La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (projet n° 279, texte de la commission n° 387 rectifié, rapport n° 386, avis n° 344 et 373).
Nous poursuivons la discussion des articles.
TITRE Ier
PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTALE DES FILIÈRES AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 4.
I. – §(Non modifié) L’article L. 211-3 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le III devient un IV ;
2° Il est rétabli un III ainsi rédigé :
« III. – Dans les parties des zones vulnérables atteintes par la pollution, délimitées en application du I ou du 8° du II, dans lesquelles a été mis en place un dispositif de surveillance annuelle de l’azote épandu, l’autorité administrative peut imposer :
« 1° Aux personnes qui détiennent à titre professionnel des matières fertilisantes azotées dans cette zone, y compris aux transporteurs de ces matières, une déclaration annuelle relative aux quantités d’azote qu’ils ont traitées, reçues, livrées, cédées à titre gratuit ou onéreux dans la zone, ou qu’ils ont cédées ou livrées à partir de cette zone ;
« 2° À toute autre personne qui expédie ou livre dans cette zone des matières fertilisantes azotées en vue d’un usage agricole, une déclaration annuelle relative aux quantités d’azote qu’elle y a expédiées ou livrées. »
II. – L’article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Des clauses visant au respect par le preneur de pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l’air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l’érosion, y compris des obligations de maintien d’un taux minimal d’infrastructures écologiques, peuvent être incluses dans les baux dans au moins un des cas suivants :
« - pour garantir, sur la ou les parcelles mises à bail, le maintien de ces pratiques ou infrastructures ; »
2°
Supprimé
3° Au dernier alinéa, les mots : « des trois alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « des quatre alinéas précédents ».
II bis. –
Non modifié
« Sous réserve des dispositions de l’article L. 411-39-1, à la condition d’en aviser le bailleur par lettre recommandée au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, le preneur associé d’une société à objet principalement agricole ou, avec l’accord du bailleur, le preneur membre de toute autre personne morale à vocation principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l’attribution de parts. Cette société doit être dotée de la personnalité morale ou, s’il s’agit d’une société en participation, être régie par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine. Son capital doit être majoritairement détenu par des personnes physiques. »
II ter. –
Supprimé
III. – L’article L. 820-1 du même code est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – l’accompagnement des démarches collectives vers des pratiques et des systèmes permettant d’associer performances économique, sociale et environnementale, en particulier ceux relevant de l’agro-écologie ; »
2° Après le mot : « les », la fin de la première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « autres personnes concernées, en particulier les organisations professionnelles agricoles et les collectivités territoriales. »
IV. – Au deuxième alinéa de l’article L. 461-4 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque j’ai demandé à prendre la parole sur cet article, je souhaitais formuler deux observations. L’une d’elle me paraît aujourd'hui inutile, un consensus ayant été trouvé, me semble-t-il, sur le bail environnemental. À cet égard, j’ajoute mes compliments à ceux qui ont déjà été présentés hier sur les qualités de consensus de M. le rapporteur et de M. le président de la commission. Je veux à mon tour les féliciter.
Ma seconde observation porte sur le problème de l’azote, monsieur le ministre. Je ferai en fait une observation et une suggestion.
On ne peut pas traiter de la même manière l’azote organique et l’azote minéral. Disant cela, j’aborde des problèmes techniques, qu’il faut expliquer à ceux qui sont chargés d’appliquer la réglementation. L’azote organique et l’azote minéral n’ont en effet pas les mêmes répercussions sur la qualité du sol.
J’ai rédigé en 2001 un rapport sur les variations climatiques. À cette occasion, j’avais interrogé le président de l’Académie de médecine, le professeur Tubiana, qui est aujourd'hui décédé. Il m’avait alors fait part de sa perplexité sur la manière dont il fallait apprécier le taux de 50 milligrammes par litre, qui n’avait selon lui aucune justification médicale. C’était il y a quatorze ans, mais cela n’a pas changé. Ce taux n’est pas un dogme. Il est un peu le fruit du hasard. Il faut donc le manier avec beaucoup de précautions. Je le dis surtout à l’intention de mes amis qui s’en servent parfois comme d’une vérité médicale. Or ce n’en est pas une.
Permettez-moi d’évoquer plus particulièrement, monsieur le ministre, la question de l’azote sur les terres en pente. J’ai cultivé de telles terres. Lorsqu’on les cultivait avec la traction animale, on labourait dans un sens perpendiculaire à la pente, faute d’avoir la puissance pour le faire dans le sens montant-descendant – les attelages ne le permettaient pas.
Le ruissellement voire l’érosion consécutifs au labour dans le sens de la pente sont le résultat de la mécanisation. Lorsqu’un agriculteur laboure en travers en utilisant un tracteur important, il n’est pas à l’aise, le matériel travaille mal. Le ruissellement est donc le résultat de la mécanisation, car, lorsqu’on laboure en montant-descendant, on pratique tous les trente-cinq ou quarante centimètres, suivant le matériel employé, une rigole qui permet à l’eau de dégouliner d’un bout à l’autre de la pente.
Il existe un moyen de mettre fin à ce phénomène créé par la mécanisation, phénomène qui est irréversible – on ne va pas en revenir à la traction animale ! –, c’est la culture sans labour.
Dans mon département de la Somme, nous avons beaucoup encouragé la culture sans labour, qui constitue une bonne réponse agronomique et environnementale, car elle permet de réaliser des économies d’énergie : plus de 10 000 hectares y sont aujourd'hui cultivés sans labour.
Or on ne peut pas exiger la même chose sur les terres en pente de ceux qui cultivent sans labour et de ceux qui cultivent selon d’autres méthodes.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que l’on réfléchisse avec vos services – ils sont très compétents – à l’envoi d’un signal favorable dans les textes afin d’encourager le développement de la technique de culture sans labour, laquelle est utile et nécessaire. Nous ne sommes pas pressés, mais nous attendons un tel signal, monsieur le ministre.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, pour commencer cette matinée, de dire quelques mots sur les grands enjeux agronomiques, après avoir salué l’intervention du sénateur Marcel Deneux à cet égard.
De nombreux amendements visent à soulever un certain nombre de questions. S’agissant de l’azote, et en particulier de la question de la déclaration des ventes d’azote minéral, il nous faut nous expliquer de manière très claire. Ayant entendu dire hier que c’était un élément de complication supplémentaire, je rappellerai quel en est l’objectif et pourquoi, en Bretagne par exemple, elle est acceptée par la profession agricole – toute la profession agricole ! –, par la chambre régionale d’agriculture et par les syndicats agricoles – j’ai bien dit « les » syndicats agricoles.
Cette déclaration, qui concerne non pas les agriculteurs, mais les distributeurs d’azote, est mise en place à titre expérimental, après décision au niveau régional, la Bretagne étant la première région à procéder à une telle expérimentation. Il s’agit de substituer à l’azote minéral, qui est aujourd'hui acheté et épandu sur les terres en Bretagne, les excédents d’azote organique résultant de l’élevage breton. Le principe est simple !
Je rappelle en outre que l’azote est du gaz. Nous importons donc ce gaz alors que nous disposons d’excédents d’azote organique qui, au lieu d’être utilisés pour fertiliser les terres et les plantes, finissent le plus souvent dans les rivières, entraînant ainsi la prolifération d’algues vertes.
Il faut donc se mettre en ordre de bataille pour substituer à l’azote minéral acheté et importé, qui coûte cher, les excédents d’azote organique.
Cependant, pour y parvenir, nous avons besoin de connaître la quantité d’azote minéral vendu.
Le texte ne change rien pour les agriculteurs. Ce sont les distributeurs et les vendeurs d’azote qui devront déclarer les quantités qu’ils ont vendues. À partir de l’année de référence, 2014, on calculera la baisse de l’utilisation d’azote minéral. C'est pour cela qu’une déclaration est nécessaire.
Il ne faut pas se tromper dans ce débat ; je le dis à tous les sénateurs qui, par leurs interventions dans la discussion générale ou leurs amendements, laissent penser que l’obligation de déclaration représenterait encore une norme supplémentaire. Non, c’est un objectif extrêmement clair.
Il s’agit d’utiliser l’azote organique produit en France plutôt que d’importer de l’azote minéral.
Il en va de même s'agissant de la méthanisation. Qu’est-ce que la méthanisation ? Un rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, indique que, si nous valorisions l’ensemble du méthane lié à la production de matière organique en France, nous arriverions à produire en méthane dans le réseau près de 40 % de ce que nous consommons actuellement en gaz. Je le répète, ce gaz est importé, et vous savez de quelles régions, au sud ou quelquefois à l’est, avec les implications géopolitiques et géostratégiques qui en découlent. Nous avons un potentiel de gaz « naturel », si j’ose dire, mais nous ne le valorisons pas.
Dans le système de l’azote total, qui repose sur la méthanisation – c’est le fameux plan « Énergie méthanisation autonomie azote », dit EMAA, qui est en cours de mise en œuvre –, l’objectif est de faire en sorte que ce qui est aujourd'hui un déchet devienne une ressource. L’agriculture a un potentiel. Il s’agit non pas de substituer la production de gaz à une production agricole, mais de faire en sorte que la production agricole, qui génère de la matière organique, valorise cette matière organique en produisant du gaz par méthanisation. Cet objectif s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire.
Il faut opérer des simplifications. Cette question a été soulevée. Il y a beaucoup de projets, mais ils rencontrent des difficultés. Nous avons déjà commencé à simplifier les procédures, en expérimentant une procédure unique de déclaration pour le solaire, l’éolien et le méthane, au lieu de trois. L’expérimentation se poursuivra pendant les trois prochaines années. Nous allons accélérer le processus.
Des questions se posent également au sujet des prix de rachat. Je pense notamment à la question de la dégressivité pour les systèmes collectifs. Le régime actuel tend à remettre en cause les systèmes collectifs au détriment des systèmes individuels. Si nous ne développons pas de manière plus structurante les systèmes collectifs, un certain nombre d’exploitations de taille moyenne risquent de ne pas avoir accès à la méthanisation, faute d’avoir la capacité de financer des projets collectifs grâce à la dégressivité des prix de rachat.
Il y a donc de nombreux sujets sur lesquels nous devons continuer à travailler. J’aurais également pu parler des déclarations concernant les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.
Soyez bien conscients du fait que ce texte vise à enclencher un processus permettant à l’agriculture de valoriser ce qui était considéré comme un déchet et qui doit désormais être considéré comme une ressource. S'agissant de l’azote, le principe est simple : plutôt que d’importer de l’azote minéral et du gaz, utilisons mieux, et de manière plus rationnelle, l’azote organique disponible en excédent en France.
Enfin, sur le plan agronomique, qu’a évoqué Marcel Deneux, notre objectif est de favoriser des modèles permettant de mieux absorber l’azote, de mieux le garder dans les sols, et de mieux le délivrer ensuite pour les plantes au lieu de pratiquer des épandages qui finissent souvent dans les rivières ou ailleurs. Voilà l’objectif.
Je tenais à rappeler ces éléments avant que nous n’examinions les amendements déposés sur cet article. Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas d’imposer plus de normes, mais seulement de changer de modèle et d’approche. §
Je serai bref, car il nous reste plus de six cents amendements à examiner.
Monsieur le ministre, ce que vous venez de dire est très bien. Nous connaissons la situation sur le terrain, puisqu’un certain nombre d’entre nous sont ou ont été agriculteurs. Nous partageons le principe ; mais comment fait-on après ?
Je vous rappelle que, voilà encore dix, quinze ou vingt ans, la France était le principal producteur agricole européen, notamment en matière de viande et de lait. Aujourd'hui, les Allemands nous ont remplacés. Alors que nous leur vendions du lait et de la viande de porc, aujourd'hui ce sont eux qui nous en vendent. Pourquoi, monsieur le ministre ? Tout simplement parce que leur politique agricole a complètement changé.
J’entends encore Gérard Bailly expliquer que, la valeur ajoutée des agneaux de Nouvelle-Zélande résidant dans leur laine et non dans leur viande, cette dernière est vendue à bas prix et concurrence la nôtre. Sur le sujet qui nous occupe, c’est la même chose. En Allemagne, la production de méthane a permis de faire baisser fortement les coûts de production du lait et de la viande ; c'est la raison pour laquelle nous subissons la concurrence allemande.
Monsieur le ministre, je vous dis : chiche ! Je ne suis pas breton, je suis normand, mais je crois que les agriculteurs sont prêts. Cependant, il faut faire attention aux discours. Certains de vos amis, dans cet hémicycle ou ailleurs, vont reprendre votre discours pour fusiller encore les agriculteurs. Mettons au point, par un accord entre les élus, les responsables et les professionnels, un dispositif permettant à nos agriculteurs de faire ce que vous leur demandez. Il va falloir les aider, comme l’Allemagne a aidé ses producteurs.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 324 rectifié bis est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mmes Mélot et Primas, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 379 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 518 rectifié est présenté par MM. Lasserre, Dubois, Tandonnet et Maurey, Mme N. Goulet et MM. Guerriau, Merceron et Namy.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 1 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 324 rectifié bis.
J’ai bien entendu le plaidoyer du ministre. Je lui accorde que le texte ne concerne que les zones vulnérables ; il me paraît important de le souligner.
L’article 4 prévoit ensuite que « l’autorité administrative peut imposer :
« 1° Aux personnes qui détiennent à titre professionnel des matières fertilisantes azotées dans cette zone, y compris aux transporteurs de ces matières, une déclaration annuelle relative aux quantités d’azote qu’ils ont traitées, reçues, livrées, cédées à titre gratuit ou onéreux dans la zone, ou qu’ils ont cédées ou livrées à partir de cette zone ;
« 2° À toute autre personne qui expédie ou livre dans cette zone des matières fertilisantes azotées en vue d’un usage agricole, une déclaration annuelle relative aux quantités d’azote qu’elle y a expédiées ou livrées. »
L’amendement n° 324 rectifié bis vise à supprimer les alinéas 1 à 6 de l’article 4. Monsieur le ministre, il faut moins de contraintes et moins de normes. Alors que l’on prétend vouloir simplifier l’administration de la France, on la complexifie encore davantage !
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 379 rectifié.
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour présenter l'amendement n° 518 rectifié.
Quelle est la réalité des pratiques ? Dans les zones vulnérables, qui sont les seules concernées – il est vrai qu’il faut y faire des efforts –, les agriculteurs ont l’obligation de déclarer la totalité de leurs apports azotés, qu’ils soient d’origine chimique, animale ou autre.
Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la complexité inutile que l’on ajoute aux pratiques normales !
À une période où l’on recherche de la simplification administrative, voici un domaine dans lequel il serait facile de ne pas alourdir, de ne pas compliquer les choses. Et je vous laisse imaginer toutes les tentatives pour faire appliquer dans les zones vulnérables la disposition législative, si jamais cette dernière est adoptée ! Je suis donc très étonné que l’on complique à souhait la situation alors que le problème est déjà réglé.
L'amendement n° 240 rectifié bis, présenté par MM. Adnot et Delattre, Mlle Joissains et MM. Huré, Laménie, Beaumont, Deneux, Husson et Doligé, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
ces matières
insérer les mots :
et/ou aux prestataires de services d'épandage
La parole est à M. Marcel Deneux.
Cet amendement vise à insérer à l’alinéa 5, après les mots « ces matières », les mots « et/ou aux prestataires de services d’épandage ». En effet, ces prestataires jouent un rôle non négligeable et devraient compter de plus en plus à l’avenir, dans la mesure où nous avons de plus en plus besoin de travaux spécialisés.
Nous débutons la journée par un sujet très important. Comme l’ont souligné Gérard César et Jean-Jacques Lasserre, le texte ne concerne que les zones vulnérables.
