Intervention de Marcel Deneux

Réunion du 11 avril 2014 à 9h30
Agriculture alimentation et forêt — Articles additionnels après l'article 4

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux :

Cet amendement tend à préciser la réglementation en vigueur, afin d’éviter des dérives que l’on déplore aujourd’hui. Il s’agit d’insérer la phrase suivante dans le code rural et de la pêche maritime : « Le bailleur ne peut notamment subordonner la conclusion du bail ou son renouvellement à la souscription par le preneur d’un engagement contractuel de fourniture de biens ou de service ou de commercialisation des produits de l’exploitation. »

Si ces pratiques sont illégales, elles n’en ont pas moins cours. Par principe, le fermage ne peut comprendre, en sus du prix calculé, aucune stipulation en matière de services. Je songe par exemple à la Champagne. Il est fréquent que des maisons de champagne, donc des négociants, louent à des exploitants les vignes leur appartenant, à la condition que ces derniers s’engagent à leur vendre leur production pendant la durée du bail. En outre, il est courant que cet engagement de vente porte sur la récolte d’une surface représentant plusieurs fois la terre donnée en location. Ainsi, la conclusion d’un bail de dix-huit ans sur un hectare peut être conditionnée à l’engagement par le preneur de vendre, pendant la même période, la récolte de cinq hectares de vigne, dont quatre qu’il exploite par d’autres biais.

Cette obligation va beaucoup plus loin que la livraison en nature du fermage ou du métayage, autorisée par les dispositions du statut. Elle porte atteinte à la liberté économique du preneur, étant donné qu’elle l’empêche, pendant toute la durée du bail, de choisir d’autres modes de valorisation de sa production. En contrepartie de la signature du bail, le preneur doit abdiquer le droit, appartenant à tout exploitant agricole, de transformer lui-même sa production pour en tirer une meilleure rentabilité.

Cette pratique induit donc un effet pervers, en incitant des négociants désireux de sécuriser leurs approvisionnements à capter la propriété foncière à des prix élevés qui la rendent progressivement inaccessible aux exploitants.

Dans le but de mettre fin à ces dérives, cet amendement tend à compléter l’article L. 411–12 du code rural et de la pêche maritime en prévoyant expressément l’interdiction, pour le bailleur, de subordonner la conclusion du bail ou son renouvellement à la souscription, par le preneur, d’un engagement contractuel de fourniture de biens, de service ou de commercialisation des produits de ladite exploitation.

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