Étant ancien député de cette troisième circonscription des Pyrénées-Orientales où j’ai fait trois mandats, je me présente aussi aujourd’hui devant vous en tant qu’enfant du pays. Je suis fier de cette aventure, je suis fier que ce territoire de la montagne pyrénéenne soit doté des équipements sanitaires les plus performants.
Je suis heureux pour ces femmes qui ne devront plus faire cent kilomètres, parfois dans la neige, pour aller accoucher à Perpignan.
Je suis heureux pour ceux qui, pris soudainement d’un malaise cardiaque, pourront être secourus en moins de cinq minutes.
Je suis heureux que ces populations de montagne bénéficient de l’égalité des soins parce que nous avons su gommer la frontière entre les deux Cerdagne, frontière qui, au fond, n’a jamais existé, malgré le traité des Pyrénées de 1659.
Ce projet, on le doit d’abord à la volonté des deux maires de Bourg-Madame en France et Puigcerdà en Espagne et au président de l’ordre des médecins des Pyrénées-Orientales, Francis Montané, qui est aujourd'hui disparu. En tant qu’enfant du pays, et en tant qu’élu qui a toujours travaillé main dans la main avec la Généralité de Catalogne, j’ai accompagné et soutenu, notamment à Bruxelles, ce projet durant quinze ans.
Cet hôpital est une réalisation unique en Europe. Que j’aime cette Europe qui soigne les gens !
La signature conjointe de la déclaration d’intention sur la coopération sanitaire entre nos trois ministères français, espagnol et catalan a eu lieu à l’occasion du sommet franco-espagnol de Barcelone, au château de Pedralbès, le 17 octobre 2005.
Elle a permis de sceller les bases de la coopération sanitaire entre la France, l’Espagne et la Généralité de Catalogne. Elle a été le principe de réalisation d’une structure véritablement transfrontalière.
Les patients seront accueillis dans les mêmes conditions qu’en France avec du personnel français et espagnol. De même, un accueil réciproque des patients espagnols est prévu en France dans les mêmes conditions dans les établissements de santé de Cerdagne française, notamment pour les soins de suite et de rééducation, qui n’existent pas en Espagne.
Le 19 mars 2007, les ministres français et catalan signaient une charte d’intention par laquelle ils s’engageaient à créer un groupement européen de coopération territoriale pour encadrer et gérer le projet d’hôpital.
Le 27 juin 2008, la France et l’Espagne signaient à Saragosse un accord-cadre de coopération sanitaire transfrontalière, suivi d’un accord d’application signé le 9 septembre 2008 à Angers.
Le 26 avril 2010, la convention constitutive du groupement européen de coopération territoriale était signée, à Puigcerdà, par les ministres français, espagnol et catalan de la santé.
La construction de l’établissement est achevée depuis la fin de 2012, et le bâtiment est en cours d’équipement. Il devrait ouvrir ses portes à l’été 2014. Il sera doté des matériels les plus performants : IRM, scanner, téléimagerie... Le montant des travaux, sur la partie immobilière, s’est élevé à 31 millions d’euros ; 60 % de cette somme ont été financés par l’Europe, soit 18, 6 millions d’euros.
La Généralité de Catalogne et la France ont participé chacune au financement des travaux et du matériel, à hauteur de 60 % pour la Généralité et 40 % pour la France. La commune de Puigcerdà a mis à disposition le terrain.
Cet hôpital comptera 68 lits et sera doté des équipements hospitaliers les plus modernes. Cette réalisation sera complétée par un pôle gériatrique et pédiatrique de Cerdagne.
Le pôle gériatrique regroupe, sur le site d’Err, deux établissements cerdans côté français. Il permettra de sauvegarder la quasi-totalité des emplois et de reclasser du personnel de service pour la production des repas et l’entretien de l’hôpital transfrontalier.
Reste le pôle pédiatrique, pour lequel l’État avait dégagé une somme de 10, 5 millions d’euros, dont la réalisation devient hypothétique, car ces sommes ont, semble-t-il, été déprogrammées. Il serait intéressant, madame la secrétaire d'État, que nous puissions avoir des précisions sur ce point essentiel de financement.
J’en viens maintenant aux problèmes posés par ce type d’initiatives dans une Europe qui se veut sans frontières.
L’accord-cadre qui nous réunit aujourd’hui permet de finaliser le cadre juridique du groupement européen de coopération territoriale, le GECT. Son fonctionnement a tout d’abord nécessité la création d’un conseil consultatif, car le Conseil d’État avait indiqué qu’il n’était pas possible pour les élus locaux de siéger au sein du conseil d’administration du groupement, les collectivités locales n’ayant pas la compétence en matière de santé.
Ce conseil consultatif permet de régler les relations des partenaires à l’intérieur du GECT, ainsi que les problèmes de personnel, administratifs et financiers. Des conventions locales, passées en application de cet accord-cadre, permettront un fonctionnement optimal de l’hôpital.
