Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 7 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Articles additionnels après l'article 22 quater

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Il s’agit d’un sujet difficile, qui soulève beaucoup d’interrogations. J’ai entendu des propos justes et sensibles de part et d’autre.

Pour autant, on ne peut nier le fait que cette pratique existe ailleurs et que l’interdiction absolue qui prévaut en France encourage nombre de couples à chercher des solutions à l’étranger.

Dans un article paru dans un quotidien, le professeur Israël Nisand rappelle que la « prohibition complète engendre plus d’effets pervers que d’avantages. […] Il est en effet difficilement admissible de ne pas se préoccuper de ce qui se passe ailleurs en conséquence des interdits que nous édictons. À l’interdit total de façade correspond de fait un hyperlibéralisme dans l’arrière-salle où le marché est roi. »

L’amendement que nous soutenons, issu de la proposition de loi de notre collègue Michèle André, définit strictement les conditions de la gestation pour autrui : elle concernera des femmes n’ayant pas d’utérus, une femme ne pourra porter un enfant pour autrui qu’à deux reprises au plus et toute transaction financière au-delà de la prise en charge des frais de la grossesse sera interdite.

Il s’agit de tendre vers l’exemplarité afin de sortir du déni de l’existence du phénomène et de lutter efficacement contre les pratiques de marchandisation des corps à l’œuvre dans certains pays.

On ne peut balayer d’un revers de main tous les risques éthiques que cette pratique comporte : aliénation de la femme, réduction de celle-ci à une fonction biologique, marchandisation de l’enfant. Cependant, on ne peut pas non plus ignorer tous ces enfants nés à l’étranger de mères porteuses et dont l’inscription à l’état civil français pose problème.

La pratique de la GPA soulève d’autres questions. Elle porte en elle l’affirmation d’une vision génétique de la filiation alors que, dans tous nos débats, nous avons mis le projet parental au cœur du lien filial. Pour autant, des réponses ont pu être esquissées par les praticiens ou les intellectuels que ce débat a amenés à faire connaître leur position.

Le professeur Nisand, déjà cité, estime ainsi qu’« il ne suffit pas d’être enceinte pour attendre un enfant ». « La maternité, dit-il, voit converger trois mécanismes qui s’intriquent profondément : le phénomène de transmission génétique, la grossesse et l’accouchement et l’adoption de l’enfant au terme de la grossesse psychique. »

Quant à l’intérêt de l’enfant, si souvent brandi, s’il était vraiment au centre des préoccupations, nul n’aurait le cœur de refuser aux enfants nés par GPA à l’étranger la filiation maternelle qui leur revient.

Cet amendement, parce qu’il encadre strictement la gestation pour autrui, nous semble fidèle aux valeurs qui sous-tendent nos réflexions en matière de bioéthique : non-exploitation des humains les uns par les autres, filiation liée au projet parental, origine claire des gamètes…

Au moins aura-t-il permis que la question soit abordée dans toute sa complexité et dans toutes ses conséquences : à défaut de pouvoir la trancher aujourd’hui, nous ouvrons, en la posant, une discussion qu’un vote ne saurait clore.

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