Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 15 avril 2014 à 14h30
Éloge funèbre de m. rené teulade sénateur de la corrèze

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames, messieurs, la République rend, aujourd’hui, hommage à un homme qui, tout au long de sa vie, l’a servie avec tant de passion, tant d’implication et tant de gentillesse. Et c’est avec une émotion toute particulière, moi qui ai eu la chance de siéger à ses côtés sur ces travées, que je prononce ces mots.

René Teulade a consacré son existence à la justice sociale et au progrès. Le souci des autres n’a jamais cessé d’être le fil de ses engagements.

René Teulade était un homme de combats, un partisan infatigable de la solidarité et de la lutte contre les inégalités. Fils de la République, il pensait que la société devait donner à chacun la possibilité de s’instruire, de s’élever au-dessus de sa condition, de s’émanciper. Au fondement de son action, il y avait une conviction inébranlable : tout projet collectif doit profiter à tous, c’est-à-dire aussi protéger les plus faibles, les plus fragiles.

Toute sa vie, il s’est battu pour préserver, renforcer et élargir cette grande avancée qu’est la protection sociale des Français. Il disait qu’elle n’était « pas seulement un amortisseur de crise, mais un véritable investissement ». Cette formule, si juste, devra continuer de nous inspirer.

Instituteur passionné, militant engagé dans les syndicats d’enseignants, René Teulade s’est ensuite tourné vers la mutualité. Cette magnifique idée qui fait des difficultés individuelles des uns le souci permanent de tous, cette idée si complémentaire de l’idéal républicain.

René Teulade, par sa personnalité, incarnait l’esprit mutualiste, la mise en commun des efforts pour atteindre un but qui profite à tous. Mutualiser l’action des hommes et des femmes, des travailleurs, ce n’est pas toujours quelque chose de facile, et René Teulade avait cette capacité à faire comprendre les objectifs, à fédérer les énergies. En bon instituteur, il était aussi un grand pédagogue de l’intérêt général. Il savait fixer des règles, un cadre permettant à chacun de progresser et à tous d’avancer.

Les mouvements mutualistes devaient être fédérés. René Teulade a su le faire en restant fidèle à leur tradition et à leur histoire, cette histoire si longue, inséparable de l’idée de progrès et d’entraide.

La mutualité est un humanisme, et c’est par sa personnalité et parce qu’il aimait profondément les gens que René Teulade a réussi à fédérer autour de lui. Il a su le faire à la tête de la Fédération nationale de la mutualité française, la FNMF, sans jamais sous-estimer la complexité des enjeux : droit à la santé pour tous, financement de la sécurité sociale et des retraites.

La mutualité, ce n’est pas qu’une intention. Pour tous ceux qui l’animent et qui la font vivre, c’est aussi une exigence de résultats, car, derrière, il y a les difficultés quotidiennes des sociétaires. Agir sur la mutualité, c’est agir directement sur la vie des gens.

Je garde d’ailleurs en mémoire les mots qui étaient les siens pour décrire ce que doit être la retraite : un « moment où l’homme prend le plus conscience de sa liberté », comme un droit à l’épanouissement personnel, et, donc, le moment où les femmes et les hommes prennent un « rôle nouveau au sein de notre société et de notre vie publique. »

Pour René Teulade, la manière dont une société entendait considérer ses malades ou ses retraités marquait son degré de civilisation. Car René Teulade était un homme de valeur et de valeurs. Son parcours, depuis les bancs de l’école de son village de Monceaux-sur-Dordogne jusqu’aux travées de cet hémicycle, est de ceux qui disent la force et la grandeur des principes qui fondent notre République.

Dans la période si complexe de l’après-guerre, René Teulade, orphelin très jeune, avait compris que le travail et le mérite seraient la clef de son ascension. Il travailla dur pour devenir instituteur, puis professeur de mathématiques. Il était de cette génération d’enseignants qui, même s’ils n’étaient plus les hussards noirs d’antan, avaient gardé la ferveur et l’intransigeance de leurs aînés.

