En effet !
Monsieur le ministre, nous examinons un texte ambitieux destiné à renforcer la performance de l’agriculture, un secteur essentiel à la fois à la croissance et à l’équilibre territorial de notre pays.
Dans le projet de loi modifié par la commission des affaires économiques, cette performance est placée sous le signe d’un triple défi : économique, environnemental et social. Il s’agit – vous l’avez dit, monsieur le ministre – de garantir la viabilité des exploitations agricoles, de prémunir ces dernières contre la volatilité des marchés et les risques climatiques et, en outre, de contrôler le foncier rural.
L’aval de la production est aussi une préoccupation forte que nous retrouvons dans plusieurs articles du texte. L’impératif alimentaire, dans sa dimension tant nationale qu’internationale, est également une préoccupation importante. J’en suis plus que convaincu : les enjeux de l’alimentation, en termes sanitaires, mais aussi en matière d’innovation, obligent à encourager, d’une part, la vigilance pour ce qui concerne la santé, et, d’autre part, l’investissement, s’agissant de la recherche.
Pour réaliser tous ces objectifs, plusieurs dispositions nous sont proposées. Certaines tendent à mieux structurer ou à renforcer des outils existants, d’autres introduisent de nouvelles formes de coopération, dans la perspective de mieux mobiliser et valoriser la production agricole ou forestière. Je pense à ce sujet, en particulier, à la véritable nouveauté de ce texte : le groupement d’intérêt économique et environnemental, le GIEE, instauré à l’article 3. Ainsi que cela a été dit, il s’agit de mettre en place un cadre juridique souple destiné à faire converger des démarches agroécologiques.
Cette initiative est intéressante sur le principe comme dans sa mise en œuvre. Le groupement devrait recueillir l’adhésion de nombreux agriculteurs qui ont déjà un sens aigu de l’entraide. À travers les coopératives d’utilisation en commun de matériel agricole, les CUMA, ou les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC, les exploitants savent déjà s’associer intelligemment pour optimiser leur fonctionnement ou leur développement.
Le GIEE et le GIEEF, pour la forêt, sont orientés vers l’agroécologie, ce qui est nécessaire compte tenu des impératifs environnementaux. Cette démarche s’inscrit également dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, qui commande le verdissement des aides directes.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les droits à paiement sont de plus en plus conditionnés même si les États membres disposent d’une certaine flexibilité à l’intérieur de leur enveloppe PAC. La prise en compte du réchauffement climatique est donc une obligation, mais, comme le dit l’adage, « point trop n’en faut » ! S’il est important d’orienter les pratiques agricoles dans le bon sens, il n’est pas souhaitable de le faire à marche forcée, au risque de fragiliser certains équilibres économiques.
Il nous faut donc, monsieur le ministre, rester vigilants sur ce point. C’est pourquoi je suis un peu réservé quant à la généralisation poussée du bail environnemental. Nous aurons l’occasion d’en discuter durant les débats.
S’agissant de l’important volet consacré au renforcement de la maîtrise du foncier et de la protection des terres agricoles, je ne suis pas surpris, monsieur le ministre, que vous ayez placé l’objectif très haut. C’est une bonne chose. Parmi les principaux leviers d’intervention, vous avez naturellement porté votre attention sur les SAFER et le contrôle des structures.
Concernant les SAFER, l’Assemblée nationale a ouvert encore un peu plus leur droit de préemption. Cette très forte prérogative de puissance publique est parfois – je tiens à le souligner – difficile à concilier avec le respect de la propriété privée rurale. L’extension des moyens des SAFER ne pose pas de problème en soi, pourvu que l’opérateur reste centré sur ses missions originelles.
Or l’agriculture a évolué dans son organisation, sans qu’aient été redéfinis dans le même temps le rôle et les prérogatives des SAFER. C’est pourquoi, avec plusieurs de mes collègues de la commission des finances, nous avons émis des recommandations dans un récent rapport sur les outils fonciers. Nous avons suggéré, par exemple, de « recentrer les compétences des SAFER sur leur cœur de métier et encadrer davantage les pouvoirs coercitifs dont elles disposent. ».
Il ne s’agit pas de jeter le soupçon sur les SAFER. En effet, que resterait-il aujourd’hui de surface agricole sans leurs interventions ? Toutefois, l’augmentation de leurs pouvoirs doit s’accompagner d’une certaine transparence quant à leur fonctionnement. Cela correspond d’ailleurs à une des recommandations de la Cour des comptes sur ce sujet. Je suis heureux de constater, monsieur le ministre, que vous avez retenu plusieurs de nos propositions dans ce projet de loi. Je ne citerai que la rationalisation de la gouvernance des SAFER, judicieusement améliorée.
Je dirai un mot concernant le contrôle des structures : je ne suis pas partisan des mesures qui rendraient trop complexe l’élaboration des documents d’urbanisme pour les élus locaux. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion des amendements. §
Monsieur le ministre, je partage l’économie générale du texte qui consiste à donner, pour l’avenir, les moyens à tous les acteurs du monde rural de faire plus en faisant mieux. Nous espérons convaincre la Haute Assemblée d’approuver plusieurs amendements, afin de pouvoir voter avec plus de conviction et de sérénité cet excellent projet de loi ! §