Évitons tous les faux débats. S’il est nécessaire d’agir dans les zones vulnérables, c’est bien qu’il y a un problème. La manière dont l’épandage d’azote a été pratiqué depuis trente ans a entraîné la pollution des sols. C’est une réalité.
Personne ne sait quelles sont les conséquences de cette pollution sur l’environnement ni, surtout, sur la santé de l’homme. Aucune étude sérieuse n’a été réalisée sur les effets à long terme des polluants à faible dose et en mélange. Personne n’a réalisé d’étude : ni ceux qui sont pour ni ceux qui sont contre.
Je me permets donc de faire un peu de publicité pour mon département, la Drôme, où va être construit un pôle de recherche en toxicologie environnementale et en écotoxicologie.
Il s’agira d’un pôle unique en Europe. Sa création était souhaitée par l’État mais aussi par toutes les universités et par des pôles de recherche mondiaux, afin de savoir si le principe de précaution – nous en parlions hier avec Marie-Christine Blandin –, poussé à l’extrême, soit s’apparente à de l’obscurantisme, soit ne sert à rien. Il faut objectiver le principe de précaution. Il y a cependant une chose dont on est sûr : l’épandage d’azote pendant de nombreuses années a fait très mal aux sols.
Monsieur Revet, nous sommes tous sur le terrain. Je ne suis pas agriculteur, mais je prétends connaître un peu l’agriculture de mon territoire, qui comporte des zones d’épandage. Vous avez parlé de l’Allemagne. C’est bien parce que le ministre sait que la politique agricole allemande a changé qu’il veut faire changer la nôtre à travers ce projet de loi d’avenir. Nous nous comparons toujours à l’Allemagne. Si nous avons quelques difficultés aujourd'hui, c’est peut-être – je le dis sans esprit polémique – parce que la politique agricole conduite dans notre pays ces dernières années n’a pas très bien marché. Si cette politique avait bien fonctionné, …
… nous n’aurions pas entendu tous ces discours sur les problèmes de revenus, de déprise, etc., que traite le projet de loi.
Le texte défendu par Stéphane Le Foll vise à régler un certain nombre de problèmes. Après Stéphane Le Foll, il y aura un autre ministre de l’agriculture, …
… de la même couleur politique ou non, qui présentera un autre projet de loi.
Lors de la discussion générale, nous avons évoqué la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dite « loi LMAP », de 2010 ; ce n’est pas loin, 2010.
Cette loi comportait des points très positifs. Cependant, sur tous les sujets que je viens d’évoquer, elle n’a rien apporté. C'est la raison pour laquelle nous sommes obligés d’aborder ces sujets aujourd'hui. Il faut bien avancer.
Vous avez parlé des aides pour les agriculteurs. Je pense que, grâce à la politique agricole commune et à la politique menée par le chef de l’État et le ministre de l’agriculture, nous avons réussi à sauver ce qui semblait impossible à sauver. Je me doute que, si c’est bien pour les uns, ce n’est pas assez pour les autres ; nous ne sommes pas là pour polémiquer. Je tenais néanmoins à faire ce constat.
J’en viens à la demande de suppression de l’obligation de déclaration des flux d’azote. Daniel Dubois a présenté hier un amendement sur les normes, qui a été voté. Je pense moi aussi qu’il y en a assez des normes, qu’il ne faut pas en ajouter sans cesse. Mais il y a normes et normes, tout de même ! L’obligation de déclaration prévue par l’article 4 vise à faire en sorte que les choses n’empirent pas. Il ne s’agit pas de faire des procès d’intention. On sait très bien que tout le monde essaie de se comporter le mieux possible.
Monsieur César, monsieur Lasserre, vous avez raison : les agriculteurs font déjà une déclaration, et ce n’est donc pas la peine d’en rajouter. C'est pourquoi le projet de loi n’en rajoute pas ; il ne complique pas la situation des agriculteurs.
Ce qui semble vous poser problème, c’est l’obligation de déclaration imposée aux transporteurs.
Nous en avons beaucoup parlé en commission, et j’évoquais encore ce point voilà quelques minutes avec le président de la commission, Daniel Raoul. Nous nous demandions, de manière concrète, pragmatique, si ce ne serait pas mieux d’exempter les transporteurs et les distributeurs de l’obligation de déclaration. Eh bien non, je suis désolé de vous le dire, ce ne serait pas mieux ! Sinon, le président Raoul – vous le connaissez – l’aurait proposé, et nous l’aurions fait.
Pourquoi n’est-il pas possible d’exempter les transporteurs et les distributeurs de l’obligation de déclaration ?
Je sais que nous ne sommes pas d'accord, monsieur César. Il ne s’agit pas de créer de nouveaux contrôles.
Je vais vous dire pourquoi : si nous enlevons les transporteurs, vous pourrez dire qu’il y a de la discrimination positive et négative, car cela voudra dire que seuls les agriculteurs seront obligés de faire une déclaration relative à l’azote, au contraire des transporteurs.
Lorsqu’un GAEC ou une autre structure va se procurer de l’azote à l’extérieur, il est bien normal que le transporteur le déclare. En l’espèce, ce n’est donc pas une norme imposée aux agriculteurs. Il faut donc se convaincre que c’est bon pour la santé, pour l’environnement, et que le mot « contrôle » n’a pas forcément une connotation négative.
Nous voulons améliorer la situation, mais, si nous refusons les contrôles pour les transporteurs et les distributeurs, cela veut dire – je ne vous fais pas un procès d’intention, monsieur le sénateur – que nous préférons faire comme avant, c’est-à-dire sans aucun contrôle sur le sujet.
Or si nous continuons comme avant, nous trahirons le Grenelle de l’environnement. Cette attitude serait irresponsable au regard de la santé de nos petits-enfants.
Je crois vraiment que, dans les zones vulnérables, et uniquement celles-là, imposer aux transporteurs et aux distributeurs une déclaration annuelle, en plus de celle incombant aux agriculteurs, ne revient pas à imposer un contrôle supplémentaire, mais permet tout simplement une vérification de la situation de l’azote dans lesdites zones pour voir si les choses se passent plutôt bien.
Franchement, il ne faut pas toujours voir les réglementations et les normes de façon négative. Vous savez très bien que je suis favorable à leur diminution, mais, sur ce sujet, il y va de la santé des sols et de l’environnement, donc de l’homme. Il s’agit non pas d’un contrôle supplémentaire, mais d’une vérification objective de la situation. §
Vous aurez ainsi compris que la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 324 rectifié bis, 379 rectifié et 518 rectifié, tendant à la suppression des alinéas 1 à 6 de l’article 4.
En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 240 rectifié bis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que la France représente 19 % de la production agricole européenne, contre quelque 11 % pour l’Allemagne.
Certes, les Allemands ont progressé, mais nous avons quand même encore de la marge. Néanmoins, nous devons être capables de reprendre, en tenant compte de l’environnement, une marche nous permettant de soutenir et de développer notre production. Nous sommes tous d’accord sur ce point.
S’agissant de l’azote, dans une zone d’excédent d’azote structurel, il faut savoir que, aujourd’hui, tout est calculé à partir de la matière organique azotée. Les agriculteurs sont obligés de tout déclarer et ils sont bloqués et plafonnés. C’est le cas en Bretagne, mais également dans d’autres endroits.
Il peut sembler légitime de vouloir desserrer légèrement l’étau qui bloque un peu tout et qui a eu pour conséquence, par exemple, d’entraîner une diminution de la production porcine en Bretagne de 5 % à 7 % depuis dix ans, avec les effets que l’on sait en termes industriels. En présence d’un excédent d’azote organique, la logique de la Commission européenne est d’imposer des plans d’épandage pour le réguler.
Le problème, notamment en Bretagne où il y a des zones d’excédents d’azote organique, est que les agriculteurs achètent de l’azote minéral. Par rapport à l’Europe, et pour sortir de cette quadrature du cercle, de cette attitude schizophrène, nous proposons de dire que, là où il y a de l’azote organique en excédent, il sera possible de le substituer à l’azote minéral qui est aujourd’hui ajouté dans ces zones, ce qui permettra de supprimer les contraintes qui agissent comme un étau.
Néanmoins, pour ce faire, il faut que nous nous expliquions avec les autorités européennes, car nous ne pouvons pas faire n’importe quoi. C’est pourquoi nous avons imposé une déclaration sur l’azote minéral pour mettre en évidence la substitution avec l’excédent d’azote organique. Ces déclarations, qui sont faites pas les coopératives et les distributeurs d’azote, ne concernent donc pas les agriculteurs.
Cependant, s’il y a en Bretagne des coopératives et des distributeurs d’azote locaux, il est aussi tout à fait possible de faire venir de l’azote minéral d’ailleurs, ce qui rend nécessaire de demander une déclaration aux transporteurs. Mais, monsieur le sénateur, ce dispositif va exactement dans le sens que vous préconisez.
Comment desserrer des étaux en tenant compte des contraintes environnementales ? Tel est l’enjeu de ces déclarations. Ne nous trompons surtout pas sur l’objectif.
J’ai bien entendu les arguments de M. César, mais il faut que vous compreniez que ce que nous sommes en train de faire avec l’azote total constitue un changement complet d’approche.
Il s’agit non pas de brider les agriculteurs, mais d’être plus rationnel dans l’utilisation d’azote organique et de diminuer l’apport d’azote minéral, tout en débloquant des situations grippées depuis des années. Il n’y a pas d’autre enjeu.
Comme M. le rapporteur, je suis donc défavorable aux amendements n° 324 rectifié bis, 379 rectifié et 518 rectifié, dont l’adoption nous empêcherait d’atteindre nos objectifs.
En revanche, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 240 rectifié bis.
S’agissant de l’amendement n° 240 rectifié bis sur lequel la commission a émis un avis favorable, il y a lieu à mon avis de remplacer : « et/ou aux prestataires de services d’épandage » par : « et aux prestataires de services d’épandage », ce qui ne change pas fondamentalement le sens de l’amendement.
Monsieur Deneux, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
Madame la présidente, cette suggestion me semble convenable. Je remercie M. le rapporteur d’avoir compris l’esprit de l’amendement, et je rectifie ce dernier dans le sens suggéré.
Je voudrais revenir rapidement sur la méthanisation.
Il se trouve que, depuis trois ans, je participe – je ne sais pas vraiment à quel titre… comme parlementaire, sans doute – aux travaux du Bureau de coordination des énergies renouvelables, devenu Office franco-allemand pour les énergies renouvelables.
Le 14 février dernier, nous avons travaillé une journée entière, à Paris, sur le sujet de la méthanisation. Or si le Gouvernement français était bien représenté, ce n’était pas par votre ministère, alors que ce dernier me semble détenir la vérité en la matière sur le plan technique. À mon sens, il y a donc un problème d’organisation gouvernementale à régler.
Mais je reviens sur le fond du problème de la méthanisation : après avoir assisté à ces travaux, je puis vous dire qu’il y a aujourd’hui 7 240 méthaniseurs qui fonctionnent en Allemagne, alors qu’il n’y en a même pas 30 qui « crachent » du gaz réellement en France.
Je suis bien placé pour savoir que les autoroutes A1 et A16, dans ma région de Picardie, sont les voies principales qui servent à transférer tous nos déchets ménagers vers la Belgique, tant et si bien que, tout en donnant aux Belges les capacités techniques de méthaniser, nous nous en priverons si nous n’allons pas assez vite pour améliorer les capacités de fermentation de nos méthaniseurs. Il nous faut être très attentifs à ces problèmes.
Cela dure depuis trente ans ! Tout le monde a sa part de responsabilité !
Je suis donc saisie d’un amendement n° 240 rectifié ter, présenté par MM. Adnot et Delattre, Mlle Joissains et MM. Huré, Laménie, Beaumont, Deneux, Husson et Doligé, ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
ces matières
insérer les mots :
et aux prestataires de services d'épandage
La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 324 rectifié bis, 379 rectifié et 518 rectifié.
Monsieur le ministre, je ne mets pas du tout en doute votre sincérité lorsque vous nous dites que ces contrôles vont rendre service aux agriculteurs et aux territoires. Néanmoins, permettez-moi de douter de l’administration.
En effet, à bien lire le dispositif, il me semble que l’adoption de ce dispositif tendrait à ouvrir la porte à des contrôles excessifs en ce domaine.
Je suis malheureusement persuadé que nos agriculteurs auront à souffrir de contrôles tatillons, et je vais vous en apporter la preuve. S’agissant des zones vulnérables, nous sommes effectivement en difficulté face aux autorités européennes qui nous infligent des amendes sanctionnant nos comportements.
Il y a eu récemment des extensions de zones vulnérables. Dans le département de la Somme, monsieur le ministre, il y a eu un accord entre les agriculteurs et l’administration pour organiser un suivi sur des zones considérées comme sensibles afin que l’effort accompli par les agriculteurs puisse être mesuré. Il a ainsi été démontré que les agriculteurs avaient fait des efforts et que la présence d’azote, si elle n’avait peut-être pas diminué, avait du moins été stabilisée.
Or, dans ce cas précis, alors que ce territoire avait fourni des efforts, alors que toute l’administration départementale s’inscrivait en soutien de nos agriculteurs, le préfet coordonnateur a pris la décision d’étendre la zone vulnérable à cette zone où, pourtant, bien des efforts partagés avaient été accomplis et reconnus. Monsieur le ministre, vous devez être au courant, puisque des recours ont été engagés. Naturellement, pour l’instant, nous n’en avons pas encore les résultats, mais nous ressentons une grande inquiétude.
Pour ma part, je comprends très bien la réaction du monde agricole face à ces obligations qui – ne nous y trompons pas – vont servir avant tout à croiser les contrôles : les agriculteurs et les transporteurs feront leur déclaration séparément, puis vous comparerez, ce qui signifie que vous n’accordez aucune confiance au monde agricole.
Vous allez effectuer des contrôles croisés pour voir si les agriculteurs tiennent effectivement leurs engagements. Pourtant, monsieur le ministre, sachez que tel est bien le cas ; mais, même lorsqu’ils les tiennent, y compris avec le soutien de votre administration, des décisions sont prises à leur encontre sur ce type de sujet.
Tout a été dit, mais il me vient à l’esprit un cas de figure particulier. Dans cette matière, nous avons d’ailleurs bien à faire face à une juxtaposition de cas particuliers.
J’habite une zone frontalière ; une part importante de nos agriculteurs sont approvisionnés et livrent leurs produits à des sociétés du Pays basque espagnol, de Navarre ou d’ailleurs. Ce n’est pas énorme, mais cette part devient significative et très intéressante pour d’autres raisons.
Comment cette mesure peut-elle s’imposer à des entreprises ayant leur siège à Saint-Sébastien ou à Pampelune ? De quelle façon va-t-on leur demander de faire une déclaration annuelle ? À mon avis, elles ne nous prendront pas au sérieux. C’est juste un exemple, qui me vient à l’esprit, de la difficulté d’application et de l’inutilité d’une telle mesure. Monsieur le ministre, que répondez-vous à cela ?
Franchement, je suis étonné par les termes de cette discussion et je souhaite m’associer aux propos tenus par M. le rapporteur lorsqu’il rappelle que le projet de loi sur lequel nous travaillons a pour seul but d’aider le monde agricole au sens large. Il y a, à ce sujet, un engagement sans faille de la puissance publique, sur le plan tant national qu’européen.
À cet égard, le Gouvernement et le Parlement entendent bien être les garants de l’intérêt général, qui se confond en l’occurrence avec les intérêts du monde agricole.
Pour autant, mes chers collègues, comme M. le rapporteur l’a rappelé, le monde agricole, en retour, doit aussi intégrer dans sa réflexion le fait que, à l’autre bout de la chaîne de production, les consommateurs, les citoyens, les habitants du territoire sont légitimement en droit d’attendre la prise en compte de leurs intérêts dans la définition de l’intérêt général. Or, cela tombe bien, car, en tant que parlementaires, nous sommes à l’interface de ces deux mondes, qui sont d’ailleurs trop souvent éloignés l’un de l’autre.
