Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 7 avril 2011 à 15h00
Bioéthique — Article 20 bis

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Faut-il autoriser une veuve à se faire implanter les embryons qui ont été congelés du vivant de son mari, décédé assez brutalement ? La question a été posée à l’occasion de l'affaire Maria Pirès, en 1990.

Après bien des débats en commission, il a été décidé de renoncer à ce que l'on appelle le « transfert post mortem ». Sur ce sujet, qui ne concerne d’ailleurs que des cas rarissimes, il faut savoir écouter les arguments avancés par les uns et les autres, et prendre en compte l'intérêt de l'enfant, mis en avant à l’instant par le rapporteur pour avis, M. François-Noël Buffet.

En effet, l'état actuel de la législation est cruel : lorsqu'un couple est engagé dans un projet parental avec un embryon constitué mais que l'homme meurt brutalement, la femme n'a d'autre alternative que la destruction de l'embryon ou la remise à un tiers.

C'est le rôle du Parlement d'offrir à l'équipe médicale et à cette femme la possibilité d'une autre solution. Lorsque la volonté parentale est affirmée et que le projet parental existe, je ne crois pas que le droit ou la morale doivent venir s'interposer. Il faut simplement que nous laissions le choix à la femme et, pour cette raison, je suis favorable à cette autorisation.

Par ailleurs, je m'oppose totalement à la définition très spécieuse de l'intérêt de l'enfant qu’a développée M. le rapporteur pour avis pour justifier l’interdiction ; mais ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga a dit ce qu’il fallait dire de ce droit de ne pas naître orphelin.

D'une part, un enfant peut bien naître et grandir si sa mère l'aime au point d'assumer seule son éducation. Le nombre important de couples monoparentaux aujourd’hui en témoigne. Cette mère peut être plus attentionnée que celle qui a accouché d'un enfant né de père inconnu ou qui a été abandonnée par le père au tout début de sa grossesse, et je ne parle pas de ces enfants que se disputent des parents divorcés…

Tenons-nous à l'écart des fantasmes sur le présumé lien entre la famille nucléaire et la bonne santé mentale de l'enfant.

D'autre part, nous savons tous que rien n'empêche une femme célibataire de concevoir ou d'adopter seule un enfant - je sais que certains le regrettent. Dès lors, pourquoi le refuser à une veuve ? Pour ma part, je crois que toute personne ayant un projet de vie parentale affirmé et solide doit pouvoir bénéficier d'un droit à l'enfant.

La société est mûre pour une telle mesure, et ce depuis longtemps, les sondages réalisés depuis l’affaire Maria Pirès le confirment régulièrement.

Je conclurai en rappelant que, lors de son audition par la commission, le généticien Axel Kahn a qualifié la loi interdisant une telle pratique de « moralement problématique ». À mes yeux, la morale, c’est le fait de tenir compte de la valeur de l’autre.

Certes, il faut laisser à la veuve le temps de faire son travail de deuil. Mais, si elle persiste dans sa décision, on ne peut pas se prévaloir d’arguments moraux pour l’en empêcher.

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