S’appuyant sur les préconisations des rapports du Conseil d’État, de l’Office parlementaire des droits scientifiques et technologiques et de l’Académie nationale de médecine, la commission des affaires sociales a fait le choix de substituer au régime d’interdiction actuelle, assorti de dérogations, un régime d’autorisation encadré. Je rappelle que, tout à l’heure, Mme la secrétaire d'État s’était appuyée sur les rapports de ces mêmes organismes pour justifier le refus de la GPA.
La commission a entendu l’argument selon lequel l’actuelle interdiction traduit le principe du « respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », qui figure à l’article 16 du code civil.
Mais, loin d’être écarté, ce principe est parfaitement affirmé par l’encadrement spécifique des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires que nous proposons.
En effet, il est bien prévu que l’Agence de la biomédecine n’autorisera pas ces recherches, lorsque des recherches similaires à celles qui sont envisagées sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires pourront être menées différemment, par exemple sur des animaux ou sur des cellules humaines non embryonnaires. Nous consacrons ainsi le fait que les embryons, comme les cellules souches embryonnaires qui en sont issues, sont non pas de simples matériaux scientifiques ou thérapeutiques mais bien le fondement de la vie humaine.
Les scientifiques nous ont clairement exposé que, si des recherches sont menées sur l’embryon et les cellules souches, c’est parce qu’aucune autre solution n’existe à l’heure actuelle. La rédaction de l’article 23 est explicite : le jour où d’autres types de cellules souches permettront des recherches similaires, les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires cesseront.
C’est là une première réponse à l’accusation d’utilitarisme qui nous a parfois été adressée.
Un autre argument me vient à l’esprit. La recherche médicale a pour but de guérir, de trouver de nouvelles thérapies, de soulager ceux qui sont atteints de maladies souvent graves et incurables. Dans ce cadre, nombre de personnes acceptent de se prêter à des recherches, dans la majorité des cas sans même avoir l’espoir d’en tirer elles-mêmes un bénéfice direct, par nature aléatoire, mais dans le but de faire progresser les connaissances médicales et de permettre de soigner les autres. La recherche médicale sur des personnes repose sur l’altruisme.
Or, si l’on peut demander aux personnes vivantes de s’engager dans des protocoles de recherche, pour le bien de tous et non pour le leur, pourquoi s’interdire de demander à ceux qui ont la responsabilité des embryons de les faire participer à la recherche ? Bien sûr, ce consentement doit être éclairé, ce que notre texte prévoit non seulement par l’information des parents mais aussi par le droit qui leur est accordé de retirer leur consentement jusque tard dans l’avancement de la recherche.
J’entends bien l’argument selon lequel la recherche sur l’embryon est singulière en ce qu’elle implique la destruction de l’embryon. Mais il faut ajouter que cette destruction d’un nombre limité d’embryons a pour intention d’en soigner d’autres. D’ailleurs, lorsque l’on parle de recherche impliquant l’embryon, on se focalise trop souvent sur les thérapies utilisant les cellules souches embryonnaires. Or il existe aussi des recherches qui sont conduites au profit des embryons, dans le but de mieux comprendre l’embryogénèse, de soigner les maladies dès les premiers stades de la vie et d’améliorer les procédures d’assistance médicale à la procréation. Elles ne doivent pas être négligées.
Une autorisation encadrée me paraît donc aussi respectueuse de la spécificité de l’embryon que l’interdiction de principe avec dérogation. Elle a surtout pour mérite la clarté : clarté pour les scientifiques, clarté pour l’image internationale de la France. Je crois qu’il vaut mieux des choix assumés et encadrés que des positions ambiguës qui sont toujours moralement contestables.