À mon sens, en contrepartie de certaines mesures, nous pouvons quand même imposer à ces acteurs qui ne sont pas directement rattachés au monde agricole un certain nombre de contraintes tendant au moins à nous donner quelques garanties, compte tenu notamment du passé – j’ai failli dire « du passif !
Je le répète, je suis étonné par les termes de cette discussion, mes chers collègues. Mais, finalement, à chaque fois que nous proposons, sur ce sujet ou sur un autre, quelque chose qui ressemble au début du commencement d’une réglementation, vous y voyez des contraintes supplémentaires et, en quelque sorte, une entrave au bon fonctionnement du monde agricole. À mon avis, vous vous trompez de diagnostic !
Tout d’abord, je tiens à m’élever contre certains propos tenus par des parlementaires à propos de l’administration française. L’État, qui est défendu par tout le monde, dispose d’une administration qu’il faut respecter : les fonctionnaires font leur travail !
Des directives européennes, dont la fameuse directive nitrates, ont été signées par les gouvernements ; mais cela n’est pas de la responsabilité des fonctionnaires ! Je ne voudrais quand même pas que nos débats aboutissent à la conclusion que l’administration et les fonctionnaires sont désormais les ennemis des agriculteurs !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Les fonctionnaires et l’administration appliquent des lois votées par le Parlement et des directives qui ont été signées par des gouvernements de droite comme de gauche – et là-dessus, soyons bien clairs entre nous !
M. Daniel Dubois s’exclame.
Sur la question de la méthanisation, si la France a pris autant de retard depuis dix ou quinze ans alors que l’Allemagne avait fait un autre choix, la seule question que nous devons nous poser tient à la façon de rattraper ce retard…
… et à la façon de nous organiser pour éviter de commettre les mêmes erreurs que les Allemands, qui ont cultivé du maïs pour produire du méthane et qui commencent à prendre conscience des problèmes que cela pose. On ne va donc pas répéter ces erreurs, mais on va quand même développer la méthanisation. C’est le premier point.
Deuxième point : comment faut-il vous expliquer ce que j’ai déjà dit trois fois, quatre fois ? La déclaration sur l’azote minéral ne concerne pas les agriculteurs : ces derniers sont déjà encadrés, ils sont déjà obligés de déclarer ! Elle concerne uniquement les distributeurs d’azote minéral, un point c’est tout !
Pourquoi demande-t-on cette déclaration ? Ce n’est quand même pas possible de ne pas vouloir comprendre !
Prenons un exemple : monsieur Lasserre, votre département comprend-il des zones d’excédents structurels ?
On est donc bien sur l’azote minéral. Avez-vous beaucoup de matières organiques azotées dans votre département ?
Ah bon ? Où cela ? Dans les zones de montagne ?
Il y a donc de l’azote en excédent organique dans votre département, et vous avez dit vous-même qu’il y avait beaucoup d’azote minéral qui était acheté et épandu par les agriculteurs.
Or, quel principe veut-on mettre en place ? La possibilité de substituer l’azote organique à l’azote minéral qui est acheté ! Voilà ! Est-ce un mauvais principe ? Non ! C’est un bon principe, en particulier en Bretagne ; d’ailleurs tous les professionnels bretons sont d’accord là-dessus, et quand je dis « les professionnels bretons », il s’agit des agriculteurs et des responsables professionnels.
Quel est le principe ? Ce n’est quand même pas possible de ne pas vouloir le voir ! La France a des responsabilités devant l’Europe – et, je le répète, ce n’est pas moi qui ai signé la directive nitrates ! On est donc obligé de justifier le fait qu’on utilise de l’azote organique pour compenser un moindre recours à l’azote minéral dans les zones d’excédents. Ce n’est quand même pas dur à comprendre !
Qui est concerné par la déclaration sur l’azote minéral ? Non pas les agriculteurs, mais tous les professionnels qui vendent de l’azote, professionnels qui, par définition, sont aussi ceux qui le transportent. Voilà pourquoi on demande cette déclaration aux distributeurs et aux transporteurs. Le but de tout ce dispositif est de réduire l’excédent d’azote organique produit par les agriculteurs en l’utilisant en remplacement de l’azote minéral importé par la France. Ce n’est pas un bon principe, ça ? Enfin, quand même ! Et il n’introduit aucune contrainte supplémentaire pour les agriculteurs ! Aucune !
Quelle est la cause de votre blocage sur cette question ? Je le répète, en toute sincérité, avec le plus de force qu’il m’est possible : c’est un nouveau principe, difficile peut-être à accepter et à comprendre, mais qui n’ajoute aucune contrainte pour les agriculteurs et qui, au contraire, permet de débloquer des situations semblant inextricables dans des zones d’excédents. C’est bien ce que vous voulez, non ? Il faut donc aller dans ce sens-là ! §
Monsieur le ministre, j’admets tout à fait que certains textes puissent nous poser des difficultés de compréhension ; en l’espèce, je crois plutôt que l’on ne se comprend pas.
Chaque destruction d’élevage entraîne une destruction d’apport de matière organique.
Il y a des destructions d’élevage partout. Chaque fois que dans des régions, la mienne notamment, il est possible de passer de l’élevage à la céréale, les producteurs le font pour différentes raisons. Il y a donc une fluctuation extrêmement importante dans l’apport de matière organique.
Deuxième point : monsieur le ministre, lorsqu’un stockeur ou un transporteur fait sa déclaration puis transporte son chargement de nitrates, que voulez-vous qu’il en fasse si ce n’est le livrer à l’agriculteur ? Pourquoi autant de suspicions, pourquoi superposer les contrôles ? On ne va pas prolonger le débat jusqu’à Pâques : ce dossier, on l’a bien compris ! Mais nous ne nous comprenons pas, monsieur le ministre, …
… nous ne partageons pas les mêmes conceptions des pratiques économiques. Le dispositif que vous proposez me paraît vraiment encombrant, d’autant que le phénomène auquel il s’applique évolue dans le temps et a pour finalité le service et les volumes donnés aux agriculteurs, qui au demeurant font leur propre déclaration.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 324 rectifié bis, 379 rectifié et 518 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UDI-UC.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont tous deux émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 162 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 240 rectifié ter.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 809 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le I de l’article L. 213-12 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les institutions ou organismes interdépartementaux constitués en application des articles L. 5421-1 à L. 5421-6 du même code et reconnus établissements publics territoriaux de bassin à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles conservent cette labellisation jusqu’à modification de leur statut en syndicat mixte, et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2018. »
La parole est à M. le ministre.
La rédaction issue de la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles ne permet plus que les institutions ou organismes interdépartementaux soient labellisés comme établissements publics territoriaux de bassin, ou EPTB, ce label étant réservé aux syndicats mixtes. Or, près d’un tiers des EPTB sont des institutions interdépartementales. Il s’agit donc d’aménager une période de transition pour ces établissements jusqu’à ce qu’ils évoluent vers des structures juridiques de type syndicat mixte.
L'amendement est adopté.
Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 233 rectifié est présenté par M. Beaumont.
L'amendement n° 235 rectifié bis est présenté par MM. G. Bailly, Doublet, D. Laurent, Huré, B. Fournier, Pointereau, Mayet, César, P. Leroy et Revet.
L'amendement n° 368 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 416 rectifié ter est présenté par MM. Bizet, Bas, Houel et Lefèvre.
L'amendement n° 552 rectifié est présenté par MM. Tandonnet et Lasserre.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 511-1 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas soumises aux dispositions du présent titre les exploitations de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches allaitantes, conformément à la législation européenne. »
L’amendement n° 233 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Gérard Bailly, pour défendre l’amendement n° 235 rectifié bis.
Ce même amendement est déposé par plusieurs groupes de cette assemblée. On le constate, et nombre de nos collègues l’ont souligné hier dans leur intervention dans la discussion générale, l’élevage est en diminution sur notre territoire, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur l’économie et sur l’emploi.
On s’aperçoit tous aujourd’hui que les réglementations nationales vont souvent beaucoup plus loin que les réglementations européennes. Cet amendement vise donc à soustraire aux « dispositions du présent titre les exploitations de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches allaitantes, conformément à la législation européenne », qui ne fixe aucune obligation spécifique à ces éleveurs. Il faut être moins rigide, si l’on veut développer ou du moins donner un peu de souffle à ces élevages qui sont en diminution.
Il est un autre problème – et là aussi, nous sommes nombreux à faire ce constat et à dénoncer la situation depuis des années –, à savoir la lourdeur de la procédure d’instruction du régime de l’autorisation. M. le ministre nous l’a répété plusieurs fois : souvent, en France, il faut beaucoup plus de temps pour réaliser un investissement dans ces domaines que chez nos voisins. C’est pourquoi nous souhaiterions que les procédures soient simplifiées.
Selon l’Institut de l’élevage, il faudrait construire 60 000 places d’engraissement supplémentaires par an pour maintenir les capacités de production de viande en France. Nous demandons par conséquent, par cet amendement, que s’applique à cette production la réglementation européenne, et elle seule.
Je n’ai pas parlé des porcs, car c’est un autre problème. En tout cas, la disposition proposée est vraiment nécessaire s’agissant des exploitations de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches allaitantes.
L'amendement n° 368 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 511-1 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas soumises aux dispositions du présent titre les exploitations de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches allaitantes, conformément à la législation européenne. »
La parole est à M. Yvon Collin.
Cet amendement vise à exclure les exploitations de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches allaitantes du régime des installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE.
Que l’on se comprenne bien : il ne s’agit pas de remettre en cause l’arsenal réglementaire tant européen que national en matière de gestion des flux d’azote. Il en effet nécessaire de tout mettre en œuvre pour préserver la qualité des eaux, qu’il s’agisse des eaux de surface ou des eaux souterraines, et bien sûr des eaux côtières.
Je souhaite cependant qu’un équilibre soit trouvé entre les pratiques agricoles et les contraintes de compétitivité.
En application de la directive-cadre sur l’eau et, plus spécialement, de la directive « nitrates », la France a fixé des objectifs très ambitieux et les exploitations de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches allaitantes sont intégrées au régime des installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE. Alors que la réglementation européenne n’impose pas de contraintes spécifiques à ces éleveurs, ils se trouvent dans l’obligation de se soumettre à des contrôles très pointus, engendrant des charges de fonctionnement importantes.
Par ailleurs, la filière française de l’engraissement, qui s’appuie sur une production de fourrage sur l’exploitation, a développé des pratiques raisonnables en matière d’épandage.
Afin de ne pas fragiliser encore plus ces exploitations, il convient de ne pas forcer davantage la transition écologique dans ce secteur.
La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 416 rectifié ter.
Permettez-moi d’ajouter deux précisions aux propos de nos collègues Gérard Bailly et Yvon Collin.
Tout d’abord, depuis que nous avons abordé l’examen de ce projet de loi, j’ai entendu prononcer des mots qui me conviennent tout à fait : compétitivité, productivité, recherche, innovation, simplification. Eh bien, chiche ! Voilà l’occasion de confirmer ces déclarations.
En France, nous souffrons d’une sorte de péché originel – M. le ministre qui a été député européen pendant un certain nombre d’années le sait mieux que quiconque – : à l’inverse des Anglo-saxons, nous ne savons pas faire un travail de lobbying avant l’éclosion des directives, au moment de la rédaction des livres verts et des livres blancs. Nous ne savons pas travailler en amont de la sortie d’une directive et, une fois que celle-ci est publiée, la France tombe dans un travers classique consistant à vouloir en rajouter. Dans le cas présent, la situation est très claire : appliquons ce que nous demande l’Europe, mais n’en faisons pas plus !
Ensuite, comme l’a souligné notre collègue Gérard Bailly, la France connaît des difficultés dans le secteur de la transformation de viande blanche – on les constate actuellement en Bretagne, mais elles risquent de gagner l’ensemble du territoire national. Dans certaines filières, nous ne produisons donc plus suffisamment de matière première pour faire tourner nos outils de transformation. On nous parle de réindustrialiser la France : il est par conséquent très important de recréer des outils de production dans des domaines bien particuliers, beaucoup moins polluants que l’on ne peut l’imaginer, à savoir les veaux de boucherie, les bovins à l’engraissement et les vaches allaitantes. Tel est l’objet de cet amendement.
Voilà quelques instants, un de nos collègues a évoqué l’administration. Nous avons l’administration la plus pertinente du monde
M. André Reichardt est dubitatif.
, la plus performante du monde, mais ce n’est pas une raison pour qu’elle en fasse trop.
M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour présenter l’amendement n° 522 rectifié.
Nous partageons de nombreuses préoccupations, M. Bizet vient de le dire : l’innovation, la recherche, l’économie, la simplification. Ce qui nous oppose peut-être, mon cher collègue, c’est que nous sommes favorables à la simplification, alors que vous êtes pour la dérégulation. Cette différence entre nous est assez fondamentale.
Cette question ne date pas d’hier : les règlements ICPE concernant les élevages de bovins de viande ne sont pas dus à ce gouvernement, ni même au précédent. La question se pose depuis des années !
Je vais vous répondre.
Nous ne devons pas déréguler, mais simplifier. Si on estime que l’administration en fait trop et qu’il suffit de supprimer une réglementation – l’idée peut paraître séduisante –, a-t-on réfléchi aux conséquences éventuelles ? La vérité d’aujourd’hui n’est pas nécessairement celle de demain.
Aujourd’hui, le code de l’environnement prévoit, pour le régime d’ICPE, une autorisation, un enregistrement et une déclaration. Si on supprime tout, on pourra créer des fermes de mille vaches où l’on voudra, sans aucune déclaration.
Mme Maryvonne Blondin opine.
Je me vois donc contraint d’émettre un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques. On ne peut pas totalement déréglementer et déréguler.
Je pense que nous devons affirmer, parce que nous sommes parlementaires, notre soutien à l’administration française, car nous avons besoin d’elle sur nos territoires. En revanche, là aussi il faut distinguer entre le soutien à l’administration et la défense d’une bureaucratie parfois un peu pesante…
Pas du tout ! C’est peut-être là que nos conceptions se séparent.
Je constate une véritable schizophrénie dans notre pays, et peut-être même dans cet hémicycle : on veut moins de normes, moins de régulation, moins de fonctionnaires, parce que tout cela a un coût, mais on veut plus de policiers, de gendarmes, de juges, d’enseignants. Sur le terrain, on nous supplie de ne pas fermer les sous-préfectures existantes, mais on nous dit à longueur d’année qu’elles ne servent à rien ! On reproche à l’administration de tout bloquer, mais on en veut encore plus. On dénonce les contraintes, mais on est bien content quand la DGCCRF vient faire des contrôles, sinon on assisterait à n’importe quoi. Nous sommes donc un peu schizophrènes, c’est ainsi !
Bien sûr, nous exprimons aussi des positions politiques : certains défendent un peu plus l’administration et la fonction publiques, d’autres un peu moins ; certains sont partisans d’un État régulateur et de fonctions régaliennes fortes et d’autres sont plus libéraux, voire ultra-libéraux ou sociaux-libéraux. Peu importe, c’est le débat politique et heureusement que cette confrontation est possible !
En revanche, nous ne pouvons pas accepter que l’on introduise dans cette loi une quantité d’amendements visant à déréguler sans en connaître les conséquences concrètes.
Concentrons-nous sur l’essentiel. Nous passons du temps sur ces sujets qui sont importants, mais de nombreux autres sujets le sont encore plus pour l’avenir de l’agriculture. Ces amendements, s’ils sont adoptés, ne vont pas améliorer notre compétitivité, ni créer de revenus pour les agriculteurs, ni changer nos pratiques culturales. Ils ne nous amèneront pas à réfléchir à la formation des agriculteurs, ni à faciliter l’installation des jeunes.
