Nous avons apprécié les mesures en faveur de la forêt que vous avez fait adopter dans la loi de finances rectificative et la loi de finances pour 2014.
La loi de finances rectificative a permis de confirmer des avantages fiscaux et financiers qui avaient été conférés aux forestiers.
Mais la principale innovation, contenue dans la loi de finances pour 2014, fut la création d’une action n° 13 au sein du programme 149, intitulée « Fonds stratégique de la forêt et du bois ». C’est une très bonne surprise – je le dis sans arrière-pensée ! –, qui a été appréciée par toutes les professions de la filière bois, qu’elles soient forestières ou industrielles.
Près de quinze ans après la suppression, scélérate, du Fonds forestier national, le 1er janvier 2000, la mise en place de ce fonds, que vous avez voulue et que vous avez osée, répond au besoin de la filière de disposer d’un instrument financier dédié pour l’essentiel au soutien des investissements forestiers indispensables au renouvellement de nos massifs, à leur adaptation aux événements climatiques ainsi qu’à leur richesse écologique. Il fallait le faire, monsieur le ministre, et vous l’avez fait ! Je vous en rends hommage.
Ce fonds, doté de 25 millions d’euros dans le budget de 2014, est consacré et officialisé dans le projet de loi que nous allons examiner. C’est une grande avancée.
Nous avons cependant souhaité, sur ce point, aller plus loin – j’ai déposé un amendement en ce sens à l’article 29 – en faisant de ce fonds un compte d’affectation spéciale, seule formule à même de pérenniser son existence.
Le compte d’affectation spéciale est, je le sais, un gros mot qui fait frémir l’ensemble des technocrates de Bercy, quelle que soit la couleur politique du gouvernement, ainsi que la plupart des parlementaires familiers des questions financières. Pourtant, en l’absence d’un tel fonds, la pérennité des crédits nécessaires à la forêt et à son renouvellement ne sera pas garantie, et l’on ne pourra pas donner les assurances nécessaires aux professionnels du bois pour qu’ils s’engagent dans des travaux forestiers.
Dans le secteur forestier, je le rappelle, avant de planter un arbre, il faut quatre ou cinq ans pour fabriquer le plant en pépinière, puis attendre vingt ans avant d’être rassuré sur son sort. Pendant toutes ces années, il faut pouvoir bénéficier d’une sécurité financière, pour assurer l’avenir.
Ce fonds est donc une avancée formidable et il nous faudra veiller, au cours de nos discussions, dans la mesure où c’est possible, à le rendre permanent.
Nous pourrions le doter des 25 millions d’euros déjà inscrits en loi de finances et l’alimenter par l’indemnité de défrichement dont nous allons parler ainsi que par le produit de la vente en Europe des « quotas carbone ».
Sur un autre plan, félicitons-nous que soit réaffirmée, à l’article 29, la reconnaissance d’intérêt général de la forêt et du bois, et de leurs nombreuses « externalités positives », comme disent les savants d’aujourd’hui.
La forêt représente une richesse patrimoniale irremplaçable pour la France, de par sa multifonctionnalité : il s’agit d’un potentiel économique, bien sûr, mais aussi environnemental et social.
Ce potentiel, énorme, qui couvre près du tiers de la surface de notre territoire, s’autofinance à près de 100 %, et ne coûte donc pas cher au contribuable.
Permettez-moi à cet instant un clin d’œil à mes amis écologistes et agriculteurs. Rappelons-nous que les premiers écologistes d’Europe ont été les forestiers, aux XVe et XVIe siècles. Nous avons inventé le rendement soutenu, que Colbert a formalisé dans différents édits. Les Anglais, qui travaillaient sur cette question à la même époque, l’appelaient le sustainable development. Cela correspond tout à fait à la formule retenue dans le protocole de Kyoto !
Nous avons donné à nos forêts une triple mission, économique, environnementale et sociale. Je constate que les agriculteurs tendent désormais à adopter ce triplet, ce qui représente un progrès pour l’agriculture.
Le texte aborde aussi le regroupement de la petite propriété forestière, vaste problème que nous aurons à évoquer longuement.
Première forêt feuillue d’Europe, la forêt française est en effet essentiellement privée, pour 74 % de sa surface, avec 3, 8 millions de propriétaires, dont 200 000 seulement possèdent plus de 10 hectares. Elle est donc, pour une partie significative, atomisée en une myriade de petites propriétés, dont les parcelles s’enchevêtrent. Il s’agit là de l’héritage de l’exode rural qui a marqué le XXe siècle.
L’article 30, en créant les groupements d’intérêt économique et environnemental forestiers, représente également une avancée appréciable pour la petite forêt.
Autre clin d’œil : je remarque que les petites forêts constituent un remarquable réservoir de biodiversité, donc une richesse non moins remarquable. Il convient donc de ne pas les considérer comme un handicap absolu. Il faudra de nombreuses années, en dépit des initiatives que vous nous proposez de prendre à leur endroit, pour traiter le problème de ces petites propriétés forestières : cela ne se fera pas en moins d’une génération. Nous devons faire preuve d’humilité sur cette question ; c’est important pour la suite de nos discussions.
Les forêts publiques sont, quant à elles, minoritaires en surface. Qu’elles soient domaniales ou communales, elles sont gérées par l’Office national des forêts, l’ONF, conformément au régime forestier.
Les forêts privées dont la surface est supérieure à 10 ou 25 hectares peuvent ou doivent présenter un document de gestion approuvé par l’État : le plan simple de gestion. En l’occurrence, les choses vont relativement bien.
Pour les propriétés de faible surface, les règlements types de gestion ou les codes de bonnes pratiques sylvicoles constituent pour les volontaires un statut de bon forestier.
Il convient de garder ces instruments, monsieur le ministre, tout simplement – et c’est un rappel à la modestie – parce qu’il nous faut des solutions diversifiées, qui nous permettront peu à peu de porter remède au morcellement forestier, sans que l’on cherche pour autant à imposer un modèle unique.
La France est très diverse. Laissons cette diversité s’épanouir, y compris dans les formules de reconnaissance de la bonne gestion forestière !
Il faudra aussi s’entendre pour définir les différentes catégories de professionnels habilités à intervenir auprès des propriétaires privés. C’est compliqué ! Mais je les appelle tous, car je les connais bien, à la patience et à la tolérance. Les experts forestiers, les gestionnaires forestiers professionnels, les coopératives et bien d’autres doivent faire en sorte de s’entendre et ne pas chercher à se concurrencer inutilement. Il y a de la place pour tout le monde ! Le projet de loi nous permettra d’aborder ces différentes questions.
Je voudrais à présent vous dire quelques mots des grandes problématiques de la forêt française qui ont retenu notre attention.
Notre forêt se porte bien, quantitativement. Sa surface couvre aujourd’hui environ 15 millions d’hectares et en gagne de nouveaux chaque année. Cela fait bondir certains agriculteurs, dans la mesure où les terres agricoles disparaissent tandis que la forêt continue à croître.