les collectivités jouent déjà un rôle essentiel dans notre économie : elles participent très largement à tous les projets structurants pour nos territoires.
Si ces investissements peuvent constituer un formidable levier de croissance, l’efficacité de leur action peut encore être renforcée. C’est l’objectif des importantes réformes de structure que j’ai proposées hier à l’Assemblée nationale.
Je le sais, certaines de ces propositions en ont surpris beaucoup, ont choqué certains, …
M. Manuel Valls, Premier ministre. … ont provoqué un débat. Mon but n’est ni de choquer ni de surprendre.
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Mon but est de construire, avec vous, mais pour les Français, l’avenir de nos territoires.
Pour cela, nous aurons besoin d’explications, de dialogue, de débats souvent longs et difficiles.
Pour ma part, j’y suis prêt. En effet, j’ai une conviction profonde : notre pays vit depuis des années au-dessus de ses moyens. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Notre pays, quel que soit le gouvernement, attend des réformes, jamais mises en œuvre.
La loi de décentralisation, promulguée en janvier dernier, a marqué une étape importante : elle a amorcé une clarification, en créant les métropoles. Néanmoins, le constat demeure – je crois qu’il est partagé – que l’empilement des échelons d’administration, les compétences partagées, …
… les financements croisés, bref, tout ce que l’on résume par l’expression de « millefeuille territorial » nuit à l’efficacité de l’action publique dans nos territoires et manque de lisibilité pour nos concitoyens.
Comme vous, je suis frappé par la montée, depuis des années, de l’abstention. Celle-ci a été massive à l’occasion des élections municipales. Je ne doute pas qu’elle trouve souvent d’abord sa source dans le sentiment que le politique ou la parole publique sont impuissants à répondre aux attentes, aux espérances, mais aussi aux angoisses de nos concitoyens.
Eu égard à la proximité du maire que je viens d’évoquer, je constate que l’abstention, lorsqu’elle s’exprime à l’occasion d’élections municipales, marque une rupture de civisme. C’était déjà vrai en 2001 et en 2008, et c’est encore plus vrai en 2014. L’abstention est aussi un cri d’alarme de nos concitoyens, adressé à ceux et celles qui gouvernent.
Nous prenons notre part de responsabilité, et nous voulons répondre à ce cri. Toutefois, parlons-nous franchement : nous avons le sentiment que l’absence de clarté des missions des différentes collectivités territoriales, que la question fiscale non seulement nationale, mais aussi locale pèsent également dans ce débat. Je me rappelle les discours tenus à ce sujet par la précédente majorité…
Je conçois qu’il s’agisse là d’un débat difficile, mais mon devoir, et celui du Gouvernement, est aussi d’indiquer les chantiers importants que nous allons ouvrir et auxquels nous consacrerons le temps nécessaire.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose une réforme territoriale d’ampleur. Cette réforme, des sénateurs siégeant sur diverses travées la souhaitent, sur des points parfois différents. Je veux d’ailleurs rendre hommage au travail accompli par le Sénat sur ces sujets : je pense à la qualité des travaux issus des États généraux de la démocratie territoriale §organisés, monsieur le président, sur votre initiative.
Je pense aussi, messieurs Krattinger et Raffarin, à votre rapport sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République. Vous proposez des pistes de réformes ambitieuses, structurantes à moyen terme. Cette ambition, cet horizon, ce sont aussi les miens.
C’est dans cet esprit que je vous propose quatre grands changements.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, car si nous voulions mettre en œuvre ces changements d’ici aux élections de mars prochain, vous nous taxeriez de brutalité, vous nous accuseriez de précipiter les choses !
Applaudissements
Si nous proposons de les mettre en œuvre après les élections de 2015 mais avant l’élection présidentielle de 2017 – j’y reviendrai –, vous contesterez notre légitimité à le faire.
Et, si nous voulons prendre notre temps et en faire un débat de la prochaine campagne présidentielle, vous nous direz qu’il faut attendre…
Soyez au moins cohérents et remarquez que ce gouvernement agit avec la volonté de respecter les élus et de se doter du temps nécessaire pour accomplir des réformes indispensables ! §
Le premier enjeu est de conférer aux régions tous les leviers pour contribuer au redressement économique du pays. Je souhaite des régions fortes, aux compétences stratégiques clairement affirmées. De telles régions disposeront des outils pour accompagner la croissance des entreprises et promouvoir l’innovation. Elles devront être des acteurs majeurs de la transition énergétique que j’évoquais à l’instant. À ce titre, les régions seront des partenaires actifs de la nouvelle génération de contrats de plan État-région, qui engagera, pour 2020, des investissements structurants pour la croissance et le développement durable des territoires.
Notre pays a également besoin de régions disposant d’une taille critique suffisante pour assumer ces nouvelles compétences et être capable de rivaliser avec les collectivités de taille comparable en Europe. C’est ce point qui suscite le débat, débat ouvert, du reste, par le rapport de MM. Krattinger et Raffarin.
Je n’ignore rien des difficultés ni des problèmes d’identité qu’une telle réforme peut poser sur un certain nombre de territoires.
J’ai proposé une méthode : je ferai confiance à l’intelligence des élus et aux initiatives locales, ce qui me paraît normal et cohérent. Ainsi, les régions pourront proposer de fusionner par des délibérations concordantes. Les modalités pour décider de fusions seront donc assouplies.
Toutefois, je connais les résistances qui ne manqueront pas de découler du caractère volontaire des fusions.
Dès lors, en l’absence de propositions de fusion, le Gouvernement prendra ses responsabilités et proposera une nouvelle carte des régions après les élections départementales et régionales de mars 2015. Un nouveau texte pourra ainsi et devra être définitivement adopté au 1er janvier 2017.
Le deuxième enjeu, c’est celui de l’intercommunalité.
Depuis les lois que vous avez portées, cher Jean-Pierre Chevènement, l’intercommunalité a su trouver sa place dans notre paysage territorial et a apporté la preuve de son efficacité. L’intercommunalité, ce sont des résultats très concrets pour les citoyens : ici, un nouveau tramway ; ailleurs, une pépinière d’entreprises… C’est également un instrument de solidarité et de péréquation financière entre les communes, qu’il faudra nécessairement renforcer. En effet, la solidarité territoriale n’est pas un vain mot : elle doit être une réalité.
À cette légitimité de l’action intercommunale s’ajoute désormais la légitimité démocratique. Les 23 et 30 mars derniers, pour la première fois, les citoyens ont pu désigner leurs délégués intercommunaux.
Nous souhaitons que ce mouvement de regroupement de communes au service de projets de territoire soit poursuivi et amplifié. En tant que ministre de l’intérieur, j’ai veillé à ce que toutes les communes de notre pays soient inscrites dans une intercommunalité. Marylise Lebranchu et moi-même y avons travaillé.
Une nouvelle carte intercommunale, fondée sur des bassins de vie correspondant aux réalités vécues, …
M. Manuel Valls, Premier ministre. … entrera en vigueur au 1er janvier 2018.
Applaudissements
En troisième lieu, les compétences de chacun des niveaux de collectivité seront précisées et clarifiées. Dire qui fait quoi, c'est un gage d’efficacité, de réactivité aussi. Des compétences exclusives seront donc désormais attribuées aux régions et aux départements, et je proposerai en conséquence la suppression de la clause générale de compétence.
M. Jean-François Husson s’exclame.
Je vous réponds. J’entends parfois dire sur les bancs de l’opposition : il y a eu un changement de Premier ministre, il n’y a pas eu de changement de gouvernement, et vous appliquez la même politique.
Mais s’il y a eu un changement de Premier ministre et s'il y a évidemment continuité – c'est l’engagement du Président de la République pour le quinquennat –, il doit aussi y avoir des changements !
Et je vais vous faire un aveu.
M. Manuel Valls, Premier ministre. … il aurait été préférable – pas uniquement aujourd'hui, hier aussi –, avant même d’adopter des modes de scrutin, de commencer par l’essentiel, c'est-à-dire les réformes de structure.
Bravo ! et applaudissements
sur plusieurs travées de l'UMP et de l’UDI-UC.) Vous applaudissez, mais quand vous avez adopté le conseiller territorial, avez-vous changé les structures du pays ? Non !
Applaudissements
Si nous n’entendions pas ce que les Français nous ont dit dans bien des domaines – aller plus vite en matière d’emploi, de pouvoir d’achat –, si nous n’avions pas entendu le message concernant la jeunesse ou la fiscalité, et si nous n’entendions pas non plus le message relatif à l’organisation de notre pays – c’est trop obscur ; on ne comprend pas ; il y a trop d’impôts ; où va l’argent public ? –, nous ne répondrions pas à ce que les Français attendent de nous ! §
J’en viens au quatrième enjeu – Laurent Fabius me disait qu’il avait eu un succès d’estime en abordant le sujet au Sénat –, qui est celui de l’avenir des conseils départementaux. §La question est bien sûr très sérieuse ; elle doit être traitée sérieusement.
Je sais l’importance du rôle joué par les conseils départementaux, je me suis souvent exprimé à ce propos. J’ai conscience, aussi, des difficultés qu’ils éprouvent parfois pour assumer la plénitude de leurs responsabilités.
Ce débat est légitime, car nos institutions doivent savoir s’adapter à la diversité des besoins, à la diversité des territoires et des populations. C’est ce que le rapport Krattinger-Raffarin nomme « la reconnaissance de la différenciation ». §(M. Francis Delattre s'exclame.) On peut avoir des différences, …
M. Manuel Valls, Premier ministre. … des confrontations… Cher monsieur Delattre, nous nous connaissons depuis longtemps puisque j’ai été élu dans le Val-d’Oise. Je sais votre modération. Je l’estime et je suis heureux de vous retrouver dans ce débat.
Applaudissements
(Exclamations sur les travées de l'UMP.) et je ne doute pas un instant que nous aurons l’occasion de débattre ensemble.
Applaudissements
… pour mieux vous retrouver ici ! Vous le constatez, le chemin a été long, mais je suis désormais le Premier ministre de la France §sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Nouvelles exclamations sur les travées de l'UMP.) J’essaie de vous répondre, avec un peu d’humour si vous le permettez.
Dans la situation où nous sommes, ne pensez-vous pas que, sur un certain nombre de sujets cruciaux, nous pourrions de temps à autre faire un pas les uns vers les autres ?
L’opposition actuelle a gagné les élections municipales.
C'est une élection locale, et non une alternance. C'est l’honneur du Président de la République de tenir compte du message des électeurs.
Vous avez perdu des élections en 2008, mais vous n’avez pas tiré les leçons du message alors délivré. §Vous savez ce qui est arrivé en 2012, pour n’avoir pas changé de politique ni entendu ce que les Français vous avaient dit quatre ans plus tôt.
Eh bien nous, parce que nous gouvernons avec le sens des responsabilités, et parce que nous voulons entendre le message des Français, …
… nous pensons aussi – j’en suis profondément convaincu – que, dans le dialogue entre la majorité et l'opposition, entre la gauche et la droite, …
M. Manuel Valls, Premier ministre. … entre le Gouvernement et le Parlement, nous pouvons sans doute, les uns et les autres, changer d’attitude, oublier de nous interrompre en permanence au Parlement, être capables de nous écouter !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.
Permettez-moi de vous dire, à la suite de l’une de vos remarques, qu’il est au fond assez normal et logique, à cette tribune, que le Premier ministre actuel puisse saluer le travail que Jean-Pierre Raffarin a fait dans ce domaine…
M. Manuel Valls, Premier ministre. … et dans bien d’autres. (Applaudissementssur quelques travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l'UMP.) Cela fait partie des mœurs politiques qui pourraient évoluer pour être un peu plus civilisées, car les Français n’acceptent plus ces batailles de chiffonniers au Parlement, ces invectives, cette manière de faire de la politique !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que
Dans les zones les plus urbanisées, un certain nombre de compétences de proximité doivent pouvoir être directement exercées par les intercommunalités.
Je ne pense pas que nous puissions en rester au statu quo.
J’ai posé la question de l’avenir des conseils départementaux parce que je pense qu’il faut, à terme, aller vers plus de simplicité, vers l’attribution de leurs compétences à d’autres collectivités. Et donc je pense, je l’ai dit, à leur suppression. Cela passe par un long débat. J'ai indiqué l’horizon de 2021. Il y a les élections en 2015, il y a les échéances nationales de 2017. Les termes du débat seront posés sur tous les bancs, dans toutes les formations politiques – ce débat les traverse, qu’elles appartiennent à la majorité ou à l’opposition.
Des propositions sont allées dans ce sens, des débats existent déjà. Ouvrons le débat.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Y a-t-il un problème au débat ? Ce débat durera plusieurs années, mais posons-le car beaucoup de Français se le posent et il nous appartient de les éclairer. Des délais juridiques sont nécessaires, rien ne se fera dans la précipitation. Il faut prendre ce temps
M. Francis Delattre s’exclame.
Je vais jusqu'au bout : si nous procédons à des suppressions ou à des regroupements, en tout cas si nous faisons en sorte qu’il n’y ait plus qu’une dizaine de grandes régions, alors, avec l’émergence des métropoles et les progrès de la carte de l’intercommunalité, la question des échelons intermédiaires et du rôle du département se posera. Nous l’avons déjà dit, le rôle d’un département n’est pas le même dans une grande métropole que dans un territoire rural ! §
M. Manuel Valls, Premier ministre. Donc, bien évidemment, ces questions devront être posées, et il était de ma responsabilité d’ouvrir de débat. D’autres pays l’ont ouvert. Vous me direz que la France n’est pas l’Allemagne, ni l’Espagne, ni l’Italie… Je sais, bien sûr, que l’on ne peut pas nous comparer à ces pays, qui ont d’autres traditions. Mais cet argument est souvent celui de l’immobilisme, alors que nous devons bouger, nous réformer, pour la France et pour ses territoires !
Applaudissements
Voilà donc, mesdames, messieurs les sénateurs, les pistes que je vous propose pour l’organisation de nos collectivités territoriales. Bien sûr, penser le développement des territoires, c'est aussi s'interroger sur le rôle et la place que l’État doit y tenir.
L’État, je le dis souvent, c’est la colonne vertébrale de notre nation. C’est lui qui a permis son essor ; c’est lui qui a garanti l’application de nos principes républicains sur l’ensemble du territoire et à destination de l’ensemble des citoyens, en métropole comme outre-mer.
L’État n’est pas un concept abstrait, c’est une réalité concrète, qui parle à nos concitoyens, notamment au travers des services publics, lesquels ne sont pas portés que par l’État – je pense bien sûr aux collectivités territoriales. Je veux rendre ici hommage, car on ne le fait pas assez, à nos fonctionnaires, aux agents des établissements et des entreprises publics, qui sont, pour les Français, le visage de l’État et des services publics.
Je l’ai dit hier, le maillage territorial des préfectures et des sous-préfectures reste essentiel. Bien sûr, il doit être adapté aux réalités de chaque territoire. Mais, là aussi, j’ai une conviction : ce sont les territoires les plus fragiles, les plus précarisés, notamment les territoires ruraux, qui nécessitent le plus la présence de l’État.
Réformer l’État, ce n’est pas déserter les territoires. Je souhaite au contraire que ce soit rendre l’État plus présent, rendre son action là aussi plus proche et plus lisible. Des solutions innovantes existent en ce domaine : je pense à la création de maisons de l’État ou de maisons de services au public associant les collectivités locales et les opérateurs de l’État.
Je l’ai déjà dit, une action publique efficace, ce sont des compétences claires.