J’aimerais que nous arrivions le plus vite possible à discuter de l’installation, du foncier, du renouvellement des générations, de la formation, des baux environnementaux – sur lesquels nous avons pu trouver une solution équilibrée. Voilà les sujets importants de cette loi d’avenir de l’agriculture, qui doit tracer des pistes, donner des perspectives. Vous pouvez critiquer certaines de ses orientations, c’est l’objet du débat démocratique.
Au Sénat, peut-être plus qu’ailleurs, nous sommes tous des défenseurs et des promoteurs de l’agriculture et des agriculteurs. Ne croyez pas que je veuille vous donner des leçons. Évitons cependant de nous opposer sur des sujets qui n’en valent pas la peine, évitons de nous opposer, par exemple, sur le fonctionnement de l’administration française. Surtout, évitons d’opposer ceux qui connaîtraient le terrain à ceux qui le connaîtraient moins, parce que nous défendons tous la même conception, me semble-t-il. Certains d’entre nous sont agriculteurs, d’autres ne le sont pas, mais on peut s’intéresser à l’agriculture sans être agriculteur et les agriculteurs eux-mêmes peuvent avoir des visions différentes.
Essayons de partager une vision commune, une même passion pour l’agriculture, pour son développement harmonieux sur tous les territoires, sans en laisser aucun au bord du chemin. Faisons en sorte d’appréhender l’environnement et les problèmes de pollution et évitons que la dérégulation ne devienne la règle.
Nous nous plaignons souvent, les uns et les autres, du nombre des directives européennes – que l’on transpose sans doute un peu trop vite et un peu trop loin en France, monsieur le ministre. L’Europe, parce qu’elle a été conçue ainsi, nous invite souvent à déréguler, mais nos concitoyens ne sont pas favorables à cette conception – nous le constaterons peut-être malheureusement à l’occasion des prochaines élections au Parlement européen. Au contraire, ils veulent des règles justes, républicaines et équitables.
C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ce que les exploitations de bovins viande ne soient plus soumises au régime des ICPE, parce que ce serait une dérégulation. Nous ne créons pas une contrainte supplémentaire, puisqu’elle existe déjà – comme dans le cas des amendements précédents.
Examinons bien les textes sur le fond et disons-nous que la dérégulation pourrait avoir des conséquences imprévues, au détriment de l’agriculture et des agriculteurs. §
J’émets le même avis que M. le rapporteur, pour trois raisons.
Tout d’abord, il est vrai que la directive sur les établissements classés ne comporte pas de précisions pour les élevages de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches allaitantes. Cependant, une autre directive européenne impose une étude d’impact pour les élevages intensifs. On ne peut donc pas imaginer que les projets d’élevages de ce type ne fassent pas l’objet d’une étude d’impact.
Ensuite, la définition des élevages concernés relève plutôt du domaine réglementaire que du domaine législatif.
Enfin, depuis que je suis ministre, j’ai engagé des évolutions concernant les procédures applicables aux établissements classés : nous avons notamment mis en place une procédure d’enregistrement pour les élevages porcins. Dans le cadre des états généraux de l’agriculture, nous avons prévu d’étendre cette procédure aux élevages de volailles et, à terme, aux autres productions animales. Cette procédure d’enregistrement simplifie les démarches et permet, en fonction de certains seuils conformes à la réglementation européenne, d’assurer le respect des normes sans perdre le temps qui a été parfois perdu avec la réalisation d’études longues. Quant à l’étude d’impact, c’est le préfet qui décide si elle est nécessaire ou non.
La précédente majorité n’avait pas réussi à adapter les procédures relatives aux établissements classés, or nous l’avons fait. Faites-nous donc confiance, même si vous pensez que nous pourrions être plus rapides : ce que nous avons fait pour le porc, nous allons l’étendre aux autres productions animales, pour simplifier les procédures sans remettre en cause les règles environnementales. Il me semble important de le rappeler.
Ce sujet est loin d’être classé…
Monsieur le ministre, vous venez de nous dire que cette question relevait du domaine réglementaire, dont acte ! En tant que ministre, vous pouvez quand même donner quelques orientations à votre administration…
… et je suis persuadé qu’elle pourra vous écouter, voire vous obéir.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que l’adoption de nos amendements ne créerait pas de revenus supplémentaires pour les agriculteurs et ne contribuerait pas à de nouvelles installations. Pardonnez-moi de vous contredire : quand un agriculteur, soit sous forme sociétaire, soit directement, soit en « double actif », souhaite créer ce que l’on appelle un atelier hors sol, c’est bien pour obtenir un complément de revenu ! L’assouplissement des procédures « réglementaires » contribue également à réduire les coûts. Je ne peux donc pas accepter cet argument.
Vous nous reprochez par ailleurs de chercher à déréguler. On peut être sensible à cette argumentation. En effet, si on va trop loin dans la dérégulation, on risque de tomber dans l’anarchie. En France, nous n’aimons pas l’anarchie – nous les premiers !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que cette problématique ne date pas d’aujourd’hui, ni d’hier, voire d’avant-hier ! Nous sommes tout à fait d’accord.
Chaque époque a sa vérité, mais on en fait toujours un peu plus. En tout cas, faute d’adopter ces amendements, vous allez amener sur un plateau des parts de marché supplémentaires à nos voisins allemands !
Nous manquons de 60 000 places d’engraissement dans ce pays.
Je pense que les sénateurs bretons devraient m’entendre cinq sur cinq ! Au cours de la discussion générale, notre collègue Dominique de Legge a évoqué la filière porcine, qui n’est pas concernée par nos amendements parce que c’est une production tout à fait à part compte tenu de la nature de ses effluents. Il y a un quart de siècle, la France produisait 24 millions de têtes de porcs. Aujourd’hui nous n’en produisons qu’un million de plus. Le résultat, c’est que nous avons maintenant à peu près 15 % d’outils de transformation et d’abattage en trop.
Je le sais malheureusement trop bien puisque je crains que dans certains départements de Basse-Normandie nous n’ayons quelques soucis faute de matière première pour faire travailler les outils de transformation.
Je souhaiterais véritablement qu’on dépasse les clivages droite-gauche. Vous nous avez beaucoup parlé des groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, en appelant à laisser respirer les agriculteurs, à laisser s’exprimer l’innovation, les projets… Nous avons là un cas de figure qui nous donne l’occasion de le faire. Et si nous n’y parvenons pas, nous illustrerons un propos que j’aime assez, monsieur le rapporteur, et qui fut celui d’Edgar Faure : « l’immobilisme avance, et rien ne pourra l’arrêter »
Sourires.
La réponse du rapporteur et du ministre sur ce sujet m’a assez étonné.
Aujourd’hui, je crois l’avoir dit tout à l’heure, nous constatons tous une diminution assez importante de nos élevages. Il s’ensuit une baisse de régime de nos outils de transformation, voire des licenciements et du chômage dans les secteurs qui étaient très agricoles, je pense à la Bretagne, en particulier.
Vous nous dites que nous voulons déréguler. Non, nous rappelons qu’il y a une réglementation européenne et nous demandons pourquoi on en rajouterait plutôt que de l’appliquer. Je ne vois vraiment pas en quoi on dérégule !
Nous vous demandons aussi une simplification. Je le dis au président de la commission des affaires économiques, j’aimerais bien que, dans les mois qui viennent, on se demande pourquoi ces productions augmentent en Allemagne alors qu’elles baissent en France. C’est bien qu’il y a un problème ! Et on ne va pas continuer à se faire sans arrêt, dans toutes nos productions agricoles, prendre des parts de marché par l’Allemagne, ce qui vide nos campagnes !
Je pense aussi que les difficultés et la longueur dans le traitement des dossiers dissuadent les gens d’aller plus loin. M. Bizet l’a dit voilà quelques instants, la simplification que nous proposons peut apporter des plus à des agriculteurs qui mettent en place un atelier complémentaire.
Monsieur le ministre, vous avez beaucoup parlé de la méthanisation. Je ne suis pas intervenu sur le dossier de l’azote. Si l’on veut remplacer les engrais importés, je crois qu’il faudrait essayer d’augmenter la production de nos élevages. On le sait bien, la méthanisation ne se prête pas aux toutes petites unités. Elle ne pourra avoir lieu demain que dans des unités de taille assez significative.
Pour que l’agriculture joue demain pleinement son rôle en termes énergétiques, il faudra assurer la présence sur nos territoires d’unités permettant une certaine rentabilité. C’est la raison pour laquelle je pensais que ces amendements allaient recueillir un consensus. Je suis vraiment déçu des avis défavorables de M. le rapporteur avec lequel je partageais un grand nombre de points de vue tant en commission qu’hier en séance. Je suis profondément en désaccord avec les propos qu’il a tenus voilà quelques instants ; nous aurons l’occasion d’en reparler.
Je veux simplement dire à M. le rapporteur que notre objectif, ce n’est pas la déréglementation. Ce que nous voulons éviter, c’est une surréglementation. Ne nous dites pas que nous refusons la réglementation ! Nous demandons une réglementation juste et équilibrée.
Monsieur le ministre, on a beaucoup parlé de la Bretagne tout à l’heure. Je voudrais y revenir pour vous dire mon sentiment dans cette affaire. Je vous crois de profonde bonne volonté, …
Ce gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé, n’a pas cessé de nous présenter des mesures destinées à régler les problèmes auxquels sont confrontés les agriculteurs et toute la filière. Force m’est pourtant de constater qu’elles n’ont eu pour effet que de complexifier un peu plus la vie quotidienne des agriculteurs et des entreprises qui participent du débouché agricole.
Par conséquent, le cœur du débat, c’est qu’il se pose un problème de confiance. Et plus vous en rajoutez, plus on se demande ce que vont donner en pratique les idées de ce ministre – qui sont certainement bonnes –, la crainte étant de voir les contrôles se renforcer, ce qui accroîtrait encore la défiance.
Tous les amendements que nous avons défendus depuis ce matin ne vont pas dans le sens d’une déréglementation, monsieur le rapporteur. Ils vont simplement dans le sens d’une plus grande confiance entre les acteurs de la vie économique agricole et les administrations qui doivent les accompagner.
Ce que vous me demandez, ce n’est pas une nouvelle réglementation, c’est moins et, grosso modo, pas d’étude d’impact sur les veaux de boucherie, les bovins à l’engraissement et les vaches allaitantes.
Savez-vous que certains ateliers en jeunes bovins peuvent passer la barre des 500, voire des 1 000 têtes ? D’ailleurs, dans le débat avec les États-Unis, les feed lots, c’est ce qui existe, …
… et c’est ce que l’on conteste ici, en France.
Quand vous proposez un tel amendement, prenez la mesure de ses conséquences ! Seriez-vous prêt – et je m’adresse ici à dessein à un sénateur de Normandie – seriez-vous prêt, disais-je, à accepter qu’on installe à côté de chez vous, sans la moindre étude d’impact préalable, un atelier de 500 jeunes bovins ? Vous ne manqueriez pas de venir, en compagnie d’une association, rencontrer le Gouvernement pour lui dire : « C’est lamentable, c’est insensé, on laisse faire n’importe quoi ! »
Chacun doit être raisonnable ! Ce que vous proposez, c’est qu’il n’y ait plus de limites, plus d’études d’impact. Je le répète : je prends à dessein l’exemple de la Basse-Normandie et la proposition d’installation d’un atelier de 500 à 1 000 jeunes bovins.
Oui, vous prenez ? Aujourd’hui ? Comme cela ? Et on verrait après ? En tout cas, c’est ce que vous proposez ! Eh bien, je vous le dis, ce n’est pas possible ! Par rapport à la conception de l’agriculture et au nombre d’agriculteurs, cela poserait quelques questions. Il vous faudrait vous expliquer sur votre projet pour l’agriculture avec un certain nombre de professionnels qui, à juste raison, voudront plutôt des agriculteurs que de gros ateliers. Vous voyez bien qu’on ne peut pas accepter votre amendement !
Ce débat ne porte pas sur la simplification. Il pose des questions extrêmement importantes.
Je l’ai rappelé, la procédure d’enregistrement est en cours. En Bretagne, près de 90 % des projets vont passer de la procédure d’autorisation à la procédure d’enregistrement, dixit le préfet des Côtes-d’Armor. Ce n’est pas rien ! Cela va réduire les durées. §Nous progressons donc dans la voie de la simplification sans qu’il y ait pour autant absence de réglementation. De toute façon, il y a besoin de réglementation. On ne peut pas se faire de faux débats ou de faux procès sur ce point !
Je vous le dis, il faut réfléchir un instant aux conséquences que pourrait avoir votre proposition : de grands ateliers de feed lots en France se feraient sans étude d’impact. Je ne crois pas que vous-même, vous l’accepteriez !
Donc, restons dans l’objectif : simplifier, réduire les durées, respecter les règles environnementales.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 235 rectifié bis, 368 rectifié bis, 416 rectifié ter et 552 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 163 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures dix.
La séance est reprise.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 238 rectifié ter est présenté par MM. Adnot, Détraigne et Deneux.
L’amendement n° 294 rectifié bis est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Reichardt, Couderc et Milon, Mme Mélot, MM. Savary, Beaumont, Husson, Doligé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L’amendement n° 353 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 7 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Marcel Deneux, pour présenter l’amendement n° 238 rectifié ter.
L’amendement n° 238 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 294 rectifié bis.
Il s’agit d’un amendement très important.
En l’état actuel du droit, le champ d’application du bail avec clauses environnementales paraît suffisant pour répondre aux enjeux de protection de la biodiversité, en particulier dans les zones sensibles.
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 353 rectifié.
L’amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. Revet et Trillard et Mmes Sittler et Boog, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 12
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
II. – Les quatre derniers alinéas de l’article L. 411–27 du code rural et de la pêche maritime sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Des clauses visant au respect par le preneur de pratiques culturales mentionnées au deuxième alinéa peuvent être incluses dans les baux, lors de leur conclusion ou de leur renouvellement pour les parcelles situées dans les espaces mentionnés aux articles L. 211–3, L. 211–12, L. 322–1, L. 331–1, L. 331–2, L. 332–1, L. 332–16, L. 333–1, L. 341–4 à L. 341–6, L. 371–1 à L. 371–3, L. 411–2, L. 414–1 et L. 562–1 du code de l'environnement, à l'article L. 1321–2 du code de la santé publique et à l'article L. 114–1 du présent code à condition que ces espaces aient fait l'objet d'un document de gestion officiel et en conformité avec ce document.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment la nature des clauses qui peuvent être insérées dans les baux. »
La parole est à M. Charles Revet.
L’article L. 411–27 du code rural et de la pêche maritime prévoit la possibilité d’insérer des clauses environnementales dans les baux.
Deux cas de figure sont aujourd’hui possibles.
Soit les parcelles sont détenues par un bailleur personne morale de droit public, une association agréée de protection de l’environnement, une personne morale agréée « entreprise solidaire », une fondation reconnue d’utilité publique ou un fonds de dotation.
Soit les parcelles sont détenues par un bailleur autre que mentionné précédemment, c’est-à-dire un bailleur privé.
Une disposition réglementaire prévoit une liste de clauses environnementales pouvant être insérées dans le bail. Aussi, l’article L. 411–31 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le bail peut être résilié si le preneur ne respecte pas les clauses insérées dans le bail.
La possibilité d’insérer des clauses environnementales dans les baux n’est pas neutre de conséquences puisqu’elle permet la résiliation du bail en cas de défaut du preneur. Un éventuel élargissement de cette disposition entraînerait des conséquences mal maîtrisées. Celle-ci doit donc être encadrée.
