Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les engagements de la France à convertir la dette tunisienne détenue par notre pays en projets de développement, afin de contribuer réellement à la reconstruction du pays.
Selon les chiffres de la Banque centrale tunisienne extraits de son rapport annuel intitulé Dette extérieure de la Tunisie en 2012, la dette extérieure de la Tunisie s’élevait à 20, 2 milliards d’euros en 2011, soit 44 % de son produit intérieur brut, pour 19, 9 milliards d’euros en 2010.
Selon les estimations du gouvernement tunisien, la dette extérieure de la Tunisie devrait continuer de s’accroître jusqu’à 45, 3 % de son PIB en 2013, puis à 49, 5 % de son PIB à la fin de cette année. Or, d’après la Banque mondiale, plus de 15 milliards d’euros ont été empruntés par la Tunisie depuis 1970, dont plus de la moitié sous la présidence de Ben Ali.
Compte tenu des intérêts versés de 1970 à 2009, la Tunisie a déjà remboursé à ses créanciers 2, 47 milliards d’euros de plus que le capital prêté. Le remboursement de cette dette représente, chaque année, six fois le budget de la santé, trois fois celui de l’éducation et six fois celui du développement régional.
De fait, près de 80 % des nouveaux crédits contractés depuis la chute du régime Ben Ali ont été affectés au remboursement de cette dette. La situation ne devrait pas s’améliorer avec le prêt de 250 millions d’euros supplémentaires sur quinze ans qui devrait être octroyé demain par l’Union européenne, notamment pour soutenir l’effort d’assainissement budgétaire et la stabilisation extérieure du pays, dans le cadre du programme du FMI. Or, nous le savons tous, le Fonds monétaire international impose des mesures de restriction budgétaire, de recapitalisation de banques publiques en vue de les privatiser, de précarisation du marché du travail, de coupes des dépenses sociales, ainsi que l’arrêt progressif de toute subvention aux produits alimentaires et sources d’énergie, ce qui va encore aggraver l’impasse économique et sociale actuelle de ce pays. Ces dispositions vont ajouter à la crise économique un risque de grave crise sociale.
La France, deuxième créancier de la Tunisie après la Banque européenne d’investissement, a une responsabilité particulière dans ce dossier. L’encours de la dette avec la France s’est d’ailleurs accru de 12, 5 % entre 2010 et 2011. La part de notre pays s’établit aujourd’hui à 13, 4 % de la dette totale tunisienne. Or des annonces ont été faites au plus haut niveau de l’État français : le 17 juillet 2012, à Paris, les Présidents français et tunisien ont assuré, conjointement, travailler à convertir la dette tunisienne détenue par la France en projets de développement et, le 5 juillet 2013, lors de son déplacement en Tunisie, le Président de la République a fait part de son intention de convertir une partie de la dette tunisienne en investissements. Toutefois, en novembre 2013, si le Gouvernement a bien annoncé que le montant des annulations de dettes par la France en direction des pays pauvres très endettés allait tripler entre 2013 et 2014, la Tunisie n’a pas été citée comme pays prioritaire.
Le Parlement européen lui-même, dans sa résolution du 10 mai 2012, a jugé « odieuse » la dette publique extérieure des pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, sachant qu’elle a été accumulée par les régimes dictatoriaux, par le biais principalement de l’enrichissement personnel des élites politiques et économiques et de l’achat d’armes, utilisées souvent contre leurs propres populations, et demandé un réexamen de cette dette.
Au vu des annonces effectuées par les autorités françaises sur cette question, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour honorer les engagements pris auprès des autorités tunisiennes.