La répartition des tâches entre les échelons départemental et régional est souvent confuse. C'est ce que l’on a appelé « le millefeuille » dont j’ai parlé, et tout cela nuit à la qualité du service rendu, à la proximité.
Les services déconcentrés de l’État ont une vocation : assurer la cohésion territoriale. Et je sais, là aussi, l’importance de l’échelon départemental pour l’État. Arrêtons de caricaturer : réformer l’État, ce n’est pas l’affaiblir, c’est le conforter là où les citoyens ont le plus besoin de lui.
Ces réformes, mesdames, messieurs les sénateurs, elles ne se feront pas sans vous. Elles ne se feront pas contre vous. Mais nous devrons avoir, ensemble, le courage de l’action.
J’ai appris à connaître votre Haute Assemblée en siégeant sur ces bancs en tant que ministre de l’intérieur. Je connais vos combats, vos engagements, votre exigence pour représenter au mieux les collectivités territoriales de notre pays.
Nous avons eu des débats parfois difficiles – je pense à la question du non-cumul des mandats. Mais, comme je vous l’ai toujours dit, je suis attaché à la Ve République et donc au bicamérisme – à ce bicamérisme équilibré à la française, modèle qui vous est cher, monsieur le président Bel. §
J’ai tenu à affirmer hier qu’une démocratie forte, c’est un Parlement respecté.
Le respect, c’est une obligation, c’est une évidence. Nos institutions sont fortes car elles ont su évoluer au fil des révisions constitutionnelles, au fil des réformes du règlement des deux chambres. Elles sont fortes aussi car elles ont fixé un cadre clair de relations entre l’exécutif et le Parlement. Le socle, c’est le respect des prérogatives de chacun, c’est le respect mutuel, dans le cadre d’un dialogue ouvert, franc et constructif.
Cette méthode, cette éthique du pouvoir, est nécessaire si nous voulons, ensemble, légiférer efficacement, dans l’intérêt de nos concitoyens.
Bien légiférer, c’est aussi se fixer des priorités.
Les priorités politiques doivent trouver une traduction concrète dans le calendrier parlementaire. Dans le plein respect des pouvoirs du Parlement, et notamment du droit d’initiative, les projets de loi qui seront déposés devront contribuer à la mise en œuvre des lignes directrices fixées par le Président de la République.
Une loi plus claire, moins bavarde, plus rare – cela a été souvent dit – : voilà aussi un outil de modernisation. Nous y gagnerons en lisibilité. Les Français nous le demandent. Et n’oublions jamais que la loi – vous le savez mieux que quiconque – est l’expression de la volonté populaire. Nous devons écouter les Français, entendre les attentes et, parmi elles, toujours privilégier l’intérêt général. Car c’est l’intérêt général seul qui garantit l’inscription de la loi dans la durée. La question est là : nous devons légiférer non pour les mois qui suivent, mais pour la décennie qui vient. Il y va même de l’autorité de la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons avoir des divergences, …
… c’est légitime. Mais je crois que nos priorités sont communes : le redressement de notre pays, sa place en Europe et dans le monde.
Nous aurons donc des débats, et c’est normal, mais nous trouverons ensemble des chemins communs. Je sais que c’est une ambition que vous partagez. Cette ambition, bien sûr c’est la mienne, c’est celle de mon gouvernement.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe. §
Monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon temps de parole n’étant que de cinq minutes, ne vous formalisez pas des formules quelquefois laconiques de mon intervention. L’effervescence des déclarations étant retombée, il nous reste à analyser non pas la forme mais le fond de la déclaration de politique générale de M. le Premier ministre.
D’abord, le constat, monsieur le Premier ministre, et je reprends vos formules : « aller à l’essentiel », « sans croissance, pas de confiance – sans confiance, pas de croissance », « sans entreprise, pas d’emploi », « la France est très endettée » – 30 000 euros pour chaque Français.
Je n’ai rien à dire sur le constat. Il y manque peut-être le pourquoi nous en sommes là : une France qui vit au-dessus de ses moyens, par l’assistanat, la surréglementation, la déresponsabilisation.
Ensuite, les propositions positives : comment ne pas être d’accord ? Tous les chefs d’entreprise vont apprécier la baisse des charges qui passe de 20 milliards d’euros à 30 milliards d’euros. Tous les salariés vont apprécier les 500 euros de plus par an.
Toutes les sociétés vont apprécier la suppression de la surtaxe d’impôt sur les sociétés ou de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S. Tous les travailleurs indépendants, les artisans vont apprécier la baisse de trois points de cotisations familiales.
Alors, comme dirait un humoriste, « pas belle la vie ? »
Évidemment, avant le discours, il manquait 50 milliards d'euros ; après, il manquera un peu plus de 70 milliards. Et encore, c’est sans compter le coût de la transition énergétique ! Mais je pense que nos concitoyens et nos entreprises auront l’occasion de le vérifier dans leurs factures.
Évidemment, l’État en prendra 19 milliards d'euros en charge. Comment ? Mystère...
Évidemment, nos collectivités locales seront « invitées » à participer pour 10 milliards d'euros, mais celles qui ne peuvent lever l’impôt et ont des dépenses obligatoires, je voudrais bien savoir comment elles vont faire… §
Je vous demande, monsieur le Premier ministre, si vous comptez recourir, comme votre prédécesseur, à la méthode qui a consisté, pour compenser l’élévation du revenu de solidarité active, le RSA, à proposer aux collectivités locales d’augmenter les impôts…
La vérité, c’est qu’il y a une impasse financière et que vous avez prévu non de diminuer la dépense mais de la déplacer.
L’ancienne majorité avait prévu de baisser les charges sociales mais avait par ailleurs prévu une augmentation de la TVA. Cela, c’était courageux.
Vous prévoyez la baisse des charges mais, pour les financer, il n’y a que des incantations. Alors c’est l’impasse ! Et là, comme toujours, dans ce cas, il faut faire diversion. La Catalogne, qui se rappelle à nous ce matin, a supprimé la corrida, monsieur le Premier ministre, mais il semblerait que vous ayez, quant à vous, gardé l’art de manier la muleta. §
Ainsi, ce sera la énième réforme territoriale.
Les intercommunalités, dont nous venons à peine de terminer la carte, seront invitées à recommencer dès 2018. Elles vont être ravies, et l’incertitude ainsi créée va certainement les aider à définir ce qu’elles doivent mettre en commun.
Les régions seront invitées à se réorganiser. Pourquoi pas ? Mais rien ne laisse penser que cela permettra de résoudre l’impasse financière à laquelle vous êtes confronté.
Pour les départements, on nous annonce un débat pour une éventuelle suppression en 2021 ; ce n’est donc pas là qu’il faudra trouver les économies de 2015. Et de toute façon, aujourd’hui ou demain, ce n’est pas là que seront les économies, parce qu’il y aura toujours autant de routes, de collèges, d’assistantes sociales, de RSA, d’allocation personnalisée d’autonomie, de handicap, de transports scolaires, etc. Et demain, si ces missions sont éclatées, elles coûteront bien entendu encore plus cher. Essayez d’imaginer la division du service départemental d’incendie et de secours entre toutes les collectivités : je pense que tout le monde peut mesurer ce que cela donnera en termes financiers !
Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué la nécessité de la confiance pour réussir. Je doute que cela soit le cas : comment avoir confiance, alors que vous contredisez les paroles prononcées il y a peu par le Président de la République sur le maintien des départements ? Celui-ci avait évoqué la suppression des départements dans le cadre des métropoles, mais garanti la continuité des départements en milieu rural. Alors, est-ce vous qui aurez raison ou la parole du Président de la République est-elle plus importante ? §
Comment avoir confiance dans votre capacité à assumer les besoins de financement liés aux allégements de charges alors que vous n’avez annoncé aucune baisse de dépense mais des déplacements de la dépense ?
Je suis pour ma part convaincu qu’il est possible de baisser les charges des entreprises, de faire participer les collectivités locales à l’effort de redressement, mais cela supposerait de ne pas charger la barque tous les jours par l’exigence normative, la complexité des règles et l’inflation législative. §
Je ne suis pas opposé à la maîtrise des dépenses publiques. Nous pourrions, par exemple, changer les règles que M. Sapin avait mises en place pour ce qui concerne la commande publique :…
… les 70 milliards d'euros de commande publique par an conduisent à des surcoûts de 20 % par rapport à la commande privée, …
… ce qui représente 14 milliards d'euros. Peut-être faudrait-il chercher les économies là où elles peuvent se trouver !
Tous les jours, nous aurons l’occasion de pointer du doigt les contradictions entre les discours et la réalité.
Oui, il aurait été souhaitable de rassembler les Français dans l’effort. Pour masquer vos impasses financières, vous avez choisi d’agiter les chiffons rouges et de diviser les territoires en glissant les petits cailloux dans les chaussures des autres.
M. Philippe Adnot. C’est une méthode qui peut faire illusion auprès de l’intelligentsia parisienne, mais pas auprès de nos concitoyens, qui ne seront pas dupes. La dure réalité, je le crois, va vous rattraper !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur de nombreuses travées de l'UDI-UC.
Mais ensemble, nous avons eu également de nombreux différends ; je n’ai jamais manqué de le dire depuis quelques mois. Et ensemble, nous n’avons pas encore écrit la page que l’on attendait de nous, celle du grand changement, écologique, social, démocratique de notre société, celle qui nous fera dire qu’il y a eu un « avant » et un « après ».
Prétendre redresser les comptes publics était louable – ça l’est toujours, naturellement. Seulement, le remède employé était pire que le mal.
Asphyxiées par la réduction drastique des commandes publiques, nos entreprises françaises n’ont pu soutenir la croissance que l’on attend d’elles. La rigueur ordonne des sacrifices, et que chacun prenne sa part, bien sûr, mais certains n’ont plus rien à offrir, quand d’autres s’alarment de voir leurs efforts s’évaporer dans un ralentissement économique hélas prévisible.
Nous l’avons dit, répété, crié au gouvernement sortant : ANI, CICE, TSCG, autant d’acronymes cruels qui pavaient l’enfer dans lequel vivent aujourd’hui trop de nos concitoyens. §Nous n’avons pas été entendus.
Nous n’avons pas été entendus.
Les Françaises et les Français ont joint leurs voix pour protester contre ces mesures, soit en boudant les urnes, soit en soutenant certaines de nos analyses. Eux non plus n’ont pas été entendus.
Car le discours du Président de la République a esquissé des lignes qui nourrissent toutes nos craintes. Voulant tenir fermement la barre dans la tourmente, notre capitaine semble ne pas voir peut-être qu’il nous enfonce davantage dans la tempête. Les promesses de changement étaient pourtant belles…
Aussi, monsieur le Premier ministre, comprendrez-vous dans ces conditions que nos ministres avaient peu d’alternatives et que les écologistes ont pris, en conscience, la décision de préférer, comme en amour, aux mots les actes. Vous comprendrez que nous avons notre propre cap.
Notre cap, quel est-il ? Il se fixe par les trois priorités de l’urgence écologique de notre époque.
Le productivisme, voilà le vrai ennemi ! Votre adversaire, le nôtre, monsieur le Premier ministre, n’a pas de nom, pas de visage. C’est celui qui transforme malheureusement en poison l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et tout ce que nous mangeons. C’est celui qui épuise nos ressources naturelles, nos biens communs, hypothèque notre avenir pour en tirer un bénéfice de court terme. L’ennemi, c’est cet égoïsme cupide, cette nouvelle barbarie qui épuise les femmes, les hommes, la nature, fait disparaître de la surface de la Terre en quelques années, quelques mois parfois, des organismes vivant depuis des milliers, voire des millions d’années.
Il n’y a point de prophètes dans l’histoire des écologistes, seulement des esprits trop clairvoyants, qui parfois auraient aimé se tromper. L’être humain est devenu un locataire dangereux sur cette planète. Dangereux pour toutes les espèces, y compris la sienne.
La Conférence sur le climat se tiendra bientôt à Paris ; elle devra être la démonstration de notre capacité à faire progresser ce combat dans les consciences comme dans les faits, de notre capacité à réparer notre environnement. Le choc environnemental n’est plus une chimère. Les réfugiés climatiques existent. Ils quittent leurs terres privées de pluie et donc de récoltes, à la recherche d’un espoir.
Des ingénieurs créent des robots pour remplacer les abeilles dans la pollinisation des plantes, et des apprentis sorciers réfléchissent à changer le climat en bombardant le ciel. Il faut agir, et vite. Dans ce climat difficile, je le dis avec grand plaisir, je suis rassuré par la nomination de Mme Ségolène Royal au ministère de l’écologie.
M. Jean-Louis Carrère applaudit. – Exclamations et sourires sur plusieurs travées de l’UMP.
La deuxième priorité, qui découle de la première, c’est notre économie. L’épuisement des ressources est une règle économique mondiale qui existe de longue date, mais elle n’a jamais été aussi violente. C’est elle qui détermine désormais les vainqueurs des vaincus, ceux qui emprunteront les chemins du rebond et de la relance, et les États qui s’enfermeront dans la spirale de l’échec. L’heure est aux choix. Osez faire renaître un État stratège, ou vous serez condamné à faire de fausses promesses aux salariés des secteurs moribonds !
La création d’un champion des énergies renouvelables annoncée par le Président de la République en janvier est un bon signal. Sera-t-il suivi d’effet ? Les économies d’énergie, vivier d’emploi formidable, feront-elles partie de ce chantier ?
Naturellement, les investissements pour traduire dans les faits un changement de cap réel nécessiteront des moyens, des moyens importants. Laissez-nous vous suggérer quelques pistes.
(M. Roger Karoutchi s’exclame.) et j’ai constaté que la fortune que possédait notre pays hier continuait de nourrir la démesure de certains élus aujourd’hui. Cessons de dilapider des millions dans les études pour de grands projets inutiles, qu’il s’agisse de lignes à grande vitesse qui coûtent des milliards pour gagner quelques minutes
Mme Hélène Lipietz et M. Joël Labbé applaudissent.
J’ai eu l’occasion d’être en charge des transports de la région Île-de-France §, d’aéroports, de la ligne Lyon-Turin ! §Voilà la réalité ! Vous voulez faire des économies, nous vous en trouvons !
Vous voulez faire des économies sur la sécurité sociale ?
Intervenez sur le prix des médicaments, et renoncez à confier les deniers publics à une quelconque « main invisible » censée faire des prodiges !
Notre troisième et ultime priorité, c’est le ciment de notre société : la République – un thème qui vous est cher, monsieur le Premier ministre. Exemplarité, sobriété, parité, diversité, non-cumul des mandats : cela aura pris deux ans pour moraliser et apaiser la vie politique, mais ce n’est pas seulement de cela qu’il s’agit.
Lorsque les peuples souffrent, « l’apartheid social » se renforce et se fait davantage sentir. Vivre ensemble, réussir ensemble : tel doit être le mot d’ordre qui doit guider notre action, dans l’éducation, dans les politiques de solidarité, de promotion de la diversité, de lutte contre les inégalités sous toutes ses formes, en particulier dans le domaine de la culture.
Vous avez cité la fin de vie dans la dignité, c’est un sujet qui nous préoccupe également pleinement, sur toutes les travées de notre hémicycle.
Enfin, notre époque appelle de nouvelles « Lumières ». Osons, vous l’avez dit hier, le pouvoir législatif pour les collectivités territoriales ! Osons la proportionnelle, qui est un engagement du Président de la République, et le renforcement du contrôle démocratique de notre Parlement !
