Si nous arrivons à faire ce constat commun – et nous pouvons le faire, même si, sur certains points, nous ne serons pas forcément d’accord – alors oui, monsieur Mirassou, nous irons de l’avant !
Permettez-moi d’aborder deux thèmes indispensables, celui de la jeunesse et de l’innovation. Je ne m’attarderai pas sur la jeunesse, que le ministre a évoquée, sinon pour souligner qu’elle est l’avenir de notre agriculture, d’autant plus lorsque l’on sait que le renouvellement des générations, qui est tellement essentiel, pose problème. En effet, les agriculteurs âgés de moins de quarante ans représentent moins d’un quart de la profession dans certaines filières et il arrive que la moyenne d’âge globale dépasse cinquante ans.
Alors, faute d’installer des jeunes, ce sera la fin de l’agriculture. Aujourd’hui, comme l’a dit le ministre, plus de 30 % de ceux qui s’installent le font hors cadre familial. C’est bien la raison pour laquelle il faut mettre au premier plan de toute loi agricole et de tout engagement agricole les thèmes de la jeunesse, de l’installation et du renouvellement des générations. Et si l’accès au foncier est indispensable pour l’ensemble des agriculteurs, il l’est encore plus pour les jeunes.
Or ces thèmes, l’installation, la jeunesse, le renouvellement des générations et l’accès au foncier, figurent vraiment avec force dans ce texte.
Qui dit jeunes, dit formation, une formation doublement essentielle, d’une part, pour aller vers l’agroécologie et des pratiques nouvelles, mais aussi, d’autre part, parce que, comme je le disais, un grand nombre de jeunes qui s’installent le font hors cadre familial.
Et je ne saurais trop insister ici, à cette tribune, comme le fera certainement le rapporteur pour avis Brigitte Gonthier-Maurin, sur ce joyau que constitue l’enseignement agricole. En effet, l’élève qui entre dans l’enseignement agricole en sort quasi systématiquement avec un métier, contrairement à ce que l’on constate dans d’autres filières. Cet enseignement agricole doit donc être défendu, secouru, le cas échéant. Et, même si le sujet n’est pas d’actualité, il doit naturellement continuer de relever du ministère de l’agriculture.
L’enseignement agricole doit être dispensé dans toutes les structures, qu’elles soient publiques ou privées : les lycées, évidemment, mais aussi les centres de formation professionnelle et de promotion agricoles, les CFPPA, sans oublier les maisons familiales rurales, qui jouent un rôle essentiel pour l’aménagement du territoire en ce qu’elles parviennent à rattraper des jeunes qui, sinon, ne réussiraient peut-être pas.
Ce que prévoit à cet égard ce texte, notamment les passerelles, l’accès à l’enseignement supérieur et la recherche, la possibilité d’aller de l’avant, va dans le bon sens. Si nous voulons pour demain une agriculture dynamique et différente, il faut que l’enseignement prodigué aux jeunes soit lui-même dynamique et différent.
J’en viens à l’innovation, longuement évoquée par M. le ministre. L’innovation ne se décrète pas, mais il faut sans cesse la porter, car elle est indispensable. La création du groupement d’intérêt économique et environnemental, le GIEE, fournira l’instrument du regroupement des agriculteurs avec, éventuellement, d’autres acteurs, pour faire mieux et mettre en œuvre des actions innovantes.
Il faut aller encore plus loin. L’innovation en agriculture peut prendre des formes très diverses. Si la loi en parle, c’est surtout avec l’intervention des agriculteurs qu’elle se concrétise. Je citerai l’amélioration variétale, la gestion des intrants, le développement du bio-contrôle comme technique alternative aux traitements phytopharmaceutiques classiques, les nouvelles techniques pour les semis avec le non-labour, la recherche de l’autonomie fourragère.
Je pourrais en citer encore beaucoup, mais je me contenterai de dire que l’innovation doit se développer dans cette direction. Il existe un foisonnement d’initiatives. Soutenons-les, mettons-les en avant, assurons leur rayonnement. Les GIEE sont, me semble-t-il, l’outil pour ce faire, pour montrer à d’autres régions, à d’autres territoires, que l’innovation est possible, qu’il ne faut jamais baisser les bras, même si c’est dur. C’est que, mes chers collègues, la transformation de l’agriculture est toujours possible !
Aujourd’hui, la performance passe par la nouveauté, par l’expérimentation. Mais on ne peut parler d’’innovation sans poser la question de la recherche. Et c’est peut-être sur ce point qu’il nous faudra aller encore plus loin cette semaine, puis en deuxième lecture. En effet, si l’innovation se fait au niveau des territoires, elle doit aussi se faire « en haut ». La création d'un institut agronomique et vétérinaire de France va y contribuer. Il faut absolument que, en relation avec les autres pays d’Europe, notre recherche, notre innovation, notre recherche-développement soient fortes. C’est par la recherche et par l’innovation que nous avancerons. Le ministre citait les OGM, mais il y a beaucoup d’autres sujets.
