Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier particulièrement les rapporteurs de la commission des affaires économiques, Didier Guillaume et Philippe Leroy, de nous avoir fait bénéficier de toute leur expertise.
Contrairement aux apparences, la majorité et l'opposition ne défendent pas des visions antagonistes de l’agriculture.
Bien sûr, le débat autour de ce projet de loi est accaparé par la promotion de l'agroécologie et de l'ensemble des dispositions devant conduire à un verdissement de notre politique agricole.
Dans ce texte, le Gouvernement redouble d'efforts sémantiques pour satisfaire toutes les composantes de sa majorité. Cela n'a rien de surprenant.
Cependant, il ressort des débats à l'Assemblée nationale qu'il y aurait deux visions irréconciliables de l’agriculture française, avec, d'un côté, une majorité désireuse d’incarner une rupture écologique, et, de l'autre, une opposition hostile au développement de l’agriculture biologique.
Mes chers collègues, je ne crois pas à ce clivage, largement artificiel. Il existe, j'en suis certain, des dénominateurs communs.
Le premier d’entre eux est, selon moi, la satisfaction de notre demande intérieure. Oui, il est incompréhensible que la France importe la moitié de ses fruits et de ses légumes. Oui, il est incompréhensible que la France importe 20 % de sa consommation de viande bovine ou la majeure partie de sa consommation de viande ovine.
Dans le même temps, la France est passée, en quelques années, du deuxième au cinquième rang mondial pour les exportations agroalimentaires, derrière les États-Unis, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Brésil.
Certes, notre agriculture affronte de nouveaux concurrents redoutables, mais nous ne profitons pas suffisamment des marchés des pays émergents, qui, eux, parviennent à pénétrer les marchés européens.
Tout le monde peut faire le constat suivant : nous avons un potentiel énorme, largement sous-exploité, et lorsqu'il ne l'est pas, notre offre est inadaptée parce que mal organisée.
Pourtant, si l’on regarde de près la part de chaque production dans l’agriculture française, on observe que l'élevage arrive en première position, avec 26 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour 2012, suivi par l'activité céréalière, qui a rapporté 15 milliards d'euros. En troisième position, on trouve le secteur des fruits et légumes, avec plus de 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Nous sommes donc face à un immense gâchis. Nous avons un terroir, un savoir-faire, des produits, une valeur ajoutée incomparables par rapport à ceux de nos concurrents, même européens, mais nous sommes incapables de valoriser notre offre, que ce soit pour répondre à la demande intérieure ou à celle des pays émergents.
Par conséquent, il n'est pas utile de se quereller sur le point de savoir si la réponse à apporter à ce défi doit être biologique, écologiquement responsable ou propre à conjuguer rentabilité et préoccupations environnementales. Tous les leviers devront être activés pour reconquérir des parts de marchés.
Alors oui, je déplore un recours abusif au champ lexical de l'écologie, comme si l'agriculteur français n'avait que faire de ces préoccupations.
Cela étant, je me dois de souligner une omission. Monsieur le ministre, vous fondez une part substantielle de votre texte sur la notion d'agroécologie. Pourquoi pas, mais encore aurait-il fallu en donner une définition précise, qui ne se limite pas à évoquer « une diminution de la consommation d'énergie, d'eau, d'engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques ».
En ce qui concerne la création des GIEE, nous sommes, là encore, perplexes. Notre critique portera non pas sur la mesure elle-même, mais sur sa mise en œuvre. Monsieur le ministre, quelles sont ces majorations d’aides publiques dont pourront bénéficier les exploitants agricoles concernés ? L'article 3 est pour le moins silencieux sur ce point.
Quoi qu'il en soit, il s'agit de promouvoir des modes de production agricole de manière incitative, et non pas coercitive. Or l’article 4 va précisément à l’encontre de cette démarche.
Cet article introduit notamment le bail environnemental. D'un point de vue opérationnel, on se rend très vite compte que ces dispositions réduiront l'accessibilité du foncier agricole. Fort heureusement, l’examen en commission a conduit à l'adoption d'un amendement de notre rapporteur Didier Guillaume, visant à n'étendre le bail environnemental que s'il s'agit, pour le bailleur, de nouvelles pratiques ne marquant pas de régression par rapport à l'existant.
Malheureusement, tous les exploitants agricoles ne seront pas en mesure de satisfaire aux clauses inscrites dans le bail, même si elles ont été respectées par un autre exploitant.
Une autre difficulté doit être mentionnée : qu’adviendra-t-il pour les agriculteurs qui s’étaient engagés à respecter des clauses très contraignantes et qui, par manque de viabilité économique, veulent changer de production ?
En conséquence, notre groupe reste opposé à cet article 4, car il traduit, selon nous, une conception punitive de l’écologie qui restreindra l’accès au foncier agricole. Pour cette raison, nous défendrons un amendement visant à supprimer ce qu’il reste du bail environnemental.
J’en viens maintenant aux « clauses miroirs » introduites à l’article 6.
L’alinéa 11 de cet article prévoit que, pour les sociétés coopératives agricoles, l’organe chargé de l’administration détermine les critères relatifs aux fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires affectant significativement le coût de production de ces produits. En réalité, il s’agit bien du conseil d’administration, qui traite des marchés, et donc de tout ce qui concerne l’activité de la coopérative.
Je profite de cette occasion pour vous demander, monsieur le ministre, où en est la médiation sur la mise en œuvre de la clause miroir que vous avez proposé de mettre en place en décembre dernier. De la même manière, quid du refus de Bruxelles de faire bénéficier les coopératives agricoles du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE ?
Monsieur le ministre, l’engagement que vous aviez pris à l’occasion des états généraux de l’agriculture, le 21 février dernier, de solliciter le Premier ministre, en contrepartie de votre refus de poursuivre les négociations sur le CICE avec Bruxelles, « pour que soit accordée aux coopératives, par anticipation, la suppression des charges liées aux cotisations familiales que le Gouvernement envisage » est-il toujours valable ?