René Teulade croyait profondément, intensément, en l’école de la République : une même école pour tous les enfants de France, dans chacune de ses villes et chacun de ses villages ; une école rempart contre les inégalités et capable de casser les déterminismes de toutes sortes.

René Teulade, parce qu’il avait de l’humilité, se sentait profondément redevable de ce qu’on lui avait transmis. Et ce beau métier d’instituteur, de professeur était pour lui la plus jolie manière de s’acquitter de son dû, de rendre le plus possible de ce qu’il avait reçu. C’est donc avec passion qu’il a transmis à ses élèves les connaissances et les principes que la République lui avait enseignés, au premier rang desquels la laïcité. Il l’a toujours défendue, bien conscient qu’elle est, ô combien, la condition première de notre vie en société.

René Teulade, c’est aussi un exemple de l’attachement à un territoire. C’est en Corrèze, au contact des habitants, des paysages, des traditions, qu’il puisait sa force, presque sa raison d’être. Cette terre de Corrèze, à la fois dure et verdoyante, dont il tirait cette pointe d’accent si chaleureuse, l’avait sculpté.

C’est en Corrèze que, passionné de rugby, il avait appris que la confiance en l’autre se gagne, se construit et s’installe. C’est là que s’étaient forgés les traits marquants de sa personnalité : la simplicité, la droiture, la fidélité.

René Teulade n’était pas de ces hommes qui courent après la reconnaissance. Il faisait partie de ceux pour qui l’attention portée à chacun est une exigence. Et c’est donc naturellement que l’homme qui ne fuyait pas ses responsabilités s’était engagé en politique.

Sa soif de proximité et sa volonté d’être utile ont marqué les habitants d’Argentat, dont il a été le maire pendant vingt-cinq ans. Attentif à chacun de ses administrés, il a su transformer sa commune et son canton. Ce sont ces qualités qui ont conduit François Hollande à faire de lui, en 2008, le premier vice-président du conseil général de la Corrèze.

La même année, René Teulade était élu sénateur, juste reconnaissance de son travail acharné pour les Corréziennes et les Corréziens. Ce mandat national fut alors la suite logique de ses engagements locaux.

Au Sénat, il a su faire partager son savoir, expliquer, transmettre encore et toujours, convaincre et se battre pour son idéal. Au sein de la commission des affaires sociales, son avis était écouté, ses opinions respectées, sa connaissance des dossiers admirée.

C’est aussi son attachement au dialogue, un dialogue républicain constructif, qu’il faut saluer. Dialogue qu’il a mené au Sénat, bien sûr. Dialogue qu’il avait su mener en tant que ministre des affaires sociales et qu’il a poursuivi comme président de la commission des affaires sociales du Conseil économique et social. Il avait ainsi obtenu, en 2002, l’accord de tous les partenaires sociaux dans son rapport sur la réforme des retraites.

Lorsque François Mitterrand lui avait confié en 1992 le portefeuille des affaires sociales et de l’intégration, René Teulade avait mis toute son énergie pour agir au service des Français. Son principal texte de loi posait déjà les bases de la maîtrise de l’évolution des dépenses publiques. Ministre travailleur et déterminé, il avait pris à bras-le-corps la défense de l’hôpital public et la question du droit des malades.

René Teulade était un homme aimé. Son départ brutal est pour nous tous un choc.

Pour les sénateurs, qui perdent un collègue apprécié.

Pour les Argentaçois et les Corréziens, qui savent le dévouement et l’implication de René Teulade à les servir.

Pour la République, qui perd l’un de ses élus. Elle perd aussi un homme dévoué, exemplaire, qui avait su consacrer sa vie au service de ses concitoyens.

J’adresse, au nom du Gouvernement, nos condoléances les plus sincères à son épouse, à ses enfants et petits-enfants et à ses proches.

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