Osons des communautés et des régions puissantes, au cœur d’une Europe qui attend qu’elles se fassent leur place ! Une Europe, mais pas celle d’aujourd’hui ! Pas celle du traité transatlantique, qui entend supprimer la capacité de notre peuple à défendre des exigences environnementales, sociales, sanitaires.
Une Europe qui protège les peuples, qui protège les droits, qui protège l’environnement.
Ce cap, monsieur le Premier ministre, vous le connaissiez et, depuis hier, vous avez formulé de nombreuses propositions dans ce sens : rendre à l’écologie l’importance qu’elle mérite, engager vraiment la transition énergétique, avancer sur la décentralisation ou encore mettre en œuvre la proportionnelle, ainsi que le scrutin direct pour les intercommunalités
Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe écologiste.
La réforme des collectivités que vous avancez bénéficiera de notre soutien total et vigilant
Ah ! sur les travées de l'UMP.
Même mouvement.
… et vous nous donnez raison. Merci, monsieur le Premier ministre !
Vous qui connaissez notre attachement profond au parlementarisme, vous avez avancé des pistes pour une méthode totalement renouvelée : fin des textes ficelés à l’avance, mise en place de groupes de travail, davantage d’écoute sur le travail d’amendements des assemblées. Ces garanties de nous associer aux décisions ont été particulièrement bien reçues à un moment où les écologistes concentrent, de fait, toutes leurs forces sur le pouvoir législatif.
Je vois dans ces pas vers nous l’amorce d’une orientation différente, sur la forme comme sur le fond, de ce qui fut au cœur de l’action de ces vingt et un derniers mois.
La distance que nous avons prise sera-t-elle provisoire ?
Ah ! et marques d’ironie sur les travées de l'UMP.
Serez-vous le gouvernement de la transition énergétique, la vraie, celle qui créera les emplois que nos concitoyens attendent, celle qui luttera contre le dérèglement climatique, cette gigantesque épée de Damoclès ?
Ou bien serez-vous le gouvernement qui continuera de dilapider plus de 3 milliards d’euros par an sur le nucléaire militaire au lieu de les mettre sur la santé, l’agriculture saine, les transports publics ?
(Pire ! sur les travées de l'UMP.) Ou bien serez-vous le gouvernement qui écrira une nouvelle page dans l’histoire de l’industrie française ? Une page évidemment écrite en vert.
Marques d’ironie sur les mêmes travées.
Serez-vous le gouvernement de l’inertie ou du communautarisme économique qui écoute « pigeons » et « bonnets rouges » ? §
La question, monsieur le Premier ministre, peut se résumer ainsi : serons-nous les témoins d’un déclin français ou les acteurs du réveil de la confiance d’un peuple durement malmené depuis une dizaine d’années ?
À vous d’en décider.
Un grand Premier ministre a dit un jour lors d’un discours de politique générale…
… si le discours et l’action étaient réconciliés. C’était en 1988 et il s’appelait Michel Rocard ; vous étiez déjà, monsieur le Premier ministre, auprès de lui.
Ah ! sur les travées de l'UMP.
… vous n’aurez de notre part ni blanc-seing ni procès d’intention ; ni carton rouge ni carte blanche. Nous ne verrons que les actes et les faits.
Aussi, faites mentir nos inquiétudes, faites taire les esprits chagrins.
M. Jean-Vincent Placé. Osez ce nouveau contrat écologique et social. Osez ces grandes réformes dont la France a besoin. Elles vous permettront de retrouver la confiance entamée des écologistes – ce n’est probablement pas l’essentiel aujourd’hui – et surtout celle d’un peuple qui, comme nous, n’est ni dans la défiance ni dans la méfiance, mais clairement dans la vigilance et dans l’exigence, au seuil d’une confiance qui ne demande qu’à être totale et enthousiaste !
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.
M. Jean-Claude Gaudin . Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, moins de deux ans après son élection, le Président de la République a pris acte de la sanction très ferme et très forte que les Français lui ont infligée à l’occasion des élections municipales, dont il s’était d’ailleurs occupé personnellement, comme à Marseille, avec le succès que l’on sait !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.
Après le départ de Jean-Marc Ayrault, nous voilà donc avec un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement. Nous sommes intéressés, monsieur le Premier ministre, et nous vous avons entendu aujourd’hui. Cette fois-ci, vous ne venez pas – encore que cela ait un peu dérapé – nous parler de changement de mode de scrutin ou de redécoupages électoraux, mais de votre projet pour « redonner confiance » et « retrouver la croissance ».
Les commentaires sur la composition du Gouvernement, son profil « combat », les deux nouveaux ministres et les anciens, l’équilibre entre les courants socialistes, les Verts qui en sortent, les Hollandais qui rentrent, le « duo de Bercy »
Sourires sur les travées de l'UMP.
Cela pour dire tout simplement que la première condition pour le succès du remaniement et celui de votre action gouvernementale, c’est que le Président se soit remanié lui-même
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Daniel Dubois, Jean-Léonce Dupont et Joël Guerriau applaudissent également.
La totale déception des électeurs qui avaient voté à gauche en 2012 ainsi que la colère et l’exaspération de tous les Français signent l’empreinte démocratique de l’échec politique du Président.
C’est cela – vous l’avez même évoqué – que beaucoup de maires, qui avaient parfois géré leur ville dans le cadre d’un socialisme municipal, ont payé de leur défaite électorale à la place du Président de la République. §
Je pense en particulier à la loi sur les métropoles qui va notamment être mise en œuvre à Marseille le 1er janvier 2016, ou encore à la loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.
On peut même dire que le 31 mars 2014, le Président de la République a pris la première décision courageuse de son quinquennat. Il reste pourtant à savoir quelle est l’ampleur réelle de ce remaniement présidentiel. Il me semble que c’est lui qui avait inventé cette expression à destination du Président Sarkozy, après notre défaite aux municipales de 2008.
L’histoire est souvent cruelle, surtout en politique. Cruel aussi est le regard dans le rétroviseur des deux dernières années. Le 4 juillet 2012, à cette même tribune, votre prédécesseur nous présentait son programme de politique générale avec le débat traditionnel, le certificat de baptême de tout Premier ministre, comme vous le faites vous-même aujourd’hui.
Dans ma réponse, au nom de mes amis, au nom du groupe UMP de la Haute Assemblée, je m’étais permis de lui dire : « Votre victoire vous oblige, la crise vous contraint, mais votre programme vous condamne ! […] Votre programme est un boulet que vous allez devoir traîner. La seule solution, votre seule chance, c’est de ne pas l’appliquer ».
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.
Les résultats ont été à l’envers des promesses, parce que la politique a été à l’envers des réalités. Et cette fois-ci, le parapluie de l’héritage n’existe plus. L’héritage, c’est vous ! §
Aussi, aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, j’aurais envie de vous dire que la seule chance de la France serait de vous débarrasser de tous les oripeaux idéologiques de la gauche antédiluvienne
M. Roland Courteau s’exclame.
Débarrassez-vous des gadgets, des marqueurs censés plaire à une frange de votre électorat comme la taxe à 75 %.
Et surtout, débarrassez-vous d’une politique sans priorité réelle, au-delà des mots et de l’affichage, sans courage, sans réforme et sans résultat.
Surtout, débarrassez-vous des contradictions, des contresens, des couacs permanents.
Surtout, débarrassez-vous aussi de l’excuse qui met sur le dos du monde et de l’Europe des problèmes qui sont des problèmes français. Aussi longtemps que l’on continuera à penser que c’est la faute des autres, on n’y arrivera pas.
Surtout, rompez avec les réformettes en demi-mesure, les réformettes sans envergure qui ont raté leurs objectifs. Nous voulons maintenant de vraies réformes – vous les annoncez, nous verrons –, celles du marché du travail, de la formation professionnelle, de l’apprentissage – totalement abandonné –, des retraites, de l’assurance chômage. C’est-à-dire remettez sur le métier les dossiers essentiels.
Nous aurions envie de croire que vous allez faire tout cela. Mais nous ne le croyons pas. En tout cas, pas encore, pas à partir de votre seule déclaration de politique générale et surtout pas à partir des déclarations de votre majorité parlementaire. Car, à supposer que le Président se soit effectivement remanié, que le Gouvernement soit réellement remanié, rien ne montre aujourd’hui que votre majorité parlementaire se soit également remaniée.
À moins que ce soit vous, monsieur le Premier ministre, qui vous soyez remanié en François Hollande, auquel cas, c’est l’échec garanti.
Nous sommes inquiets.
Nous sommes inquiets de votre discours sur le « redressement » qui serait en cours. Cela est courtois à l’égard de votre prédécesseur, surtout à l’égard du Président, mais ce n’est pas vrai. Et les Français ne vous croient pas, tout simplement parce qu’ils constatent le contraire dans leur situation quotidienne, y compris sur l’insécurité croissante, que vous avez vous-même évoquée. Il n’y a pas de redressement en cours, seulement une aggravation de la situation. §
Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui le démontrent, s’agissant du chômage, de la croissance, des déficits, du commerce extérieur, du matraquage fiscal sans précédent sur les ménages et les entreprises.
M. Jean-Claude Gaudin. Depuis deux ans, 1 000 chômeurs de plus par jour et tout cela avec des impôts qui ne servent à rien ! La situation de la France est plus difficile qu’en mai 2012
M. Roland Courteau s’exclame.
Nous sommes inquiets quand nous entendons les déclarations officielles sur le nouveau délai demandé à Bruxelles, le troisième, afin de reculer encore la date à laquelle la France devra revenir aux 3 % de déficit.
Est-ce une nouvelle manœuvre pour gagner du temps – ou en perdre –…
… et ne pas faire les réformes que tous les autres pays ont faites ou sont en train de faire ?
Est-ce l’éternelle défausse vers le bouc émissaire européen qui ne fera que creuser encore le fossé entre les Français et l’Europe, alors que l’euro et l’Europe nous protègent ?
Nous sommes inquiets parce que nous craignons que rien ne change vraiment. Après l’annonce du pacte de responsabilité le 31 décembre dernier par le Président de la République, après sa conférence de presse du 14 janvier suivant, après de multiples réunions ou conférences, rien n’est encore clair sur le dispositif.
À celui-ci vient maintenant s’ajouter celui du « pacte de solidarité », qui renforce encore le mystère, c’est-à-dire la politique du flou et de la contradiction permanente, malgré les diverses mesures techniques et les différents calendriers que vous avez évoqués hier comme aujourd’hui.
Nos concitoyens exigent de la clarté et de la précision. Ils exigent de savoir ce que cela veut dire, ce que cela va changer. Ils en ont assez d’entendre des formules toutes faites, des promesses non suivies d’effets. Les Français veulent des actes, des actes forts ; ils veulent aussi des résultats. Les Français veulent la vérité.
Nous sommes inquiets parce que nous ne voyons ni changement de cap ni décision ambitieuse, susceptible de corriger profondément le décrochage que connaît actuellement notre pays. Vous êtes au pied du mur, mais vous n’assumez pas une vraie rupture. Vous restez, monsieur le Premier ministre, dans la continuité d’une politique qui a échoué depuis deux ans.
Selon nous, un autre chemin, une autre politique doivent être suivis, qui permettent aux entreprises de créer des emplois en France, car il n’y a qu’elles qui puissent le faire, il n’y a qu’elles qui créent de la richesse.
Maintenant que vous osez le dire, monsieur le Premier ministre, sachez en tirer toutes les conséquences.
Oui, nous devons aller plus loin en matière de réduction des dépenses. Non pas pour le plaisir de réduire les déficits, mais pour rétablir notre souveraineté. En France, ceux qui travaillent vivent de moins en moins bien : voilà le drame ! Ils ont le sentiment de payer toujours plus pour les autres et de gagner toujours moins. Donnons un sens à la réduction des déficits : faisons-le librement, et non pas sous la pression de Bruxelles. Rétablissons une sécurité sociale qui soit non pas un chèque en blanc, mais un projet de solidarité.
Recentrons également notre État sur ses fonctions régaliennes. Il faut reconstruire un État fort et respecté, qui se concentre sur ses fonctions essentielles.
J’ai cru comprendre, monsieur le Premier ministre, que vous souhaitiez, dans un passé récent, « déverrouiller les 35 heures ». Voilà une bonne intention ! Maintenant que vous êtes Premier ministre, vous pouvez passer à l’action. §
Mais, je le répète, nous sommes devant un changement dont nous craignons qu’il ne change rien, un changement seulement calibré pour gagner du temps, dans l’attente d’un hypothétique miracle. Nous posons ces questions fondamentales : qu’est-ce que François Hollande veut faire de la France ? Quelle est son ambition pour le pays ? Surtout, quelle est la capacité du Président de la République et de son Premier ministre à résoudre la quadrature du cercle, c’est-à-dire à faire adhérer les Français à une politique qu’ils ont massivement rejetée et qui est l’inverse de celle que réclame la majorité de la majorité parlementaire ? Les Français se posent également ces questions, avec une certaine angoisse. Mais, pour l’instant, ils n’ont pas de réponse.
Or il y a urgence, monsieur le Premier ministre. Vous l’avez dit, les jeunes quittent notre pays, de plus en plus nombreux, parce qu’ils pensent qu’on ne peut plus réussir en France. §On ne peut pas laisser la France perdre ses forces vives et ses futurs talents. C’est un sujet grave, qui représente une menace pour notre pays. Seul un changement profond de votre politique économique peut redonner espoir aux jeunes.
D’autres gestes ciblés doivent également être faits, des gestes à même de répondre au mécontentement des Français.
Je pense, tout d’abord, à la réforme des rythmes scolaires. §Face à l’opposition des élus locaux de tous bords, …
… vous souhaitez assouplir cette réforme. Vous restez pourtant dans la continuité de ce qui a été fait en prétendant qu’il s’agit d’une bonne réforme.
Les communes ne peuvent pas faire face à des dépenses lourdes – plus d’un milliard d’euros –, que l’ancien gouvernement n’a jamais voulu reconnaître.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Autre réforme emblématique à retirer d’urgence : la réforme pénale de Mme Taubira. §
Si nous admirons le talent oratoire et la force de conviction de Mme Taubira, …
… nous ne sommes nullement d’accord avec ce qu’elle propose : un désarmement pénal sans précédent.
En tant que ministre de l’intérieur, vous aviez combattu cette réforme ; en tant que Premier ministre, vous devez la retirer ! §
Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué, bien sûr, ces fameux 50 milliards d’euros de baisse des dépenses publiques en trois ans. À eux seuls, pourtant, ils ne suffisent pas pour atteindre l’objectif de 3 % de déficit public. De quoi s’agit-il ? Qui va payer ? Vous nous dites que l’effort sera partagé par tous.
À ce propos, vous nous parlez d’une baisse des dotations versées par l’État aux collectivités territoriales d’un montant supérieur à 10 milliards d’euros d’ici à 2017. Je vous rappelle que cette baisse s’ajoutera à celle que nous connaissons déjà cette année.
À titre d’exemple – je me suis fait communiquer ces chiffres ce matin –, Marseille subira une baisse de 8 millions d’euros de sa dotation globale de fonctionnement.
Monsieur le Premier ministre, vous vous rendez compte que, si nous voulons conserver le niveau de développement de nos territoires, cette mesure implique une hausse des impôts locaux. En outre, il ne faut surtout pas oublier que ces dotations de l’État constituent, pour l’essentiel, des contreparties aux compétences et aux charges transférées aux collectivités territoriales par les lois de décentralisation. Une telle baisse des dotations serait également une véritable catastrophe, non seulement pour l’investissement des collectivités territoriales, qui représente, vous le savez parfaitement, les trois quarts de l’investissement public, …
… mais aussi pour l’entretien des équipements.