Le Premier ministre nous appelait cet après-midi, ici au Sénat, à appréhender la politique différemment. Il nous appelait, dans un discours très sincère – apprécié, me semble-t-il, sur toutes les travées – à éviter le plus possible ces postures qui interdisent le débat : même si nous avons des désaccords, il nous faudra débattre.
Ainsi, à propos des OGM, nous devons dépasser le clivage des pour et des contre, pour mieux nous interroger sur les enjeux et les risques. Nous devons aller de l’avant pour mieux appréhender les éventuels effets négatifs sur la santé de nos concitoyens. N’ayons pas peur de parler, n’ayons pas peur d’échanger, n’ayons pas peur de chercher et, après, de trancher !
Avec mon collègue Philippe Leroy, rapporteur du volet « forêt » de ce projet de loi, avec les rapporteurs pour avis, Brigitte Gonthier-Maurin et Pierre Camani, nous avons tenté de faire le meilleur travail possible. Nous avons beaucoup écouté, nous avons conduit un grand nombre d’auditions et consacré de longues heures à notre réflexion. Ces rencontres ont été très enrichissantes et je veux vraiment remercier les collègues qui y ont participé, outre le rapporteur et les rapporteurs pour avis, que je tiens à saluer tout particulièrement.
J’ai essayé, pour ce qui concerne les volets du texte que je rapporte, d’aborder ce texte sans dogmatisme, mais avec pragmatisme. L’objectif, le seul qui nous a guidés, c’était de déterminer ce qui est bon pour l’agriculture et pour les agriculteurs. Après quoi, nous nous sommes efforcés de développer et d’aller le plus loin possible. Et je dois dire que le rapport est vraiment une œuvre collective : nous l’avons élaboré tous ensemble !
Beaucoup d’amendements ont été acceptés. Je prendrai quelques exemples des avancées qui ont été réalisées par la commission.
Tout d’abord, sur les GIEE, le ministre l’a dit, nous voulons passer de la double performance à la triple performance : économique, environnementale et sociale. Cela nous a semblé évident.
Ensuite, sur le bail environnemental, nous avons cherché à être pragmatiques pour que, sans remettre en cause le bail environnemental, ce dispositif ne soit pas un handicap, notamment pour les installations et pour les jeunes. Nous avons posé des garde-fous pour empêcher les dérives et protéger l’agriculteur qui aurait cinq ou six parcelles à des endroits différents. Je crois que nous sommes parvenus à un point d’équilibre.
J’en viens à la compensation agricole. Sur ce sujet, monsieur le ministre, il faudra sûrement aller encore un peu plus loin. Il y a une compensation environnementale, mais la compensation agricole est importante. Lorsque des agriculteurs ont dû, en raison de déviations, de constructions de routes ou d’autoroutes, de lignes à grande vitesse, vendre des terres et les mettre à disposition de la collectivité à des fins d’intérêt général, il faut absolument leur offrir une compensation. Nous devrons avancer.
Sur le registre, nous avons eu de longs débats, et, je le sais, ils vont se poursuivre. Je remercie les collègues de la commission qui ont cheminé avec nous jusqu’au point d’équilibre. Nous avons fait en sorte qu’aucune catégorie ne soit oubliée de ce registre, lequel doit vraiment servir à l’agriculture.
Sur la clause miroir pour les coopératives, monsieur le ministre, vous avez fait vous-même un pas. Je pense que nous sommes arrivés à une situation satisfaisante. On ne peut pas demander à toutes les assemblées générales de tout faire, surtout pour les grandes coopératives, mais, d’un autre côté, il faut que les sociétaires aient l’information.
Sur les interprofessions, nous avons essayé d’éviter les blocages dans le cadre de la structuration des filières et des accords commerciaux.
Nous avons essayé de même de simplifier la procédure de reconnaissance des GAEC, les groupements agricoles d’exploitation en commun, et c’était sans doute justifié.
Nous avons progressé vers l’ouverture des espaces de communication sur les radios et les télévisions pour les produits frais.
J’en viens à la place du vin, sujet cher à mes collègues Gérard César et Roland Courteau. Nous avons eu un très long débat sur la place du vin dans la société. Mes chers collègues, osons affirmer que le vin tient une place indispensable dans le patrimoine national, qu’il faut la défendre et que c’est aussi l’un des rôles d’une loi agricole.