Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 12 avril 2014 à 9h30
Agriculture alimentation et forêt — Article 13

Stéphane Le Foll, ministre :

Le Gouvernement a émis un avis de sagesse sur ces deux amendements identiques, pour une raison très simple : ils font référence à l’article L. 111-2 du code rural, qui définit de manière très large les missions de la politique d’aménagement rural. Nous devrons apporter des précisions par décret. Toutefois, nous allons dans le même sens !

J’aimerais revenir sur les SAFER. Lorsque j’ai pris mes fonctions, la question s’est posée de savoir s’il fallait maintenir cet outil. Leurs missions auraient pu être transférées aux établissements publics fonciers. Sur ces travées, certains d’entre vous seraient d’ailleurs certainement favorables à un tel choix.

Aussi, pourquoi avons-nous décidé de garder les SAFER ?

On peut faire la comparaison avec l’architecture globale de ce projet de loi : pour gérer la partie agricole, et d’ailleurs aussi forestière, de l’espace, il faut être non pas dans une logique d’urbanisation qui intègre l’agriculture, mais dans une logique de confrontation entre l’urbanisation et la défense de l’agriculture.

Si nous avions tout transféré aux établissements publics fonciers, nous aurions été dans une logique globale, qui pouvait être intéressante, mais qui est avant tout une logique d’urbanisation, sans qu’il y ait en face une logique proprement agricole.

C’est pourquoi le choix a été très vite fait de maintenir les SAFER et, ensuite, de renforcer leur rôle. Derrière ce débat, il y a aussi la question de l’installation des jeunes agriculteurs et la façon dont on régule l’accès au foncier, qui est la clef de l’installation.

Le capital foncier est extrêmement précieux. Par rapport à d’autres continents, l’Europe a la particularité d’avoir une population nombreuse sur une surface qui n’est pas si grande que cela. À cet égard, la France a longtemps fait figure d’exception, comme nous le disions dans les débats précédents sur l’urbanisation, car sa superficie est plus importante que celle d’autres pays.

Ainsi, aux Pays-Bas, vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, la densité de population est de 450 habitants par kilomètre carré. Je me suis rendu dans ce pays avec le vice-président du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, M. Bertrand Hervieu, ici présent, pour visiter des coopératives nature. Nous l’avons constaté, les espaces agricoles, qui sont souvent sur des polders en dessous du niveau de la mer, étaient bien séparés de villes comme Amsterdam ou Rotterdam. La rupture est nette entre, d’un côté, la ville et l’espace urbain et, de l’autre, les polders et l’espace agricole. Ces espaces agricoles subissent des pressions énormes et suscitent des tensions considérables.

Nous avons pensé, et je suis persuadé que vous partagerez cet avis, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il fallait garder un outil spécifique, les SAFER, pour gérer l’espace agricole en termes économiques et faciliter l’accès au foncier des agriculteurs.

Je voudrais faire remarquer qu’un tel système de préemption est très rare dans le monde, et même en Europe. Un établissement public capable de préempter pour l’intérêt d’un secteur économique, cela n’existe pratiquement nulle part ailleurs !

Lorsque j’ai négocié la PAC, j’ai d’ailleurs pu constater que d’autres pays européens étaient intéressés par cet outil. J’ai en tête le cas de la Roumanie, qui doit construire un cadastre et qui veut copier le système des SAFER. Ce pays compte aujourd’hui 4 à 5 millions d’agriculteurs. Il est dans la même situation que la France entre les deux guerres ou après la Seconde Guerre mondiale.

Les SAFER ont justement été créées à l’époque pour répartir l’accès au foncier. Elles restent un outil extrêmement pertinent, non seulement pour d’autres pays, mais pour nous aussi, pour faire le lien entre, d’une part, la logique de l’agrandissement lié à l’évolution de la productivité du travail et du capital dans l’agriculture et, d’autre part, celle de l’installation, c’est-à-dire du maintien d’une population agricole pour assurer la pérennité de l’agriculture.

C'est la raison pour laquelle j’estime que cet outil mérite d’être préservé et conforté. C’est tout l’objet des articles qui vont suivre sur le rôle et la place des SAFER.

Je le répète, j’émets un avis de sagesse sur ces deux amendements identiques, car il faudra, me semble-t-il, préciser davantage encore par voie réglementaire les enjeux et les objectifs des SAFER.

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