Plus généralement, il reste des points importants à trancher en matière de décentralisation.
Chacun sait qu’il faut continuer à réformer notre organisation territoriale. Nous avions tenté de le faire, …
Cette réforme passe notamment par la répartition des compétences et la question, que vous avez évoquée, monsieur le Premier ministre, de la cohabitation entre les régions et les départements.
Je pense aussi à la place de la commune et au développement de l’intercommunalité. Je précise, mais vous l’avez déjà compris, que nous sommes profondément attachés à la pérennité de nos communes. Nous sommes également très attachés à ce que la décentralisation n’aboutisse pas à une opposition entre les pouvoirs publics locaux et l’État.
Bref, tout est dans le rapport de la mission présidée par Jean-Pierre Raffarin, rédigé par notre collègue socialiste Yves Krattinger. Ce travail s’articule autour de trois principes majeurs, qui forment le socle de la réflexion du Sénat en la matière.
Premier principe : la pérennité du département, ce qui est contraire à vos annonces. Le groupe UMP est totalement opposé à la suppression du département qui, pour nous, doit être un espace adapté à l’expression démocratique de la ruralité. §
M. Jean-Claude Gaudin. D’ailleurs, pour supprimer le département, il vous faudra passer par une réforme constitutionnelle, qui requiert d’obtenir la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par le Congrès. Or vous ne l’avez pas !
Applaudissements et sourires sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC.
En outre, je crois me souvenir que le Président de la République, à l’occasion de ses vœux à Tulle, le 18 janvier dernier, s’était prononcé contre cette suppression.
Chiche, monsieur Carrère ! Vous verrez, vous n’allez pas être déçu du résultat.
Le deuxième principe repose sur la création de grandes régions à taille européenne.
Le troisième principe, enfin, s’attache au respect de la subsidiarité entre les communes et les intercommunalités.
Mais il ne faudrait pas que cette réforme de structure soit le bouc émissaire commode de toutes les impérities gouvernementales et masque l’impuissance à aborder les autres réformes fondamentales.
Monsieur le Premier ministre, dans la situation grave que connaît la France, votre tâche n’en est que plus importante et difficile. Dans votre déclaration de politique générale, dans vos explications aux Français, il y a le fond et la forme, il y a l’arbre et la forêt, ou plutôt l’arbre qui cache la forêt.
Sur la forme, on peut reconnaître et saluer votre maîtrise de la communication et votre expertise des rouages gouvernementaux. On comprend votre préférence pour un gouvernement resserré, surtout quand on se souvient de la « machine à couacs » que constituait l’équipe précédente ! §
Mais l’arbre – la forme –, aussi droit soit-il, cache une forêt épaisse et indéchiffrable, un taillis confus et broussailleux : une politique encore indéfinie, indéterminée, et, malgré quelques annonces de baisses d’impôts et de charges, une collection de points d’interrogation.
Votre politique sera-t-elle celle des vraies réformes ou des nouveaux atermoiements ? Sera-t-elle celle des vraies économies ou des nouvelles dépenses impossibles à financer ? Sera-t-elle celle du déficit et de la dette, comme nous l’avons compris ?
Sera-t-elle celle de la vérité dite aux Français ou du déni de réalité perpétuel ?
Le rôle des sénatrices et des sénateurs du groupe UMP est de représenter les Français qui n’ont pas voté pour le Président de la République et pour sa majorité parlementaire, mais aussi tous les Français déçus, en colère, exaspérés.
Sachez cependant, monsieur le Premier ministre, que nous saurons soutenir, le moment venu, toute réforme qui serait courageuse et indispensable dans l’intérêt de la France, tant la gravité de la situation nationale l’exige.
Monsieur le Premier ministre, j’en arrive à ma conclusion. Un jour, hors campagne électorale, vous m’avez demandé comment je faisais pour durer aussi longtemps. §Il est vrai qu’il y a trente-six ans que je siège au Parlement de la République. Alors, je le dis avec humour – vous nous avez incités à en faire preuve –, permettez-moi une suggestion : quand vous vous adressez au Sénat, maîtrisez votre ardeur, dissipez vos alarmes, puisque vous nous annoncez un destin plein de charmes ! Nous verrons bien !
Cela dit, monsieur le Premier ministre, si vous nous aviez demandé de nous prononcer sur votre déclaration – vous avez tout à fait le droit de ne pas le faire –, les membres du groupe UMP ne vous auraient pas accordé leur confiance. §
Monsieur le Premier ministre, je tiens d’emblée à vous remercier pour les vœux de rétablissement que vous avez adressés hier à notre ami Jean-Louis Borloo. Cette attention vous honore.
À mon tour, je vous souhaite une bonne dose de courage et d’abnégation.
Je vous souhaite même de réussir.
Pendant vingt-trois mois, le gouvernement précédent est resté comme stupéfait par l’ampleur de la tâche. Le Président de la République s’est déconsidéré par son immobilisme. Il y eut rarement un tel fossé entre la parole politique et les actes. La défiance mine notre société et notre pacte républicain. C’est vrai, la France a besoin de changement, la France a besoin de modernité. Ce que votre prédécesseur n’a malheureusement pas su accomplir, c’est vous qui devrez le réaliser.
Michel Rocard, que vous connaissez, l’avait bien dit : ce qui compte, c’est ce qui est dit, ce n’est pas celui qui le dit. Nous, sénateurs centristes, avons entendu votre message, et, comme nous avons eu l’occasion de le prouver ces derniers mois, nous jouerons, nous aussi, le jeu d’une opposition constructive, ouverte au dialogue.
Malheureusement, notre position ne saurait masquer les inquiétudes suscitées par votre déclaration.
Elle est ambitieuse et même presque séduisante. Votre constat est souvent pertinent. Mais que d’interrogations sur le fond et sur la forme !
Depuis plusieurs jours, vous utilisez à satiété la métaphore d’un « gouvernement de combat ». J’ai donc quatre questions à vous poser, monsieur le Premier ministre.
Première question : qui sont vos combattants ? L’ancienne équipe gouvernementale n’a pas été renouvelée.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Les Français sont lassés de voir un gouvernement au service d’un parti.
Mêmes mouvements.
Vous avez déclaré que le sort de notre pays valait mieux que la victoire d’un camp sur l’autre. Comment se fait-il alors que votre commando ressemble autant à un bureau national du parti socialiste ? §
Aujourd'hui, c’est le vôtre, mais cela pourrait tout aussi bien être un autre.
Ce gouvernement n’a pas été capable d’intégrer le moindre représentant de la société civile parmi ses ministres, mais il vient opportunément d’accueillir le premier secrétaire du PS, …
Belle promotion au mérite et beau gage de réussite ! Permettez-moi de vous demander où sont les indices d’alliance, d’ouverture et de diversité dans votre gouvernement.
Vous voilà pris au piège d’une première contradiction. Comment comptez-vous appliquer votre programme si vous devez à chaque fois, pour chaque texte, donner des gages à l’aile gauche de votre parti, …
M. Jean-Louis Carrère. Le Gouvernement n’en aura pas besoin ! Il aura suffisamment d’alliés !
Mouvements divers.
Justement, vous n’avez plus, ou presque plus, d’alliés !
Les communistes refusent toujours de partager la solidarité gouvernementale, pour des raisons respectables.
Et c’est maintenant au tour des écologistes de ne plus vouloir subir l’indécision du Président de la République !
Pourtant, vous leur avez beaucoup, et même presque tout donné.
Deuxième question : qui sont vos adversaires ?
Vous aimez avoir des adversaires. Il est vrai qu’en politique l’adversité peut produire des avantages.
L’ennemi du Président de la République n’était-il pas la finance ? Aujourd'hui, qui est-ce ? L’assistanat ? Les « méchants Européens » ? Les collectivités territoriales ?
Je crois surtout que votre principal ennemi, …
… c’est vous-même !
En promettant un « gouvernement de combat », le message que vous adressez aux Français, c’est : « les socialistes ont perdu par manque de pédagogie ». Mais vous est-il venu à l’esprit que c’était le fond de votre politique qui était en cause ?
Cela fait vingt-trois mois que vous promettez le changement, le redressement et la justice alors que l’on ne voit partout qu’hésitation et absence de cap ! Vous balayez les critiques d’un revers de la main en accusant la majorité précédente ou je ne sais quel bouc émissaire. Hier encore, vous en êtes venu à critiquer la Banque centrale européenne !
Monsieur le Premier ministre, votre politique doit être changée. Ce n’est pas une opération de marketing politique que nous attendons. Ne vous trompez pas d’ennemi. Je crains que le principal obstacle à la réforme ne soit – d’ailleurs, vous le savez vous-même – votre propre majorité, certains membres de votre gouvernement compris…
Troisième question : quels sont vos objectifs de guerre ?
Je commencerai par saluer la révolution intellectuelle que vous venez d’introduire à gauche. Vous semblez avoir compris, et je n’ai pas de doute en ce qui vous concerne, que la diminution du chômage ne se décrétait pas à coup d’emplois aidés ou de postes dans la fonction publique. Vous comprenez enfin que la stimulation de la croissance permet de gagner la bataille. Vous donnez enfin des gages aux entreprises. Vous revenez également sur le tourbillon fiscal qui vous a emporté ces vingt-trois derniers mois.
Notre pays a besoin d’innovation, de sécurité juridique, de stabilité fiscale et de simplification normative avant tout. Faites confiance à l’entreprise ! Faites confiance au génie français, dont vous avez à juste titre fait l’éloge.
Quatrième question : quel est votre plan de bataille ?
La besace des réformes structurelles annoncées est, permettez-moi de le dire, bien maigre. Où est la réforme de la retraite à points ? Où est la réforme de la fonction publique ? Où est encore la réforme du marché du travail ? Avons-nous entendu parler des 35 heures, en particulier dans la fonction publique ?
Deux points ont, il est vrai, retenu notre attention : le pacte de responsabilité et la simplification du millefeuille territorial.
Sur le pacte de responsabilité, je le dis sans détour, nous ne sommes pas convaincus, ni sur la forme, ni, surtout, sur le financement.
Concernant la forme, l’équation est assez simple.
Il s’agit de supprimer une partie des charges dues par les entreprises en contrepartie d’une répercussion intégrale des fonds ainsi dégagés en faveur de l’emploi. C’est très séduisant ; nous partageons totalement cette vision des choses. Mais, là encore, votre discours tient plus d’un habile tour de magie à venir que de l’engagement politique.
Sur le financement, vous avez été un peu rapide.
Le pacte doit être financé, avez-vous dit, par 50 milliards d’euros d’économies sur la dépense publique. Cela ne nous a pas échappé, vous avez évoqué 19 milliards d’euros pour l’État, 10 milliards d’euros pour les collectivités et de 10 milliards d’euros pour l’assurance maladie. Où sont les 11 milliards d’euros restants ?
Ce n’est pas rien !
D’ailleurs, le chiffre de 11 milliards d’euros cela sera certainement à revoir à la hausse, puisque vous entendez, et cela nous intéresse, supprimer la C3S, la surtaxe de l’impôt sur les sociétés et même baisser celui-ci de 3 % !
Aussi serait-il heureux que vous présentiez devant la représentation nationale le détail de ces milliards miraculeux que vous comptez trouver. Comptez-vous par exemple revenir sur l’application unilatérale des 35 heures dans la fonction publique ? De notre point de vue, cela serait légitime et opportun. Mais, si c’est le cas, dites-le aux Français, notamment à ceux qui travaillent dans la fonction publique !
Par ailleurs, d’après ce que nous avons entendu, votre pacte ne permet de réaliser aucune économie.
En effet, ce que vous allez gagner en économie sera dépensé pour créer un mécanisme d’emplois aidés à grande échelle au sein même des entreprises. En réalité, vous ne faites que fiscaliser une branche de la sécurité sociale. Nous n’y sommes pas opposés. Mais vous faudra-t-il 50 milliards d’euros en plus des 50 milliards d’euros déjà nommés pour revenir à l’équilibre et respecter nos engagements européens déjà bafoués par votre prédécesseur ? Je le rappelle, 50 milliards d’euros plus 50 milliards d’euros, cela fait 100 milliards d’euros !
Quelle sera, quelle est aujourd'hui notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens ?
En outre, votre pacte méconnaît la réalité du fonctionnement d’une entreprise.
Vous, vous le savez. Vous savez que l’embauche ne repose pas uniquement sur la baisse des charges. Une entreprise qui embauche, c’est d’abord une entreprise qui croit en son avenir. C’est une entreprise qui investit, qui innove.
À cet égard, je regrette qu’aucun de vos seize ministres n’ait travaillé durablement en entreprise.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, et Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, le contestent.
Connaissez-vous l’angoisse de l’artisan, du patron de PME, du dirigeant de groupe industriel devant les factures à payer, les charges et les salaires à verser quand l’activité décline ?
Enfin, le défaut principal de votre pacte – c’est la différence majeure avec la TVA sociale que nous défendons depuis plus de dix années – concerne la liberté et la confiance.
Nous, nous faisons confiance aux entreprises, parce que nous croyons dans la liberté d’entreprendre. Et c'est pour cela que notre projet de TVA sociale laisse une totale liberté aux entreprises dans la gestion de leurs marges. Libre à elles d’embaucher, d’investir ou de faire de la trésorerie ! Ce qui compte, c’est la libération des forces vives de notre économie. Mais, là aussi, j’imagine que, au fond de vous-même, vous n’êtes pas si éloigné de notre vision.
J’en viens au second point qui a retenu notre attention, les collectivités territoriales. Vous le comprendrez, nous accueillons vos annonces avec une certaine circonspection.
Le Président de la République avait demandé un « acte III de la décentralisation ». Annoncé depuis la campagne de 2012, votre projet prend maintenant la tournure d’une tragédie en cinq actes.
Les options proposées hier peuvent constituer une base de discussion intéressante, mais que de temps à perdre à venir, que de vaines tergiversations à venir !
Votre calendrier a de quoi surprendre ! Vous voulez renverser la table. Soit ! Mais alors, pourquoi attendre sept années pour le faire alors que votre homologue italien – vous l’avez cité tout à l’heure – compte le faire en six mois ?
Comme le disait un fameux slogan, le changement, ce doit être maintenant ! Ne le renvoyez pas à un imbroglio d’échéances diverses qui renvoient au final l’image que rien ne se fera, puisque vous n’avez aucune assurance – c’est le moins que l’on puisse dire ! – de maîtriser votre projet au-delà de 2017.
Un gouvernement de combat qui prédit la fin du conflit avec un tel délai ne suscite guère l’enthousiasme. Un gouvernement de combat qui réintroduit la clause générale de compétence en janvier – ce n’est pas vieux ; vous étiez là à l’époque – pour la supprimer en avril n’est pas crédible !
M. Alain Fouché opine.
Car, je l’ai compris, vous assumez le travail de votre prédécesseur. D’ailleurs, vous participiez à son gouvernement.
Vous voulez créer des intercommunalités fondées sur des bassins de vie. Comment vous croire quand vous avez découpé les nouveaux cantons de nombre de départements en faisant fi de ce critère §pour privilégier les intérêts des sections locales de votre parti ?
Pourquoi nous avoir imposé de force le binôme cantonal quand vous nous annoncez la disparition des conseils départementaux ? §Vous allez maintenant expliquer aux Français qu’il faut élire l’an prochain des conseillers départementaux qui éteindront la lumière de leur collectivité. Ce n’est pas très motivant, ni pour les électeurs ni pour les élus ! Et l’on entendra une fois de plus un énième discours sur l’absentéisme ;…
… vous en serez responsable !
