Intervention de Yannick Vaugrenard

Commission des affaires économiques — Réunion du 9 avril 2014 : 1ère réunion
Artisanat commerce et très petites entreprises — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard, rapporteur :

Le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux TPE a été adopté en première lecture par les députés le 18 février dernier, avant d'être transmis au Sénat. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. J'ajoute que la commission des lois et celle de la culture et de l'éducation se sont saisies pour avis.

Le texte aborde quatre grands sujets : le régime des baux commerciaux, l'harmonisation des régimes fiscal et social de la très petite entreprise, la définition du champ de l'artisanat et la législation de l'urbanisme commercial. Son objectif est de créer les conditions favorables au développement du tissu des petites entreprises qui dans nos territoires apportent une offre de proximité et de nombreux emplois non délocalisables.

Avec plus d'un million d'entreprises, l'artisanat représente presque le tiers des entreprises du secteur marchand, 3 millions d'emplois, dont 2 millions salariés, et plus de 100 milliards d'euros de valeur ajoutée par an. Quant au commerce, il compte 3 millions d'emplois salariés et 360 000 emplois indépendants. Au total, ces deux ensembles constituent 15 % du PIB français. Dans le secteur artisanal, les structures de moins de 10 salariés forment 95 % du total. Le petit commerce de proximité est composé de plusieurs centaines de milliers de TPE.

Ce secteur, du fait de ses spécificités et de son importance stratégique, exige des régulations spécifiques. Le projet de loi conforte, modernise et simplifie le régime des baux commerciaux - qui offre aux commerçants des règles protectrices pour garantir la pérennité de leur exploitation. Le présent texte impose un état des lieux d'entrée et de sortie, ainsi qu'un inventaire des charges et une répartition explicite de celles-ci entre le preneur et le bailleur. Il modernise les règles de plafonnement des loyers en imposant comme indice de référence non plus l'indice de la construction, mais l'indice des loyers commerciaux (ILC) ou l'indice des loyers des activités tertiaires (Ilat). Il crée des règles pour lisser les augmentations de loyers dans les cas où le plafonnement ne s'applique pas. Enfin, il instaure un droit de préférence pour le commerçant en place, en cas de cession onéreuse des locaux loués.

La principale difficulté, ici, est que les règles s'appliquent indifféremment aux petits commerçants indépendants et à des commerces en situation de force par rapport aux bailleurs ou encore à des activités éloignées du commerce classique, comme la logistique ou le bureau. Eux n'ont pas besoin de nouvelles protections, font valoir les bailleurs. Les députés ont entrepris de corriger le ciblage. Ils ont par exemple ouvert la possibilité de renoncer contractuellement au droit de résiliation triennale pour les baux d'une durée supérieure à 9 ans, pour les locaux monovalents et pour les locaux à usage exclusif de bureaux. Ils ont également adapté le droit de préférence au cas des centres commerciaux afin d'éviter l'émiettement de la propriété. D'après les auditions que j'ai menées, la réforme est parvenue à un équilibre. Je me bornerai à sécuriser juridiquement le dispositif. Un amendement encadrera l'exercice du droit de préférence pour les centres commerciaux ; un autre apportera des clarifications sur la répartition des charges entre locataires et bailleurs ; un autre sécurisera la procédure de congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

J'en viens à la micro-entreprise. On parle du statut des auto-entrepreneurs. En réalité, juridiquement, il y a seulement un régime spécifique, qui repose sur un calcul proportionnel des cotisations en fonction du chiffre d'affaire, fondé sur la règle « pas de chiffre d'affaires, pas de cotisations ». Il est ouvert aux travailleurs indépendants non agricoles sous condition de plafond de chiffre d'affaires (moins de 81 000 euros en cas de ventes ou 32 000 euros pour les prestations de services et les activités non commerciales). On compte actuellement 900 000 auto-entrepreneurs. La moitié d'entre eux sont économiquement actifs et déclarent un chiffre non nul. Peu grandissent et quittent le régime par le haut : 10 000 en 2011. Enfin, le chiffre d'affaires moyen reste assez modeste, 1 000 euros par mois en moyenne. Dès sa création, en 2008, ce régime simplifié a fait l'objet de critiques. On lui reproche d'engendrer des distorsions de concurrence vis-à-vis des autres travailleurs indépendants. Il rendrait également très simple la sous-déclaration d'activité. Enfin, il ferait l'objet de détournements par dissimulation de travail salarié. Les paramètres du régime ont été progressivement ajustés pour répondre à ces critiques. Dans la conjoncture actuelle de crise, il convient de poursuivre cet effort.