Malgré les différentes réunions qui ont eu lieu au niveau interministériel, de nombreuses questions pratiques ne sont pas réglées. La première a trait à l’état civil des enfants français qui naîtront à l’hôpital de Cerdagne, sur le territoire espagnol.
Nous avons bien obtenu la possibilité de transcription par le biais du registre d’état civil au consulat de Barcelone, mais ces enfants seront toujours considérés comme nés à l’étranger et devront donc demander leur extrait de naissance à Nantes, ce qui, vous en conviendrez, est en contradiction avec l’appartenance des Cerdans à un même territoire.
Cette difficulté pourrait être réglée par la possibilité pour un officier d’état civil d’une des communes de Cerdagne française d’enregistrer les naissances à l’hôpital ou d’instaurer une inscription numérique. Après avoir déposé une proposition de loi en ce sens à l’Assemblée nationale, je l’ai déposée tout récemment au Sénat.
La deuxième difficulté concerne les décès. Comment pourrait-on permettre à la famille d’une personne décédée à l’hôpital de Cerdagne de transporter le corps dans une chambre funéraire en France sans qu’il y ait besoin d’un cercueil en plomb ?
Il semble que des dérogations soient possibles, notamment dans le cadre de la convention de Strasbourg de 1968, mais, à ce stade, l’administration française montre certaines crispations.
La troisième difficulté concerne la possibilité pour nos forces de gendarmerie de venir interroger, à l’hôpital, dans le cadre d’une enquête, un patient qui aurait commis un délit en France et qui serait hospitalisé en Espagne. Des procédures sont à l’étude et ont fait l’objet de réunions entre le parquet français et le gouverneur espagnol. Il semblerait que des conventions puissent être passées, mais, là encore, nous sommes toujours dans l’incertitude.
Enfin, point plus anecdotique, cela a été souligné, il faudrait prévoir un acheminement du courrier beaucoup plus rapide entre les deux Cerdagne.
Le courrier en partance de l’hôpital de Puigcerdà pour les villages de Cerdagne française, situés à quelques kilomètres, est acheminé jusqu’à Madrid, où il est réexpédié à Paris, d’où il revient dans les villages de Cerdagne… Vous conviendrez que le processus n’est ni un exemple de développement durable ni un système efficace et que le poids carbone de l’enveloppe est au-delà du raisonnable ! La mise en place d’une boîte aux lettres sur le site de l’hôpital de Puigcerdà, relevée par les services de la poste française, permettrait de pallier ce problème.
Nous devons aussi nous assurer d’une meilleure communication sur ce territoire, mon collègue Christian Bourquin l’a souligné, pour que chaque futur patient de l’hôpital connaisse parfaitement le processus d’accès administratif ou d’urgence.
Pour conclure, mes chers collègues, nous voudrions vous alerter sur plusieurs enjeux de ce texte. On ne peut pas parler d’Europe, de marché unique qu’il faut impérativement achever, de libre circulation des biens, des personnes et des services et mettre quinze ans pour espérer sortir un projet hospitalier commun à seulement deux pays.
Aussi, du haut de notre montagne cerdane, nous voulons vous offrir une belle occasion d’œuvrer pour une Europe proche des gens, une Europe qui sonne positivement aux oreilles des Français. L’Union Européenne, c’est aussi une Europe qui soigne et qui sauve des vies !
Il existe heureusement des solidarités régionales, historiques. Elles doivent être le moteur d’une Europe qui aide à vivre, qui aide à accoucher dans des territoires très hostiles, où la géographie ou le climat peuvent vous couper du monde. C’est cela que nous devons mettre en avant pour reconquérir le cœur des Européens et que nous devons rappeler aux Français, si prompts au repli sur soi.
Vous voyez, mes chers collègues, à quel point une convention européenne relative à la coopération sanitaire transfrontalière peut, si on daigne en parler et en débattre, développer et ancrer l’identité européenne chez nos concitoyens.
À titre personnel, je ne crois qu’à l’Europe des régions. Ce n’est pas un hasard si l’Allemagne, pays de Länder dont l’autonomie n’a rien à envier à celle des États européens, ne connaît pas la crise. Ces Länder, très indépendants dans leurs choix et leurs décisions de la République fédérale d’Allemagne, sont bien mieux gérés et bien plus dynamiques que les États centralisateurs.
Il en est de même pour la Catalogne espagnole, dont le dynamisme économique ne reflète pas la situation de l’Espagne. Au moment où notre territoire vient d’être privé par le Gouvernement de la liaison du chaînon manquant du TGV Perpignan-Montpellier, la dynamique de la Catalogne espagnole sera notre salut.
Nous ne pouvons plus accepter que deux France se construisent dans notre pays : Paris et le désert français. L’Europe est aussi le fer de lance de la décentralisation et une promesse pour préserver nos villages de la désertification.
C’est pour toutes ces raisons que, avec enthousiasme, le groupe UMP votera ce texte, bien entendu, dans l’espoir que ce projet transfrontalier soit suivi par de nombreux autres de ce type. §