Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 7 avril 2011 à 15h00
Bioéthique — Article 19

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

Alors que nous poursuivons l’examen du titre VI relatif à l’assistance médicale à la procréation, je souhaite rappeler que, si le projet de loi a dû être découpé en titres, tous les questionnements éthiques qu’il suscite sont liés, et toutes les pratiques que nous autorisons ont des incidences les unes sur les autres.

Il en est ainsi de l’aide médicale à la procréation et de la recherche sur l’embryon.

Les questions que nous nous posons aujourd’hui tiennent, bien sûr, au stock d’embryons surnuméraires congelés accumulés par notre pratique de l’assistance médicale à la procréation.

Je présenterai donc des amendements visant à faire en sorte que le nombre des embryons constitués corresponde au nombre d’embryons implantés, puisque la congélation des embryons n’apporte plus rien à l’assistance médicale à la procréation. En effet, l’objectif de limitation du nombre d’embryons conservés inscrit par les députés dans le projet de loi ne sera effectif que si l’on précise le nombre d’embryons autorisé par tentative d’AMP.

Il s’agit ici d’amendements de cohérence, puisque tout le monde s’accorde à dire – un certain nombre des personnes qui nous écoutent dans les tribunes partagent ce point de vue – que la vitrification ovocytaire permettra de ne plus avoir d’embryons surnuméraires.

Il est opportun de rappeler qu’en 1994 – relisez les débats - c’est l’impossibilité de conserver les ovocytes qui avait servi d’argument pour autoriser la conservation des embryons.

Prenons-en acte et inscrivons donc dans la loi que le nombre d’embryons à implanter directement est fixé à l’avance, puisque, en parallèle, on nous propose aujourd'hui la vitrification ovocytaire.

Aujourd’hui, on dénombre en France 150 000 embryons congelés. Selon l’Agence de la biomédecine, en 2008, seuls 66 % des 150 000 embryons faisaient encore l’objet d’un « projet parental ».

Pour les embryons dits « surnuméraires », sur lesquels ne reposent pas de projet parental, la loi prévoit qu’au bout d’un certain temps ils soient détruits, donnés à la recherche ou bien confiés à d’autres couples, des options qui posent de multiples problèmes éthiques.

La science masque aux parents les enjeux de la congélation et les dilemmes cornéliens qu’elle pose en se présentant seulement comme la réponse concrète à leur douloureux problème de stérilité. On les met donc devant des choix impossibles à cause de la congélation des embryons qui n’est aujourd’hui plus utile ! Finalement, ce sont les parents qui deviennent les censeurs ou les promoteurs de la recherche.

En effet, aujourd’hui, nous autorisons la vitrification ovocytaire, qui permettra de constituer un embryon « frais » à chaque tentative d’assistance médicale à la procréation plutôt que d’avoir à décongeler des embryons déjà constitués des mois, voire des années avant.

J’ai déjà cité au cours de ce débat l’exemple de cette femme de quarante-deux ans qui avait un embryon congelé depuis vingt ans, qui se l’est fait implanter et qui a donné l’enfant à adopter…

D’ailleurs, un certain nombre de parents qui désirent un autre enfant préféreraient recréer des embryons plutôt que d’utiliser leur « stock » en CECOS, les centres d’études et de conservation du sperme, les jugeant « passés de date » ou s’interrogeant sur leur âge réel par rapport au frère ou à la sœur né de la même « production ». Ainsi, seuls 2 000 bébés par an naissent après une décongélation.

De plus, cela va de pair avec de meilleurs résultats de l’assistance médicale à la procréation, car l’on obtient plus de grossesses en transfert d’embryon « frais » qu’avant.

La congélation des embryons n’est dès lors plus utile pour les couples qui ont recours à l’assistance médicale à la procréation !

En outre, autoriser la vitrification ovocytaire n’a de sens que si cette technique s’accompagne d’un encadrement éthique, sans quoi elle ne servira qu’à transformer progressivement la fonction médicale de l’assistance médicale à la procréation en technique de convenance.

Les ovocytes conservés ne seront-ils pas une tentation pour demander une assistance médicale à la procréation à tout âge ou pour constituer des embryons anonymes ? S’il s’agit de maternités de convenance, seront-elles remboursées par la sécurité sociale ?

Pour autant, afin de prendre en compte la réalité des pratiques médicales et de laisser le temps aux laboratoires de s’approprier la technique de la vitrification ovocytaire, la limitation que nous prévoyons entrera en vigueur un an après la promulgation de la loi.

Mes chers collègues, nous avons donc aujourd’hui la responsabilité de revenir à une pratique d’assistance médicale à la procréation qui réduise notre stock d’embryons, un stock qui pose problème à tous. J’espère que nous prendrons la mesure de cette responsabilité.

Je présenterai en conséquence des amendements au regard de cette nouvelle technique, qui induit une réduction des embryons surnuméraires.

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