Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 7 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Articles additionnels après l'article 22 quater

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Tous les collègues de mon groupe présents dans cet hémicycle ce soir sont favorables à l’adoption de ces deux amendements, à la gestation pour autrui. Je souhaite m’exprimer en cet instant par honnêteté, car ma position est inverse, et ce pour trois raisons.

La première raison est d’ordre instinctif, les deux autres sont beaucoup plus rationnelles. En tant que femme et mère, je ne peux pas m’imaginer demander à une femme qui a porté un enfant de me donner celui-ci. C’est un arrachement auquel je ne peux pas souscrire.

Toutes celles qui ont eu le bonheur de porter un enfant pendant neuf mois le savent, le lien qui s’établit avec l’enfant est inéluctable. Quoi qu’elle se dise, aucune femme mère porteuse ne pourra oublier que, pendant neuf mois, elle a été cette mère qui a permis à l’enfant de se développer.

La deuxième raison de mon opposition est d’ordre financier. Je respecte totalement les arguments développés par mes collègues en faveur de la gestation pour autrui, mais je ne crois pas que l’on puisse mettre cette procédure à l’abri de la marchandisation. Je suis même convaincue du contraire.

Actuellement, dans les pays étrangers pauvres, c’est évident, les femmes qui deviennent mères porteuses le font parce qu’elles en ont besoin pour vivre. Je ne vois pas pourquoi les futures mères porteuses en France manifesteraient un désintérêt total. Malheureusement, le sens de l’histoire du monde dans lequel nous vivons le démontre : inévitablement, elles seront choisies parmi celles qui ont si peu de moyens de subsistance qu’elles sont prêtes à tout accepter pour pouvoir vivre et obtenir de l’argent. Je ne crois absolument pas à l’efficacité des précautions qui nous sont proposées par ces amendements.

J’en arrive à ma troisième raison. J’ai beaucoup entendu dire : « Nous sommes le législateur. » Certes, c’est notre responsabilité. Mais ma conception de la loi est autre. Je ne pense pas qu’elle doive se caler, se calquer sur toutes les pratiques. §

Il est vrai que notre société évolue en profondeur, et la prédiction de mon ami Bernard Cazeau se réalisera peut-être : dans dix ans, la pratique des mères porteuses s’imposera éventuellement comme une évidence.

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