Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 14 avril 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Article 22

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

En matière de veille et de sécurité sanitaires, la loi évolue souvent au rythme des scandales. L’évolution prévue dans ce texte a au moins le mérite d’être débattue aujourd’hui en toute sérénité.

En 1998, la séparation de l’expertise et de la gestion du risque est solennellement décidée, dans le sillage de l’encéphalopathie spongiforme bovine, avec la création de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA.

Ensuite, l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l’AFSSE, a vu le jour ; puis, ce fut le tour de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, avant que ne fusionnent l’AFSSA et l’AFSSET. Cette fusion, d’ailleurs, s’est faite sans véritable débat parlementaire : elle a été décidée ici, au Sénat, avec l’adoption d’une disposition que l’Assemblée nationale n’avait même pas examinée.

Depuis 2010, l’architecture, solide, repose sur deux piliers distincts : l’ANSES expertise et évalue le risque ; le ministère fait les arbitrages en matière de gestion du risque.

Or voici, monsieur le ministre, que vous choisissez de confier, au détour de ce texte, l’évaluation et la gestion du risque au même organisme. C’est une lourde responsabilité.

Je ne pleurerai pas certains arbitrages douteux de la direction générale de l’alimentation, la DGAL, qui ont conduit à autoriser l’utilisation de produits toxiques qui bouleversent la pollinisation. Mais transférer à l’ANSES la délivrance des AMM pour les phytosanitaires, une délivrance qui devra prendre les mêmes formes que celle qui est fournie pour les médicaments par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, n’est pas un choix qui peut se prendre à la légère.

À cet égard, permettez-moi de formuler deux réflexions.

Sur le principe, le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, de 2008 sur l’expertise des polluants relevait notamment la nécessité de « la séparation entre l’évaluation et la gestion du risque ».

Sur la méthode, la mission commune d’information du Sénat sur le Mediator, présidée par François Autain, a remis un rapport, rédigé par Marie-Thérèse Hermange, qui mettait en évidence les « nombreuses fragilités » de la procédure d’AMM. Ce rapport évoquait notamment le manque de mention des avis dissidents et de publicité des décisions, la faiblesse des comptes rendus, les conflits d’intérêts. L’inégalité des prérequis à la décision était également mentionnée.

En effet, si la décision d’autorisation requiert une étude bénéfice-risque, l’interdiction, elle, exige des preuves.

Monsieur le ministre, quels moyens allez-vous donner à l’ANSES pour éviter toutes ces dérives ? Comment garantirez-vous en son sein l’étanchéité totale entre ceux qui expertisent et ceux qui décident ? Quels moyens allez-vous lui octroyer pour lui permettre de développer un robuste service juridique capable de plaider les arbitrages quand les puissantes multinationales iront au contentieux ? En outre, quelles garanties prendrez-vous pour que l’agence ne se retrouve pas, malgré ses nouvelles missions, enfermée dans les règles de Bercy, qui réduisent le nombre d’emplois, même si les ressources propres de l’agence s’accroissent en raison du volume de travaux donnant lieu à rémunération ?

Enfin, j’y reviendrai lors de l’examen de l’article 22 bis, comment va se construire le deuxième temps de la sécurité sanitaire, celui de la remontée des signalements et de la vigilance a posteriori ?

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