Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 9 avril 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume :

Grâce aux négociations menées par le Président de la République et par vous, monsieur le ministre, l’agriculture française pourra continuer à se développer - le résultat aurait pu être tout l’inverse - et aller vers son destin.

Nous savons très bien que l’on ne peut plus parler aujourd’hui du budget agricole français sans y adjoindre le budget agricole européen. Cette renégociation de la politique agricole commune permettra, n’en doutons pas, parce que le cadre est dorénavant connu, de donner au ministre des marges de manœuvre supplémentaires pour mener la politique agricole dont la France a besoin, notamment en matière de couplage d’aides directes et de modulation des aides en fonction de la surface.

Pourquoi cette loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ? Tout simplement parce que la situation de l’agriculture en France mérite que l’on s’y attarde et que nous essayions ensemble de l’améliorer.

Ce projet de loi, M. le ministre vient de le dire, prend en compte un impératif : celui de l’économie et de la compétitivité. Comment parler d’agriculture sans parler d’économie, de compétitivité, de balance du commerce extérieur, sans faire en sorte que celles et ceux qui en vivent – parfois pas très bien, d’ailleurs – puissent vivre le mieux possible ?

Le fait que l’agroalimentaire soit rattaché au ministère de Stéphane Le Foll, alors que cela n’avait pas été le cas depuis fort longtemps, montre bien que l’agriculture et l’agroalimentaire sont deux piliers du développement économique de notre pays.

Évidemment, nous avons déjà adopté d’autres lois. Il n’y a pas si longtemps, Bruno Le Maire présentait sa loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui comportait des éléments positifs, notamment en termes de contractualisation, de coopération entre les acteurs, de structuration des filières, d’interdiction des pratiques commerciales abusives – nous avions même évoqué le problème de l’assurance récolte. Force était de constater, cependant, qu’il fallait aller encore plus loin. Cette loi d’avenir ne remet nullement en cause la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, mais elle essaie de franchir un pas, une marche, un cap supplémentaire.

M. le ministre l’a bien dit : ici, au Sénat, peut-être plus qu’ailleurs, nous connaissons l’agriculture. La plupart d’entre vous, mes chers collègues, sont agriculteurs ou agriculteurs retraités. La plupart d’entre nous sommes fils et filles d’agriculteurs. Nous connaissons donc cette histoire, ce patrimoine agricole, nous savons ce qu’est notre culture, nous savons combien il est difficile de vivre en zone rurale, combien il est difficile, pour un petit exploitant, de vivre des revenus de son activité.

C’est la raison pour laquelle, surtout, il ne faut pas opposer les agricultures entre elles. Il ne faut pas opposer l’agriculture biologique à l’agriculture conventionnelle, il ne faut pas opposer les grandes cultures au maraîchage, il ne faut pas opposer l’agriculture de plaine à l’agriculture de montagne, il ne faut pas opposer les circuits courts aux circuits longs et aux exportations salvatrices, il ne faut pas opposer l’enseignement agricole public à l’enseignement agricole privé. C’est à cette condition, et forts de tout cela, que nous pourrons nous en sortir et faire en sorte que l’agriculture puisse se développer.

Pour la première fois – soyez-en remercié, monsieur le ministre ! –, une loi agricole n’oppose pas environnement et agriculture. Bien au contraire, elle cherche à gagner sur les deux tableaux, celui de la production – parce qu’il faut produire pour nourrir nos concitoyens – et celui du respect de l’environnement. C’est gagnant-gagnant !

Il s’agit d’organiser la transition vers l’agroécologie. Ce terme peut faire peur à certains, parce qu’il comporte le mot « écologie », mais personne ne pourra s’abstraire du mouvement. Dans tous les pays où l’agriculture est une force économique, il faut bien le reconnaître, les pratiques agricoles anciennes, qui ont connu leur heure de gloire et ont donné de bons résultats, ne peuvent pas continuer, parce qu’il faut transformer nos moyens de production, pour continuer à produire, et produire plus, c’est indispensable, mais aussi produire mieux : c’est une demande de l’Europe, c’est une demande sociétale et c’est un engagement que nous assumons tous !

Je ne connais pas un seul agriculteur, en France, qui ajouterait volontairement des intrants aux intrants. Tous réfléchissent et adoptent une pratique agricole respectueuse de l’environnement, évidemment. Assumons-le et disons, tout simplement, qu’il ne faut pas opposer la production – la productivité de l’agriculture, n’ayons pas peur des mots ! – à la défense de l’environnement.

M. le ministre l’a dit, cette loi ne tourne pas le dos à la compétitivité. Bien au contraire, l’économie et la compétitivité sont inscrites, dès ses premiers articles, comme l’alpha et l’oméga de ce que doit être l’agriculture de demain : une agriculture compétitive, rémunératrice, qui prend soin de l’environnement, avec le double objectif, à l’intérieur des frontières, de nourrir nos concitoyens et, au-delà, de faire en sorte que la balance de notre commerce extérieur, excédentaire pour l’agriculture, continue à l’être. Voilà l’enjeu de cette loi, et l’agroécologie nous invite à innover. §

Tel me paraît donc être, mes chers collègues, le socle de cette loi : faire plus et mieux, reconquérir l’économie agricole en tournant le dos à la standardisation à outrance.

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