Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 7 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Administration générale et territoriale de l'état

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

...et je me contenterai de vous poser cinq questions.

Première question, vous nous présentez un plan de requalification des personnels. Il est très positif de travailler pour renforcer la qualification des personnels, mais j'ai cru comprendre que la perspective dans laquelle vous vous situez, qui est d'ailleurs tout à fait illustrée par ce projet de loi de finances, se traduisait par la suppression de 1 500 emplois entre 2006 et 2010, avec en contrepartie la requalification de plusieurs milliers d'emplois, en particulier des personnels de catégorie C dans les préfectures et les sous-préfectures.

Monsieur le ministre, êtes-vous vraiment intimement persuadé que la requalification suffira à compenser les effets de ces suppressions d'emplois et ne pensez-vous pas qu'il faudrait revoir un certain nombre de ces suppressions d'emplois, voire l'ensemble, la suppression d'emplois finalement n'étant pas du tout la condition de la requalification ?

Ma deuxième question rejoint les propos de Mme Josiane Mathon-Poinat concernant les services qui, dans nos préfectures, sont chargés de la question des étrangers.

Il est vrai que l'on assiste à des situations très difficiles, des files d'attente, d'ailleurs, je ne jette pas la pierre aux personnels qui accueillent les personnes étrangères et qui travaillent dans des conditions souvent délicates et complexes. La circulaire de juin 2006 a été mise en oeuvre dans des conditions auxquelles nous ne saurions souscrire.

En effet, il a fallu aller très vite. Ce qui avait été présenté à cette tribune par M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, comme un examen au cas par cas est devenu la mise en application d'une sorte de quota. Les préfets ont en effet bien compris qu'ils devaient respecter une certaine proportion, ce qui a débouché sur un grand nombre de décisions arbitraires. Chaque semaine, je reçois des personnes qui n'ont pas été régularisées, alors que d'autres, qui se trouvaient dans des situations tout à fait analogues, l'ont été.

C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé, comme vous le savez, monsieur le ministre, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le processus qui a été mis en oeuvre. Je ne doute pas que la commission des lois s'intéressera à cette proposition de notre groupe et que celle-ci sera bientôt inscrite à l'ordre du jour. Ce serait, me semble-t-il, une excellente idée, car le processus qui a été mis en oeuvre présente, je le répète, une part d'arbitraire que nous ne pouvons accepter.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour améliorer les conditions de travail des fonctionnaires, qui, dans les préfectures, traitent de la question particulière des personnes étrangères ? Pensez-vous vraiment que cette amélioration nécessaire soit compatible avec les perspectives inscrites dans le présent projet de loi en termes d'emploi ?

Ma troisième question porte sur l'identification nationale électronique sécurisée, pour laquelle il est prévu, dans le présent projet de loi de finances, d'affecter 2, 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 million d'euros en crédits de paiement.

Tout d'abord, monsieur le ministre, pour cette tâche régalienne, qui concerne la délivrance de passeports et de cartes d'identité ainsi que les outils d'identification et de reconnaissance des signatures électroniques, pensez-vous qu'il soit justifié de faire appel à la procédure du partenariat public-privé ?

En effet, un tel travail ne peut être mené uniquement par le ministère de l'intérieur, puisqu'un certain nombre compétences techniques sont nécessaires. Mais pourquoi ne pas recourir à la procédure bien connue des marchés ? Est-il opportun, dans ce domaine particulièrement régalien, de faire appel à la procédure du partenariat public-privé, ce qui - j'en prends le pari - ne manquerait pas d'avoir des conséquences financières ? Car le principe même de la procédure du partenariat public-privé, c'est de ne pas payer au départ. C'est plus tard, années après années, que le règlement doit être effectué. Le risque est donc grand de payer beaucoup plus que ce que l'on eût payé à l'origine.

Vous prévoyez, monsieur le ministre, - il s'agit d'une question subsidiaire - de créer une agence nationale des titres sécurisés. En quoi les services de l'État ne peuvent-ils pas pourvoir, en l'état actuel des choses, à cette tâche, sans qu'il soit nécessaire de créer un nouvel organisme ?

Ma quatrième question concerne les sous-préfectures, sujet qui fait l'objet d'un débat depuis de nombreuses années. Je souhaite rappeler ici ce que chacun sait : les sous-préfectures assurent une mission importante, celle de la présence de l'État sur le terrain, à proximité de nos concitoyens. En outre, vous le savez, monsieur le ministre, les élus locaux sont très attachés à leur sous-préfecture.

Quelle est donc votre position concernant l'avenir des sous-préfectures ? Il convient de prendre en compte, me semble-t-il, la diversité des contextes et des arrondissements, notamment la diversité démographique et l'éloignement géographique avec la préfecture, qui fait que certaines sous-préfectures jouent un rôle de quasi-préfecture dans de gros arrondissements.

Parfois, au contraire, les effectifs des sous-préfectures sont tellement faibles qu'il leur est difficile d'assumer la tâche de mise en cohérence des missions de l'État, laquelle relève alors pleinement des préfectures.

Un certain nombre de préfets confient à des sous-préfets territoriaux - c'est d'ailleurs une excellente idée - des missions départementales et des missions transversales. Les sous-préfectures constituent donc un acquis, auquel les Français et leurs élus sont attachés. Mais des mutations sont sans doute nécessaires.

Ma dernière question, monsieur le ministre, a trait à la multiplication des outils et des concepts. En lisant de près les rapports de nos brillants rapporteurs, j'ai constaté que toutes vos bonnes intentions, qui sont très nombreuses - mais nul ne peut en être blâmé ! -, se traduisent par l'existence de nombreux outils d'orientation et de modernisation.

Il s'agit tout d'abord de la stratégie ministérielle de réforme, la SMR, qui a été, si j'ai bien compris, transformée en feuille de route ministérielle de modernisation.

À celle-ci s'ajoutent le plan stratégique de modernisation, les grands projets de modernisation et les audits de modernisation.

Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines ! En effet, les dispositifs que je viens d'énumérer sont complétés par la directive nationale d'orientation des préfectures, la DNO. Mais cette dernière ne saurait suffire ! Vient donc s'y adjoindre les projets d'actions stratégiques de l'État en région, les PASER. Bien entendu, il serait anormal que ce dispositif n'existe pas pour les départements, si bien que nous avons aussi des projets d'actions stratégiques de l'État en département, les PASED.

Mais, monsieur le rapporteur spécial, nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Votre rapport fait également état des projets annuels de performance, les bien nommés PAP. Existent également les budgets opérationnels de programme, les BOP.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que cet éventail de schémas, d'outils, de plans et de programmes présente un peu de redondance ? N'y aurait-il pas intérêt à simplifier quelque peu les choses ?

Telles sont les cinq questions que je voulais vous poser, de manière à contribuer à ce débat sur ces services de l'État auxquels nous sommes tous profondément attachés.

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