Vous attendez que les conseils régionaux vous proposent de fusionner. Cela fait dix ans que les vingt et un présidents de conseil régional de votre parti n’ont pas avancé d’un pouce à cet égard !
Vous avez beau jeu de reprendre aujourd'hui le rapport de nos appréciés collègues Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger. Mais vous prétendez faire confiance aux élus locaux tout en leur interdisant de participer à l’élaboration de la loi, et notamment de siéger dans leur assemblée, le Sénat. Franchement, on a du mal à suivre la logique !
Derrière l’effet d’annonce, il est à craindre que le soufflé ne retombe. Nous connaissons votre énergie, votre pugnacité. C’est finalement l’espoir des Français. Mais ils ne seront pas longtemps disposés à se satisfaire d’allers-retours et d’engagements qui ne vous engagent pas.
J’aimerais évoquer le monde rural, dont vous n’avez rien dit dans votre déclaration. §
Nous vous demandons d’organiser une « conférence de la ruralité contemporaine » qui nous permette de dépasser la césure entre monde urbain et monde rural, de sortir des clichés et de définir les axes de réussite.
Le reste de votre plan de bataille est marqué par le flou et le non-dit.
En matière de justice, qu’en est-il de la réforme pénale préparée depuis des mois par Mme Taubira ? Votre opposition à la ligne de Mme la garde des sceaux est bien connue. Or vous êtes désormais celui qui tranche.
Cette réforme est-elle enterrée, comme vous l’avez manifestement souhaité, ou simplement reportée ? De même, qu’en sera-t-il pour la réforme constitutionnelle du parquet ? Pourquoi n’avons-nous aucune réponse sur le sujet ?
Il en est de même sur l’écologie. Depuis le début du quinquennat, nous avons eu quatre ministres différents en deux ans, …
… 20 % de coupes budgétaires et aucun acte notable malgré deux conférences gouvernementales ! Comment pouvez-vous parler de transition énergétique ?
Je pourrais également évoquer l’Europe, mais je préfère m’en tenir là…
Le message adressé lors des élections municipales a été clair. Dans leur très grande majorité, nos concitoyens ont dit : « Stop ! Changeons de politique ! »
À vous maintenant de joindre les actes à vos engagements. Je fais le vœu sincère que vous y parveniez.
Toutefois, je regrette moi aussi que nous ne puissions pas voter sur votre déclaration. Certes, c’est votre droit d’en décider ainsi ; ce sont les institutions qui veulent cela. Mais je vous le dis avec tout le respect lié à votre fonction, monsieur le Premier ministre, devant d’aussi faibles garanties, nous n’aurions malheureusement pas voté la confiance. §
Monsieur le Premier ministre, si vous êtes parmi nous aujourd’hui, c’est parce que la politique du gouvernement précédent a été lourdement sanctionnée lors des élections municipales. Les électrices et électeurs ont signifié, par leur abstention ou leur vote hostile, leur volonté d’autres choix politiques et d’un changement rapide de cap gouvernemental.
Bien sûr, l’objectif n’était pas d’élire un président de la République ou de renouveler le chef de l’État, mais cet argument constitutionnel ne peut masquer la vérité des urnes, qui montre que le pouvoir présidentiel écrase et domine la Ve République.
Monsieur le Premier ministre, j’ai entendu les propos que vous avez tenus hier et je les ai lus avec attention. Toutefois, j’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé trace des causes ayant permis la victoire de 2012. Vous avez même poussé l’audace ou la provocation – mais peut-être était-ce de l’arrogance – jusqu’à rappeler votre intérêt pour le discours d’investiture de M. Fillon en 2007. Faut-il rappeler les propos de M. Hollande à l’égard des années Sarkozy-Fillon ? Faut-il rappeler les « Moi président », je ne ferai rien comme avant ? §
Notre interrogation est d’autant plus forte que, hier, au cours de votre réponse aux orateurs, vous avez interpellé l’opposition de droite, en rappelant la légitimité du pouvoir actuel, fondé sur cette élection de 2012.
Or, monsieur le Premier ministre, une légitimité n’est pas seulement institutionnelle, elle est aussi politique. Pour être légitime politiquement aux yeux de notre peuple, il faut respecter les promesses et ne pas les trahir sitôt élu, comme tant d’autres avant vous.
Et ne me dites pas : nos promesses étaient illusoires, nous ne connaissions pas la situation. Tel n’est pas le cas ! Toute personne parcourant la presse économique, toute personne ayant suivi les développements de l’économie depuis trente ans et, en particulier, depuis 2008, toute personne connaissant la domination des marchés, du « grand capital », …
… comme l’a dit hier un député au cours du débat qui s’est tenu après votre discours de politique générale, toute femme ou tout homme de gauche savait et sait que, pour réussir une politique de gauche, il faut – excusez-moi d’utiliser cette expression – « renverser les tables ».
Votre discours, monsieur le Premier ministre, et l’attitude du Président de la République, qui reste sourd au message des urnes, sont profondément inquiétants sur le plan démocratique. Que vaut le suffrage universel s’il n’est pas respecté, s’il est foulé aux pieds ?
Après les dures années Sarkozy, celles de l’indécence au pouvoir…
Cette rupture et encore moins ce changement ne sont pas intervenus. C’est, sur le plan économique et social, la continuité qui a prévalu. Dès le départ, François Hollande a claqué la porte à l’espérance en approuvant le traité budgétaire européen Merkel-Sarkozy. Ce traité, faut-il le rappeler, inféode les pays européens aux dogmes libéraux, placés sous la garde de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, la BCE.
La règle d’or, la soumission de la loi de finances au contrôle et à la validation des autorités de Bruxelles, bloque d’emblée toute volonté de changement, même infime. C’est cette orthodoxie libérale qui fonde la politique d’austérité. C’est la déclinaison, au fil des années, du traité de Maastricht qui place toujours et encore le pouvoir politique sous le contrôle direct des marchés financiers. C’est le dogme de la politique monétariste, assise sur un euro aux mains des marchés financiers, qui fonde l’austérité. Les peuples, les États, doivent retrouver la maîtrise de la politique monétaire. Et hier comme aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, nous avons noté votre silence sur l’accord transatlantique, qui met le marché européen sous le contrôle des États-Unis.
Nous le disons fermement : ne pas se libérer de ce carcan libéral rend illusoire toute affirmation de justice sociale et de défense de l’intérêt général. L’urgence, la priorité, c’est changer l’Europe, mettre en son cœur les idées de solidarité, d’égalité, de juste répartition des richesses et de démocratie.
La ratification du traité budgétaire a eu des conséquences immédiates : CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avec 20 milliards d’euros de cadeaux au patronat, sans aucun impact réel sur l’emploi ; volonté de réduire le « coût du travail », sans jamais s’attaquer au coût du capital, avec, à la clef, la remise en cause des droits des salariés ; absence de mesures en faveur du pouvoir d’achat ; remise en cause des droits à la retraite ; poursuite de la destruction de l’accès aux soins ; réorganisation de nos territoires aux normes européennes.
Comment s’étonner que cette politique d’austérité n’ait pas permis de redresser l’emploi, comme hasardeusement promis, mais ait au contraire fait exploser les chiffres du chômage ? Elle est le fondement de la déroute électorale : chômage, précarité, pourvoir d’achat en chute libre, insécurité sociale, jeunesse angoissée pour son avenir.
Le 14 janvier dernier, le Président de la République a annoncé sa volonté d’accélérer sa politique d’austérité et d’acter des décisions libérales, en présentant le fameux pacte de responsabilité. L’accord visant à accorder des cadeaux massifs au patronat, accompagné d’une casse historique du service public, avec la réduction des dépenses publiques à hauteur de 50 milliards d’euros et une diminution considérable des prestations sociales, a démontré que le chef de l’État avait fait son choix. Aucun vernis social ne pourra masquer l’ancrage libéral du pacte dit de responsabilité. La réduction des cotisations sociales, tant patronales que salariées, avec une hausse du pouvoir d’achat en trompe-l’œil, n’aura pour conséquence que le sabordage de la sécurité sociale. C’est de l’irresponsabilité sociale !
Hier, vous avez confirmé et imposé à votre majorité ce pacte de confiance avec le patronat. Vous avez gravé dans le marbre le concept : « sans confiance, pas de croissance ; sans croissance, pas de confiance ». C’est le donnant-donnant entre l’État et le patronat, vieille recette que vous resservez avec des mots nouveaux. La confiance que vous évoquez, monsieur le Premier ministre, c’est celle qui, chaque année, octroie plus de 200 milliards d’euros de cadeaux divers et variés au patronat, sans le moindre retour. J’ai noté votre infime prudence quant aux contreparties, ainsi que la disparition de l’observatoire censé s’y consacrer.
Pire, vous renvoyez aux accords de branches d’éventuelles concessions du patronat. Ce point relève, je suis désolée de le dire, de la tartufferie. Le Gouvernement impose à la société des sacrifices considérables, une mise à la diète des services publics et des collectivités territoriales, des chèques en blanc massifs, et vous indiquez aux salariés que, pour le retour, on verra branche par branche.
En réalité, ce pacte entre MM. Hollande et Gattaz est une concession majeure aux marchés. Il acte pour longtemps la capitulation du pouvoir politique face au pouvoir de l’argent. Il symbolise aussi la continuité qui a finalement marqué l’exercice du pouvoir. De la présidence « normale » contrastant, il est vrai, avec l’excitation sarkozienne, on est vite revenu à une conception autoritaire, dirigiste, du rôle du Président de la République.
Le Parlement a été maltraité depuis deux ans : précipitation, inflation législative, procédures accélérées, votes bloqués, absence de concertation avec la majorité, conditions mêmes du pacte conclu entre deux hommes, MM. Gattaz et Hollande. Le gouvernement a poussé jusqu’à la caricature l’avantage que donne la Constitution au pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif.
La séquence qui se déroule aujourd’hui confirme pleinement cette analyse. L’article 49 de la Constitution laisse les mains libres au pouvoir exécutif, qui tire sa force de cette menace : « la confiance ou la dissolution ».
Face à ce constat dramatique, qui a tué l’espérance née le 6 mai 2012 et mené à la perte, pour la gauche, de centaines de villes et villages, un autre cap doit être fixé, une autre politique doit être engagée.
Mon propos ne suffira pas à les détailler, mais les lignes fortes d’une politique de gauche doivent être fixées aujourd’hui. Il convient de changer l’Europe, en s’appuyant sur les mouvements sociaux en développement, stopper les licenciements boursiers et les plans sociaux, qui sèment désarroi et colère, et contrer les marchés financiers en permettant à la puissance publique d’agir efficacement en matière de crédits. Il faut lever le tabou : l’État, la collectivité, doit de nouveau disposer de leviers, en particulier financiers, pour dynamiser l’industrie et l’économie, sans avoir à demander l’accord des marchés.
Il est également nécessaire de redonner à notre pays sa vocation industrielle. Des droits nouveaux doivent être accordés aux salariés pour garantir l’utilisation des richesses du pays en faveur de l’intérêt général. Il importe de parier sur la croissance, en agissant sur le pouvoir d’achat et en assurant une nouvelle répartition des fruits du travail. Nous faisons le pari d’une relance industrielle intégrant pleinement la transition écologique, qui ne peut se conjuguer avec l’austérité.
Il faut aussi agir pour la justice fiscale. Mettre à plat la fiscalité, ce n’est pas protéger encore et toujours les revenus du capital et le capital lui-même, c’est au contraire, pour un gouvernement de gauche, s’attaquer aux gros revenus et, en particulier, à ceux de la finance. L’évasion fiscale doit être traquée, révélée et sanctionnée. Rappelons qu’elle représente chaque année 50 milliards d’euros.
Sécuriser et développer les services publics nationaux et locaux représente également une urgence. Notre peuple a besoin de solidarité. L’éducation, la santé, le logement doivent être déclarés grandes causes nationales. Vous n’avez rien dit hier sur l’effort à fournir pour aider les quartiers populaires. Cela a été souligné, il faut protéger les zones rurales de la désertification.
La sécurité et la justice doivent disposer de moyens dignes de ce nom. Il est urgent de démocratiser nos institutions et notre société et d’agir pour les libertés publiques et contre la xénophobie.
Monsieur le Premier ministre, la Ve République est à bout de souffle. Certains disent même qu’elle est malade. Le peuple doit pouvoir reprendre un pouvoir qu’il estime aujourd’hui confisqué. Il faut que le Parlement, c’est-à-dire la représentation populaire, soit un lieu de débats et de décisions, tandis que le rôle et le mode d’élection du Président de la République seront repensés.
Le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales doit enfin devenir une réalité politique pour des milliers de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Bariza Khiari et Corinne Bouchoux applaudissent également.
Il convient d’établir définitivement l’indépendance de la justice.
Monsieur le Premier ministre, vos annonces sans concertation concernant les collectivités locales ont suscité, vous le savez, de vives réactions parmi de très nombreux élus locaux, qui tentent quotidiennement de combler les défaillances de l’État. Je regrette d’ailleurs que certains n’aient pas eu le courage politique de le faire savoir hier.
Vous avez repris à votre compte la vieille rengaine du millefeuille territorial, en oubliant que c’est ce maillage démocratique au service des populations qui fait le modèle social et démocratique français.
Vous oubliez aussi que votre gouvernement a joué la partition des métropoles, pôles métropolitains, communes nouvelles, regroupements divers et variés, avec pour seul objectif le combat contre l’ancrage démocratique de la commune et du département.
La commune, vous l’étouffez ; le département, vous voulez le tuer. Est-ce parce qu’ils ne sont pas conformes au modèle libéral européen ? Je n’ose penser que le dessein de ceux qui promeuvent ces choix, en particulier à Bruxelles, soit de casser ces lieux de résistance à la soumission de la société tout entière au diktat des marchés et de leur vitrine, les agences de notation.
De la même manière, vous annoncez la fusion des régions. En tout état de cause, avec de nombreux élus de tout bord, nous combattrons de manière déterminée la soumission de nos territoires au dogme de la mise en concurrence et de la réduction des dépenses publiques. Nous combattrons ensemble la mise en cause de la clause générale de compétence des départements et des régions, pourtant réaffirmée par votre propre majorité au Parlement voilà quelques mois et ayant, depuis lors, fait l’objet d’une promulgation.
Avant de conclure, je souhaite revenir sur la question du communautarisme, qui me tient particulièrement à cœur, en tant qu’élue de Seine-Saint-Denis, département en grande difficulté.
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, mais vous ne le dites pas, c’est le libéralisme qui fait le lit du communautarisme. Perte du vivre ensemble, oubli de la solidarité, concurrence, désastre social, repli sur soi : le libéralisme en est la source. La bataille pour la laïcité, pour ne pas être incantatoire ou élitiste, doit être quotidienne sur le terrain. Comment imaginer lutter contre le communautarisme en laissant l’école dans l’état où elle se trouve dans nos quartiers, malgré le dévouement des personnels de l’éducation nationale ?
La déstructuration de notre société accélère les regroupements communautaires, recherche ultime et vaine d’une solidarité perdue.
Monsieur le Premier ministre, la France est une grande nation, qui, avec d’autres, peut faire la démonstration que la mondialisation libérale n’est pas la fin de l’histoire. Oui, notre pays peut porter cette belle idée que, demain, les valeurs d’égalité, de solidarité, de justice, de progrès et de paix l’emporteront sur celles de concurrence, d’exploitation, de profit, de haine et de violence.
