Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 11 avril 2014 à 9h30
Agriculture alimentation et forêt — Article 4

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume, rapporteur :

Pas du tout ! C’est peut-être là que nos conceptions se séparent.

Je constate une véritable schizophrénie dans notre pays, et peut-être même dans cet hémicycle : on veut moins de normes, moins de régulation, moins de fonctionnaires, parce que tout cela a un coût, mais on veut plus de policiers, de gendarmes, de juges, d’enseignants. Sur le terrain, on nous supplie de ne pas fermer les sous-préfectures existantes, mais on nous dit à longueur d’année qu’elles ne servent à rien ! On reproche à l’administration de tout bloquer, mais on en veut encore plus. On dénonce les contraintes, mais on est bien content quand la DGCCRF vient faire des contrôles, sinon on assisterait à n’importe quoi. Nous sommes donc un peu schizophrènes, c’est ainsi !

Bien sûr, nous exprimons aussi des positions politiques : certains défendent un peu plus l’administration et la fonction publiques, d’autres un peu moins ; certains sont partisans d’un État régulateur et de fonctions régaliennes fortes et d’autres sont plus libéraux, voire ultra-libéraux ou sociaux-libéraux. Peu importe, c’est le débat politique et heureusement que cette confrontation est possible !

En revanche, nous ne pouvons pas accepter que l’on introduise dans cette loi une quantité d’amendements visant à déréguler sans en connaître les conséquences concrètes.

Concentrons-nous sur l’essentiel. Nous passons du temps sur ces sujets qui sont importants, mais de nombreux autres sujets le sont encore plus pour l’avenir de l’agriculture. Ces amendements, s’ils sont adoptés, ne vont pas améliorer notre compétitivité, ni créer de revenus pour les agriculteurs, ni changer nos pratiques culturales. Ils ne nous amèneront pas à réfléchir à la formation des agriculteurs, ni à faciliter l’installation des jeunes.

J’aimerais que nous arrivions le plus vite possible à discuter de l’installation, du foncier, du renouvellement des générations, de la formation, des baux environnementaux – sur lesquels nous avons pu trouver une solution équilibrée. Voilà les sujets importants de cette loi d’avenir de l’agriculture, qui doit tracer des pistes, donner des perspectives. Vous pouvez critiquer certaines de ses orientations, c’est l’objet du débat démocratique.

Au Sénat, peut-être plus qu’ailleurs, nous sommes tous des défenseurs et des promoteurs de l’agriculture et des agriculteurs. Ne croyez pas que je veuille vous donner des leçons. Évitons cependant de nous opposer sur des sujets qui n’en valent pas la peine, évitons de nous opposer, par exemple, sur le fonctionnement de l’administration française. Surtout, évitons d’opposer ceux qui connaîtraient le terrain à ceux qui le connaîtraient moins, parce que nous défendons tous la même conception, me semble-t-il. Certains d’entre nous sont agriculteurs, d’autres ne le sont pas, mais on peut s’intéresser à l’agriculture sans être agriculteur et les agriculteurs eux-mêmes peuvent avoir des visions différentes.

Essayons de partager une vision commune, une même passion pour l’agriculture, pour son développement harmonieux sur tous les territoires, sans en laisser aucun au bord du chemin. Faisons en sorte d’appréhender l’environnement et les problèmes de pollution et évitons que la dérégulation ne devienne la règle.

Nous nous plaignons souvent, les uns et les autres, du nombre des directives européennes – que l’on transpose sans doute un peu trop vite et un peu trop loin en France, monsieur le ministre. L’Europe, parce qu’elle a été conçue ainsi, nous invite souvent à déréguler, mais nos concitoyens ne sont pas favorables à cette conception – nous le constaterons peut-être malheureusement à l’occasion des prochaines élections au Parlement européen. Au contraire, ils veulent des règles justes, républicaines et équitables.

C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ce que les exploitations de bovins viande ne soient plus soumises au régime des ICPE, parce que ce serait une dérégulation. Nous ne créons pas une contrainte supplémentaire, puisqu’elle existe déjà – comme dans le cas des amendements précédents.

Examinons bien les textes sur le fond et disons-nous que la dérégulation pourrait avoir des conséquences imprévues, au détriment de l’agriculture et des agriculteurs. §

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