Nous pensons vraiment que ce projet de loi porte en lui les germes de la transition, mais qu’il peut et doit être renforcé pour que l’ensemble des outils disponibles soient mobilisés en faveur de l’agroécologie, et seulement de celle-ci.
Les amendements que nous présenterons s’articulent selon les axes suivants.
En premier lieu, selon nous, produire autrement, c’est aussi adopter un autre mode de production des connaissances.
C’est pourquoi nous prônons la reconnaissance des associations, « têtes de réseaux » du développement agricole et rural, parties prenantes au quotidien et de longue date à l’accompagnement des agriculteurs et des créateurs d’activités en milieu rural, moteurs de l’innovation sur nos territoires.
Produire autrement les connaissances, c’est aussi s’atteler à la formation des jeunes, des moins jeunes et du corps enseignant, en proposant une formation en phase avec les principes de l’agroécologie. C’est orienter clairement la conduite des exploitations agricoles et des ateliers technologiques des établissements d’enseignement.
Produire autrement, c’est sortir la recherche de l’ornière de l’orientation exclusive vers l’agriculture productiviste, en privilégiant la pluridisciplinarité, entre techniques, sciences sociales et sciences économiques, sans oublier la psychologie, pour comprendre les freins au changement.
Produire autrement, c’est redonner toute sa place à l’agronomie.
En deuxième lieu, nous entendons promouvoir l’autonomie des agriculteurs : autonomie décisionnelle, autonomie des exploitations, autonomie à l’égard des grands groupes industriels. Il s’agit, par exemple, de reconnaître le droit inaliénable de ressemer, ou encore de sortir les préparations naturelles peu préoccupantes, les PNPP, de la liste des produits phytosanitaires.
En troisième lieu, nous souhaitons mettre l’accent sur la préservation des ressources : préservation des ressources foncières, bien sûr – la terre doit retrouver sa première fonction, celle de terre nourricière –, préservation de la biodiversité, de l’eau et des sols. Ainsi, nous plaidons pour une diminution drastique de l’utilisation des produits pesticides et pour l’interdiction des produits phytosanitaires classés cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques de type 1, tout comme pour l’interdiction formelle des épandages aériens, notamment dans les outre-mer. Ces demandes d’interdiction sont, bien sûr, aussi motivées par les conséquences avérées et graves de l’utilisation de ces produits et méthodes sur la santé humaine.
En quatrième lieu, nous voulons encourager le renouvellement des générations et le soutien aux nouveaux agriculteurs, quel que soit l’âge d’entrée dans le métier, par la progressivité des cotisations sociales et la reconnaissance des cotisants solidaires, ainsi que par la reconnaissance des formes coopératives, telles les coopératives d’activités et d’emploi agricoles, et par la mise en place de fonds de cautionnement public pour l’installation des hors-cadres familiaux.
Enfin, nous voulons une agriculture ouverte sur la société. Cela nécessite de reconnecter agriculture, alimentation et territoires. C’est dans cet esprit que nous préconisons le renforcement des projets alimentaires territoriaux, introduits par nos homologues écologistes de l’Assemblée nationale, et que nous proposerons la prise en compte de l’agriculture en tant que telle dans le diagnostic des schémas de cohérence territoriale, les SCOT.
Nous développerons tous ces points, et bien d’autres encore, dans les jours qui viennent.
Pour terminer, je voudrais évoquer le titre relatif à la forêt, sur un point particulier : la présomption de garantie de gestion durable accordée aux codes de bonnes pratiques sylvicoles, à laquelle est adjointe une obligation de coupes et travaux, mais sans volet social et environnemental, est contraire aux objectifs affichés et contribuera à renforcer davantage encore la concentration de la filière. Il faudra revenir sur cette disposition.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi pose des bases intéressantes et pertinentes pour s’engager sur le chemin de la transition vers le « produire autrement », mais aussi le « consommer autrement », et même le « vivre autrement ». J’espère vivement, monsieur le ministre, que votre ambition de faire de la France le leader européen de l’agroécologie pourra aboutir.
À propos de l’Europe, quelle ne serait pas notre déconvenue si, dans quelques mois, tous les efforts engagés devaient être anéantis par l’adoption en l’état du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis ! Ce serait la victoire de l’agro-industrie tant européenne qu’américaine, et nos produits de qualité issus de l’agroécologie seraient concurrencés par l’alimentation OGM, le bœuf aux hormones et le poulet javellisé ! Monsieur le ministre, nous comptons beaucoup sur vous !
Le groupe écologiste soutient l’ambition agroécologique de votre projet de loi, ambition que je souhaite voir s’inscrire dans les faits. J’en appelle donc à une cohérence globale de nos politiques publiques agricoles, alimentaires et commerciales. §