Nous n’ignorons pas que les crédits d’intervention sont passés, en un quart de siècle, de près de 80 % à 5 % des crédits de la PAC. En d’autres termes, gouvernement après gouvernement – toutes sensibilités politiques confondues –, les fonds publics diminuent, laissant les agriculteurs de plus en plus soumis aux fluctuations et aux règles du marché.
Si, en tant que libéral, cette situation ne me heurte pas fondamentalement, je m’inquiète toutefois des disparités entre les deux côtés de l’Atlantique : demain, les farmers américains, dotés d’une garantie de revenu assez forte, seront mieux armés que les agriculteurs français pour aborder l’avenir.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d’ajouter un autre motif d’inquiétude : notre incapacité, gouvernement après gouvernement, là encore, à assurer autant que faire se peut un minimum d’équité dans le partage de la valeur ajoutée, de l’amont à l’aval. J’irai même plus loin : la stratégie politique des prix bas menée par le leader de la grande distribution française est dangereuse à moyen et long terme pour les consommateurs eux-mêmes ; à court et moyen terme, elle est dévastatrice pour nos outils de transformation, dont la restructuration, la modernisation et l’agrandissement sont sans cesse reportés, faute de marges financières suffisantes.
Notre collègue Dominique de Legge ayant exposé ce problème il y a quelques instants, je me contenterai de vous rappeler que, en l’espace de six mois, la grande distribution a accepté, en Allemagne, trois augmentations successives du prix des matières premières laitières, alors qu’aucune évolution n’est intervenue en France. §En d’autres termes, la grande distribution française sera comptable, demain, de la non-modernisation et de la non-restructuration de nos outils de transformation.
Monsieur le ministre, vous êtes trop averti des problématiques agricoles pour ignorer que les drames bretons, qui sont loin d’être résolus, tiennent essentiellement à ce problème, qui risque de gagner l’ensemble du territoire national, notamment dans la filière de la viande blanche et dans la filière laitière.
Ce projet de loi d’avenir, avec les GIEE, le bail environnemental et la modification fondamentale du rôle de l’ANSES, constitue, à mes yeux, un rendez-vous manqué ; je le regrette, et les agriculteurs français plus encore.
Monsieur le ministre, je vous invite à ne pas manquer un autre rendez-vous : celui qui est programmé à mi-parcours de la PAC, en 2016. Plus qu’un rendez-vous de mi-parcours, il faudra sans doute en faire un rendez-vous destiné à accompagner et à encourager davantage les agriculteurs en matière de productivité et de compétitivité.