Par ailleurs, l’un des piliers fondamentaux du statut du fermage est la liberté d’exploitation. Le preneur a le choix de conduire ses pratiques sans l’intervention de son bailleur. Aussi, lorsque les parcelles sont situées dans un zonage, les clauses doivent répondre au document de gestion officiel du bien loué.
L’égalité de traitement entre citoyens devant la loi et les règlements constitue un principe général du droit que les autorités administratives doivent respecter dans les législations et réglementations qu’elles mettent en œuvre.
Il est donc indispensable que les clauses environnementales ne puissent être insérées dans les baux, quel que soit le bailleur, uniquement dans le cas où la parcelle serait située dans un zonage environnemental. Elles devront être en conformité avec le document de gestion du bien loué.
Par ailleurs, je vous ai interrogé hier, monsieur le ministre, avant l’examen de l’article 1er, en évoquant la situation de la pêche, sur les projets de classement, notamment en zones Natura 2000, sur l’ensemble du littoral, depuis Dunkerque jusqu’au Mont-Saint-Michel, ainsi qu’en divers endroits de la vallée de Seine, pour ne parler que du nord-ouest de la France.
Ces projets auront des incidences ; aussi, j’aimerais que vous me disiez si ce schéma sera réalisé.
Pour ce qui concerne l’aquaculture, que je n’ai pas évoquée hier afin de ne pas prolonger mon propos, la production a été diminuée de moitié en dix ans. La France importe aujourd’hui 85 % de ses besoins en poissons et crustacés. C’est dramatique, quand on sait que notre pays dispose de la deuxième zone maritime du monde !
Je vous ai écrit à ce sujet voilà plusieurs mois, monsieur le ministre – à moins que ce ne soit à votre prédécesseur –, car j’avais été interrogé par les propriétaires et les exploitants installés tout au long du littoral et en vallée de Seine, qui voulaient connaître les conséquences d’un tel classement sur la valeur vénale de leurs terrains et parce que, dès lors que des normes très strictes s’appliquent, il y a fatalement des incidences sur les résultats des exploitations. Je n’ai pas reçu de réponse à ce jour.
Je pourrai vous envoyer le double de ce courrier, monsieur le ministre, afin que vous puissiez me répondre.
Cette mesure n’est pas innocente, et elle concerne l’ensemble du littoral ! Et ce qui est vrai pour le nord-ouest de la France l’est aussi pour les autres parties du territoire.
Voilà pourquoi j’ai déposé cet amendement, que je souhaite vous voir prendre en compte.
L’amendement n° 197 rectifié, présenté par M. Savary, Mme Bruguière, MM. Cambon, Cardoux, Cointat, Couderc, Doligé, Houel, Huré, Laménie, Lefèvre et Longuet, Mme Masson-Maret et M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Des clauses visant au respect par le preneur de pratiques culturales mentionnées au deuxième alinéa, y compris des obligations de maintien d’un taux minimal d’infrastructures d’intérêt écologique, peuvent être incluses dans les baux, lors de leur conclusion, dans le cas suivant :
« - Les clauses doivent concerner des parcelles représentant des surfaces suffisantes pour garantir un réel impact environnemental, lorsque le bailleur est une personne physique ou une personne morale de droit privé, celui-ci doit justifier des enjeux environnementaux auxquels les clauses proposées répondent sur le territoire concerné, et de l’absence de remise en cause de l’exploitation agricole ;
« - Les clauses sont préalablement soumises à l’avis conforme de la commission départementale d’orientation de l’agriculture, et de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites ; »
Comme vous avez dépassé votre temps de parole sur l’amendement précédent, monsieur Revet, je vous demande d’être plus succinct en présentant celui-ci.
Nous avons évoqué tout à l’heure les taquets et les sujets importants. Le bail environnemental en est un, mais, tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale, il ne nous convenait pas, il ne me convenait pas. J’ai considéré qu’il freinait le travail des agriculteurs, notamment des jeunes qui s’installent, car il prévoyait trop de contraintes. J’ai donc souhaité que nous réécrivions cette partie du projet de loi.
Je pensais que nous étions parvenus en commission à un compromis assez clair : pas de nouvelles contraintes et pas de retour sur les pratiques vertueuses.
Or vous présentez des amendements de suppression. Je ne peux être favorable à de tels amendements ! Certes, les sénateurs sont souverains en séance publique, mais supprimer le dispositif auquel nous sommes parvenus unanimement en commission reviendrait à remettre totalement en cause le bon travail que nous avons accompli et qui a nécessité de nombreuses auditions et plusieurs heures de réflexion.
Tout à l’heure, mon ami Gérard Bailly affirmait ne pas être d’accord et se déclarait déçu des propos que j’avais tenus. Je peux le comprendre : il est bien normal que nous n’ayons pas la même vision sur tous les sujets.
Absolument ! Toutefois, il me semble que, sur les six points de ce texte que nous avons jugés importants, nous avons apporté des améliorations et trouvé un point d’équilibre et de compromis.
Je pense à la triple performance dans les GIEE, économique, sociale et environnementale. Il était très important d’intégrer la dimension sociale. C’est le fruit d’un compromis.
Je pense aussi à la clause miroir pour les coopératives, dont nous aurons l’occasion de reparler. Tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale, le texte ne nous convenait pas. Nous avons trouvé un compromis – il a d’ailleurs été compris par les coopératives elles-mêmes –, qui n’ajoute pas de contraintes aux coopératives et fait en sorte que les assemblées générales ne doivent pas tout assumer, une partie des décisions relevant des conseils d’administration, lesquels sont là pour cela.
Grâce à Jean-Jacques Lasserre et à Daniel Dubois notamment, nous avons également trouvé un compromis sur la compensation agricole. Sur ce sujet, nous continuerons à avancer. Si j’ai bien compris, parce que je sais que certains d’entre vous ont été en contact avec eux, les responsables agricoles sont d’accord avec la rédaction du Sénat.
Nous reviendrons sur la question du loup. Là encore, nous avons trouvé un compromis et j’espère que, unanimement, – aujourd’hui, demain ou un autre jour – nous affirmerons des positions très claires, parce qu’il est des moments où l’intérêt général prime sur tout le reste.
Sur le transfert des autorisations de mise sur le marché à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, nous avons aussi trouvé un compromis : le ministre conservera un droit de regard et pourra s’exprimer. Mme Blandin a même déposé un amendement visant à empêcher tout retour en arrière.
Je le répète, sur tous ces points qui sont à mon sens fondamentaux – il en est beaucoup d’autres –, la commission des affaires économiques, sous la houlette de Daniel Raoul, a trouvé un compromis à l’issue de nombreuses heures d’auditions et de discussions. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous engage à les adopter. Sur les autres sujets, tous les débats sont légitimes ; nous en avons eu un exemple tout à l’heure avec l’azote.
Sur le bail environnemental, le compromis me semblait assez clair : il consistait à ne pas réduire les exigences actuelles, tout en n’ajoutant pas de nouvelles contraintes. Je peux en témoigner dans mon département : à un jeune qui s’installe et qui loue à des propriétaires différents un hectare par-ci, deux hectares par-là, on ne peut imposer ce qu’il doit ou non faire sur telle ou telle parcelle ; cela ne marche pas. Ces contraintes et ces normes sont insupportables et nous ne pouvons les accepter.
J’espère que, en deuxième lecture, l’Assemblée nationale aura la sagesse de ne pas revenir à la rédaction qu’elle a adoptée en première lecture, car elle ratatine tous les efforts en matière de bonnes pratiques agricoles, notamment pour les jeunes.
Notre intention est de maintenir les cas existants – on n’en demande ni plus ni moins – et de permettre à tout propriétaire de proposer un bail environnemental. Nous sommes tous d’accord pour favoriser les pratiques environnementales, sans toutefois ajouter de nouvelles normes aux agriculteurs qui s’installent ou achètent des parcelles. Les débats que nous avons eus précédemment sur la dérégulation, les normes, la simplification avaient la même finalité. Les seules clauses admissibles seraient celles qui garantiraient le maintien des bonnes pratiques. C’est bien ce garde-fou que nous avons prévu.
L'amendement n° 60 rectifié de M. Revet se rapproche le plus du texte de la commission, ...
C’est la réalité !
... et on pourrait l’intégrer en partie. Il faudrait pour cela le rectifier. Toutefois, il est déjà satisfait par le texte de la commission.
En revanche, l'amendement de M. César comme les autres amendements en discussion commune tendent à supprimer purement et simplement l’extension du bail environnemental. C'est la raison pour laquelle j’en demande le retrait au profit du compromis politique et professionnel qui peut bien fonctionner et qui a été accepté par la profession agricole, toutes tendances confondues, selon qui il faut un certain nombre de barrières, parce que l’on ne peut pas faire n’importe quoi, sans revenir en arrière ni en demander toujours plus. Car on finit par en avoir un peu marre des contraintes supplémentaires. À défaut, la commission émettra un avis défavorable sur ces amendements.
Sur l’ensemble de ces amendements, le Gouvernement émet le même avis que la commission.
Monsieur Revet, je tiens à vous répondre sur le sujet que vous avez déjà évoqué hier. Oui, je prendrai l’initiative de rencontrer la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, et le secrétaire d’État à l’économie maritime, pour que l’on puisse traiter la question littorale, et, surtout, la grande question posée par l’aquaculture. Il faut reprendre ce sujet afin de remettre en route une production et une filière. Sur ce point, je suis tout à fait d’accord avec vous. C’est pourquoi je vous rendrai compte, à vous, de manière spécifique, des rencontres que j’aurai et des objectifs communs que nous nous serons fixés. §
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que la commission des affaires économiques avait abouti à un accord unanime et que nous étions parvenus à un engagement commun.
L’alinéa 10 précise : « pour garantir, sur la ou les parcelles mises à bail, le maintien de ces pratiques ou infrastructures ». Est-ce bien cela que nous avons voté en commission ? §
Si vous le confirmez officiellement, nous retirerons cet amendement.
Monsieur César, je vous remercie de votre intervention. Vous avez raison, c’est à cet alinéa que je faisais référence : il s’agit bien du maintien des pratiques.
Exactement ! On n’impose rien de plus. En revanche, on ne revient pas en arrière sur ce qui a été fait.
Nous sommes totalement revenus sur les dispositions prévues par l’Assemblée nationale qui complexifiaient la situation. Si je vous ai convaincu, j’en suis fort heureux, monsieur César.
Non, nous avons bien travaillé tous ensemble, dans l’intérêt des agriculteurs.
L'amendement n° 294 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
Je me rallie bien évidemment à la position de M. le rapporteur. Je l’avais déjà fait – peut-être ne l’avait-il pas remarqué – en retirant l’amendement que nous avions déposé. Pour mieux comprendre nos débats, il faut que vous sachiez que certains d’entre nous ne sont plus membres de la commission des affaires économiques, pour leur plus grand regret parfois. Ne connaissant pas les débats internes de cette commission, nous avions pris la précaution de déposer un amendement, mais dès que nous avons appris l’existence d’un compromis, nous y avons adhéré.
Pour moi qui étais fermier sur 106 hectares, avec 23 propriétaires et 82 partielles cadastrales, imaginez ce qu’aurait été l’application du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale !
L’amendement n° 353 rectifié est retiré.
Monsieur Revet, qu’advient-il de l’amendement n° 60 rectifié ?
Je me retrouve dans les propos de Marcel Deneux. Il se trouve que la commission des affaires économiques a été scindée en deux et qu’un certain nombre d’entre nous ne participent plus à ses travaux. C’est d’une certaine façon dommage, même si la commission du développement durable travaille bien.
Nouveaux sourires.
Toujours est-il que nous n’avons pas participé à cette réflexion. Néanmoins, je fais totalement confiance à mes collègues qui y participent. Au regard du résultat auquel la commission est parvenue et dans la mesure où le rapporteur a indiqué que l'amendement n° 60 rectifié, parce qu’il se rapprochait du texte de la commission, était le seul qui pourrait sans doute être adopté mais était satisfait, je le retire, de même que l'amendement n° 197 rectifié. S’il était besoin d’y revenir, nous le ferions plus tard.
Les amendements n° 60 rectifié et 197 rectifié sont retirés.
Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° 313 rectifié est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 534 rectifié est présenté par MM. Dubois, Jarlier et Tandonnet, Mme N. Goulet et M. Guerriau.
L'amendement n° 599 est présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 754 rectifié est présenté par MM. Mazars, Alfonsi, C. Bourquin, Fortassin, Hue, Requier, Tropeano et Vendasi.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 313 rectifié.
Pour faire bref, il s’agit de supprimer les alinéas 13 et 14 relatifs aux baux.
La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l'amendement n° 534 rectifié.
Cet amendement vient d’être défendu de façon explicite, efficace et rapide, madame la présidente !
Le dispositif prévu aux alinéas 13 et 14 risque de fragiliser le statut du fermage en permettant d’exercer des pressions sur le fermier, qui n’est pas en position de force. C’est pourquoi nous en demandons la suppression. Il s’agit de revenir aux mesures qui existent déjà, à savoir la mise à disposition au profit d’une société à objet principalement agricole.
L’amendement n° 754 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 126, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Après les mots :
objet principalement agricole
insérer les mots :
ou d'une association, prévue par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, à vocation principalement agricole
La parole est à M. Joël Labbé.
Lorsque nous entendons les propos tenus sur les travées de droite de cet hémicycle, nous avons l’impression d’avancer avec difficulté. Pourtant, la transition est une absolue nécessité : elle est attendue par une grande partie du monde agricole et par la société civile, c’est-à-dire tous nos concitoyens. Cet amendement vise à accompagner un mouvement qui est déjà en cours.
Lorsqu'il a contracté un bail rural avec une personne morale comme un groupement agricole d’exploitation en commun ou une société civile d’exploitation agricole, un propriétaire bailleur peut se retrouver lié à des personnes qu'il n'a pas choisies initialement, par le jeu des fluctuations possibles dans la composition de la structure preneuse du bail.
Pour se prémunir contre cette situation, le propriétaire a la possibilité de signer le bail non pas avec la structure morale, mais directement avec les associés, lesquels mettent ensuite le bail à disposition de la structure juridique qu'ils ont choisie pour l'exploitation du bien.
Seulement, le code rural ne désigne comme structures pouvant bénéficier d'une mise à disposition que les sociétés à objet principalement agricole, dont le capital doit être majoritairement détenu par des personnes physiques.
Or si les formes sociétaires connaissent un essor important dans le monde agricole, d'autres formes d'organisation se développent aussi entre personnes partageant un projet agricole. Ainsi, certains projets prennent la forme d’une association de la loi de 1901, à l'image des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP ; je pense aussi aux pépinières d’activités agricoles, qui permettent à des porteurs de projet en agriculture biologique de tester leur activité avant de se lancer.
La mise à disposition d'un bail rural à une association étant aujourd’hui impossible, ces formes d’organisation ne peuvent être représentées qu’indirectement, par l’intermédiaire d'un de leurs membres preneur du bail. Or ce mécanisme est contraire à leur volonté de partage collectif des responsabilités liées à la production et à l'entretien du bien.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je serais vraiment très déçu si cet amendement progressiste et conforme à la volonté de la société n’était pas accueilli favorablement.
L'amendement n° 519 rectifié, présenté par MM. Dubois, Lasserre, Tandonnet et Maurey, Mme N. Goulet, M. Guerriau et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
à vocation principalement agricole
par les mots :
à objet agricole
La parole est à M. Daniel Dubois.
Cet amendement, très directement lié aux précédents amendements présentés par mon groupe, vise à garantir que seules sont visées les sociétés dont l’objet est de cultiver la terre et de transformer ses produits.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Pour faire plaisir à M. Labbé, je vais parler en progressiste !
Sourires.
Nouveaux sourires.