Monsieur le Premier ministre, le Sénat n’a pas à se prononcer par un vote de confiance, mais sachez que, dès aujourd’hui, nous agirons pour le rassemblement de toutes celles et tous ceux qui demeurent attachés à l’idée qu’une alternative existe à la politique du marché, de tous ceux qui croient encore à la gauche et à ses valeurs, et que nous refuserons toute dérive libérale. §
M. Jean-Pierre Caffet . Monsieur le Premier ministre, permettez-moi tout d’abord de vous dire que, pour nous, membres du groupe socialiste, c’est un honneur de vous accueillir dans cet hémicycle.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Au lendemain de votre déclaration de politique générale et du vote de confiance que vous ont accordé une large majorité de nos collègues députés, votre présence parmi nous et votre intervention, largement tournée vers les préoccupations des sénateurs, est un geste d’égard et de respect envers la Haute Assemblée. Au nom de l’ensemble de notre groupe, je tenais à vous en remercier.
Cette déclaration de politique générale et les propos que vous venez de tenir s’inscrivent dans un contexte très particulier : celui du message que nous ont adressé les Français à l’occasion des élections municipales. À cet égard, nous partageons, pour l’essentiel, le constat lucide que vous avez dressé : c’est avant tout un message de désarroi et parfois un message de colère.
Désarroi, parce que les Français ne perçoivent pas d’amélioration significative de leurs conditions de vie, malgré les efforts qui leur ont été demandés au cours de ces dernières années.
Désarroi, parce que les Français ont soif de justice dans un monde qui, spontanément et sans action correctrice, creuse toujours plus les inégalités.
Désarroi, parce que les Français, au mieux, doutent de la capacité de leurs responsables politiques à trouver les solutions permettant de sortir d’une crise dont ils ne voient pas la fin, et, au pire, éprouvent un sentiment d’abandon.
Et pourtant, au travers de ce message, ils nous demandent de faire en sorte qu’un espoir nouveau se lève, un espoir fondé sur la confiance en l’avenir, qu’il soit individuel ou collectif.
Oui, disais-je à l’instant, nos concitoyens ne perçoivent pas le fruit de leurs efforts pour le redressement du pays. Il est vrai que ce redressement est lent.
Il est lent, car il est à la mesure de la situation dans laquelle se trouvait la France en 2012. §; l’excédent commercial du début des années deux mille s’est transformé en un déficit record de 75 milliards d’euros ; 750 000 emplois industriels ont été détruits et notre appareil productif s’est considérablement dégradé, au point d’obérer gravement notre croissance potentielle.
Avec un tel bilan, celui de dix années de gouvernement de droite, comment faire des miracles, surtout dans un contexte de faible croissance européenne et d’euro fort ?
Sur ce sujet européen, crucial pour la rapidité et la solidité de notre redressement, je veux vous dire, monsieur le Premier ministre, que nous serons à vos côtés pour soutenir la perspective que vous avez tracée dans votre déclaration de politique générale : remettrel’Union européenne sur le chemin de la croissance au travers de politiques de grands investissements et de politiques de l’emploi tournées notamment vers la jeunesse.
Certains peuvent contester les chiffres, mais il est incontestable que les déficits publics se résorbent, que nos comptes extérieurs s’améliorent et que le chômage des jeunes, hélas encore beaucoup trop élevé, enregistre un repli depuis quelques mois. Comme vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, il y a moins de jeunes chômeurs aujourd’hui qu’il y a un an.
En même temps, durant les derniers vingt-deux mois, de nombreuses réformes ont été engagées. Je ne les citerai pas toutes, mais je tiens à mentionner les mesures concernant l’école, qui ont permis le retour des enseignants dans les classes qui en étaient dépourvues
On approuve sur les travées du groupe socialiste.
, ainsi que le rétablissement de la formation des maîtres, qui avait été supprimée, ou encore la réforme des retraites, qui permet d’assurer leur financement tout en prenant en compte la pénibilité du travail (Très bien ! sur les mêmes travées.), celle de la formation professionnelle, dont le système a été réorienté vers ceux qui en ont le plus besoin
Mêmes mouvements.
Toutes ces réformes ont été accomplies selon une méthode : celle du dialogue social et de la recherche du compromis. Nous disposons ainsi d’un socle du changement qui sera déterminant pour l’avenir et la réussite du pays. À ce titre, je veux saluer, avec les membres de mon groupe, l’action de Jean-Marc Ayrault et de son gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
C’est dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, que vous nous invitez à engager une nouvelle étape du quinquennat, une étape que vous avez placée sous un triptyque prometteur : vérité, efficacité, confiance.
La vérité, c’est que le redressement que nous avons entamé doit se poursuivre. Il ne peut se faire qu’en répondant à trois impératifs : réduire les déficits, améliorer la compétitivité des entreprises et soutenir la consommation, ce qui nécessite un infléchissement de la politique économique et fiscale en faveur, notamment, des Français les plus modestes.
La réduction des déficits, d’abord. Ce n’est pas une lubie, une obsession comptable ; c’est la condition de la préservation de notre indépendance, de notre souveraineté et de la pérennité de notre modèle social. Car comment imaginer pouvoir ouvrir de nouveaux droits à nos concitoyens si nous ne sommes pas capables d’honorer financièrement ceux qui existent déjà ? Mais dès lors que nous prenons l’engagement de diminuer la pression fiscale sur les entreprises et les ménages, la maîtrise des déficits ne peut passer que par la poursuite de la réduction de la dynamique de la dépense publique amorcée l’an dernier et dont vous avez confirmé l’objectif : 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans.
Ce rythme nous paraît raisonnable. Et nous partageons votre appréciation selon laquelle aller plus vite serait contre-productif, car cela risquerait d’entraver la reprise de la croissance, donc de l’emploi.
Nous faisons donc confiance au Gouvernement pour obtenir de nos partenaires européens les conditions d’un redressement durable, mais aussi soutenable, de nos finances publiques. Ce sera, à n’en pas douter, l’un des enjeux des nouveaux rapports qui vont se nouer entre la France et ses partenaires de l’Union à l’issue des élections européennes.
Cependant, le redressement qu’attendent les Français n’est pas que budgétaire ; il est surtout économique. Pour que l’emploi et la croissance reprennent, il faut que les entreprises françaises redeviennent compétitives, car, sans compétitivité, il n’y a pas d’emploi.
Les causes du décrochage de nos entreprises dans la compétition internationale sont nombreuses, et ont été soulignées par Louis Gallois dans le rapport remis en novembre 2012. Mais il est une cause sur laquelle nous pouvons rapidement agir : le coût du travail. Il est en effet incontestable que, sur les dix dernières années, ce coût a augmenté en France, alors que sa modération, voire sa baisse, en Allemagne a permis de soutenir la compétitivité des entreprises allemandes.
Vous avez détaillé hier, monsieur le Premier ministre, les 10 milliards d’euros de baisse de charges qui viendront s’ajouter aux 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en fixant un calendrier très précis.
Nous saluons les compléments apportés au champ du CICE : d’abord, en prévoyant des allégements spécifiques pour les travailleurs indépendants, exclus du CICE car non salariés, mais tout aussi concernés par la question du coût du travail ; ensuite, en incluant les salaires qui correspondent aux emplois qualifiés porteurs de croissance et d’innovation grâce à l’abaissement des cotisations familiales.
Mais la compétitivité des entreprises n’est pas tout dans la croissance : il faut également de la consommation, et donc du pouvoir d’achat. Je veux saluer, au nom de mon groupe, le pacte de solidarité et l’engagement du Gouvernement en faveur des classes moyennes et des salariés les plus modestes. En réduisant les cotisations salariales sur les salaires au niveau du SMIC à hauteur de 500 euros par an, vous vous inscrivez dans la suite des mesures de justice fiscale mises en œuvre avec la loi de finances pour 2014.
De même, c’est pour mon groupe une bonne nouvelle que celle de la poursuite de l’allègement de la fiscalité sur les ménages qui sont entrés récemment dans le champ de l’impôt sur le revenu, afin de garantir par l’impôt le partage entre ceux qui ont tout, ou beaucoup, et ceux qui n’ont rien, ou presque rien. Le dégel du barème de l’impôt sur le revenu et la revalorisation de la décote dans la dernière loi de finances ont déjà corrigé certaines injustices. Nous nous associons à votre volonté de poursuivre dans cette voie.
Efficacité, ensuite : c’est le deuxième pilier annoncé de votre action, monsieur le Premier ministre
Oui, vous avez raison de dire avec force que cette efficacité doit être recherchée dans la conduite de nos politiques publiques et dans l’organisation de nos services publics, je pense évidemment à notre organisation territoriale.
En ce qui concerne nos politiques publiques, nous souscrivons pleinement aux priorités que vous avez mentionnées dans votre déclaration de politique générale.
La jeunesse, que le Président de la République avait placée au cœur de son projet, est l’une de ces priorités.
Car l’efficacité, c’est aussi et peut-être avant tout celle de notre système éducatif : plus que jamais, il doit préparer les jeunes à s’insérer dans le monde de demain. C’est pourquoi nous vous accompagnerons sur le chemin de la refondation de l’école afin que cette dernière tienne toutes les promesses républicaines d’égalité et d’émancipation qui ont présidé à sa création.
L’accès au logement est une autre priorité du quinquennat. Les besoins sont immenses en la matière, et l’objectif de 500 000 logements construits par an, dont 150 000 logements sociaux, doit absolument être poursuivi.
Beaucoup a été fait depuis deux ans pour enclencher une dynamique de construction. Nous sommes conscients des besoins considérables en la matière, et l’action du Gouvernement pour la relance de la construction doit être poursuivie, accélérée et amplifiée.
Les Français nous le font régulièrement savoir, notre pays souffre d’un excès de procédures et de formalités en tous genres. L’excès normatif doit être combattu, et mon groupe souscrit aux mesures de simplification annoncées, ainsi qu’à leur calendrier, puisqu’elles seront annoncées d’ici à l’été.
Au travers de ces deux chantiers – l’éducation et le logement –, l’efficacité peut rejoindre la justice et la solidarité. Ne boudons pas notre plaisir !
Reste la question de l’organisation territoriale de notre pays, et donc de nos collectivités locales. Elle est essentielle dans la qualité du service public rendu à nos concitoyens et, à ce titre, ne peut pas être abordée sous le seul angle budgétaire ou financier. Que nos collectivités territoriales doivent participer pleinement à l’effort de redressement de nos comptes publics n’est pas contestable. D’ailleurs, c’est au terme d’une concertation exemplaire menée en 2013 entre l’État, les parlementaires et les élus locaux, qu’un premier effort a été enclenché : en 2014, les concours financiers versés par l’État aux communes, intercommunalités, départements et régions, diminueront de 1, 5 milliard d’euros.
Mais, rappelons-le, les collectivités sont faiblement endettées et globalement bien gérées.
En 2012, la dette publique locale était de 174 milliards d’euros, soit 9, 5 % de l’endettement public. Parallèlement, les collectivités continuent à porter plus de 70 % de l’investissement public de notre pays.
Cela étant dit, l’efficacité des collectivités locales nécessite sans nul doute une réorganisation territoriale. Et le groupe au nom duquel je m’exprime aujourd’hui soutient pleinement l’esprit de la démarche présentée hier par le Premier ministre.
Nous sommes d’ailleurs heureux que les travaux du Sénat, notamment l’excellent rapport rendu en 2013 par nos collègues Yves Krattinger et Jean-Pierre Raffarin, Des territoires responsables pour une République efficace, aient pu inspirer, au moins partiellement, la feuille de route du Premier ministre.
Oui, nous avons besoin de revoir l’organisation et le nombre de nos régions : passer à une dizaine de régions au lieu de vingt-deux, ce n’est pas affaiblir cette institution par seul souci d’économies. C’est au contraire renforcer le poids de la région et sa vocation fondamentale d’aménagement du territoire.
Un tel objectif peut dépasser les clivages partisans, car nous nous accordons, comme l’ont indiqué à juste titre nos collègues Yves Krattinger et le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, sur les missions qui doivent être portées par la région : « préparer le territoire régional dans le contexte de la compétition entre les territoires, et préparer les entreprises à la compétition mondiale du XXIe siècle ».
L’horizon de 2017 permettra aux élus concernés de disposer du temps nécessaire à cette réforme considérable. Elle permettra également, et je reprendrai en cela les termes d’autres travaux réalisés par le Sénat, de « faire confiance à l’intelligence territoriale ».
Cette réorganisation de la carte des régions perdrait toutefois une partie de son sens sans une clarification des compétences assignées aux différentes catégories d’acteurs locaux. Nous sommes d’accord sur ce point, monsieur le Premier ministre. Faut-il pour autant supprimer la clause de compétence générale pour les départements et les régions ?
Nous en débattrons, car, sur cette question, nos avis sont divers. Mais il est clair que nous devons avancer sur la clarification des compétences des différents niveaux de collectivités territoriales, car elle permettra de mieux définir les responsabilités de chacun et poussera à une meilleure coordination dans la mise en œuvre des politiques territoriales.
Enfin, vous avez proposé, monsieur le Premier ministre, la suppression des conseils généraux à l’horizon 2021. Là encore, il ne peut bien évidemment pas s’agir seulement d’une considération comptable, même si j’ai affirmé tout à l’heure que les collectivités territoriales devaient incontestablement participer à l’effort de redressement.
Les départements portent l’immense tâche d’assurer les prestations de solidarité, des prestations qui sont au cœur de notre contrat social. Dans une période de crise comme celle que nous connaissons depuis 2008, elles ont permis d’amortir le choc pour les plus modestes, et contribuent ainsi au maintien de la cohésion sociale sur le territoire.
Mais peut-être sommes-nous arrivés au bout d’une logique, et nous accueillons favorablement votre invitation à la réflexion sur ce chantier particulièrement complexe, monsieur le Premier ministre.
Ce dont nous sommes convaincus, c’est que les besoins sur les territoires ne sont pas uniformes. Dans les territoires fortement urbanisés, les métropoles auront vocation à assurer le pilotage des services publics et des solidarités. En revanche, dans les territoires ruraux, que restera-t-il si les départements disparaissent ? Une organisation territoriale propre aux territoires ruraux, et aux territoires enclavés, pourrait donc parfaitement être imaginée, afin d’éviter l’instauration d’une France « à deux vitesses ».
En d’autres termes, il n’est pas certain qu’une organisation administrative unique de notre espace, une sorte de jardin à la française – spécificité nationale s’il en est –, soit à même de répondre à la diversité de nos territoires. À cet égard, monsieur le Premier ministre, la reconnaissance de cette diversité dans votre propos liminaire nous a réjouis, et sans doute aussi, quelque part, rassurés.
En tout état de cause, soyez assurés que nous participerons pleinement aux débats que vous initiez dans le cadre du contrat que vous voulez forger avec la majorité parlementaire, et au-delà de cette majorité.
Monsieur le Premier ministre, c’est somme toute un pacte de confiance que vous nous proposez. La confiance, tel est le troisième pilier sur lequel vous souhaitez faire reposer votre action. Parce que la confiance est la clé du rassemblement, la clé de la réussite de l’action politique, la clé du dynamisme économique, le moteur de la croissance.
Cette confiance s’incarne, dès votre déclaration de politique générale, dans l’annonce de mesures concrètes, d’engagements clairs et durables, tel le pacte de responsabilité et de solidarité que vous nous avez présenté. Ce pacte a bien pour objectif essentiel de fonder un nouveau compromis social. Les engagements réciproques de l’État et des entreprises seront sans doute des signaux forts, qui auront pour effet de redonner de l’élan aux acteurs économiques en sécurisant leur environnement.
