Nous sommes très gênés par l’expression « ou de prescription particulière ». La formulation peut sembler anodine, mais elle a permis par le passé des arbitrages sanitaires catastrophiques, dont nous payons encore les conséquences aujourd’hui. Si vous maintenez la possibilité de délivrer des prescriptions particulières, vous autorisez le ministère à replonger dans des scénarios que nous avons déjà connus.
Je prendrai un exemple type, largement étudié par l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique, et l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Pendant plus de vingt ans, les bananeraies des Antilles françaises ont été cultivées sous chlordécone, un insecticide particulièrement toxique.
Dans les années soixante-dix, la commission d’étude de la toxicité, placée sous la tutelle du ministère de l’agriculture, refuse à deux reprises l’homologation de la molécule : le chlordécone est cancérogène, neurotoxique, perturbateur endocrinien. La molécule toxique est stable, persistante, accumulative dans la chaîne alimentaire ; elle se fixe dans les graisses. Cela n’empêche pas le ministre de l’agriculture de l’époque de délivrer une prescription particulière et de donner son aval en 1972.
En 1990, le chlordécone perd enfin son autorisation : la commission d’étude de la toxicité réitère l’avis négatif déjà prononcé vingt ans plus tôt. Or, pour les Antilles, on refait des prescriptions particulières : d’abord, un différé d’un an, puis, sous la pression, le ministère de l’agriculture cède encore, accordant trois ans de bonus, jusqu’en 1993, à ceux qui réclament de pouvoir écouler les stocks de chlordécone. Résultat : des îles au sol et aux milieux humides contaminés, un désastre sanitaire, des malades, des paysans ruinés, une impossible remédiation.
Tel est le scénario que nous voulons éviter par cet amendement.