Vous avez tort, mon cher collègue, car je donne un avis favorable aux amendements identiques n° 313 rectifié, 534 rectifié et 599 de MM. César, Dubois et Le Cam.
En revanche, je suis défavorable à l’amendement n° 126 présenté par M. Labbé.
Quant à l’amendement n° 519 rectifié de M. Dubois, il deviendra sans objet si l’amendement n° 313 rectifié est adopté.
M. Gérard César acquiesce.
Je le regrette, car la modification qu’il opère m’intéresse beaucoup. Je souhaite donc, monsieur Dubois, que nous trouvions le moyen de vous donner satisfaction en deuxième lecture.
M. Daniel Dubois s’en félicite.
Selon moi, un bail rural est personnel : on conclut un bail avec un agriculteur. Qu’un bail soit transféré, on peut le concevoir, et du reste cela existe ; mais que le nouveau titulaire puisse ne pas être un agriculteur me semble contraire à l’esprit du projet de loi, qui est de renforcer l’agriculture.
Si je considère qu’on ne peut pas accepter un portage de bail, ce n’est pas que je vous fasse, monsieur Labbé, un procès d’intention. En réalité, je suis soucieux d’éviter tout risque de détournement du statut du fermage. Ce statut est trop fragile pour que je puisse, monsieur Labbé, émettre un avis favorable sur votre amendement.
Les positions prises par la commission au sujet de ces différents amendements permettent d’assurer la transmission des terres et la qualité des baux ruraux tout en évitant d’éventuelles dérives.
Le véritable progrès se heurte toujours à des inquiétudes, qui ne sont pas forcément fondées : l’accueil réservé à l’amendement n° 126 en offre une parfaite illustration.
L’agriculture est certes l’affaire des agriculteurs, et heureusement ; mais elle n’est plus seulement la leur : elle est aussi l’affaire de l’ensemble de la société, dont nous sommes les représentants !
Monsieur Labbé, je tiens à vous répondre de façon très précise, avec des arguments techniques.
Mon propos n’est pas de nous opposer. Que le bailleur puisse mettre le bail rural dont il est titulaire à disposition d’une société à objet agricole dont il est membre, M. Dubois, M. César et nous tous en sommes d’accord ; mais qu’il puisse le mettre à disposition de toute association de la loi de 1901 dont il est membre, je crois que cela serait dangereux.
Je ne mets pas du tout en cause ces associations – là n’est pas la question. Je cherche simplement à prévenir tout détournement du statut du fermage.
D’abord, la mise à disposition que vous proposez, mon cher collègue, ne nécessiterait pas l’accord du propriétaire bailleur, ce qui pose un problème sur le plan du droit de propriété.
M. Roland du Luart acquiesce.
Ensuite, un tel montage paraît difficilement acceptable, dans la mesure où la faculté de mettre le bail à disposition d’une exploitation vise à assurer la liberté de l’agriculteur de choisir la forme juridique de son exploitation ; or les associations de la loi de 1901 ne peuvent pas constituer le support juridique d’une exploitation agricole.
Monsieur Labbé, je comprends l’esprit de votre proposition, mais je considère qu’une loi d’avenir pour l’agriculture doit avoir pour objet de conforter les exploitations agricoles ; c’est sur ce point que nous divergeons.
L’adoption de votre amendement entraînerait une sorte de perte de contrôle du bailleur sur son bien, puisque celui-ci pourrait passer en d’autres mains sans que le bailleur en ait connaissance, ni qu’il puisse s’y opposer. Qu’un bail puisse changer de mains sans que le propriétaire ait son mot à dire sur son objet, et par conséquent sur la destination des terres, constitue une atteinte à mes yeux excessive au statut du fermage
M. Jacques Gautier acquiesce.
Telle est la raison pour laquelle je ne puis approuver votre amendement, monsieur Labbé, quoique je comprenne l’intention qui vous anime.
Sourires.
C’est possible, mais il est surtout contraire à l’objectif du projet de loi : conforter l’agriculture, le statut de l’agriculteur et les exploitations agricoles.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 313 rectifié, 534 rectifié et 599.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, les amendements n° 126 et 519 rectifié n’ont plus d’objet.
Monsieur le rapporteur, j’ai bien noté ce que vous avez dit au sujet de la deuxième lecture !
L'amendement n° 177, présenté par Mme Blandin, MM. Labbé, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au premier alinéa, après le mot : « environnement, », sont insérés les mots : « de respect du bien-être animal, » ;
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Cet amendement est le dernier sur le bien-être animal ; il porte sur le cadre assigné aux mutations de l’agriculture et de la transformation des aliments.
La transformation des produits est en adaptation permanente sous la pression de goûts ou de besoins nouveaux, ces derniers étant souvent créés par la publicité et par la grande distribution, mais aussi sous la pression des marchés, car les matières alimentaires restent, hélas, des marchandises soumises à spéculation.
La science ouvre des possibilités sans cesse renouvelées de modifier l’alimentation, la reproduction, la forme et la productivité des animaux d’élevage. Reste qu’il doit y avoir des limites éthiques : que l’on sache faire quelque chose ne signifie pas que l’on doive le faire, même quand il y a un gain en jeu pour certains – qui, au passage, sont rarement les éleveurs eux-mêmes.
À cet égard, le projet de loi est équilibré, puisqu’il évoque la qualité des produits : ce n’est pas parce que l’on sait produire du bœuf aux hormones que l’on va en produire, au risque de perturber le métabolisme des consommateurs et celui de leurs enfants. §
Il évoque aussi l’aménagement du territoire : ce n’est pas parce qu’il serait plus simple de cultiver et d’élever en plaine que l’on va abandonner les paysans des montagnes.
Il évoque enfin le maintien de l’emploi en milieu rural : ce n’est pas parce que des professeurs Nimbus veulent appliquer les recettes du BTP ou de la science-fiction aux étables que l’on va faire des usines à 1 000 vaches §et transformer nos campagnes en parcs d’attraction !
Tout vertueux qu’il soit, ce cadre comporte un oubli : le respect du bien-être animal. Si ce principe n’est pas mentionné, nous n’aurons aucun outil pour décourager des pratiques de mutilation ou d’immobilisation favorables à la production mais sources de souffrance aujourd’hui, et demain de mises aux normes douloureuses et coûteuses, voire de faillites quand tomberont les règles de Bruxelles.
De plus, un cadre vertueux en matière de bien-être animal constitue une protection pour nos éleveurs : car c’est bien l’agroalimentaire qui tire les prix vers le bas, importe n’importe quoi, se moque des conditions d’élevage au Brésil ou à Taïwan et ruine les producteurs de nos régions. Vous avez tous à l’esprit, mes chers collègues, l’émission de télévision qui a montré les ateliers Farmor d’une célèbre coopérative et les poulets low cost importés du Brésil et de Taïwan !
M. Joël Labbé applaudit.
En revanche, je ne peux pas soutenir votre proposition d’en faire un objectif spécifique et de l’inscrire dans le code rural et de la pêche maritime.
On peut sans doute penser : qui peut le plus peut le moins. En tout cas, le bien-être animal comme orientation pour la politique agricole générale, nous y sommes favorables et c’est déjà une grande avancée ; mais ce principe, dans la mesure où il concerne de nombreux autres secteurs de la société, ne peut pas être considéré comme un objectif spécifique de la politique agricole.
C’est pourquoi, madame Blandin, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; si vous le maintenez, je serai contraint d’y être défavorable.
L'amendement n° 177 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 186, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 820–2 du même code est complété par les mots : «, notamment les organismes nationaux à vocation agricole et rurale ».
La parole est à M. Joël Labbé.
À la croisée des questions d’aménagement du territoire, de création d’activités en milieu rural et de développement agricole, se référant aux principes de l’éducation populaire, les associations territoriales de développement agricole et rural accompagnent depuis de nombreuses années les innovations citoyennes ainsi que l’installation agricole, en particulier celle des personnes non issues du monde agricole, les NIMA.
Les deux tiers des 16 000 installations annuelles qui ont eu lieu entre 2001 et 2009 ont été des installations non aidées, donc hors dotation jeunes agriculteurs – DJA –, et non accompagnées par les chambres d’agriculture, qui se réservent les installations aidées. Pourtant, parmi les candidats à l’installation non aidée, deux sur cinq ont moins de 40 ans, qui est le seuil maximal pour l’éligibilité à la dotation jeunes agriculteurs.
D’autres structures accompagnent donc ces candidats, tout comme les plus de 40 ans, les personnes en reconversion professionnelle notamment, et, surtout, toutes celles et ceux – trois sur cinq sont des femmes – qui n’ont pas le « profil », dans des démarches d’installation progressives et atypiques. Ce n’est pas que leurs projets ne sont pas viables, mais ils sont considérés comme non rentables à l’aune des critères habituels, qui, reposant plutôt sur la surface, ne prennent pas en compte la valeur ajoutée.
Sans ces associations, le nombre d’installations enregistrées chaque année pourrait ne pas dépasser 5 600 installations, alors que 200 fermes disparaissent chaque semaine.
Ne se limitant pas à une perception purement économique de l’agriculture, ces associations promeuvent une vision inclusive et l’articulation entre agriculture et activités en milieu rural et périurbain.
À l’heure où beaucoup prônent la pluriactivité comme gage de sécurité et de pérennité, les dynamiques collectives, elles, ont fait la preuve de leur capacité à anticiper et accompagner les démarches innovantes pour habiter le territoire. Il est plus que temps de reconnaître leur rôle en matière de développement agricole. Je pense tout particulièrement à leurs têtes de réseau, qui assurent l’accumulation des savoir-faire, la mutualisation, le recul réflexif nécessaire à l’innovation, notamment l’innovation organisationnelle et sociale.
Le remplacement des conventions pluriannuelles par les appels à projets a d’ores et déjà trop fragilisé ces structures, les mettant en concurrence et décourageant les bénévoles, tout en entraînant une perte de leur capacité d’innovation sociale.
Cet amendement tend donc à les reconnaître, enfin, comme actrices à part entière du développement agricole et rural et du soutien à l’installation, en donnant la définition nécessaire à leur légitimité.
L'amendement n° 309 rectifié bis, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 820–2 du même code est complété par les mots : «, les organismes regroupant des entités dont l’objet légal ou réglementaire s’inscrit dans les missions du développement agricole ».
La parole est à M. Gérard César.
Cet amendement vise non pas à modifier, mais à compléter l’article 4 du projet de loi. Celui-ci mentionne déjà les collectivités territoriales. Nous proposons qu’y figurent également les organismes regroupant des entités dont l’objet légal ou réglementaire s’inscrit dans les missions du développement agricole.
Nous avons évoqué ces missions hier et, surtout, monsieur le ministre, vous nous avez distribué la brochure présentant le futur fonctionnement du GIEE, avec un financement par le CASDAR. Il nous semble important, aujourd’hui, d’apporter un certain nombre de précisions et, en particulier, de préciser dans la loi les conditions que doivent remplir les têtes de réseau pour être éligibles au CASDAR.
Tel est l’objet de cet amendement.
La commission émet un avis favorable sur ces deux amendements. Je ne reviens pas sur le sujet des ONVAR, que nous avons largement débattu hier soir, mais l’amendement n° 186 est tout à fait positif et l’amendement n° 309 rectifié bis le complète judicieusement.
En revanche, pour une articulation correcte, je vous propose, monsieur César, de modifier votre amendement, en remplaçant la virgule précédant les mots « les organismes » par la conjonction de coordination « et ». Ainsi, si ces deux amendements sont adoptés, l’ajout que vous proposez viendra s’enchaîner à celui que propose M. Labbé, ce qui donnera la rédaction finale suivante : «, notamment les organismes nationaux à vocation agricole et rurale et les organismes regroupant des entités dont l’objet légal ou réglementaire s’inscrit dans les missions du développement agricole ».
Je partage complètement l’intervention de M. le rapporteur. J’ajouterai même que la discussion et le vote d’hier soir sur les enjeux liés au développement et à la diffusion, à travers les chambres d’agriculture et les ONVAR, m’ont fait changer d’avis. J’approuve donc totalement la mesure que Joël Labbé nous a proposée, aussi concisément qu’il était possible pour lui de le faire (Applaudissements et rires sur plusieurs travées.), ainsi que la suggestion de M. le rapporteur. Avis favorable.
L'amendement est adopté.
Monsieur César, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?
Je suis donc saisie d’un amendement n° 309 rectifié ter, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 820-2 du même code est complété par les mots : « et les organismes regroupant des entités dont l’objet légal ou réglementaire s’inscrit dans les missions du développement agricole ».
Je le mets aux voix.
L'amendement est adopté.
L'article 4 est adopté.
L'amendement n° 483 rectifié bis, présenté par MM. Pointereau, Pillet, Mayet, Pinton et G. Bailly, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 411–2 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - aux conventions de mise à disposition au bénéfice d’agriculteur, en vue de leur aménagement parcellaire ou de leur mise en valeur agricole, d’immeubles ruraux libres de location. Ces conventions sont dérogatoires aux dispositions de l’article L. 411–1, à l’exception du prix. Leur durée ne peut excéder trois ans. Toutefois, pour une superficie inférieure à deux fois la surface minimum d’installation, cette durée peut être portée à six ans, renouvelable une seule fois. »
La parole est à M. Rémy Pointereau.
L’adoption de cet amendement contribuerait fortement à diminuer le nombre de parcelles en friche, notamment les parcelles de petite taille que l’on voit proliférer aux abords de nos communes et de nos villes, pour lesquelles les propriétaires ne veulent plus entrer dans le statut du fermage. Il s’agit non pas de remettre en cause ce statut, mais d’autoriser la signature de conventions de mise à disposition n’excédant pas trois ans, afin que ces toutes petites parcelles puissent être exploitées notamment par des riverains.
L’article L. 411–2 du code rural et de la pêche maritime dresse une liste des exceptions au statut du fermage, statut s’appliquant, en principe, à toute location de terre ou d’immeuble bâti agricole. Les cas de non-application du statut du fermage sont limités : conventions portant sur des terrains boisés, conventions portant sur des dépendances d’immeubles à usage d’habitation, conventions d’occupation précaire, conventions de mise à disposition de terres agricoles d’une société par une personne participant effectivement à leur exploitation au sein de celle-ci et conventions régies par des dispositions particulières.
Cet amendement tend à appliquer les seules règles d’encadrement des prix des fermages et à faire exception à toutes les autres règles, en créant un bail spécial de trois ans pour remettre à la location des terres inoccupées ou/et inexploitées.
L’intention de permettre l’exploitation de terres incultes est louable. Mais, un dispositif permettant la mise en valeur des terres incultes ou inexploitées est déjà prévu à l’article L. 125–5 du code rural et de la pêche maritime.
Mais l’instrument proposé dans cet amendement n’est pas forcément le bon. Selon nous, il n’est pas souhaitable de fragiliser le statut du fermage. La proposition est insuffisamment encadrée et peut occasionner des dérives. Une terre qui serait inculte pendant trois ou quatre ans pourrait être récupérée directement à l’issue de cette période. Il suffirait donc de ne pas louer sa terre pendant quelques années pour pouvoir, par ce biais, échapper au statut du fermage.
Nous estimons que le statut du fermage est suffisamment précaire pour ne pas le fragiliser encore plus. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ma part, je ne retiendrai que le dernier argument de M. le rapporteur : cette dérogation permettrait à certains d’échapper au statut du fermage pour avoir ensuite l’usufruit de biens en dehors de ce statut. Que le délai soit de trois ou six ans, c’est faire courir des risques à ce statut, avec de possibles conséquences importantes. L’avis du Gouvernement est donc également défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 198 rectifié ter, présenté par M. Savary, Mmes Boog et Bruguière, MM. Cambon, Cardoux, Cointat et Couderc, Mme Deroche, MM. Doligé, Houel, Huré, Laménie, Lefèvre et Longuet et Mme Masson-Maret, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 411–3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Après avis des commissions consultatives des baux ruraux, des arrêtés de l’autorité administrative régionale fixent la nature » ;
2° Après cette même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette superficie ne peut pas être inférieure à trois hectares. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
L'amendement n° 369 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces superficies ne peuvent être inférieures à un minimum de deux hectares.