En se fondant sur le rapport de nos collègues Philippe Kaltenbach et Muguette Dini et sur celui du député Laurent Grandguillaume, le Gouvernement a posé les bases d'un régime unique de la micro-entreprise en fusionnant le régime micro-social et le régime micro-fiscal. L'article 12 du projet de loi soumet, par principe, les micro-entrepreneurs au paiement des cotisations minimales de droit commun. L'article 12 ter, résultant d'un amendement du Gouvernement adopté en commission, prévoyait la possibilité d'opter pour le non-paiement de ces cotisations minimales, préservant ainsi le principe « pas de chiffre d'affaires, pas de cotisation ». Les députés ont modifié l'article pour faciliter les démarches des travailleurs indépendants ayant une activité avec de faibles revenus : par défaut, ces personnes ne sont pas soumises aux cotisations minimales, sauf si elles souhaitent disposer d'une meilleure protection sociale.

Dans un souci d'équité, le projet de loi prévoit en contrepartie que tous les bénéficiaires du régime simplifié exerçant une activité commerciale ou artisanale devront remplir l'obligation d'immatriculation, dont les auto-entrepreneurs étaient jusqu'alors dispensés. Le texte met également fin à la dispense de stage de préparation à l'installation (SPI) pour les auto-entrepreneurs de l'artisanat. Un large accord existe sur la nécessité d'adapter le SPI aux besoins des différentes formes d'entreprises. Son coût ne doit pas non plus peser sur les autres catégories d'entreprises. Je vous soumettrai un amendement pour renforcer et préciser le dispositif de dispense de SPI.

L'article 14 met fin à l'exonération, au bénéfice des auto-entrepreneurs, des taxes pour frais de chambres consulaires. Il rétablit l'égalité entre les entreprises, tout en respectant le principe « pas de chiffre d'affaires, pas de droit à payer » grâce à un dispositif de taux unique applicable au chiffre d'affaires réalisé. L'article 15 écarte les demandes de prise en charge de formations émanant des travailleurs indépendants ayant déclaré un chiffre d'affaires nul pendant les 12 mois précédents. Il évite ainsi les abus tout en préservant le droit fondamental à la formation professionnelle. Enfin, l'article 16 perfectionne le contrôle du travail dissimulé en prévoyant la vérification des justificatifs d'attestations d'assurances professionnelles obligatoires. L'alignement des différents régimes facilitera le passage des micro-entreprises qui ont un potentiel de développement vers le régime au réel.

Le texte apporte des clarifications attendues sur la réforme du statut de l'artisanat. Aux termes de la loi du 5 juillet 1996, seule une partie des activités artisanales, celles identifiées à l'article 16, requièrent une qualification établie par des diplômes ou par une validation de l'expérience professionnelle. Les autres activités sont uniquement soumises à une obligation d'inscription sur le registre des métiers. Le secteur compte des artisans qualifiés mais aussi des personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'artisan sans être nécessairement qualifiées. La vérification des titres au moment de l'immatriculation n'est pas satisfaisante, puisque les chambres de métiers n'ont pas le droit de procéder à la vérification des pièces. Cela est bien surprenant ! Pour clarifier le droit, le projet de loi établit que seuls peuvent se prévaloir de la qualité d'artisan ceux qui possèdent un certain niveau de qualification professionnelle. L'obligation d'inscription sur le registre des métiers pour l'exercice des activités totalement libres, fleuriste par exemple, n'entraînera plus le droit d'utiliser l'appellation d'artisan. La vérification sur pièces des qualifications est désormais autorisée pour les chambres de métiers.

Pour compléter, je proposerai également la vérification de la qualification des coiffeurs, oubliés parce que leur statut n'est pas régi par la loi de 1996. Un deuxième amendement étendra la vérification des qualifications au cas où une entreprise déjà existante modifie son domaine d'activité et à celui où la qualification n'est pas détenue par le chef d'entreprise mais par un salarié. Un troisième amendement précisera l'obligation faite aux artisans de prouver qu'ils ont souscrit les assurances obligatoires, en la restreignant au seul cas qui intéresse directement les consommateurs, la garantie décennale en matière de travaux de construction.

Nous en venons à la réforme de l'urbanisme commercial. L'absence de rapport préparatoire et de réflexion partagée en amont est regrettable. Les dispositions clé de la réforme ne figuraient pas dans le texte initial. Elles avaient été introduites en partie dans le projet de loi Alur avant d'en être retirées, à la demande de notre collègue Claude Bérit-Débat.

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