Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 7 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 23

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

Je rappellerai deux dates importantes qui permettent d’éclairer le débat.

D’une part, 2007 marque une révolution scientifique : la découverte par Yamanaka des cellules souches pluripotentes induites, les IPS. Je souligne à ce sujet les propos tenus par certains scientifiques, tels Pierre-Louis Fagniez ou Arnold Munnich. Lors de son audition par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique à l'Assemblée nationale, ce dernier déclarait : « L’essor des connaissances retirées des recherches sur les IPS va nous affranchir de la nécessité de travailler sur des cellules souches embryonnaires. »

D’autre part, le 10 mars 2011 marque une révolution juridique. L’avocat général Yves Bot affirmait en effet : pas de brevetabilité quand un procédé implique la destruction d’un embryon ou de cellules souches embryonnaires.

Or, aujourd'hui, l’ensemble des recherches qui sont menées ne portent pas sur la thérapie cellulaire, mais visent à cribler des molécules et sont donc destinées à l’industrie pharmaceutique.

En conséquence, je propose que nous prenions véritablement acte de ces deux dimensions, scientifique et juridique, par l’adoption d’un amendement qui vise à préciser que la recherche sur l’embryon humain est interdite si et seulement si elle porte atteinte à son intégrité et à sa viabilité. Elle est autorisée dans les autres cas.

Faire de la recherche sur l’embryon humain sans le détruire en encadre les possibilités sans les faire disparaître.

La recherche sur l’embryon humain peut se faire sur un embryon rejeté par le DPI comme ayant un avenir compromis. Ce cas de figure – la conservation d’embryons rejetés par le DPI – est exceptionnel, mais c’est justement là qu’une étude de ces embryons, sans les détruire, serait intéressante, par exemple pour voir s’ils autocorrigent leur défaut ou pour étudier leur métabolisme, leur niveau d’activation de gènes, durant tout le temps permis par leur séjour en culture jusqu’à leur mort naturelle.

Cette recherche peut également se faire sur des embryons in vitro durant les heures précédant leur implantation, grâce à des analyses ultrafines électriques ou à des analyses portant sur l’ADN et les transformations épigénétiques. Il faut bien sûr l’accord des parents, mais de telles microanalyses sont possibles aujourd’hui.

Enfin, cette recherche pourrait se faire sur les embryons congelés orphelins abandonnés par leurs parents biologiques et destinés à la destruction par décongélation. On pourrait les étudier in vitro jusqu’à leur mort spontanée.

Dans de telles conditions, on ne porterait pas atteinte à l’intégrité de l’embryon ni à sa viabilité.

J’en viens à l’embryogénèse. Je sais que les connaissances sur le développement embryonnaire et fœtal humain au niveau anatomique et histologique sont importantes.

Les études sur les embryons humains sont inutiles, car on travaille sur des embryons d’animaux – souris ou grenouilles –, que l’on peut avoir en grand nombre, de façon calibrée et uniforme, et dont le développement rapide est un avantage.

Par conséquent, l’argumentation justifiant la recherche, avec destruction à la clef, sur l’embryon humain au nom de progrès possibles en embryologie ou dans les PMA, à partir d’un tel matériel, me semble erronée.

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, en défendant un amendement, je vous proposerai non seulement de faire coïncider le droit avec l’état actuel de la science, mais aussi d’encourager la recherche tout en restant cohérents avec le principe structurant de notre droit, le respect de la dignité humaine.

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