Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je vous prie de bien vouloir excuser Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, qui ne peut être aujourd’hui parmi nous, car elle est retenue à l’Assemblée nationale.
Le projet de loi que nous étudions vise à autoriser la ratification d’un accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière signé entre la France et l’Espagne le 27 juin 2008, à Saragosse, et adopté par l’Assemblée nationale le 27 juin 2013.
La France et l’Espagne ont une longue tradition de coopération transfrontalière : depuis des décennies, nos deux pays œuvrent pour que les Pyrénées ne soient pas seulement la marque d’une frontière entre nos deux nations ; ils coopèrent pour faire en sorte que cette chaîne de montagnes devienne le trait d’union entre nos deux territoires, une zone d’interface et d’échanges. Et pour concrétiser cette ambition, il n’y a pas, au fond, de plus beau projet que celui de renforcer nos liens dans le champ de la santé.
Pourquoi ? Parce que nous tissons ces liens par-delà une région montagneuse, donc isolée, et que l’accès aux soins est une priorité que nous partageons. Parce qu’en mettant en commun les moyens humains et financiers dont nous disposons, notre action permettra d’éviter les doublons. Parce que la Cerdagne connaît régulièrement des pics de fréquentation, liés à ses activités touristiques et sportives, qui justifient pleinement de rapprocher et d’unir nos organisations des soins.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler l’esprit et le contenu de cet accord-cadre.
Ce texte reprend les dispositions d’accords antérieurs signés par la France avec l’Allemagne ou la Belgique. Celles-ci portent deux objectifs essentiels. Le premier concerne les professionnels de santé et doit leur permettre d’exercer de part et d’autre de nos frontières. Le second a trait aux patients : il vise à leur garantir d’être pris en charge, quel que soit le lieu de soins.
Tous ces accords, comme celui que nous ratifions aujourd’hui, renvoient à des conventions locales le soin de définir des actions de coopération sanitaire de nature à favoriser l’accès aux soins transfrontaliers pour la population.
Par ailleurs, nous devons avoir à l’esprit que cet accord-cadre a, d’ores et déjà, été formellement approuvé par le Royaume d’Espagne en mars 2009. Les acteurs de terrain sont donc en attente, près de six ans après sa signature, de la finalisation par la France de la procédure de ratification. Or c’est de cette ratification que dépendent le lancement de nouveaux projets et la concrétisation de ceux qui ont déjà été engagés.
Parmi ces projets, il en est sur lequel je souhaite m’attarder plus particulièrement : celui de l’hôpital transfrontalier de Cerdagne, situé à Puigcerdà, en Espagne.
Cet établissement permet d’améliorer l’accès aux soins des Languedociens-Roussillonnais, comme celui des Catalans, dans une région enclavée et isolée ; près de 30 000 personnes sont directement concernées. Sa capacité pourra atteindre plus de 70 lits.
Par ailleurs, en parallèle de la construction de cet hôpital, un véritable réseau de soins transfrontalier est en cours de constitution. Implanté sur le territoire français, en Haute-Cerdagne, un pôle gériatrique sera également ouvert aux patients espagnols.
L’hôpital de Puigcerdà est aussi le point de départ d’une réflexion plus large que nous pourrions imaginer, afin de proposer la meilleure offre de soins à tous les citoyens européens vivant dans des zones frontalières.
Un tel hôpital constitue une première à l’échelon européen. C’est la preuve concrète pour nos concitoyens que l’Europe sociale n’est pas une chimère, qu’elle peut améliorer concrètement leur quotidien, leur environnement, leur niveau de vie. C’est la traduction concrète de valeurs et d’engagements communs à l’ensemble des États membres de l’Union européenne, au nombre desquels il faut ranger l’accès aux soins et à la santé, qui est un droit pour tous. C’est la démonstration que, lorsque l’Europe s’engage, les progrès que la France réalise avec ses partenaires s’accélèrent.
Concrètement, le Fonds européen de développement économique régional, le FEDER, a contribué à ce projet à hauteur de 65 % de son coût global.
Trop peu de projets similaires à celui-ci voient le jour. Nous n’exploitons pas suffisamment les occasions qui nous permettraient de mutualiser nos équipements sanitaires. Comment l’expliquer ? À en écouter certains, nos modèles sociaux nationaux ne seraient pas compatibles entre eux. Nos manières de travailler et de nous organiser seraient trop différentes. Tout cela susciterait des difficultés administratives insurmontables !
Je ne crois pas, nous ne croyons pas à la fatalité administrative ! Ma conviction, c’est que, lorsque les pouvoirs publics se mobilisent, les choses peuvent avancer. L’hôpital de Puigcerdà en est la démonstration.
Pour faire émerger une telle structure, nous avons eu recours à un nouvel instrument juridique : le groupement européen de coopération territoriale, le GECT. Parmi les GECT existants, c’est le seul exemple d’établissement de santé. C’est donc grâce à de nouveaux outils que nous rendrons possible le développement de projets transfrontaliers et que nous optimiserons l’offre de soins.
Par ailleurs, ce projet s’inscrit dans une coopération sanitaire européenne plus large, comprenant la mise en place d’une véritable filière de soins transfrontaliers. Celle-ci pourrait nous permettre de nouer des partenariats pérennes dans le champ de la recherche, de l’enseignement ou encore des soins nécessaires aux sportifs de haut niveau.
La construction de cet hôpital s’est achevée au printemps 2012, après trois années de travaux. Cet établissement n’est pas encore ouvert, car il faut encore avancer sur un certain nombre de questions pratiques, liées à des enjeux culturels, linguistiques et juridiques. Il nous faut notamment réunir les conditions qui assureront l’attractivité de cet établissement pour les patients français, en particulier en favorisant et en encourageant la présence de professionnels français.
Aujourd’hui, je tiens à exprimer très clairement le soutien de la France à ce projet et je souhaite que les discussions avec nos partenaires catalans puissent aboutir le plus rapidement possible, afin de pouvoir saluer l’ouverture prochaine de cet hôpital.
Je salue d’ores et déjà l’implication des élus, plus particulièrement celle de ma collègue Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, qui, en sa qualité de membre de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, avait notamment fourni un important travail sur ce sujet. Au travers de leur participation directe à la gouvernance de cet hôpital, dans le cadre du conseil consultatif, je sais qu’ils veilleront à la réussite et à l’aboutissement de ce projet.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en ratifiant cet accord-cadre, vous ferez avancer le combat pour l’égalité entre nos territoires. Vous permettrez à des milliers de personnes, françaises et espagnoles, de bénéficier d’une meilleure organisation des soins. Vous montrerez aussi que l’Union européenne, lorsqu’elle s’engage pour la santé de nos concitoyens, nous permet de réaliser d’immenses progrès.