Mais cette reconnaissance du rôle des entreprises ne peut pas aller sans un engagement des entreprises à l’égard de leurs salariés, car sont en jeu l’emploi, la consommation et la croissance elle-même. C’est donc bien un cercle vertueux qu’il faut retrouver, et c’est la tâche à laquelle vous nous invitez, monsieur le Premier ministre.
Au-delà, vous l’avez souligné, il s’agit de redonner confiance aux Français dans leur avenir. Il s’agit d’offrir une nouvelle espérance à ceux qui ont des difficultés à boucler financièrement les fins de mois, à ceux qui pensent aujourd’hui à tenter leur chance ailleurs, à ceux qui ne voient aucune perspective derrière les barrières sociales ou géographiques.
Il s’agit donc d’affirmer la force de la parole publique – nous sommes d’accord avec vous sur ce point, monsieur le Premier ministre –, et vous vous engagez pour cela avec volontarisme pour lutter contre le sentiment de fragilité qu’éprouvent les Français aujourd’hui, et donner du sens aux efforts que nos compatriotes doivent consentir. L’enjeu est de faire la preuve de la fiabilité de l’action publique dans un monde en mutation et de remettre au cœur de la République les valeurs qui sont les nôtres, la valeur du travail, la lutte acharnée contre les inégalités, la justice sociale, la tolérance.
Monsieur le Premier ministre, par votre discours, vous nous avez engagés à nous mobiliser. Soyez assuré que, dans la tâche qui est la vôtre, à la tête de votre gouvernement de combat, vous pourrez compter sur notre soutien, déterminé et enthousiaste !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, monsieur les ministres, m’exprimant au nom de l’ensemble du groupe que j’ai l’honneur de présider, au nom de ceux, majoritaires, qui auraient voté la confiance, et de ceux qui ne l’auraient pas votée, je vous transmets, de la part de nos dix-neuf sénateurs, un souhait unanime de réussite, parce qu’il s’agit de l’avenir de la Nation et des Français.
Notre groupe est fier de sa diversité, de l’espace de débat libre qu’il constitue autour des valeurs fondatrices de la République. Cette liberté n’est pas négociable, monsieur le Premier ministre. Elle continuera à s’exprimer ici, car nous ne sommes pas de ceux qui marchandent leur soutien pour chaque texte.
Les radicaux participent à votre gouvernement : ils se retrouvent dans les axes essentiels de votre discours économique et Jean-Michel Baylet vous a exprimé leur soutien. Vous connaissez aussi la vision prospective d’homme d’État de Jean-Pierre Chevènement ; vous savez l’attachement de Robert Hue à la justice sociale ; vous savez que notre collègue Gilbert Barbier conjugue la loyauté à sa famille politique avec un sens aigu de l’intérêt de l’État.
En ce mois de mars, les électeurs ont sanctionné l’exécutif ; le Président de la République en a tiré les conséquences en vous nommant.
Vous avez exprimé une volonté forte de gouverner ; il le faut. Je ne résiste pas à l’envie de vous rappeler une citation d’un ancien président du Conseil dont la mémoire nous est chère à tous deux : « Aurons-nous ou n’aurons-nous pas un gouvernement, là est la crise, la véritable crise, crise de caractère, crise de volonté. »
Oui, nous voulons un gouvernement qui gouverne. Au-delà des nécessaires chocs de compétitivité, de simplification, c’est un choc de compétence dont la République a besoin !
Lorsque nous avons frappé à la porte des électeurs, ils nous ont exprimé, à tous, leurs difficultés du quotidien, leurs inquiétudes pour l’avenir ; pour leur famille, pour leurs enfants. Lors de ce porte-à-porte, nous n’avons pas entendu revendiquer la fusion des régions, la suppression des départements ou l’arrêt de Fessenheim, mais bien une exigence de résultats, une exigence d’efficacité pour l’emploi, pour la fiscalité, pour le logement, pour l’éducation, pour le pouvoir d’achat, pour la santé, pour la sécurité !
Souvent, les silences et les abstentions sont plus expressifs que les plaintes ou les désaccords, car ils expriment une désespérance.
Ce message, monsieur le Premier ministre, je sais que vous l’avez entendu, que vous avez l’autorité, le souffle pour y répondre, et vous savez que le pays attend des résultats et non des petites phrases des uns et des autres sur les chaînes d’infos en continu.
MM. Alain Bertrand et Raymond Vall applaudissent.
Avant d’aborder les axes essentiels de votre déclaration de politique générale, comment ne pas nous interroger sur l’évolution préoccupante des institutions de notre République, ou plutôt de notre monarchie républicaine. L’anomalie démocratique de notre République, ce n’est pas le Sénat, c’est l’hyper-présidence et la marginalisation du Parlement, quand ce n’est pas parfois son mépris ?
MM. François Zocchetto et René-Paul Savary applaudissent.
Comment aussi ne pas constater que les vraies fractures politiques, voire idéologiques, traversent en fait les deux grands partis dominants à gauche et à droite : sur la construction européenne, sur l’euro, sur l’économie, sur le rôle de l’entreprise, sur la fiscalité, sur l’énergie ? Quand l’Allemagne est capable de mettre en place un gouvernement de grande coalition avec un consensus de combat sur la crise économique et financière, nous continuons souvent à cultiver des conflits artificiels, voire secondaires.
Le déséquilibre des pouvoirs dans nos institutions est devenu dangereux, et plus inquiétant que le millefeuille territorial !
Monsieur le Premier ministre, vous êtes au pouvoir : c’est à vous de donner le signal, l’exemple. En ce sens, nous avons apprécié votre adresse à l’opposition sur ce thème : il n’est jamais trop tôt pour rassembler ; il est souvent trop tard.
Rassembler, c’est ainsi respecter le Parlement. Pour nous, le Parlement, c’est naturellement le bicamérisme, le rôle et le travail de la Haute Assemblée.
Nos échanges, ici même, voici quelques mois, ont laissé des souvenirs : à vous, de votes rejetant très majoritairement vos projets, à nous, d’un refus de toute concession et d’un renvoi à la toute-puissance de l’Assemblée nationale.
Nous attendons autre chose : une volonté réelle de travailler avec le Sénat et toutes ses sensibilités, et l’expression claire, de votre part, que vous ne nous considérez pas comme une anomalie, et que l’indépendance du Sénat ne vous amènera pas à envisager, sous d’autres prétextes, sa transformation en assemblée de seconde zone !
En tête de votre discours de politique générale figurent trois mots : vérité, efficacité, confiance.
Votre réponse, c’est d’abord le pacte de responsabilité. La grande majorité de notre groupe y est favorable, d’abord parce que ce pacte reconnaît la place de l’entreprise, de nos artisans, de nos PME et de nos PMI, de celles et ceux qui, dans ce pays, entreprennent, parce que vous dites : « Sortons des défiances, des postures, des caricatures. »
Oui, s’il n’y a pas d’entreprises, il n’y a pas d’emplois. Oui, il est plus que temps de sortir des débats d’un autre âge ; la mondialisation est là, le numérique est partout.
Les entreprises ne peuvent pas se développer dans un carcan administratif devenu insupportable et souvent suicidaire pour notre économie. L’urgence, c’est de simplifier, et simplifier tant l’acte de création et de production que la gestion quotidienne. Cela ne veut pas dire laisser tout faire : nous, radicaux, avons créé le droit du travail et sommes attachés au dialogue social et à l’intervention de l’État dans l’économie et la finance, non pas un État tatillon, mais un État protecteur de la liberté d’entreprendre et des droits des plus faibles.
Vous proposez de baisser le coût du travail et vous avez raison de porter les allégements à 30 milliards d’euros. Accélérer ce calendrier ne pourrait qu’être positif, même si c’est très difficile.
Pour ce qui est du SMIC, les cotisations patronales à l’URSSAF seront entièrement supprimées au 1er janvier 2015. Vous proposez également d’abaisser les cotisations familiales jusqu’à trois fois et demie le SMIC, de baisser les cotisations des travailleurs indépendants et des artisans, de réduire les impôts de production, d’abaisser l’impôt sur les sociétés.
À tout cela, très majoritairement, nous apportons notre soutien. Et, d’ailleurs, je n’ai guère entendu, depuis des années, tous bords politiques confondus, de propositions tellement plus convaincantes.
Vous avez, en outre, décidé d’alléger la fiscalité pesant sur les ménages modestes, dont les nouveaux cotisants à l’impôt sur le revenu. Il suffit d’avoir fait du porte-à-porte pour se rendre compte des dégâts causés par cette mesure. Certes, elle avait été décidée sous le précédent quinquennat, mais le gouvernement précédent ne devait point l’assumer.
Vous êtes courageux en reconnaissant la nécessité de réduire la dette publique, héritage commun des gouvernements successifs. Sur ce sujet également, nous sommes majoritairement d’accord.
Il reste tout de même un problème d’arithmétique, monsieur le Premier ministre. Vous prévoyez de réaliser 50 milliards d’économies d’ici à 2017. Or, sur ces 50 milliards d’euros, il y en a 11 dont l’origine m’échappe un peu et sur lesquels des explications de votre part seraient les bienvenues…
Monsieur le Premier Ministre, tout ce travail, toutes ces mesures en faveur de la compétitivité, pour arracher au forceps quatre points de compétitivité, c’est bien, mais mineur par rapport à la cherté de l’euro, lequel a pris 10 % depuis l’été 2012. La question primordiale, essentielle, c’est bien celle du cours de l’euro.
Vous avez rappelé votre attachement à la solidité du couple franco-allemand et à l’Europe – pour notre part, nous avons toujours défendu avec acharnement la construction européenne –, mais vous n’avez pas répondu à cette question : comment allez-vous procéder pour faire baisser le cours de l’euro, qui est trop cher pour nous, mais si cher à notre puissante voisine ? Je vous remercie par avance de votre réponse.
Au cours de votre déclaration de politique générale, vous avez ciblé deux priorités au chapitre « Redresser la France, c’est la redresser dans la justice ».
Vous avez d’abord évoqué l’école de la République. Cette école laïque qui donne sa chance à chaque enfant, celle que nous aimons, cette école va mal. L’illettrisme est un véritable fléau. Aujourd'hui, 10 % ou plus des enfants quittent le système scolaire sans maîtriser l’écriture et la lecture.
Voilà une faillite dont nous sommes tous responsables. Cette question est aujourd’hui une vraie priorité nationale !
Vous avez ensuite évoqué le logement. Relancer la construction, produire plus de logements, plus vite et moins cher, simplifier, réduire les normes, telle est, là encore, l’urgence, la priorité, conjuguée à la nécessité de réaliser des économies d’énergie.
Nous souhaitons, monsieur le Premier ministre, que vous ajoutiez une troisième priorité transversale : la recherche et l’innovation, car cela aussi participe au redressement de la France. Investir dans la recherche, c’est le devoir d’un pays comme le nôtre. Nous le devons à son histoire, et encore davantage à son avenir.
Monsieur le Premier Ministre, ne voulant point passer pour un adorateur du soleil levant
Sourires.
La transition énergétique est nécessaire, et ce ne sont pas des radicaux dans la tradition de Michel Crépeau qui recevront des leçons de ce chef. Protéger l’environnement, réduire les émissions de C02, développer les énergies renouvelables : nous disons oui ! Réduire la consommation d’énergies fossiles de 30 % ? Oui ! Diminuer nos émissions de gaz à effet de serre ? Oui ! Mais le meilleur moyen d’y parvenir, c’est de préserver notre filière nucléaire, et, sur ce point, nous serons toujours fermes !
Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Il ne saurait être question pour nous de sacrifier la filière nucléaire française, ...
Sourires.
… dont tous les gouvernements font la promotion à l’étranger, à un quelconque marchandage idéologique ou politicien, …
M. Jacques Mézard. … avec comme conséquence des coûts financiers considérables.
Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.
Au contraire, il convient de poursuivre la recherche dans cette filière, de préparer la quatrième génération de réacteurs, et ce non pas uniquement pour la Chine et d’autres, mais pour la France, …
Sourires.
Enfin, comment ne pas évoquer le millefeuille territorial dont vous voudriez ne conserver que deux couches avant l’échéance présidentielle de 2022, monsieur le Premier ministre ?
Nous avons vécu des inventions incongrues, comme le conseiller territorial, …
Vous nous annoncez la fusion des régions pour le 1er janvier 2017, une nouvelle carte intercommunale pour le 1er janvier 2018 – alors que nous venons tout juste d’achever la première –, la suppression de la clause de compétence générale – alors que votre prédécesseur faisait voter son rétablissement ici même, voilà quelques mois – et, pour couronner le tout, la suppression des départements pour 2021 avec, cerise sur le gâteau, 10 milliards d’euros de dotations en moins.
Tout cela est-il bien raisonnable ?
Nous ne le pensons pas.
Dans le même paragraphe, vous déclarez qu’il faudra répondre au sentiment d’abandon qui existe dans nos départements et dans nos territoires ruraux. Lorsque le département que je représente sera supprimé et que le siège de la région sera transféré à Lyon, soit à neuf heures aller-retour de route et de train, le sentiment d’abandon aura-t-il disparu ?
M. Gérard Roche applaudit.
Réduire le nombre des régions en donnant à chaque département le choix de se séparer de sa région d’origine est une idée que nous pouvons accepter, mais supprimer les départements de manière arbitraire ne saurait recueillir notre assentiment.
On ne peut confondre la situation d’un département comptant une métropole avec celle d’un département rural, vous l’avez vous-même dit. C’est dans cette différence que réside le chemin de la sagesse, une sagesse qui se bâtira par la recherche d’un consensus dynamique entre gauche et droite. Ce qui compte, c’est le service aux habitants : la proximité est difficilement compatible avec l’éloignement.
M. Jean-Louis Carrère s’exclame.
Monsieur le Premier Ministre, permettez-moi de conclure mon propos par une citation de Georges Clemenceau : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » C’est ce que nous attendons de votre ministère, monsieur le Premier ministre.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et de l’UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, car vous avez déjà écouté ma déclaration de politique générale hier. J’ai souhaité aujourd'hui, et c’était normal – il n’y a rien de surprenant à cela –, m’adresser de nouveau à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais cette fois-ci directement. Je voulais, et vous l’avez bien compris, insister sur le lien avec les territoires et évoquer la réforme territoriale. Je voulais ainsi marquer mon respect pour le Sénat.
J’ai déjà eu l’occasion, il y a quelques jours, lors du conseil des ministres, d’insister sur le respect dû au Parlement, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ce respect devant être la marque de ce gouvernement. Il ne peut pas en être autrement.
Le nouveau gouvernement est resserré, compact, mais les ministres, ou les secrétaires d’États, qui viennent d’être nommés, doivent être attentifs au travail parlementaire, à sa qualité, aux relations avec les commissions et les groupes. Ils doivent évidemment veiller au respect de l’opposition, et j’y veillerai tout particulièrement. À défaut, vous ne manquerez pas, les uns et les autres, de nous rappeler à nos engagements.
Je vous ai bien sûr écoutés avec attention, notamment le président Gaudin et le président Zocchetto.
Vous avez de l’expérience, monsieur Gaudin, comme vous l’avez rappelé. Vous avez connu de nombreuses alternances – et je ne parle pas de Marseille, même si vous en avez également connu dans votre ville –, ici, au Sénat.