« L’autorité administrative dispose d’un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt pour prendre, dans les conditions fixées par l’article R. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, l’arrêté prévu pour ces dispositions. »
II. – Le I est applicable aux baux en cours.
La parole est à M. Yvon Collin.
Avec cet amendement, nous entendons encourager la location de petites surfaces. Le statut du fermage a effectivement peu évolué et, j’ouvre une parenthèse, mériterait sans doute un profond toilettage, dans l’intérêt à la fois des fermiers et des propriétaires.
Pour en revenir à notre disposition, défendue à l’instant sur d’autres travées, il est nécessaire d’inciter les propriétaires de petites surfaces, souvent en état de friche, à les mettre à la disposition des agriculteurs dans le cadre du louage de chose conforme aux dispositions du code civil.
L'article L. 411–3 du code rural et de la pêche maritime a prévu la possibilité de conclure un bail dérogeant au statut du fermage, dans une limite de superficie fixée par l'autorité administrative en fonction du contexte local. Cet amendement vise précisément à établir cette limite à deux hectares, afin que des terres soient libérées pour être mises en location.
L'amendement n° 482 rectifié bis, présenté par MM. Pointereau, Pillet, Mayet, Pinton et G. Bailly, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 411–3 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces superficies ne peuvent être inférieures à un minimum de cinq hectares. »
II. – L’autorité administrative dispose d’un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi pour prendre, dans les conditions fixées par l’article R. 411–2 du code rural et de la pêche maritime, l’arrêté prévu à l’article L. 411–3 du même code.
III. – Le I est applicable aux baux en cours.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
Toujours dans l’intention de réduire la problématique des petites parcelles en friche, nous présentons cet amendement, qui tend à encourager les propriétaires de ces petites surfaces à les mettre à disposition des agriculteurs dans le cadre du louage de chose répondant aux dispositions du code civil, et non plus du statut du fermage. Celui-ci, en effet, leur apparaît souvent trop contraignant et trop engageant pour des parcelles qui, un jour, pourraient avoir une autre destination que celle de terre agricole.
Ces trois amendements présentent une même disposition, dans laquelle seule la superficie varie : deux hectares, trois hectares ou cinq hectares.
Qu’en est-il aujourd'hui ? C’est le préfet qui, après discussion avec la commission locale, fixe la limite des petites parcelles. La France est diverse. La situation n’est pas la même, que l’on soit dans les vignes bordelaises, dans le Jura ou dans les montagnes des Pyrénées-Atlantiques. Indépendamment de la superficie retenue – elle pourrait être d’un hectare, de quatre hectares ou encore de six hectares –, il me semble qu’en adoptant l’un de ces amendements nous figerions un dispositif légal pour toutes les zones de France, au lieu de laisser libre cours, comme nous le faisons aujourd'hui, à l’initiative au niveau départemental.
En fonction des spécificités du territoire, le préfet a d’ores et déjà la possibilité de fixer une limite à un, deux, trois hectares… Il n’est pas souhaitable de définir un cadre qui s’appliquerait sur tout le territoire national quand les besoins sont différents dans la plaine parisienne, dans les zones intermédiaires évoquées, hier, par Bruno Sido, ou encore dans le Tarn-et-Garonne. Permettez-donc, monsieur Collin, que votre département conserve ses spécificités et que, dans les régions Champagne-Ardenne ou Rhône-Alpes, on puisse fixer comme on l’entend, après échange entre le préfet et les représentants des agriculteurs au sein des commissions départementales, la superficie de ces parcelles.
Aussi, l’avis est défavorable sur ces trois amendements.
Même avis que M. le rapporteur. Je donnerai juste un exemple : en fixant une limite de trois hectares dans la Marne, en Champagne, on touche environ 70 % des exploitations. En d’autres termes, adopter une telle disposition, c’est exclure du statut du fermage 70 % des exploitations ! Mais, dans la plaine céréalière de la Beauce, une telle limite ne posera aucun problème et, en Normandie, la situation sera encore différente.
D’une certaine manière, nous rejoignons ici certains constats sur l’organisation administrative en France. La centralisation nous pousse parfois à appliquer des normes à l’échelle nationale sur des sujets qui auraient plutôt nécessité des adaptations au niveau local. C’est peut-être, d’ailleurs, ce que d’autres pays font mieux que nous…
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous conjure, sur un tel sujet, de laisser au préfet l’initiative et le bénéfice de la souplesse.
J’aurais aussi pu évoquer la région de Moissac avec une vigne « raisin » : selon les cas, c’est pareil. Mais j’ai pris l’exemple de la Champagne à dessein : 70 % des exploitations n’y dépassent pas trois hectares !
J’avais, moi aussi, prévu, dans un premier temps, de déposer un amendement sur ce sujet passionnant. En effet, aujourd’hui, on voit certains agriculteurs conserver leurs parcelles de subsistance, les exploiter puis, l’âge venant, cesser de les cultiver, sans pour autant qu’elles soient remises à des exploitants.
À la lecture des procédures relatives aux terres en friches, j’ai constaté que de nombreuses possibilités existaient. Après trois ans dans les zones de plaine, deux ans dans les zones de montagne, un arrêté préfectoral peut être pris à la demande des organisations professionnelles pour obliger à louer ces terres. Mais ces possibilités ne sont pas suffisamment utilisées. Essayons donc, dans nos départements, où les terres agricoles, qui constituent un bien précieux, ont reculé dans des proportions assez importantes avec l’urbanisation, voire avec le boisement, de limiter le nombre de ces petites parcelles non cultivées. À ce jour, la législation permet de limiter la durée de ces friches, à condition toutefois d’être appliquée ! Je me rallie donc à l’avis de M. le rapporteur.
J’ai défendu cet amendement avec conviction. Néanmoins, je me range très volontiers aux excellents arguments développés par M. le rapporteur et par M. le ministre, et je le retire, madame la présidente.
L’amendement n° 369 rectifié bis est retiré.
Monsieur Cardoux, qu’advient-il de l’amendement n° 198 rectifié ter ?
L’amendement n° 198 rectifié ter est retiré.
Monsieur Pointereau, qu’en est-il de l’amendement n° 482 rectifié bis ?
L’amendement n° 482 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 503, présenté par MM. de Legge et Bizet, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le troisième alinéa de l’article L. 411–11 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces références sont applicables aux baux en cours à la date d’entrée en vigueur de l’acte pris par l’autorité administrative dans chaque département pour arrêter les maxima et les minima. Le loyer des terres nues et des bâtiments d’exploitation stipulés dans ces baux peut être révisé à l’initiative de l’une des parties au bail à compter de la publication de l’acte ci-dessus mentionné. À défaut d’accord entre les parties, le loyer des terres nues et des bâtiments d’exploitation est fixé par le tribunal. »
II. – Le I est applicable aux baux en cours.
La parole est à M. Dominique de Legge.
L’encadrement des prix du fermage est un élément essentiel de ce statut. Le code rural et de la pêche maritime fixe cet encadrement des loyers, possible tous les ans et, a minima, tous les six ans.
Dans la pratique, le préfet n’utilise pas cette possibilité de manière annuelle. Aussi, cet amendement tend à ce que, lorsque le représentant de l’État satisfait à cette obligation, on n’attende pas la fin du bail pour permettre aux parties d’appliquer l’arrêté. On disposerait ainsi d’arrêtés plus en phase avec l’actualité du bail et de son encadrement. Il s’agit donc, très concrètement, de permettre l’application de l’arrêté du préfet aussitôt qu’il est pris.
Il nous semble qu’une telle mesure bouleverserait l’équilibre des relations entre le preneur et le bailleur, ce qui, à nos yeux, n’est pas souhaitable.
Les niveaux minimal et maximal des baux ruraux font l’objet d’un encadrement. Le code rural et de la pêche maritime indique que les loyers doivent varier entre un minimum et un maximum fixés dans chaque département. Il précise que ces seuils évoluent ensuite chaque année suivant un indice. Les minima et maxima doivent être révisés tous les six ans.
Il nous semble plus satisfaisant d’appliquer ces bornes au début du contrat, mais non au cours de son application.
Monsieur de Legge, avec cet amendement, vous proposez de ne pas attendre le renouvellement du bail pour appliquer les nouveaux minima et maxima. Je le répète, mieux vaut s’en tenir à la situation actuelle, pour ne pas bouleverser trop les équilibres des relations entre preneurs et bailleurs. J’émets donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 37 rectifié bis, présenté par Mme Férat, M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet et MM. Guerriau et Roche, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 411–11 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Ces maxima et ces minima font obligatoirement l'objet d'un nouvel examen, au plus tard, tous les six ans. S'ils sont modifiés, ils sont applicables aux baux en cours. »
La parole est à Mme Françoise Férat.
Cet amendement tend à s’inscrire à la suite de ceux que mes collègues viennent de défendre. Il a pour objet les parcelles de petite taille.
Monsieur le ministre, la Marnaise que je suis confirme, si besoin en était, ce que vous venez de dire concernant la taille des parcelles. Tout en laissant évidemment au préfet l’initiative de fixer les seuils, nous proposons d’insérer deux phrases ainsi rédigées : « Ces maxima et ces minima font obligatoirement l’objet d’un nouvel examen, au plus tard, tous les six ans. S’ils sont modifiés, ils sont applicables aux baux en cours. » Telle est la précision que nous souhaitons apporter.
L'amendement n° 71 rectifié ter, présenté par MM. Revet, Trillard et G. Bailly, Mme Sittler, M. Bécot, Mme Morin-Desailly, MM. J. Boyer, Darniche et Portelli et Mme Boog, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 411–11 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Ces maxima et ces minima font obligatoirement l’objet d’un nouvel examen tous les six ans. S’ils sont modifiés, ils sont immédiatement applicables à tous les baux en cours. »
La parole est à M. Charles Revet.
Il est important de s’assurer périodiquement que les arrêtés préfectoraux fixant les prix des fermages sont en phase avec la réalité, ce qui n’est plus toujours le cas aujourd’hui. En effet, l’administration n’a que la possibilité – et non l’obligation – de réviser périodiquement les grilles de fermage applicables dans les limites du département.
Nous présentons cet amendement dans un but de simplification de la procédure de révision, notamment afin d’éviter les interprétations divergentes en la matière, donc les risques de contentieux. Il s’agit par ailleurs d’assurer l’élaboration d’une grille tarifaire en adéquation avec la réalité agroéconomique du département.
L'amendement n° 199 rectifié ter, présenté par M. Savary, Mmes Boog et Bruguière, MM. Cambon, Cardoux et Cointat, Mme Deroche, MM. Doligé, Houel, Huré, Laménie, Lefèvre et Longuet et Mmes Masson-Maret et Sittler, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 411–11 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Ces maxima et ces minima font obligatoirement l’objet d’un nouvel examen tous les six ans. S’ils sont modifiés, ils sont applicables aux baux en cours. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 37 rectifié bis et 71 rectifié ter ?
La commission émet un avis défavorable, pour les raisons déjà exposées. Ces deux amendements auraient du reste pu faire l’objet d’une discussion commune avec les précédents, étant donné qu’ils tendent à mettre en œuvre le même principe.
La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote sur l'amendement n° 37 rectifié bis.
J’ai l’impression que l’on balaye un peu rapidement cet amendement. Pourtant, il n’est pas tout à fait identique aux précédents.
Je suis d’autant plus surprise que M. le ministre a, voilà quelques instants, apporté de l’eau à mon moulin. Et voilà que, tout d’un coup, je constate un recul ! J’aimerais comprendre pourquoi.
J’émets les mêmes réserves que Mme Férat. Je suppose que l’on n’a pas bien lu la disposition proposée, qui tend à faire obligation au préfet d’examiner les seuils en question régulièrement, et non pas selon tel ou tel aléa.
Si nous n’avons pas développé de nouveau nos explications, cela ne signifie pas pour autant que nous n’avons pas accordé d’attention à ce qui est proposé !
Dans le droit actuel, le réexamen des barèmes des loyers des terres nues et des bâtiments d’exploitation doit intervenir « au plus tard tous les six ans ». C’est mieux qu’un simple réexamen au bout des six ans ! En effet, « au plus tard », ce peut être avant ce terme, mais non après. Cette disposition couvre donc l’ensemble de la période considérée.
Au surplus, passé un délai de six ans, il reste impératif de réviser ces seuils.
Il est toujours possible d’améliorer les textes mais, en l’occurrence, le droit actuel me semble mieux traduire vos préoccupations que ces deux amendements.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur l’amendement n° 71 rectifié ter.
Monsieur le ministre, la rédaction que nous proposons étant longue d’une ligne et demie, je vous invite à bien lire la fin de la seconde phrase, si ces maxima et minima sont modifiés, « ils sont immédiatement applicables à tous les baux en cours ». Tel n’est pas le cas actuellement ! Voilà pourquoi nous avons déposé ces amendements.
Pour avoir reçu en même temps propriétaires et locataires – dans ma région, les uns et les autres travaillent en harmonie –, je peux vous assurer qu’ils s’accordent sur ce point : une modification de ces seuils devrait s’appliquer immédiatement aux baux en cours, …
Je ne voudrais pas que M. Revet et Mme Férat se figurent que nous avons balayé ces amendements d’un revers de main.
Si on lit bien votre amendement, c’est précisément sur ce point que nous ne sommes pas d’accord.
On ne va pas changer les minima. C’est comme les deux amendements précédents.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 255 rectifié ter est présenté par M. Adnot, Mlle Joissains et MM. Huré, Laménie, Beaumont et Deneux.
L'amendement n° 404 rectifié bis est présenté par Mme Férat, M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet et MM. Guerriau, Roche et Tandonnet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 411–12 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bailleur ne peut notamment subordonner la conclusion du bail ou son renouvellement à la souscription par le preneur d’un engagement contractuel de fourniture de biens ou de service ou de commercialisation des produits de l’exploitation. »
La parole est à M. Marcel Deneux, pour présenter l’amendement n° 255 rectifié ter.
Cet amendement tend à préciser la réglementation en vigueur, afin d’éviter des dérives que l’on déplore aujourd’hui. Il s’agit d’insérer la phrase suivante dans le code rural et de la pêche maritime : « Le bailleur ne peut notamment subordonner la conclusion du bail ou son renouvellement à la souscription par le preneur d’un engagement contractuel de fourniture de biens ou de service ou de commercialisation des produits de l’exploitation. »
Si ces pratiques sont illégales, elles n’en ont pas moins cours. Par principe, le fermage ne peut comprendre, en sus du prix calculé, aucune stipulation en matière de services. Je songe par exemple à la Champagne. Il est fréquent que des maisons de champagne, donc des négociants, louent à des exploitants les vignes leur appartenant, à la condition que ces derniers s’engagent à leur vendre leur production pendant la durée du bail. En outre, il est courant que cet engagement de vente porte sur la récolte d’une surface représentant plusieurs fois la terre donnée en location. Ainsi, la conclusion d’un bail de dix-huit ans sur un hectare peut être conditionnée à l’engagement par le preneur de vendre, pendant la même période, la récolte de cinq hectares de vigne, dont quatre qu’il exploite par d’autres biais.