Ce que j’ai tout simplement voulu dire hier, et encore aujourd'hui, c’est que, face à la situation que nous connaissons, il faut faire preuve – moi le premier, bien sûr – de retenue et de modestie. Il ne faut jamais se laisser griser par des victoires électorales, monsieur Gaudin. Vous en avez connu, ainsi que des défaites ; vous savez ce que cela signifie. Or j’ai senti en vous écoutant, avec votre verbe, que vous vous laissiez un peu griser, ce que je peux comprendre, par l’attachement que les Marseillais vous ont témoigné.
J’ai du respect pour vous, monsieur Gaudin, mais, face à la situation de notre pays, pensez-vous réellement que le niveau de la dette – M. Caffet l’a rappelé tout à l’heure –, que le niveau du déficit public, que l’état de notre école républicaine puissent être imputés uniquement à ce gouvernement ?
Arrêtons-nous un instant sur la situation de notre pays.
Nous avons perdu des centaines de milliers d’emplois industriels. En dix ans, le différentiel avec l’Allemagne, pays qui a effectué des réformes importantes dans bien des domaines, s’est accru. Nous sommes en train de décrocher en termes de compétitivité et d’attractivité.
Nous pouvons tous faire le procès des uns et des autres, mais moi, j’ai une conviction, monsieur Gaudin : cela ne marche plus ! Nous pouvons tenir tous les discours, tous répandre en invectives, tous nous accuser mutuellement d’être responsables de tous les échecs du pays, mais les Français nous disent : « Assez ! ».
En 2008, du fait de l’abstention de l’électorat de droite, la gauche a gagné les élections municipales. Cette année, du fait de l’abstention massive de l’électorat de gauche, vous avez gagné ces municipales. Cela n’enlève rien à la qualité des uns et des autres, mais le constat est là : attention, les Français n’y croient plus ! Nous devons y être attentifs.
Nous pourrions inventer, mais je ne suis pas naïf, et je sais que ce sera difficile. Au reste, il faut qu’il y ait des solutions et des projets différents – la différence est nécessaire, c’est cela, une démocratie. Mais, attention, vous ne convaincrez pas les Français que la situation très difficile du pays ne nécessite pas un sursaut, et je le dis non sans une certaine gravité. Les solutions peuvent être différentes, mais, en tout cas, partons de ce constat.
Tous les gouvernements se sont d’ailleurs essayés à trouver des solutions, et depuis des années.
Prenons un seul exemple : les hausses d’impôts. Trop souvent, les gouvernements, non pas par facilité, car ce n’est jamais facile, ont augmenté les impôts. Ainsi, entre 2010 et 2012, les impôts ont augmenté de 30 milliards d’euros, puis de nouveau de 30 milliards d’euros depuis 2012. La dépense publique a crû. Pensez-vous donc être en situation de nous donner des leçons dans ce domaine, monsieur Gaudin ? De même, sommes-nous en situation, nous, de vous en donner ?
Non, c’en est fini des discours de ce type : très honnêtement, j’attendais, moi, de votre part, un propos à la hauteur du moment. Je me permets de vous le dire, car je vous connais : vous êtes parfait pour lancer des piques ; vous êtes enthousiasmé par votre victoire à Marseille. Mais en quoi avons-nous fait avancer le débat ? Monsieur Gaudin, cela ne marche plus ! Et, si cela continue ainsi, il ne faudra pas vous étonner que notre démocratie s’abîme !
Je suis inquiet. Certes, une immense majorité d’Européens sont attachés à l’Union européenne, mais, si chacun ne se mobilise pas, attendons-nous à certains constats dans quelques semaines, et pas seulement en France, mais dans toute l’Europe. Avez-vous vu les résultats en Hongrie ?
(Mme Chantal Jouanno s’exclame.) – je me maîtrise –, mais il m’a semblé que, entre Méditerranéens, je pouvais me le permettre.
Sourires.
Loin de moi l’intention de vous donner des leçons, monsieur Gaudin §
Simplement, avec une très grande fidélité aux hommes que j’ai servis, Michel Rocard et Lionel Jospin, avec une très grande loyauté à l’égard du Président de la République, je vous fais part des convictions qui sont les miennes, celles d’un socialiste, d’un homme de gauche, d’un républicain et d’un patriote.
Je suis convaincu que, si nous n’arrivons pas ensemble à redresser le pays - c’est la mission qui nous est assignée -, nous aurons collectivement échoué.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.
Différents sujets ont été abordés et les réponses ne sont évidemment pas faciles.
L’école ? Il est vrai que les inégalités se sont accrues au sein de l’école de la République.
L’industrie ? Vous avez raison, monsieur Mézard, notre filière nucléaire est importante. Nous n’avons pas le projet de la faire disparaître. Il s’agit uniquement de faire baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité et de soutenir d’autres énergies à la fois performantes pour notre économie, pour notre environnement et pour nos concitoyens.
La recherche et l’innovation ? Vous avez également entièrement raison : elles sont fondamentales, de même que la formation et l’apprentissage. Cela fait des dizaines d’années – François Rebsamen et moi en parlions à l’instant – que l’on se dit qu’il faut se mobiliser sur cette question, car le niveau de chômage des jeunes est insupportable : un jeune sur cinq est condamné au chômage dans notre pays, et notre solde démographique est positif…
Il faut donc lancer des chantiers. Moi, je m’engage, avec le Gouvernement, à mener à bien ces chantiers. Vous allez bien entendu les scruter, les analyser, les critiquer et formuler un certain nombre de contre-propositions.
Le Président de la République a fait un choix il y a quelques mois, celui de soutenir les entreprises. Il a mis – pardon d’être trivial – 30 milliards d'euros sur la table. Je sais que le sujet suscite des oppositions et des interrogations, mais j’ai une conviction extrêmement profonde : sans nos entreprises, qu’il s’agisse de nos grandes entreprises, de nos PME, de nos PMI, de nos start-up, des entreprises qui innovent ou de celles qui travaillent dans le secteur associatif et coopératif, nous ne pourrons pas créer de richesse. Or, s’il n’y a pas de richesse, il n’y a pas d’emplois, et, s’il n’y a pas d’emplois, il n’y a pas de confiance.
Comment créer les conditions de la confiance pour la croissance ? C’est tout le débat.
Il fallait, comme je l’ai fait hier à la tribune de l’Assemblée nationale, décrire, présenter le pacte qui doit permettre de sortir le pays des difficultés que nous connaissons. Il n’y a pas d’autre voie possible. Il y a d’autres politiques possibles ; c’est sur ce point que nous nous opposons, madame Assassi. En revanche, il n’y a pas d’autre choix que de soutenir les entreprises. On peut avoir, là encore, des points de vue différents, mais – Jean-Pierre Caffet l’a dit avec beaucoup de force – il y a bien un problème de coût du travail.
Dans ce pacte de responsabilité et ce pacte de solidarité, nous intégrons évidemment la nécessité de répondre également à l’attente des salariés. Nous avons formulé un certain nombre de propositions pour y parvenir. C’est bien sur ce sujet-là, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement se mobilisera en permanence, avec les partenaires sociaux, que nous rencontrerons vendredi, mais aussi avec les territoires.
Je pense que, ces deux dernières années, nous n’avons pas assez mobilisé les territoires, et notamment les régions, sur les politiques économiques de formation, de recherche et d’innovation ; c’était pourtant une conviction profonde de Jean-Marc Ayrault. Les régions ont un rôle essentiel à jouer dans ce domaine, comme dans ceux de l’environnement et de l’énergie.
Nous sommes guidés par cet objectif de croissance, de compétitivité, d’attractivité. Si nous avons confié la promotion de l’attractivité du territoire et du tourisme au ministère des affaires étrangères, c’est pour bien montrer que notre diplomatie économique se donne des objectifs très précis. Notre commerce extérieur affiche un déficit majeur non pas depuis deux ans, mais depuis des années, alors que d’autres pays – je ne parle pas seulement de l’Allemagne – ont, eux, une balance positive.
Est-il besoin de le rappeler ici, la France est un grand pays : cinquième puissance économique du monde, la France est l’un des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle est aussi une puissance militaire, monsieur le président Carrère : peu de pays peuvent se projeter sur différents théâtres de guerre comme elle le fait en Afrique. Nous sommes reconnus pour cela. En Europe, nous sommes seuls capables, avec les Britanniques, de parler ainsi. Cependant, nous connaissons aussi l’importance, dans le monde actuel, de la capacité de nos entreprises à conquérir des marchés, de notre intelligence, de notre recherche.
Un débat se tiendra bientôt à l’Assemblée nationale sur ces jeunes qui quittent la France ; vous en avez, vous aussi, débattu. Bien sûr, il ne faut pas exagérer l’ampleur du phénomène. La jeunesse française voyage, elle se déplace ; je n’oublie pas que près de deux millions de nos compatriotes sont à l’étranger. On ne peut pas tout à la fois se réjouir de vivre dans un monde désormais ouvert et se plaindre que les Français se déplacent. Soyons tout de même attentifs à un certain nombre de mouvements. Nous devons faire en sorte que la France, sa capitale, ses grandes métropoles, soient les plus attractives possible. De ce point de vue, la question de l’Université est tout à fait essentielle.
Monsieur Gaudin, vous avez évoqué la sécurité. Nous en avions déjà parlé ensemble à Marseille, et je ne doute pas que, quand la poussière de la campagne municipale sera définitivement retombée, vous vous en entretiendrez également avec Bernard Cazeneuve ; vous savez qu’il est un homme de dialogue.
Reconnaissons que la violence est un fait de notre société depuis trente ans. Cela fait cinq ans que les cambriolages explosent. Sur ces sujets – sécurité, immigration –, il faudrait que nous trouvions des langages communs ; c’est déjà le cas au Sénat. Quand on regarde ce qui se passe dans les mairies en matière de vidéosurveillance, de police municipale, de place de la police et de la gendarmerie sur le terrain, de politique de prévention, on se rend compte que nous avons souvent – pas toujours, mais souvent – les mêmes solutions.
Tel est le message que le Président de la République m’a demandé de communiquer à l’Assemblée nationale et au Sénat. Apaisons, mesdames, messieurs les sénateurs, apaisons les uns et les autres, y compris sur les sujets de société.
Il y a eu un grand débat sur le mariage pour tous. C’est l’honneur de ce gouvernement, et de sa majorité, d’avoir ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe. Regardez ce qui s’est passé en Espagne ou, plus récemment, en Grande-Bretagne. En même temps, il faut reconnaître que cela a suscité des inquiétudes, créé des déchirures. §
J’ai été très frappé par les rumeurs sur le prétendu enseignement de la théorie du genre ; la présidente Assassi y a fait allusion. Les candidats aux élections municipales en ont entendu parler dans un certain nombre de quartiers. On observe une montée des communautarismes. Notre pays est parcouru de fractures, communautaires, territoriales, sociales, ethniques aussi ; nous devons y être attentifs.
Honnêtement, est-ce que cela fait deux ans qu’on les attise ? Non ! Si nous en sommes là aujourd'hui, c’est parce que les problèmes existent malheureusement depuis un certain nombre d’années.
Sur les sujets comme la fin de vie et l’immigration, il faut essayer de construire des consensus ; en tout cas, moi, j’essaierai. Il ne s’agit pas d’être d'accord sur tout, puisqu’il faut bien trancher à un moment, mais, si nous voulons nous concentrer sur l’essentiel, c'est-à-dire sur le redressement économique du pays, il faut oublier un certain nombre de querelles et avancer ; c’est ce que nous demandent les Français.
Je souhaite enfin revenir sur la réforme territoriale. Monsieur Placé, je vous remercie de votre soutien, un soutien vigilant, notamment sur la question des territoires ruraux ; Jean-Pierre Caffet l’a évoquée lui aussi.
Monsieur Zocchetto, j’ai eu un moment de palpitation quand vous avez cité Matteo Renzi, comme on le fait d'ailleurs souvent pour saluer sa volonté réformatrice. Or le nouveau président du conseil italien a proposé de supprimer le Sénat ; vous avez remarqué que je ne suis pas allé jusque-là ! §Mais laissons cette plaisanterie, de mauvais goût ici, j’en suis bien conscient.
Nous posons les termes d’un débat sur ces réformes de structure. Je suis évidemment attaché à l’histoire du pays. Je vois bien quels sont les rôles de la commune et du département – du conseil général, pour être plus précis. Il ne m’a pas échappé que le niveau départemental, avec le conseil général et le réseau des préfectures et sous-préfectures, est fondamental en matière de politiques sociales, d’aménagement du territoire, de proximité, de cohésion territoriale et sociale. En même temps, je me dis que c’est l’occasion de changer et de moderniser ce pays.
Monsieur Mézard, je suis vraiment très attentif à la question de la proximité et de la distance. Mais précisément : quand je constate le sentiment d’abandon qui existe déjà aujourd'hui – je ne le nie pas du tout –, je me dis que la proximité des préfectures, des sous-préfectures et des capitales régionales n’empêche pas les problèmes. Le temps des évolutions est venu en ce qui concerne l’intercommunalité, les régions et, à l’horizon 2021, les départements. Entrons dans ces débats.
Des questions se posent, comme celle de la proximité. J’ai parlé hier à l’Assemblée nationale des territoires ruraux, de l’espace rural, de la ruralité. J’en ai encore parlé aujourd'hui, monsieur Zocchetto ; j’ai même insisté sur le sujet.
Cela étant, nous ne pouvons pas différer ces débats. Sinon, ce sera le rabot permanent, les économies cherchées tous les ans sur les mêmes secteurs, les mêmes budgets.
C’est toute la difficulté : nous ne sommes pas en capacité de prendre suffisamment de distance pour faire des réformes de structure qui nous permettront demain des gains de productivité.
C’est toujours comme cela que les gouvernements ont agi. Il y a eu de grandes réformes de la décentralisation : la réforme de Pierre Mauroy et Gaston Defferre, le développement très important de l’intercommunalité par Jean-Pierre Chevènement sous le gouvernement de Lionel Jospin, l’avancée, avec notamment l’inscription de la décentralisation dans la Constitution, réalisée par Jean-Pierre Raffarin lorsqu’il était Premier ministre – à force de vous citer, je vais finir par vous causer des ennuis, monsieur Raffarin… §–, ou encore la création des métropoles.
Reconnaissons toutefois que nous sommes aujourd’hui au bout de quelque chose et qu’il faut trouver de nouveaux leviers. On peut continuer à « bricoler », mais cela ne suffit pas : nos territoires urbains sont lézardés par les fractures que j’ai évoquées, et les habitants d’un certain nombre de territoires ont un sentiment d’abandon. Je tiens néanmoins à souligner – car nous avons tendance à ne parler que des problèmes en oubliant nos atouts - que notre agriculture, nos agriculteurs, nos exploitants agricoles sont aussi une force pour la conquête de marchés partout dans le monde ; il y a là un potentiel tout à fait extraordinaire.
Il faut poser les termes du débat. Nous aurons des désaccords – c’est normal –, mais je porterai ce débat et nous avancerons. C'est pour cela que nous avons fixé des échéances concernant les régions, l’intercommunalité et, demain, les départements. Soyez assurés que je serai attentif aux propositions et contre-propositions du Sénat, et plus largement au dialogue que nous nouerons ensemble.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincu que nous sommes à l’un de ces moments où tout peut basculer. Au-delà de nos différences, nous nous devons d’être les uns et les autres à la hauteur des événements, et c'est ce que la France est toujours capable de faire le mieux.
Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste se lèvent et applaudissent . – On applaudit également sur certaines travées du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC.
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 8 avril 2014, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article L. 631-15, II, du code de commerce
p rononciation d’office de la liquidation judiciaire par le tribunal pendant la période d’observation d’un redressement judiciaire
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.