Cette obligation va beaucoup plus loin que la livraison en nature du fermage ou du métayage, autorisée par les dispositions du statut. Elle porte atteinte à la liberté économique du preneur, étant donné qu’elle l’empêche, pendant toute la durée du bail, de choisir d’autres modes de valorisation de sa production. En contrepartie de la signature du bail, le preneur doit abdiquer le droit, appartenant à tout exploitant agricole, de transformer lui-même sa production pour en tirer une meilleure rentabilité.
Cette pratique induit donc un effet pervers, en incitant des négociants désireux de sécuriser leurs approvisionnements à capter la propriété foncière à des prix élevés qui la rendent progressivement inaccessible aux exploitants.
Dans le but de mettre fin à ces dérives, cet amendement tend à compléter l’article L. 411–12 du code rural et de la pêche maritime en prévoyant expressément l’interdiction, pour le bailleur, de subordonner la conclusion du bail ou son renouvellement à la souscription, par le preneur, d’un engagement contractuel de fourniture de biens, de service ou de commercialisation des produits de ladite exploitation.
La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 404 rectifié bis.
Cet amendement étant strictement identique au précédent, je le considère comme défendu. Je souligne simplement, à mon tour, que le contrat de bail ne peut être soumis à une autre contrepartie que le loyer.
Il s’agit, comme M. Deneux l’a indiqué, d’interdire les clauses de revente aux propriétaires bailleurs des produits issus de terres louées par lui. Le bail rural doit laisser l’exploitant libre de son exploitation et de la commercialisation de ses productions. La remise d’un fermage en nature reste en revanche possible.
On peut souscrire aux intentions des auteurs de ces amendements : le bail rural ne doit pas conduire à un esclavage économique.
Attendez ! Oui, nous sommes d’accord, cela se passe peut-être ainsi dans les faits.
Il existe d’ailleurs un type de bail qui permet le versement d’une partie de la production au propriétaire : il s'agit du bail à métayage. Ce versement partiel est donc déjà possible – les spécialistes connaissent cela mieux que moi.
Cependant, en l’état actuel du droit, il me semble qu’un engagement contractuel sur des volumes est déjà interdit par le statut du fermage – je crois que c'est la réalité, cher Marcel Deneux –, car il contrevient aux règles sur l’encadrement des prix du fermage. Par conséquent votre amendement paraît être satisfait.
Toutefois, sur ce point, je ne fais que lire l’expertise établie par les excellents administrateurs de la commission. Ce sujet est très compliqué, mais en regardant ce qui existe déjà dans les textes, la disposition que vous proposez semble satisfaite, même si l’on peut comprendre votre argumentation.
La commission demande donc le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je ne ferai pas de commentaire sur l’expertise des excellents administrateurs de la commission.
Le droit interdit ce que vous dénoncez. En effet, légalement, le statut du fermage porte sur le fermage entre preneur et bailleur et il n’est pas permis d’ajouter d’autres clauses au-delà de la relation contractuelle.
Que se passe-t-il en Champagne, dans les grandes maisons de champagne ?
Vous l’avez dit, madame la sénatrice, une pression s’exerce hors du cadre légal. Étant donné qu’elle ne s'exerce pas dans la légalité, ajouter des clauses dans le droit n’empêchera pas qu’une pression se forme, comme dans la bière !
Le problème se situe donc plutôt au niveau de la responsabilité de l’administration dans l’application de la loi, ce qui pose de nouveau la question des fonctionnaires.
À la suite du débat à l’Assemblée nationale, j’ai pris l’initiative d’envoyer une circulaire aux préfets pour renforcer les contrôles de l’application de la loi dans le cadre du statut du fermage, en particulier là où s'exercent des pressions.
Nous allons donc essayer d’exiger que la loi soit tout simplement respectée. Vous voyez que pour ce faire, nous aurons besoin de fonctionnaires et d’une administration.
Il est clair que sur le plan légal vous avez raison, monsieur le ministre, et c’est pourquoi j’accepte de retirer cet amendement.
Toutefois, cet amendement avait aussi pour objet d’attirer votre attention, car, dans la pratique, les contrôles ne sont pas faits en raison de problèmes de divergences entre administrations.
Essayons de réfléchir ensemble : qui, dans toute l’administration, a accès au libellé du bail ? Ce n’est pas l’administration de l’agriculture qui peut contrôler les baux, mais l’administration fiscale, après leur enregistrement. Nos amis de l’administration de l’agriculture ne se préoccupent pas de contrôler les baux, aussi ces contrôles n’ont pas lieu. Arrangeons-nous donc pour qu’ils soient faits !
Il est vrai que cette pression est illégale, cependant elle se pratique et apparemment tout le monde s'en fiche !
L'amendement n° 255 rectifié ter est retiré.
Madame Férat, l'amendement n° 404 rectifié bis est-il maintenu ?
L'amendement n° 404 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. le ministre.
Je souhaite simplement répondre à M. Deneux. La circulaire que j’ai mentionnée a été envoyée aux préfets précisément en raison des problèmes que vous évoquez. Ainsi, cette application n’est pas une question de services administratifs, mais, au travers des préfets, c'est l’État qui doit faire appliquer la loi.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mme Férat, M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet et MM. Guerriau, Roche et Tandonnet, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 411–13 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L 411–13 . – Le preneur ou le bailleur qui, lors de la conclusion du bail, a contracté à un prix supérieur ou inférieur d'au moins deux dixièmes à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail peut, au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois, saisir le tribunal paritaire qui fixe, pour la période du bail restant à courir à partir de la demande, le prix normal du fermage selon les modalités ci-dessus. »
La parole est à Mme Françoise Férat.
Il nous semble que la révision du prix du bail au cours de la troisième année doit être plus strictement encadrée pour éviter les effets pervers qu’elle engendre : aujourd’hui, il arrive qu’un preneur propose un fermage dépassant l’arrêté préfectoral de plus de 10 % et introduise ensuite, comme nous l’avons hélas constaté, au cours de la troisième année du bail, une révision judiciaire du montant du loyer.
Cet amendement vise à encadrer la révision du prix du bail possible dès la troisième année. Aujourd’hui, la révision judiciaire du prix peut être enclenchée en cas de dépassement de fermage de plus de 10 % par rapport au montant prévu dans l’arrêté préfectoral. Nous souhaiterions, afin d’accroître la pérennité, porter le seuil à 20 %.
L'amendement n° 67, présenté par MM. Revet et Trillard, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 411–13 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « un dixième » sont remplacés par les mots : « deux dixièmes ».
La parole est à M. Charles Revet.
Cet amendement a le même objet, même si sa rédaction est un peu plus brève. Il a été très bien défendu par Mme Férat.
L'amendement n° 200 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mmes Boog et Bruguière, MM. Cambon, Cardoux et Cointat, Mme Deroche, MM. Doligé, Houel, Huré, Laménie, Lefèvre et Longuet et Mmes Masson-Maret et Sittler, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 411–13 du code rural et de la pêche maritime est supprimé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 38 rectifié bis et 67 ?
Je suis vraiment désolé de m'adresser de nouveau à M. Revet et à Mme Férat sans être d’accord avec eux.
Là encore, on peut comprendre votre argumentation, mais si on relève le seuil de 10 % à 20 %, on va diminuer le nombre de cas et ainsi laisser un certain nombre de gens dans la difficulté.
Le statut du fermage dans son ensemble est très fragile. Par conséquent, je serai partisan de ne pas trop le modifier, car sinon, la situation sera bouleversée. Que deviendront les personnes dont le fermage connaît un changement entre 10 % et 20 % ? Comment justifier le seuil de 20 %. Pourquoi pas 30 % ? Pourquoi 10 % aujourd’hui plutôt que 0 % ?
Depuis des lustres, le seuil de 10 % est acté ; on ne voit pas pourquoi le porter à 20 % : cela empêcherait certaines personnes de présenter un recours alors qu’elles en ont aujourd’hui la possibilité.
Cependant, vous en conviendrez, ma défense de l’argument n’est pas outrancièrement convaincante.
Je l’avoue franchement.
Toutefois, je n’ai pas trouvé non plus votre argumentation en faveur du passage de 10 % à 20 % très convaincante.
Non ! Pourquoi porter le seuil à 20 %, et pas à 25 % ?
Je suis favorable au maintien des dispositions actuelles ; elles ne fonctionnent pas si mal et pourraient faire l’objet d’une expertise.
Certes, on peut éventuellement vouloir éviter des actions judiciaires, mais elles permettent aussi à certains de se défendre !
Ce sont des sujets extrêmement complexes puisqu’ils relèvent du droit contractuel entre preneurs et bailleurs. Les logiques contractuelles dépendent des situations, des intentions, de rapports de force que l’on ne maîtrise pas, comme cela a été dit tout à l’heure, car ils ne peuvent être inscrits dans la loi puisque, par définition, ils relèvent du domaine contractuel.
Comme le rapporteur le disait, plus on modifie ce qui existe, moins on connaît exactement les conséquences éventuelles. Élever le seuil de 10 % à 20 % exclut un certain nombre de possibilités de révision. Qu’y a-t-il derrière une surévaluation de la valeur locative au moment du bail ? Sans doute la volonté du preneur de prendre.
Plus vous élevez le seuil à partir duquel une révision est possible, plus vous allez faire augmenter le prix du fermage, …
… pour ensuite peut-être le voir baisser, puisque si la valeur locative a été surévaluée de plus de 20 %, on peut baisser le prix du fermage.
Vous voyez que le processus peut être extrêmement contradictoire avec l’objectif. Notre objectif, en effet, n’est pas de renforcer le prix du fermage et donc de limiter l’accès à l’exploitation, mais plutôt, au contraire, de faciliter ce dernier.
Dans ce débat sur la contractualisation entre preneur et bailleur, il existe un risque, en modifiant ce qui existe, d’obtenir des conséquences que l’on ne souhaite pas, en particulier si en portant le seuil à 20 % on ne fait qu’encourager l’inflation des fermages. Je pense que ce serait une erreur.
Cela fait toutefois l’objet d’un débat, que nous avons aujourd'hui. Je comprends cependant votre proposition et vos objectifs. Nous examinons ensemble ces questions extrêmement pointues et compliquées jusqu’au bout. Néanmoins, sur la question spécifique du seuil de réévaluation, je pense que le modifier serait une erreur.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements.
Si je voulais faire un peu d’humour, je dirais qu’à la demande pressante du rapporteur je vais défendre à nouveau cet amendement en essayant d’être plus convaincante !
Plus sérieusement, je comprends que l’on ne puisse pas tout mettre dans la loi. Cependant, dans des moments privilégiés comme celui-ci, qui sont utiles pour faire remonter par les parlementaires ce qui pose de réels problèmes sur le terrain, dès lors que l’on a pointé des difficultés et les intentions pas toujours convenables, pour le dire gentiment, de certaines personnes, pourquoi ne pas essayer d’améliorer les choses ?
Si l’on n’améliore pas ce qui se passe sur le terrain, les difficultés dont nous sommes régulièrement avertis, à quoi cela sert-il ? Je me demande – pardonnez-moi – à quoi va servir ce débat s'il faut revenir, chaque fois, à ce qui fait le moins de difficultés, le moins de vagues, et dont on ne mesure pas très bien les conséquences.
Je retire l’amendement que j’ai présenté, madame la présidente. Mais, monsieur le rapporteur, rendez-vous en deuxième lecture !
L'amendement n° 38 rectifié bis est retiré.
Monsieur Revet, l'amendement n° 67 est-il maintenu ?
Même avis que Mme Férat. Je retire cet amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 67 est retiré.
L'amendement n° 345 rectifié bis, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Reichardt, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° du I de l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « s’il est de nature à porter préjudice au bailleur ».
La parole est à M. Gérard César.
Je propose, par cet amendement, de régler un problème qui pourrait survenir entre le bailleur et le preneur en cas de non-respect des clauses environnementales.
Pour éviter une multiplication des litiges, et donc des contentieux non fondés, cher Charles Revet, ayant pour objectif l’éviction du preneur en place, il est important que le bailleur invoquant la résiliation démontre que l’attitude du preneur qui ne respecte pas les clauses du bail est de nature à lui porter préjudice. Il y va de la pérennité des exploitations en fermage.
Une telle disposition préserve également le maintien de l’équilibre entre les parties au contrat de bail. Elle permettra donc, surtout, d’éviter de futurs contentieux.
Avec la même conviction que précédemment, j’émets un avis défavorable.
La rédaction que vous proposez, cher Gérard César, risque de laisser penser que le respect des clauses n’est pas nécessaire.
Mais si ! Est-ce le message que nous voulons faire passer ? J’en doute !
Au contraire, je cherche à garantir le respect du contrat : il y a résiliation si les clauses ne sont pas respectées !
Cet amendement tend à réviser ce motif de résiliation, en ne l’autorisant que si le bailleur prouve que le non-respect des clauses du bail lui cause un préjudice. Or les clauses environnementales ont aussi un motif d’intérêt général et il est parfois complexe de prouver leur non-respect.
Nous nous trouvons dans la même configuration qu’avec les amendements présentés par Françoise Férat et Charles Revet. Forts de ce qui leur remonte du terrain, nos collègues ont pu affirmer qu’il fallait passer de dix à vingt. Je pourrais toutefois faire valoir d’autres informations indiquant qu’une telle modification aurait des effets inflationnistes, qui risqueraient d’interdire à certains acteurs d’ester en justice et de se défendre. On peut faire dire tout et son contraire au terrain !
Monsieur César, prouver un préjudice, c’est fort complexe !
J’ai bien compris, mais, en ce qui concerne les clauses environnementales, la preuve peut être parfois difficile à rapporter.
Mon avis reste donc plutôt défavorable, mais je m’en remets à la sagesse du ministre, beaucoup plus compétent que moi !
Sourires.
Nouveaux sourires.
Il s’agit, dans ce débat, du respect des clauses d’un contrat. Or le droit prévoit d’ores et déjà que, lorsque ces clauses ne sont pas respectées, le préjudice est automatiquement constitué.
Est-il nécessaire d’ajouter dans la loi l’obligation pour le bailleur de prouver le préjudice ? Si la clause n’est pas respectée, alors il y a préjudice ! Sinon, la charge de la preuve du préjudice reposerait tout entière sur le bailleur.
En ce qui concerne les clauses environnementales, je prendrai l’exemple, que nous évoquions avec M. Deneux, d’un système de conservation des sols. Le niveau de matière organique peut varier de 1, 5 % à 3 %, 4 % ou 5 %. Supposons que bailleur souhaite conserver 5 % de matière organique, mais que l’agriculteur, pour des raisons qui lui sont propres, change complètement de modèle de production, et que le taux de matière organique baisse : le préjudice est alors facile à mesurer. Dans d’autres domaines, en revanche, comme en matière de biodiversité, la mesure est beaucoup plus difficile.
En droit, mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut s’appuyer que sur le respect de la clause acceptée par les parties. En gros, je vous ai loué des terres avec telle ou telle caractéristique ; si tout se trouve complètement bouleversé, vous ne respectez pas la clause sur laquelle vous vous êtes engagé ; il y a donc préjudice.
Demander au bailleur de prouver le préjudice revient à lui imposer une charge qui ne nous semble pas nécessaire : encore une fois, si la clause n’est pas respectée, le préjudice est constitué.
Cette question est très technique, et je ne doute pas que M. César, en présentant cet amendement, avait à l’esprit l’exemple précis d’une situation rencontrée dans sa région. Cette proposition ne peut pas venir de nulle part !
Est-elle généralisable ? Je ne le crois pas.
Peut-être pouvons-nous régler cette question par voie réglementaire ? En tout cas, cette disposition n’a pas sa place dans la loi.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait qu’il nous reste 639 amendements à examiner.
Exclamations sur un grand nombre de travées.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 11 avril 2014, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- le III de l’article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail (2014-388 QPC) ;
- l’alinéa 4 de l’article 41-4 du code de procédure pénale (2014-390 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq.