La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2007 concernant les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'étude du projet de budget 2007 pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État » m'appelle à poser une question d'ordre général.
Nous avons devant nous les documents relatifs au financement d'une année d'activité des services généraux et territoriaux de l'État. Les chiffres sont établis, expliqués, comparés.
Pourtant, chacun le sait, l'année électorale qui approche va venir bousculer ce projet de loi de finances. Nous devons nous interroger sur la sincérité de ce budget.
Est-il réellement sincère ? Je ne le pense pas.
Vous nous présentez une somme en hausse de 12, 9 % par rapport à 2006, augmentation mécanique liée aux frais occasionnés par les élections présidentielle et législatives.
Sur le fond, votre projet de budget apparaît clairement marqué du sceau de votre politique.
La principale remarque que l'on peut formuler à l'égard de cette mission est, hélas ! que vous donnez des signes toujours plus inquiétants quant à vos objectifs.
Vous accentuez encore votre approche exclusivement sécuritaire et policière de la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
De quoi nous parle-t-on dans ce texte ? De « passeports sécurisés », de « renforcement » du traitement des dossiers des étrangers, de « productivité » et de « maîtrise des dépenses », un vocabulaire qui ne trompe pas sur la réalité qu'il recouvre.
Les moyens dont disposent les préfectures devraient au contraire être tournés vers la satisfaction des besoins et des attentes des administrés. L'accueil, l'écoute des usagers devraient y être considérablement développés.
Si l'expression « cohésion sociale » a un sens, elle devrait pouvoir s'identifier à la qualité de la relation entre le citoyen et l'administration, qui représente par essence l'État de droit, autrement dit l'État garant des droits du citoyen.
Toutefois, M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire nous a confié sa vision à long terme : « moins de guichets » souhaite-t-il, en tablant sur le doublement du nombre de départs à la retraite entre 2010 et 2015.
Ce projet de budget 2007 tourne donc le dos aux exigences nées de la situation de profonde crise sociale et économique que connaît notre pays. Doit-on rappeler ici que voilà à peine un an nous étions sous le régime d'exception de l'état d'urgence ?
Alors que le taux de chômage ne baisse pas, que la précarité grimpe à tous les étages de notre société et que le nombre d'allocataires du RMI explose, vous avez prévu de supprimer des emplois !
En 2007, vous décidez, si jamais les électeurs vous laissaient faire - on peut espérer que cela puisse changer - de ne pas remplacer 401 départs à la retraite dont 315 dans les préfectures. L'équivalent de 156 temps pleins travaillés seraient donc ainsi supprimés !
Les taches assumées par le personnel préfectoral sont pourtant primordiales.
Avec la mise en oeuvre des procédures relatives à la LOLF, vous nous présentez, sous un jour qui se veut moderne, les « indicateurs » censés mesurer les résultats de la productivité de gestion indexée à des objectifs eux-mêmes destinés à la maîtrise les coûts...
Bref, vous avez une vision purement comptable du travail des agents et des services.
Comment estimer l'efficacité de leur action, notamment dans le domaine du conseil et de l'information aux collectivités locales, en ne prenant en compte que des éléments statistiques ?
Il est des choses qui ne peuvent se mesurer avec des chiffres, mais qui nécessitent du temps et de l'implication personnelle : établir des relations de confiance, partager des compétences. Cela ne compterait-il pas ?
Pour 2007, vous demandez à chaque agent de réduire de 10 % l'utilisation des moyens de téléphonie.
Ce n'est pas anecdotique. Cette mesure vise à culpabiliser les fonctionnaires, à leur faire croire qu'ils sont responsables, individuellement, du manque de moyens que vous organisez.
Vous pressurez les personnels, vous cherchez à obtenir par la contrainte leur adhésion à votre vision ultralibérale d'un État qui devrait maigrir, maigrir, et encore maigrir, au risque de devenir squelettique.
En effet.
Vous voulez consacrer 12 millions d'euros à la modernisation de l'Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France.
J'aurais aimé que cette mesure soit positive, mais c'est la chasse aux étrangers que vous organisez.
L'actualité de cet été l'a mis en évidence : vous ne demandez pas un examen sérieux et humain de chaque dossier de régularisation des « sans-papiers », quand bien même ce sont des enfants, des familles.
Vous fixez des chiffres, des quotas à atteindre avant même que les services aient instruit les dossiers, parce que vous voulez donner des gages à l'électorat d'extrême droite, sur le refrain trop bien connu de la stigmatisation et de la peur de l'autre.
Et lorsque la mobilisation des parents d'élèves, des démocrates, des enseignants vous impose de concéder une circulaire pour permettre aux enfants scolarisés de parents sans papiers d'obtenir un titre de séjour, les dispositifs d'accueil de ces demandeurs se révèlent pour le moins bien inadaptés.
Quel effarant spectacle, cet été, que ces files d'attente interminables devant un certain nombre de préfectures, notamment en Île-de-France !
Quel contraste entre la dignité des personnes venant faire régulariser leur situation et les conditions qui leur étaient réservées !
Parmi ces personnes, combien ont dû passer des heures entières dehors sous un soleil de plomb ? Combien se sont résolues à prendre leur place au milieu de la nuit pour s'assurer d'accéder aux guichets ?
Une autre approche est absolument vitale pour ce pays qui fut une terre d'accueil, et qui peut toujours l'être.
Vous consacrez une bonne part de ce projet de budget, soit 40 % des crédits prévus pour le programme « Administration territoriale », à la mise en place des passeports électroniques, de la carte nationale d'identité électronique sécurisée et de l'immatriculation à vie des véhicules.
Ces dispositions prises au nom de la sécurité ne se révéleront efficaces - je le crains - que pour augmenter le coût pour l'usager.
La sécurité est illusoire si elle ne se comprend qu'à travers la multiplication des barrières administratives et policières, sans jamais tarir les sources du danger.
La codification, le fichage de données de plus en plus précises fait, en revanche, courir un risque grandissant de pertes de libertés individuelles.
La fraude en est-elle pour autant combattue ? Chacun connaît bien la course poursuite entre l'attaque et la défense : dès qu'un nouveau système de sécurité est mis en place, son contournement est recherché. Avec l'introduction d'éléments biométriques dans les documents individuels, vous franchissez un palier supplémentaire dans cette escalade nécessitant toujours plus de moyens.
Vous avez pris du retard dans l'introduction du passeport électronique en raison du conflit que vous avez déclenché avec l'Imprimerie nationale en tentant de contourner ses prérogatives. Bel exemple de conjonction entre sécuritarisme et ultralibéralisme !
Au-delà, le renchérissement des procédures est au rendez-vous du citoyen.
Alors que, aujourd'hui, dans les 36 000 communes de notre pays, on peut aisément effectuer sa demande de carte d'identité, vous prévoyez, au mieux, que seulement 2 000 communes seront à même de délivrer ce nouveau sésame !
De nouvelles inégalités sont ainsi appelées à se développer.
Monsieur le ministre, pour l'ensemble de ces raisons, les membres du groupe CRC voteront contre les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer le travail accompli depuis un certain nombre d'années au ministère de l'intérieur, au sein des préfectures et des sous-préfectures, pour accroître la modernisation des services, les rendre le plus efficaces possible, plus rapides, pour répondre au souci d'une proximité avec nos concitoyens.
J'ai d'ailleurs lu avec plaisir dans un ouvrage paru récemment aux éditions Plon, intitulé Comment fait la France quand elle gagne ?, un chapitre de grand intérêt consacré à la sous-préfecture de Pithiviers...
...dont les efforts de modernisation ont été signalés à très juste titre.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je ne vais pas pouvoir, en dépit des appels de M. le président de la commission des lois, poursuivre mon intervention sur cette même tonalité...
...et je me contenterai de vous poser cinq questions.
Première question, vous nous présentez un plan de requalification des personnels. Il est très positif de travailler pour renforcer la qualification des personnels, mais j'ai cru comprendre que la perspective dans laquelle vous vous situez, qui est d'ailleurs tout à fait illustrée par ce projet de loi de finances, se traduisait par la suppression de 1 500 emplois entre 2006 et 2010, avec en contrepartie la requalification de plusieurs milliers d'emplois, en particulier des personnels de catégorie C dans les préfectures et les sous-préfectures.
Monsieur le ministre, êtes-vous vraiment intimement persuadé que la requalification suffira à compenser les effets de ces suppressions d'emplois et ne pensez-vous pas qu'il faudrait revoir un certain nombre de ces suppressions d'emplois, voire l'ensemble, la suppression d'emplois finalement n'étant pas du tout la condition de la requalification ?
Ma deuxième question rejoint les propos de Mme Josiane Mathon-Poinat concernant les services qui, dans nos préfectures, sont chargés de la question des étrangers.
Il est vrai que l'on assiste à des situations très difficiles, des files d'attente, d'ailleurs, je ne jette pas la pierre aux personnels qui accueillent les personnes étrangères et qui travaillent dans des conditions souvent délicates et complexes. La circulaire de juin 2006 a été mise en oeuvre dans des conditions auxquelles nous ne saurions souscrire.
En effet, il a fallu aller très vite. Ce qui avait été présenté à cette tribune par M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, comme un examen au cas par cas est devenu la mise en application d'une sorte de quota. Les préfets ont en effet bien compris qu'ils devaient respecter une certaine proportion, ce qui a débouché sur un grand nombre de décisions arbitraires. Chaque semaine, je reçois des personnes qui n'ont pas été régularisées, alors que d'autres, qui se trouvaient dans des situations tout à fait analogues, l'ont été.
C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé, comme vous le savez, monsieur le ministre, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le processus qui a été mis en oeuvre. Je ne doute pas que la commission des lois s'intéressera à cette proposition de notre groupe et que celle-ci sera bientôt inscrite à l'ordre du jour. Ce serait, me semble-t-il, une excellente idée, car le processus qui a été mis en oeuvre présente, je le répète, une part d'arbitraire que nous ne pouvons accepter.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour améliorer les conditions de travail des fonctionnaires, qui, dans les préfectures, traitent de la question particulière des personnes étrangères ? Pensez-vous vraiment que cette amélioration nécessaire soit compatible avec les perspectives inscrites dans le présent projet de loi en termes d'emploi ?
Ma troisième question porte sur l'identification nationale électronique sécurisée, pour laquelle il est prévu, dans le présent projet de loi de finances, d'affecter 2, 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 million d'euros en crédits de paiement.
Tout d'abord, monsieur le ministre, pour cette tâche régalienne, qui concerne la délivrance de passeports et de cartes d'identité ainsi que les outils d'identification et de reconnaissance des signatures électroniques, pensez-vous qu'il soit justifié de faire appel à la procédure du partenariat public-privé ?
En effet, un tel travail ne peut être mené uniquement par le ministère de l'intérieur, puisqu'un certain nombre compétences techniques sont nécessaires. Mais pourquoi ne pas recourir à la procédure bien connue des marchés ? Est-il opportun, dans ce domaine particulièrement régalien, de faire appel à la procédure du partenariat public-privé, ce qui - j'en prends le pari - ne manquerait pas d'avoir des conséquences financières ? Car le principe même de la procédure du partenariat public-privé, c'est de ne pas payer au départ. C'est plus tard, années après années, que le règlement doit être effectué. Le risque est donc grand de payer beaucoup plus que ce que l'on eût payé à l'origine.
Vous prévoyez, monsieur le ministre, - il s'agit d'une question subsidiaire - de créer une agence nationale des titres sécurisés. En quoi les services de l'État ne peuvent-ils pas pourvoir, en l'état actuel des choses, à cette tâche, sans qu'il soit nécessaire de créer un nouvel organisme ?
Ma quatrième question concerne les sous-préfectures, sujet qui fait l'objet d'un débat depuis de nombreuses années. Je souhaite rappeler ici ce que chacun sait : les sous-préfectures assurent une mission importante, celle de la présence de l'État sur le terrain, à proximité de nos concitoyens. En outre, vous le savez, monsieur le ministre, les élus locaux sont très attachés à leur sous-préfecture.
Quelle est donc votre position concernant l'avenir des sous-préfectures ? Il convient de prendre en compte, me semble-t-il, la diversité des contextes et des arrondissements, notamment la diversité démographique et l'éloignement géographique avec la préfecture, qui fait que certaines sous-préfectures jouent un rôle de quasi-préfecture dans de gros arrondissements.
Parfois, au contraire, les effectifs des sous-préfectures sont tellement faibles qu'il leur est difficile d'assumer la tâche de mise en cohérence des missions de l'État, laquelle relève alors pleinement des préfectures.
Un certain nombre de préfets confient à des sous-préfets territoriaux - c'est d'ailleurs une excellente idée - des missions départementales et des missions transversales. Les sous-préfectures constituent donc un acquis, auquel les Français et leurs élus sont attachés. Mais des mutations sont sans doute nécessaires.
Ma dernière question, monsieur le ministre, a trait à la multiplication des outils et des concepts. En lisant de près les rapports de nos brillants rapporteurs, j'ai constaté que toutes vos bonnes intentions, qui sont très nombreuses - mais nul ne peut en être blâmé ! -, se traduisent par l'existence de nombreux outils d'orientation et de modernisation.
Il s'agit tout d'abord de la stratégie ministérielle de réforme, la SMR, qui a été, si j'ai bien compris, transformée en feuille de route ministérielle de modernisation.
À celle-ci s'ajoutent le plan stratégique de modernisation, les grands projets de modernisation et les audits de modernisation.
Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines ! En effet, les dispositifs que je viens d'énumérer sont complétés par la directive nationale d'orientation des préfectures, la DNO. Mais cette dernière ne saurait suffire ! Vient donc s'y adjoindre les projets d'actions stratégiques de l'État en région, les PASER. Bien entendu, il serait anormal que ce dispositif n'existe pas pour les départements, si bien que nous avons aussi des projets d'actions stratégiques de l'État en département, les PASED.
Mais, monsieur le rapporteur spécial, nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Votre rapport fait également état des projets annuels de performance, les bien nommés PAP. Existent également les budgets opérationnels de programme, les BOP.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que cet éventail de schémas, d'outils, de plans et de programmes présente un peu de redondance ? N'y aurait-il pas intérêt à simplifier quelque peu les choses ?
Telles sont les cinq questions que je voulais vous poser, de manière à contribuer à ce débat sur ces services de l'État auxquels nous sommes tous profondément attachés.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'efforcerai d'être bref. Je ne m'attacherai donc pas à passer en revue l'ensemble des programmes. Notre excellent rapporteur spécial Henri de Raincourt l'a fait avec une précision et une exactitude que je ne saurais égaler.
Je ne développerai que trois aspects de cette mission, qui ont retenu mon attention et celle de mes collègues de l'UMP.
Tout d'abord, je souhaite évoquer l'enjeu particulier que représentent les nouvelles générations de titres d'identité. Le contexte international troublé que nous connaissons depuis cinq ans invite les pouvoirs publics à travailler sans relâche pour ne pas céder de terrain à ceux qui menacent notre territoire.
Ce mouvement ne touche pas seulement la France. La communauté internationale est concernée dans son ensemble et il convient donc d'envisager cette problématique de manière globale avec nos partenaires, notamment européens.
Le Gouvernement, et, en particulier, le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, a appréhendé cette question dans une perspective transversale, intégrant les contextes de mondialisation, d'augmentation des flux migratoires et de menace terroriste.
Dans ce cadre, le développement de nouveaux papiers d'identité et, en particulier, de passeports biométriques représente un enjeu réel.
C'est pourquoi je me félicite de constater les efforts fournis par le Gouvernement et par les préfectures pour améliorer la fiabilité des documents identitaires.
Je pense aussi au système biométrique, qui, depuis son introduction, a fait la preuve de son utilité. Cette technique a largement contribué à lutter contre la fraude à l'identité.
Je pense également au futur passeport électronique comprenant les empreintes digitales, mis en oeuvre par l'Union européenne et attendu pour 2009. Il représentera, n'en doutons pas, un véritable outil de lutte contre le terrorisme international.
Ces nécessités conjoncturelles se concrétisent au niveau des préfectures, mais l' « agence nationale des titres sécurisés » que le Gouvernement a décidé de créer, dès la rentrée 2007, pour organiser la production des nouveaux documents d'identité, assumera un rôle primordial en la matière.
Monsieur le ministre, je souhaite connaître plus précisément les missions qui seront dévolues à cette agence et le rôle qu'elle jouera entre l'État et les préfectures en matière de politique de délivrance de titres.
Par ailleurs, mon groupe est satisfait du processus engagé par les préfectures en matière d'efficacité et de gestion des effectifs.
En conclusion, je souhaite évoquer la parution, à la fin du mois de septembre dernier, du rapport Machelon, intitulé Les relations des cultes avec les pouvoirs publics et dans lequel le professeur Machelon, missionné par le ministre de l'intérieur, qui est aussi ministre des cultes, examine les avancées pouvant être proposées en la matière.
Cette question sensible, qui ne peut souffrir aucune caricature, mérite un débat à la hauteur des enjeux. Nous le savons, en matière de laïcité et de respect des cultes, les lignes d'opposition sont souvent inhabituelles, puisqu'elles partagent de nombreux groupes. Il faut donc concilier des impératifs parfois contradictoires, en gardant à l'esprit notre objectif prioritaire, à savoir le respect de nos valeurs, de nos institutions, mais également des sensibilités de chaque Français.
Pour cette raison, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les suites que vous envisagez de donner à ce rapport.
Bien sûr, notre groupe votera en faveur des crédits qui nous sont soumis, en saluant la rigueur budgétaire qui les inspire.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'entrerai pas dans le détail des chiffres. D'autant que M. le ministre nous dira qu'ils sont excellents et que si, sur certaines travées, des sénateurs témoigneront de leur satisfaction, sur d'autres, la tonalité ne sera pas tout à fait la même.
Je n'évoquerai pas non plus les différents programmes.
En revanche, je voudrais réagir, en tant qu'élu local depuis presque trente ans et en tant que citoyen. Comment faire pour que nos concitoyens se réconcilient avec l'État ? Aujourd'hui, en effet, du fait d'une complexité voulue ou subie, nos concitoyens ne comprennent plus un certain nombre de décisions.
L'État donne l'impression qu'il ne sait pas ce qu'il dépense, il n'est pas en mesure de compter exactement le nombre de ses fonctionnaires. À travers une terminologie changeante, il utilise des termes très à la mode. C'est ainsi que le développement « durable » d'hier est devenu « soutenable » ; la gouvernance est « bonne », comme si, un jour, vous aviez entendu un élu, un ministre, dire que la gouvernance n'était pas bonne, surtout la sienne !
Sourires.
Force est de le constater, nos concitoyens ont le sentiment profond que les personnes qui appartiennent aux différents corps de l'État, même si leurs compétences ne sauraient être mises en cause, se révèlent parfois inefficaces dans l'action.
Est-il normal que le maire d'une petite commune attende pendant des semaines, voire des mois, que la DDE veuille bien lui fournir un devis pour des travaux de quelques dizaines de milliers d'euros ? C'est pourtant une réalité !
Est-il normal que les préfets, qui ont un rôle à jouer, pratiquent assez souvent, avec leurs services, la fausse concertation ? En effet, ils organisent des réunions, très longues et parfois fort tardives, au terme desquelles il est très peu tenu compte de l'avis qui est donné par l'ensemble des personnes présentes, au motif que l'Europe nous obligerait à faire ceci ou cela.
Nous ne devons pas avoir affaire aux mêmes, monsieur Hyest ! L'Europe, elle a bon dos !
Dans ce domaine, il y a des choses à revoir !
Monsieur le ministre, je vous le dis d'autant plus clairement que cela concerne tout le monde, nous attendons, en France, un État fort au côté des collectivités territoriales. Mais un État fort ne signifie pas un État qui se limite à sanctionner !
Combien d'élus locaux ont parfois le sentiment que des fonctionnaires, dont la qualité ne saurait être mise en doute, ont l'art de couper les cheveux en quatre ou, comme le disait, Louis-Ferdinand Céline, de faire « de la sodomisation de diptères ».
Sourires.
Nos concitoyens acceptent parfaitement, comme nous, une forme de technocratie, à condition qu'elle ait un visage humain. Monsieur le ministre, nous attendons de vos représentants, à défaut de nous apporter les crédits nécessaires aux programmes que nous montons, qu'ils nous facilitent au moins la tâche et accélèrent les dossiers plutôt que, parfois, de les retarder !
M. François Fortassin. Voilà, monsieur le ministre, ce que je souhaitais vous dire, sans aucune acrimonie de ma part. Ayant été fonctionnaire moi-même, loin de moi, en effet, l'intention de « taper » sur mes anciens collègues. Il n'en reste pas moins vrai que ces remarques concernent l'ensemble de la nation !
MM. Jean-Pierre Sueur et André Boyer applaudissent.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés - ce qui est bien normal -, à commencer par l'excellent rapporteur spécial, M. Henri de Raincourt, ainsi que le rapporteur pour avis, M. José Balarello - il va nous rejoindre -, pour leurs analyses complètes, précises, utiles, et pour la richesse de leurs propositions qui permettront de guider efficacement l'action du Gouvernement.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » se compose de trois programmes : l'administration territoriale, c'est-à-dire les préfectures et les sous-préfectures - j'y reviendrai pour répondre sur ce point aux orateurs -, la vie politique, cultuelle et associative, avec un accent sur les élections, et, enfin, la conduite et le pilotage des politiques de l'intérieur, c'est-à-dire les fonctions d'état-major exercées par le secrétariat général du ministère.
La mission disposera pour 2007 de 2, 7 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de 2, 5 milliards d'euros de crédits de paiement, soit, monsieur le rapporteur spécial, une progression de près de 13 % par rapport à 2006.
C'est un budget qui nous permet d'aller plus loin dans la modernisation, qu'il s'agisse de la simplification des procédures, de la maîtrise des dépenses ou de l'amélioration de nos résultats.
Cela passe d'abord par l'accélération de grands projets structurants.
La sécurisation des titres est enfin réalisée pour les passeports, qui contiennent sous forme électronique la photographie et l'état civil du titulaire. Je le dis très clairement, notamment à M. Sueur, c'est la première étape d'une modernisation d'ensemble des titres d'identité, qui non seulement répond aux normes internationales de circulation, mais vise à rendre ces titres plus sûrs et plus faciles à renouveler.
La deuxième étape aboutira en 2009, mais elle se prépare aujourd'hui. Il s'agit d'intégrer les empreintes digitales dans les futurs passeports et les nouvelles cartes d'identité qui seront lancées simultanément.
J'ajoute qu'une attention toute particulière est portée, en concertation avec l'Association des maires de France, à la définition d'un réseau de proximité pour le traitement des demandes et la remise des titres. Il devrait comprendre au minimum 2 000 mairies.
Monsieur Mercier, avec le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, nous avons tenu à ce que le Parlement puisse rapidement débattre de ces réformes majeures. C'est l'objet d'un projet de loi actuellement soumis à la CNIL.
Quant à la question du partenariat public-privé, elle n'est pas encore arrêtée. Mais il n'y a pas forcément contradiction entre l'exercice des fonctions régaliennes, monsieur Sueur, et le recours à des procédures innovantes, comme nous l'avons d'ailleurs déjà fait pour la construction du pôle Renseignements à Levallois, avec location et option d'achat.
À M. Saugey, dans son intervention brève, mais précise, et à M. Sueur, dans son intervention également précise, mais moins brève
Sourires
L'objectif est clair : il s'agit de renforcer la qualité des prestations assurées par l'État, en regroupant des compétences aujourd'hui dispersées entre plusieurs ministères.
La modernisation, c'est aussi le nouveau système d'immatriculation des véhicules, SIV, qui entrera en vigueur en 2008. Fondé sur un numéro unique pour la durée de vie du véhicule, il permettra de dématérialiser 60 % des 23 millions d'opérations annuelles touchant l'immatriculation. Il a été prévu sur ces plaques une possibilité d'identification géographique, régionale ou départementale ; je crois me souvenir qu'il y a les deux possibilités.
Il s'agit d'une réforme indispensable non seulement pour remplacer un système à bout de souffle de gestion des cartes grises, mais aussi pour simplifier les démarches des usagers et, surtout, pour lutter contre la fraude.
Enfin, la refonte de l'application de gestion des titres des étrangers sera lancée en 2007 ; c'est le projet Gregoire. L'objectif est d'intégrer la dimension interministérielle de ces dossiers et de prendre en compte l'introduction des empreintes dans les titres. Cela permettra d'accélérer les procédures, de mieux sécuriser les titres et de fiabiliser nos statistiques sur les flux migratoires. Le déploiement national interviendra en 2009.
Au total, les titres seront mieux protégés, plus faciles à produire et offriront à leurs détenteurs des services plus performants.
Monsieur Sueur, j'ai bien intégré, derrière une attaque un peu facile, pardonnez-moi de le dire, vos remarques relatives à la stratégie ministérielle de réforme, désormais qualifiée feuille de route de modernisation.
Quant aux budgets opérationnels de programme, ils ne sont que la conséquence de la mise en oeuvre de la LOLF adoptée, me semble-t-il, à une très large majorité par la Haute Assemblée.
Mais la modernisation ne s'arrête pas à la définition de nouveaux titres. J'en donnerai un seul exemple avec le contrôle de légalité.
Si la loi du 13 août 2004 a permis de réduire de 20 % le nombre d'actes transmis aux préfectures, ils étaient encore près de 7 millions en 2005. Chacun comprendra qu'un examen exhaustif de ces actes rend impossible un contrôle approfondi.
C'est pourquoi, monsieur Mercier, avec le ministre d'État, nous avons demandé aux préfets de se doter de stratégies de contrôles ciblées sur les enjeux principaux : intercommunalité, commande publique, urbanisme et environnement. C'est la circulaire du 17 janvier 2006.
Les préfets ont aussi été encouragés à mettre en place des pôles de compétences, en déclinant ce qui existe avec le pôle interrégional de Lyon, qui assiste vingt-six préfectures et couvrira, à partir du 1er janvier, le territoire national, à l'exception de l'Île-de-France.
En parallèle, toutes les collectivités qui le souhaitent auront la possibilité, d'ici à la fin de l'année, de transmettre leurs actes sous une forme dématérialisée. Cette faculté est déjà utilisée dans près de quarante départements.
La deuxième priorité est de renforcer les compétences des agents afin d'offrir un meilleur service aux Français.
D'ici à la période 2010-2015, le ministère de l'intérieur va devoir relever deux défis que j'avais évoqués l'année dernière : le doublement des départs à la retraite et le développement de missions exigeant des agents plus qualifiés.
Pour y faire face, le plan de requalification lancé l'an dernier sera accéléré. Près de 1 100 postes seront ainsi requalifiés en 2007, et 4 700 d'ici à 2010.
Monsieur Sueur, cet effort est rendu possible par le non-remplacement, dès cette année, de 404 départs, dont 315 en préfectures. Les intervenants, dans leur quasi-totalité, ont évoqué cette donnée. D'ici à 2010, 1500 emplois seront supprimés. Enfin, dès 2007, les crédits de formation atteindront 1, 5 % de la masse salariale, contre 1, 2 % aujourd'hui.
Au final, cela signifie moins d'activité de guichet et plus de cadres, mieux payés et mieux formés. Cette préoccupation faisait l'objet de l'une de vos interrogations, monsieur Sueur.
Je vais le préciser !
Ce progrès ne tombe pas du ciel. Il résulte en réalité d'une analyse assez approfondie des besoins que nous avons estimés jusqu'à 2010. Cette évolution des effectifs se fait non pas à qualité de service inchangée, mais à qualité de service améliorée.
Ces évolutions s'inscrivent dans le champ des réformes statutaires, notamment la fusion des corps. À partir du 1er janvier, 40 000 agents d'administration centrale, des préfectures, de la police et de l'outre-mer seront progressivement regroupés en trois corps, au lieu de seize aujourd'hui. Cette réforme offrira aux agents des possibilités nouvelles de mobilité et une gestion des ressources humaines beaucoup plus cohérente.
Enfin, madame Mathon-Poinat, 11, 4 millions d'euros seront consacrés à la poursuite du rattrapage indemnitaire avec les autres ministères, soit deux fois plus qu'en 2006. L'objectif clair qui est le nôtre - mais il peut y avoir des différences entre nous - est que la rémunération prenne mieux en compte la performance des agents et devienne un véritable outil de motivation.
Nous voulons apporter la preuve par l'exemple que la modernisation de la fonction publique est possible, et que chacun peut y trouver son compte : les contribuables, grâce à la diminution du nombre d'emplois, les citoyens, grâce à l'amélioration du service, mais aussi les fonctionnaires, auxquels cette modernisation offre de nouvelles perspectives.
Cette nouvelle approche exige une adaptation des structures territoriales de l'État.
Elle a été lancée en 2005 au niveau régional, avec le regroupement des services déconcentrés en huit pôles permettant au préfet de mieux assurer la cohérence de l'État.
La réforme départementale a été engagée en 2006 avec les mêmes objectifs : renforcer l'unité de l'État, la rendre plus visible, mais aussi rationaliser les dépenses.
M. Balarello l'a rappelé, la réforme s'est appuyée sur les propositions des préfets. La fusion des DDE et des DDAF dans huit départements entrera ainsi en vigueur le 1er janvier prochain. Des délégations interservices très intégrées sont déjà à l'oeuvre sur des thèmes comme la politique de l'eau, la cohésion sociale ou la politique de la ville, de même que la mutualisation des moyens sur des fonctions transverses - achats, immobilier, formation.
L'expérience la plus emblématique est conduite dans le Lot, avec le regroupement de tous les services de l'État - plus de vingt - en trois directions, respectivement chargées de la sécurité, des populations et des territoires, et le renfort d'une direction logistique.
L'adaptation des structures m'amène à évoquer, cher Henri de Raincourt, le rôle et la pérennité des sous-préfectures, préoccupation exprimée et partagée par M. Sueur.
Ma conviction est que si les sous-préfets ont un rôle fondamental à jouer au coeur de l'action publique, ce rôle doit nécessairement évoluer. Il devra désormais reposer sur deux piliers identifiés : la sécurité des populations et l'utilité publique, au sens de la capacité à dégager l'intérêt général.
L'exigence de sécurité, ce n'est pas seulement la lutte contre la délinquance. C'est aussi la préservation de l'emploi, la gestion des risques naturels et industriels, ou encore la protection sanitaire et alimentaire.
L'utilité publique, elle, rejoint la question du développement durable, au sens de l'équilibre entre l'ensemble des priorités qui s'expriment sur un territoire.
La vocation première du sous-préfet est d'incarner la proximité de l'État dans ces deux objectifs de sécurité et d'utilité publiques. C'est pour moi le préalable à toute réflexion sur le maillage du territoire. Au-delà des symboles, le nombre et l'implantation à venir des sous-préfectures découleront d'abord des missions et des moyens que l'on décidera de leur confier.
Bien que cela concerne plutôt la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je voudrais répondre à Bernard Saugey au sujet des suites du rapport de la commission présidée par le professeur Machelon.
Ce document, extrêmement riche, a été adressé aux responsables des grandes familles spirituelles et aux associations d'élus. Comme M. le ministre d'État et moi-même l'avons dit à plusieurs reprises, nous souhaitons ouvrir ce débat sans tabou. Il faut faire vivre les principes fondamentaux de la laïcité, mais sans s'interdire de réfléchir à des ajustements des textes aux réalités de notre temps.
Le financement de la construction des lieux de culte est ici une question centrale. Il n'est pas sain et il n'est pas juste que les fidèles de certaines confessions rencontrent des difficultés pour pratiquer leur culte. Le rapport propose plusieurs pistes. Faut-il aller jusqu'à permettre aux communes de subventionner la construction des lieux de culte ?
Il faut y réfléchir et savoir si c'est un moyen pour éviter des financements obscurs. C'est, en tout cas, un débat que nous devrons avoir.
Monsieur Fortassin, je vous rassure : grâce à la LOLF, nous avons enfin une mesure précise des effectifs de l'État en équivalents temps plein. Pour le reste, je vous le réaffirme, nous sommes attachés à l'État fort, pour soutenir autant que pour contrôler.
Je voudrais maintenant revenir sur ce qui fonde ce projet de budget : améliorer la performance en rationalisant les dépenses. J'en donnerai deux exemples.
Le premier concerne les crédits de fonctionnement courant des préfectures, qui diminueront ainsi de 5 % en 2007. Comme vous l'avez relevé dans un récent rapport, monsieur de Raincourt, cette baisse est le fruit d'une gestion rigoureuse, qui a permis de réaliser d'importantes économies depuis 2004. Je vous remercie d'en avoir donné acte.
Á ceux qui ont ironisé sur les baisses des frais de téléphonie fixe, je ferai remarquer qu'entre 2003 et 2005 ces frais ont diminué de 21 %, les achats informatiques et les dépenses de téléphonie mobile de 10 %. Dans le même temps, le délai de traitement des titres reculait de près de 60 % pour les cartes d'identité, de 25 % pour les passeports et de 11 % pour les cartes grises. L'exercice en cours confirme ces évolutions.
Madame Mathon-Poinat, s'agissant de la téléphonie mobile, on peut baisser de 10 % ces dépenses sans diminuer le volume des appels. Cela s'appelle la mise en concurrence - vous n'avez pas employé ce mot, je ne comprends pas pourquoi.
Sourires.
Ou, si vous préférez, une économie d'échelle. Ce sont autant de concepts qui doivent contribuer à une vision moderne de l'État.
Le second exemple a trait à l'immobilier. La prochaine installation du pôle Renseignements à Levallois - qui regroupera la Direction de la surveillance du territoire, ou DST, la Direction centrale des renseignements généraux, ou DCRG, et la Division nationale antiterroriste, ou DNAT - rassemblera 1 800 agents qui traitent de sujets communs. Cette opération s'inscrit dans un processus visant à rationaliser les implantations, afin de les adapter aux besoins des usagers et des services, et de les sécuriser.
Vous vous interrogez aussi, monsieur le rapporteur spécial, sur la lisibilité du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », CPPI, qui regroupe les fonctions transversales du ministère, comme la gestion des ressources humaines, le conseil juridique ou les systèmes d'information.
Je crois, comme vous - nous sommes une fois de plus sur la même ligne -, qu'il faut mieux préciser sa finalité. « CPPI » ne peut, en effet, être réduit à un simple programme de soutien. Il s'agit bien plus d'assurer la continuité de l'action du ministre de l'intérieur sous les angles des communications, de la sécurité juridique et du dialogue social, sans oublier l'indispensable prospective stratégique. C'est donc un programme qui a toute sa cohérence et qui est capital pour le fonctionnement de l'État.
M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis ont aussi souligné l'importance des dépenses pour refus de concours de la force publique. Les mesures prises pour les contenir, notamment l'encadrement des transactions amiables, permettront de maintenir ces dépenses dans l'enveloppe prévue pour 2006. La généralisation en 2007 des bonnes pratiques développées par les préfectures renforcera, j'en suis certain, cette tendance positive.
Concernant le délai nécessaire à l'aboutissement des reconnaissances d'utilité publique, plusieurs mesures ont déjà été mises en oeuvre, comme un délai limité à deux mois pour la concertation interministérielle ou la numérisation et la mise en ligne des dossiers. Très concrètement, cela signifie que l'exercice en cours devrait aboutir à un taux de traitement en moins de six mois de l'ordre de 60 % et l'objectif pour 2007 est fixé à 95 %.
Un mot enfin sur l'organisation des élections présidentielle et législatives de 2007.
Ah ! sur les travées de l'UMP.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je sens qu'il y a quelques candidats motivés dans la Haute Assemblée !
Sourires.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Donc, deux de plus aujourd'hui ! Et des vocations sont encore possibles !
Nouveaux sourires.
C'est l'organisation de ces élections qui explique, pour l'essentiel, la progression des crédits de la mission AGTE. Nous avons évalué au plus juste, à 244 millions d'euros, les crédits de paiement nécessaires.
Il reste toutefois, comme vos rapporteurs l'ont souligné, plusieurs facteurs d'incertitude, notamment le nombre de candidats à chaque scrutin ou l'évolution des dépenses postales. C'est pourquoi les autorisations d'engagement ont été prudemment estimées plus largement à 404 millions d'euros, en sachant qu'elles couvriront aussi des dépenses n'intervenant qu'en 2008.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les lignes de force de ce projet de budget pour la mission AGTE. Vous avez bien voulu noter, messieurs les rapporteurs, et vous aussi, monsieur Saugey, les progrès accomplis depuis l'an dernier et l'assimilation de la culture de la performance par les agents. Je veux remercier chacun de ceux qui sont intervenus, ainsi que M. Michel Mercier qui, lui, n'est pas intervenu.
Permettez-moi de saluer en votre nom les hommes et les femmes qui ont permis ce résultat par leur faculté d'adaptation et leur sens du service public.
La volonté du ministre d'État, comme la mienne, est de continuer à progresser dans cette voie, sous le double signe de la responsabilité et de la performance.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » figurant à l'état B.
Mission
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Administration générale et territoriale de l'État
Administration territoriale
dont titre 2
1 304 598 761
1 304 598 761
Vie politique, cultuelle et associative
dont titre 2
104 538 990
104 538 990
Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur
dont titre 2
222 446 103
222 446 103
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Le Sénat va examiner les crédits des missions « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 51 bis à 51 sexies) et « Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est sûrement quelque peu redondant d'entreprendre un nouveau débat sur les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales puisque nous y avons déjà consacré un après-midi et une soirée au cours desquels nous avons examiné l'essentiel de la question.
Néanmoins, le formalisme de la discussion budgétaire nous conduit à présenter, le plus rapidement possible d'ailleurs, les crédits des missions « Relations avec les collectivités territoriales » et « Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales ». Sans reprendre tout ce que nous avons dit, je me limiterai à de brèves observations et à quelques questions.
Monsieur le ministre, au cours de votre intervention, vous m'avez lancé quelques appels, et je ne manquerai pas d'y répondre.
L'ensemble des crédits consacrés à ces deux missions, qui ne sont pas tous des crédits budgétaires, représentent 130 milliards d'euros. C'est donc une somme très importante qui sous-tend les relations entre l'État et les collectivités locales.
Pour que vous puissiez plus facilement répondre à ma première question, monsieur le ministre, compte tenu du classement politique dans lequel M. Copé vous a rangé voilà quelques jours à cette tribune
Sourires
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ...j'utiliserai une expression que vous reconnaîtrez à l'évidence comme faisant partie du clan chiraquien : pourquoi l'effort financier réel du Gouvernement à l'égard des collectivités locales fait-il « pschitt » ?
Nouveaux sourires.
En tout cas, elles ne sont pas satisfaites de leurs relations avec l'État.
On peut se poser la question : alors que les crédits sont là, alors que le Gouvernement a fait un réel effort, pourquoi les choses ne vont-elles pas mieux ? Á cette question, il y a, à l'évidence, plusieurs réponses. L'une de celles qui s'impose à nous, c'est qu'avec l'Acte II de la décentralisation les collectivités locales ne forment plus un bloc unique.
Leurs problèmes n'étant plus tous les mêmes, on ne saurait leur apporter une seule réponse.
Il est vrai que pour les communes, la première question, c'est celle des recettes. De ce point de vue, vous apportez un certain nombre de réponses, sur lesquelles je ne reviens pas.
Les intercommunalités, notamment toutes celles qui ont été poussées par le Gouvernement et par l'ensemble des acteurs à choisir la taxe professionnelle unique, sont inquiètes, et on peut tout à fait le comprendre. En effet, la mise en place de la réforme de la taxe professionnelle va geler une part importante de leurs bases.
Pour les régions, la question est probablement de savoir comment Réseau ferré de France va, demain, leur demander de financer tout le développement du ferroviaire de proximité.
Pour les départements, monsieur le ministre, je serai tenté de vous dire que la question concerne non pas les recettes, mais les dépenses. Dès lors, je voudrais, de ce point de vue, vous poser une question toute simple : quand les ministres vont-ils cesser de dépenser pour les collectivités locales, notamment pour les départements ? C'est une vraie question.
Vous faites un effort important en augmentant la DGF des départements. Malheureusement, cette augmentation est entièrement consommée par les décisions de dépenses qui vont être prises, auxquelles vous concourez vous-même.
Ah si ! et c'est bien ce qui me désole.
Vous avez notamment mis sur la table 65 millions d'euros pour les sapeurs-pompiers, ...
...qui, n'étant en effet pas satisfaits, sont partis et, tel que je vous connais, vous allez sûrement rajouter 10 millions d'euros pour qu'ils reviennent, ce qui fera 75 millions d'euros. C'est plus que ce que vous donnez aux départements !
Les dépenses sont donc devenues pour les collectivités locales une question centrale et essentielle : il faut véritablement que le Gouvernement cesse de dépenser pour elles.
Dans quelques jours, le Gouvernement va publier toute une série d'arrêtés et de décrets visant à augmenter les minima sociaux et notamment le RMI, dont la hausse va probablement être plus ou moins égale à l'inflation, ce qui m'amène, monsieur le ministre, à vous poser une troisième question, qui concerne le droit à compensation au titre du RMI.
Le droit à compensation, qui est régi par la loi, a été délimité par le Conseil constitutionnel, et je vous donne volontiers acte, monsieur le ministre, que vous faites non seulement tout ce que le Conseil constitutionnel vous a imposé de faire, mais même un peu plus à travers la dotation du FMDI, le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion. Néanmoins, monsieur le ministre, faites-vous réellement ce que vous devez faire dès lors que c'est le Gouvernement qui fixe le montant de la dépense liée au RMI ?
Le droit à compensation peut être bloqué au moment du transfert si la dépense ne relève que de la collectivité locale. Or, avec le RMI, elle relève chaque année de l'État, ce qui constitue un vrai problème, sur lequel j'aimerais entendre vos observations.
Puis, je le dis très clairement, pour le RMI, c'est un problème de gestion et de pouvoir de la collectivité locale sur l'ensemble des questions de gestion, notamment dans les relations avec les caisses d'allocations familiales.
Quant à la mission « Avances aux collectivités territoriales », elle est, normalement, structurellement déficitaire. Or, depuis plusieurs années, elle est excédentaire, et excédentaire non pas de quelques euros mais de 500 millions d'euros !
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, ce que représentent ces 500 millions d'euros. S'agit-il de sommes que vous avez « oublié » de verser aux collectivités locales, de sommes que vous avez perçues en trop sur les contribuables locaux, ou encore - ce qui n'est pas impossible - de sommes dont on ne sait rien ?
Sourires.
Dans cette troisième hypothèse, qui est peut-être la plus certaine, je suggère que cette année la commission des finances s'attache, si son président le veut bien, à découvrir l'origine de ces 500 millions d'euros.
En effet, qu'à un moment où les collectivités locales sont confrontées à des problèmes de financement pour nombre de leurs dépenses une mission affiche un excédent de 500 millions d'euros dont on ne sait ni d'où ils viennent ni où ils iront - si ce n'est dans la caisse unique de l'État, qui en a bien besoin, je vous l'accorde, monsieur le ministre - est tout de même curieux, et il serait bon d'éclairer les collectivités locales sur ce point.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que, sans refaire un exposé général, je souhaitais vous poser.
Je rappelle à la Haute Assemblée que la commission des finances lui recommande d'adopter les crédits des missions « Relations avec les collectivités territoriales » et « Avances aux collectivités territoriales », qu'elle a émis un avis favorable sur les articles 51 bis, 51 ter, 51 quinquies et 51 sexies, et qu'elle réserve son avis sur l'article 51 quater.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales, organisé la semaine dernière, j'ai eu l'occasion d'évoquer l'évolution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, les compensations financières des transferts, créations et extensions de compétences, et la question de la maîtrise des finances locales.
Mon propos se concentrera donc aujourd'hui, d'une part, sur la mise en oeuvre de la LOLF et, d'autre part, sur l'évolution de l'intercommunalité.
Comme je l'indiquais déjà l'an passé, la LOLF constitue un cadre peu adapté aux relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.
Tout d'abord, les concours financiers de l'État n'ont pu être regroupés au sein d'une mission unique. En effet, près des trois quarts d'entre eux prennent la forme de prélèvements sur recettes et figurent dans la première partie du projet de loi de finances.
Pour ce qui concerne les crédits budgétaires, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » retrace uniquement les dotations inscrites au budget du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, leur montant étant fixé à un peu plus de 3 milliards d'euros.
Certains crédits restent rattachés à d'autres missions, dont la responsabilité relève d'autres ministères que le ministère de l'intérieur. Leur montant atteindra 1, 7 milliard d'euros en 2007.
Ensuite, nombre de concours financiers de l'État aux collectivités territoriales obéissent à des règles de calcul et d'évolution qui sont fixées par la loi et qui constituent pour elles autant de garanties, mais les gestionnaires des programmes ne disposent d'aucun pouvoir de décision. Dès lors, l'élaboration d'objectifs de performance et d'indicateurs de résultat perd une grande partie de son intérêt.
Quelques objectifs et indicateurs n'en ont pas moins été retenus : certains mesurent l'efficacité des gestionnaires de programmes, d'autres celle de la législation.
Les premiers résultats enregistrés en 2005 grâce à ces indicateurs sont globalement satisfaisants.
Ils mettent en lumière l'efficacité de la direction générale des collectivités locales dans le calcul des dotations de l'État, qui, il faut le dire, n'ont pas fait l'objet de rectifications de grande ampleur.
Ils mettent aussi en valeur des effets de levier importants pour la dotation globale d'équipement des communes mais décevants pour la dotation de développement rural et la dotation globale d'équipement des départements.
Enfin, ils montrent un renforcement sensible de la péréquation, puisque le montant total des différentes composantes de la dotation globale de fonctionnement qui y sont spécifiquement consacrées est passé de 3 milliards à 5, 4 milliards d'euros entre 2003 et 2006, ainsi qu'un fort développement de la coopération intercommunale, lequel constitue l'un des objectifs assignés aux prélèvements sur recettes de l'État.
À cet égard, permettez-moi d'évoquer plus particulièrement le sujet des établissements publics de coopération intercommunale.
Au 1er janvier 2006, on dénombrait 2 573 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, regroupant 32 915 communes et presque 56 millions d'habitants. En outre, un peu moins de 1 200 établissements, regroupant 40 % des communes et 64 % de la population française, avaient opté pour le régime fiscal de la taxe professionnelle unique.
Ce succès quantitatif masque cependant des faiblesses, mises en exergue par un grand nombre de rapports récents, qui tiennent au manque de rationalité de certains périmètres, à la difficulté d'effectuer un partage clair entre les compétences conservées par les communes et celles qui ont été transférées aux EPCI, ainsi surtout qu'à l'apparition de surcoûts plutôt que d'économies d'échelle.
La question du mode d'élection des délégués communautaires est également posée même si, à titre personnel, je ne suis guère favorable aux modifications envisagées par crainte de voir disparaître nos communes : le jour où les communes ne désigneront plus leurs représentants aux EPCI, elles deviendront des « coquilles vides ».
Diverses réformes ont d'ores et déjà été entreprises pour remédier à ces faiblesses ; d'autres sont à l'étude.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, vous interroger sur deux points.
Afin d'éviter que les EPCI à fiscalité propre ne soient des « coquilles vides », la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales puis la loi du 13 juillet 2005 d'orientation sur l'énergie ont exigé que l'intérêt communautaire, qui constitue la ligne de partage entre les compétences conservées par les communes et celles qui sont transférées à l'établissement, soit défini avant le 18 août 2006. Passé ce délai, les compétences devaient être intégralement exercées par les EPCI. Qu'en est-il ?
Par ailleurs, pour favoriser les économies d'échelle, la loi du 13 août 2004 a autorisé une gestion conjointe des personnels et des équipements entre les communes et les EPCI. Je crois savoir que ces possibilités sont contestées par la Commission européenne. Là encore, qu'en est-il exactement ?
Sous réserve des réponses à ces deux questions, la commission des lois, consultée pour avis, s'est bien entendu déclarée favorable à l'adoption des crédits.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce qui concerne les relations financières entre l'État et les collectivités locales, nous avons deux sujets de préoccupation : la justice et la péréquation.
S'agissant d'abord de la justice, force est de constater, monsieur le ministre, que plusieurs des mesures qui ont été prises lui tournent le dos.
Je veux parler du « bouclier fiscal », qui profite à nos concitoyens dont les revenus sont les plus élevés mais qui se traduit par un manque à gagner de 43 millions d'euros sur la dotation globale de fonctionnement pour les collectivités locales.
Je veux parler des décisions, prises sur l'initiative de M. le Président de la République, relatives à la taxe sur le foncier non bâti, qui mettent en grande difficulté nombre de communes rurales dont les ressources diminuent, ce qui a naturellement des répercussions sur leurs capacités d'investissement et de fonctionnement.
Je veux parler aussi de la réforme de la taxe professionnelle : alors que le rapport remis au Gouvernement contenait des idées intéressantes, le plafonnement qui a été décidé a des conséquences très difficiles à gérer pour les intercommunalités, dont beaucoup ne savent comme traiter le problème, ...
...mais peut-être, monsieur le ministre, allez-vous pouvoir nous éclairer.
D'abord, si rien ne change, ce sont 526 millions d'euros qui seront prélevés sur le budget des collectivités territoriales.
Oui, monsieur le rapporteur pour avis, mais ou ce prélèvement est compensé à due proportion, et, dans ce cas, il n'y a pas de problème, ou il ne l'est pas. Or il ne l'est pas.
Les intercommunalités se trouvent donc, et se trouveront, devant le dilemme suivant : augmenter soit les impôts sur les ménages, soit la taxe professionnelle sur les entreprises qui ne sont pas plafonnées, lesquelles sont le plus souvent des PME, et je ne crois pas que cette augmentation serait bénéfique pour notre économie !
À ce jour, ces interrogations restent sans réponses, mais j'en viens, monsieur le ministre, à la question de la péréquation.
Le Gouvernement avait beaucoup insisté pour que soit inscrite dans le cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution la disposition suivante : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »
Or, hélas ! on constate dans le présent projet de loi de finances que la péréquation n'augmentent pas.
Je voudrais, à cet égard, suggérer une réflexion sur l'évolution de la DGF depuis plusieurs années.
La dotation globale de fonctionnement, tout au long de son histoire, me paraît l'exemple même de l'addition perpétuelle de bonnes intentions qui aboutissent souvent à des effets contraires à ceux qui étaient annoncés.
Avant 1993, c'est-à-dire avant la réforme qui a été mise en oeuvre par Daniel Hoeffel, plusieurs dizaines de critères entraient en jeu - population, potentiel fiscal, effort fiscal, voirie, logements sociaux, nombre de classes, considérations touristiques, etc. -, qui étaient pris en compte dans le calcul de la DGF, tant et si bien qu'il était très difficile de voir l'effet concret de chacun de ces critères pour la bonne raison que la masse de ces derniers annulait l'effet de chacun d'entre eux pris individuellement. L'on aboutissait ainsi à une sorte d'illisibilité, rendant très ardue la compréhension du dispositif.
Daniel Hoeffel a proposé au Parlement, qui l'a accepté, de cristalliser les choses et une part de la DGF a ainsi été transformée en cette dotation forfaitaire. L'ennui, c'est que cela a conduit à un système dans lequel la dotation forfaitaire côtoyait les dotations dites de péréquation qui, elles-mêmes, n'étaient que la conséquence en quelque sorte de ce qui restait une fois que l'on avait satisfait aux règles fixant la dotation forfaitaire.
Je me permets de dire que, s'agissant des dotations dites de péréquation, bien du travail reste à faire.
Quant à la dotation d'intercommunalité, elle a, certes, des effets péréquateurs, mais de manière relativement marginale, me semble-t-il. Ce n'est pas parce qu'on est une intercommunalité qu'on est riche ou pauvre : il existe des intercommunalités riches et des intercommunalités pauvres. Or il est clair que l'on a créé cette dotation pour développer l'intercommunalité. D'ailleurs, aujourd'hui, l'intercommunalité à fiscalité propre s'est presque généralisée, et il n'est pas sûr que les montants qui y sont affectés aient un effet péréquateur massif. Je crois, à vrai dire, que c'est tout le contraire.
La dotation de solidarité rurale, pour sa part, est censée être péréquatrice, et je crois effectivement que l'effort en faveur des communes rurales est très important ; cela étant dit, son mode de répartition obéit à des règles telles que je ne suis pas sûr qu'elle corrige véritablement les inégalités. En tout cas, je crois qu'elle pourrait les corriger davantage.
Concernant la dotation de solidarité urbaine, on devrait réfléchir à la situation des communes qui la perçoivent. On comprendrait alors tout l'intérêt de réorienter cette dotation vers les communes qui éprouvent réellement des difficultés - elles sont nombreuses dans ce cas -, je pense, notamment, à la reconstruction de certains quartiers qui demande un effort considérable.
Mais je reviens à la question du rapport entre la dotation forfaitaire et la dotation de péréquation.
On a voulu réformer cette dotation forfaitaire, et ce faisant, on a retrouvé le chemin de la complexité, avec toujours, soit dit en passant, de très bonnes intentions. Ainsi a-t-on pris en considération la base, la population, les ressources, la superficie auxquelles ont été ajoutées la compensation de la taxe professionnelle puis cette fameuse dotation de garantie.
Cette dotation de garantie, et je parle sous le contrôle du président du Comité des finances locales...
Cette dotation de garantie, disais-je, recouvre deux situations très différentes que l'on discerne d'ailleurs très bien à la lecture des amendements proposés par l'Association nationale des élus de la montagne.
La difficulté est la suivante : d'une part, certaines collectivités sont dans une situation atypique, c'est-à-dire qu'elles perçoivent une dotation plus élevée que la moyenne, ce qui leur permet de maintenir leurs ressources, et, d'autre part, d'autres collectivités sont en difficulté.
La réforme qui a été proposée à l'Assemblée nationale, à savoir le plafonnement pour les communes dont la garantie par habitant est supérieure à 1, 5, entraîne des effets tout à fait pervers que l'on nous demande de rectifier.
Cependant, nous en sommes arrivés à une complexité telle que l'on doit toujours rectifier les choses pour aboutir finalement à une sorte de statu quo dont l'illisibilité est toujours plus grande.
De la même manière, on pourrait parler - et nous le ferons sans doute lors de la discussion des amendements - de la DGF des départements et de la manière dont la prise en compte de la dotation forfaitaire dans leur potentiel financier aboutit à de véritables aberrations. C'est ainsi que le département de la Lozère, qui était au deuxième rang des départements les moins riches, se situe désormais, après cette opération, au trente-cinquième rang, tandis que la Haute-Corse passe du cinquième au soixante-cinquième rang !
Par conséquent, on va une nouvelle fois changer ce dispositif. Nous sommes ici un certain nombre à nous efforcer de suivre ce feuilleton, mais c'est extrêmement compliqué.
Je voudrais terminer mon intervention, mes chers collègues, par une épître, très brève, à la prochaine ou au prochain Président de la République - l'ordre dans lequel je place ces deux adjectifs montre mon choix, qui est d'ailleurs bien connu, pour l'élection présidentielle, même si je ne sais pas, et d'ailleurs nul ne le sait, quel sera celui des Françaises et les Français !
Cette épître pourrait s'énoncer ainsi : Madame la présidente, ou monsieur le Président de la République, je vous fais une modeste suggestion. Étant donné que le quinquennat ne dure, par définition, que cinq ans, il serait primordial de ne pas commencer par charger un brillant parlementaire de rédiger un rapport au terme duquel, une fois que ce dernier sera publié, sera mise en place une commission - il en fut d'excellentes - qui, après un an de travaux, nous fera part de ses conclusions. Je crains, en effet, que l'ensemble du champ politique ne considère, les prochaines élections se profilant, qu'il est sage de reporter les nécessaires réformes.
Dans cette brève épître, je voudrais suggérer deux dispositions qu'il faudrait prendre rapidement.
La première consisterait à mettre tout de suite en oeuvre une réforme de la fiscalité en introduisant, d'une part, le facteur revenu et, d'autre part, une réactualisation permanente et décentralisée des bases locatives.
Nous savons tous que le dispositif actuel ne peut perdurer. Or, si on passe cinq ans à réfléchir, eh bien, on ne le réformera pas plus qu'on ne l'a fait, tous gouvernements confondus, dans les années passées !
Par ailleurs, je propose que l'on revoie cette DGF en déclarant clairement que si l'on veut faire de la péréquation et si l'on veut que celle-ci augmente, on ne peut maintenir les dotations forfaitaires au même niveau pour tout le monde. En effet, si l'on fait le choix de la péréquation, on ne peut en même temps faire le choix du statu quo.
Certes, je n'ignore pas le grand nombre de pressions, madame la présidente ou monsieur le Président de la République, que vous ne manquerez pas de subir, ainsi que l'ensemble de vos ministres, pour que les communes - qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, qu'elles soient touristiques ou non, qu'elles soient situées en plaine ou en montagne - continuent à percevoir la même chose que l'année précédente ! C'est peut-être une bonne idée, mais si tout le monde perçoit la même somme que l'année précédente et que l'on raisonne à volume constant, alors il n'y a pas plus de péréquation.
Nous devons donc faire le choix de la justice en faveur des zones rurales et des quartiers en difficulté, car nous savons que dans ce domaine nous sommes loin du compte. S'il s'agit réellement de priorités, il conviendra alors de faire des choix simples.
Je note que si ces choix étaient énoncés et mis en oeuvre de cette manière - même si des dispositifs de transition sont inévitables -, cela aurait de surcroît le mérite d'être lisible, tandis que, je le répète, il est aujourd'hui devenu complètement impossible de comprendre les dispositifs dont nous parlons. En effet, le système est d'une complexité telle que l'on s'y perd et cette complexité va toujours croissant, tant il est vrai que l'on ne cesse de réformer un dispositif qui, lui-même, est devenu illisible et dont les effets ne sont pas prévisibles.
Nous connaissons aujourd'hui deux situations qui montrent que les bonnes intentions affichées l'an dernier ne se sont pas traduites dans les faits.
En conclusion, mes chers collègues, j'espère vivement, au-delà des choix que chacun fera en 2007, que le pouvoir alors en place aura la volonté de conduire cette réforme qui, selon nous, doit aller prioritairement dans le sens de la péréquation et de la justice.
M. Pierre-Yves Collombat applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis d'intervenir après M. Sueur, car je considère que ce dernier a, sur la péréquation, des idées quelque peu obsolètes !
Je m'explique : lorsque, voilà quelques années, nous avons modifié complètement l'armature de la DGF en doublant, et même en triplant, son produit, nous avons décidé de donner une accélération à la dotation de péréquation qui profite tant à la DSU qu'à la DSR et de ralentir la croissance d'autres dotations.
Certes, les villes qui ne bénéficient ni de la DSR ni de la DSU sont aujourd'hui en situation un peu difficile, notamment celles dont le potentiel financier est faible, et ce parce qu'elles ne parviennent pas à équilibrer leur budget et leurs comptes.
En revanche, si je regarde ce qui s'est passé, d'une part, pour les 4 000 bourgs ruraux qui constituent l'armature du pays et, d'autre part, pour les communes les plus concernées par la DSU, je m'aperçois qu'en quelques années, grâce à cette réforme, la péréquation a été très fortement augmentée.
À cet égard, monsieur le ministre, - c'est ma première observation - je souhaite que le Gouvernement publie de manière claire, en mentionnant un certain nombre d'exemples précis - je pense à Chanteloup-les-Vignes, à Monflanquin et à un certain nombre de bourgs ruraux et de communes en difficulté -, les résultats réels de la péréquation depuis 2001.
M. Alain Gournac opine.
Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, évoquer la compensation dont M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a dit qu'elle se heurtait à une difficulté.
Je dois, pour ma part, témoigner à cette tribune que le Gouvernement a fait tous les efforts possibles pour que le calcul de la compensation soit le plus honnête et le plus proche de la réalité.
Cela étant dit, un problème se pose, je veux parler du transfert des personnels. En effet, nous nous sommes aperçus de deux choses : d'une part, les administrations centrales ne connaissent pas parfaitement l'état réel de leurs effectifs sur le terrain - ce qui crée beaucoup de problèmes de postes vacants, de gens en congé de maladie ou en difficulté, etc. - et, d'autre part, le transfert de l'organisation d'une administration centrale ou régionale à des départements ou des communautés d'agglomération pose des problèmes extrêmement complexes.
C'est la raison pour laquelle - c'est ma deuxième observation - je souhaite, monsieur le ministre, que vous mettiez en place un groupe de travail avec l'Association des maires de France, l'Association des régions de France et l'Assemblée des départements de France, afin d'examiner de quelle manière il serait possible de donner quelques marges de manoeuvre aux départements, aux régions ainsi qu'aux grandes collectivités pour réformer l'organisation de leurs services.
Les lois que nous avons votées sont très précises et il faut réfléchir au système d'organisation qui convient le mieux. Je pense ici à un exemple très significatif dont j'ai eu à connaître dans mon propre département. Le texte que nous avons adopté sur la maison du handicap risque de centraliser au niveau du département l'ensemble des actions en matière du handicap.
Or cela est absurde ! En effet, il vaut mieux que les communes ou les communautés d'agglomération s'occupent de ce problème pour ne laisser au département que le calcul et le versement de l'indemnité compensatoire.
Il se pose donc un problème d'organisation qui explique l'inquiétude des collectivités bénéficiant de subventions, alors que le Gouvernement déclare qu'il a fait ce qu'il fallait en accordant l'argent nécessaire.
Pour ma part, il me semble qu'il faut examiner attentivement la façon dont peuvent fonctionner, dans le cadre de l'Acte II de la décentralisation, un certain nombre de services qui ont été transférés aux départements ou aux régions, car c'est là que gît la difficulté. Cette situation est aggravée par les problèmes liés aux indemnités, à la durée du travail, à l'existence ou non d'un certain nombre de personnels au sein des différentes organisations, etc.
Enfin, monsieur le ministre, après la péréquation et la compensation, je voudrais aborder un troisième point qui me paraît tout aussi important.
J'assistais hier, comme vous-même d'ailleurs, au conseil d'orientation des finances publiques et j'ai pu, à cette occasion, me rendre parfaitement compte de l'effort qu'avait accompli l'État pour limiter la croissance de son budget et pour essayer de réaliser les objectifs que nous nous étions fixés l'année dernière.
La mission dont nous examinons les crédits traduit un effort tout à fait considérable en faveur des collectivités locales, ...
Je crois qu'il est important de rendre publiquement cet hommage au Gouvernement, car nous ne le faisons pas assez souvent. Mes chers collègues, nous sommes plus prompts aux jérémiades qu'aux remerciements, c'est la nature humaine !
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à fait, monsieur Gournac, Vercingétorix le disait déjà en son temps !
Sourires.
Monsieur le ministre, j'ai apprécié deux dispositions de cette mission budgétaire, en particulier.
Premièrement, vous avez majoré fortement les crédits du Fonds de compensation pour la TVA. Certes, cette hausse correspond à l'augmentation réelle des investissements des collectivités territoriales, mais voilà plusieurs années qu'une telle remise à niveau n'avait pas eu lieu. Dans un budget marqué par les restrictions et la rigueur, cette majoration du fonds de compensation me semble très positive.
Deuxièmement, je crois pouvoir affirmer qu'en ce qui concerne le RMI, malgré quelques difficultés qui persistent ici ou là, la loi de règlement de 2006 et le projet de loi de finances pour 2007 permettront de dégager une solution satisfaisante.
Restent deux écueils, mais qui ne sont pas imputables au gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre : l'allocation personnalisée d'autonomie...
...et, surtout, car cette mesure est impossible à chiffrer, la maison du handicap. Il nous faut sérieusement étudier ces deux questions essentielles.
En ce qui concerne la loi de 2004, mes chers collègues, la commission que vous m'avez demandé de présider a fait son travail, qui a conduit à la publication d'une série d'arrêtés interministériels, dans des conditions satisfaisantes.
Toutefois, il reste trois problèmes à régler, et c'est sur cette trilogie que je conclurai mon intervention : les transferts de personnels - qui suscitent de nombreuses difficultés, et notamment un problème d'organisation -, le handicap et l'allocation personnalisée d'autonomie. Il nous faudra réfléchir à ces trois questions.
Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez va dans la bonne direction et traduit un effort méritoire du Gouvernement à l'égard des collectivités territoriales. Il faut poursuivre dans cette voie et approfondir notre réflexion sur les trois problèmes que je viens d'évoquer.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonné que je ne partage pas tout à fait l'enthousiasme de notre éminent collègue Jean-Pierre Fourcade.
Au fond, qu'est-ce qui est important dans les relations entre l'État et les collectivités locales, quelles qu'elles soient ? C'est de savoir si nous voulons un véritable aménagement équilibré et harmonieux du territoire national.
Or, il faut bien le dire, l'action de l'État en la matière souffre d'une certaine obsolescence, et si ses intentions de départ sont excellentes, elle aboutit souvent à de véritables inepties quand elle est confrontée à la réalité.
Sur le plan intellectuel, qui peut être contre le plafonnement de la taxe professionnelle ? Personne, mais nous nous apercevons que les départements qui ont le plus perdu à cette réforme sont ceux qui sont les plus pauvres, comme la Lozère, en particulier, alors que les départements qui ont tiré leur épingle du jeu sont les Hauts-de-Seine et la Haute-Garonne, ...
...ce qui signifie qu'au bout du compte, au lieu de réduire la fracture territoriale, nous l'avons aggravée !
Sur le plan intellectuel, qui peut être contre la compétitivité des territoires ? Personne, bien entendu, mais nous savons très bien que si nous finançons massivement un petit nombre de réalisations, celles-ci ont plus de chances de se trouver à Blagnac ou à Labege, pour ne citer que des communes de ma région, qu'à Pierrefite Nestalas !
Aussi allons-nous subir des désagréments considérables, mes chers collègues. Il ne suffit pas d'inscrire le principe de la péréquation dans la Constitution pour régler le problème des inégalités entre les territoires !
Si nous étions partis de l'idée simple - qui a sans doute été jugée simpliste ! -que, dans une même catégorie de collectivités, les ressources entre les plus riches et les plus pauvres ne devraient pas dépasser un certain écart, qu'il resterait à déterminer, l'un de nos départements n'aurait pas, aujourd'hui, un budget équivalant à celui de la Grèce, ce qui n'est pas, me semble-t-il, une situation idéale !
Je voulais rappeler l'importance de ce principe général, car la réussite de ses applications en dépend. Si nous ne partons pas d'une base solide, à savoir une certaine conception de l'équité entre les territoires, nous risquons d'aboutir, comme par le passé, à des inepties.
Je poserai ensuite une question importante : l'État, quel qu'il soit, a-t-il le droit d'imposer aux collectivités, à travers une réglementation, des dépenses qu'il ne finance pas lui-même ? L'exemple des sapeurs-pompiers est à cet égard assez éclairant.
Dans la plupart des départements, les SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, ont vu leurs effectifs multipliés par six, sept, ou huit en cinq ans. Pour autant, les collectivités territoriales devront-elles augmenter leur fiscalité jusqu'au moment où nos concitoyens seront dans l'impossibilité de payer leurs impôts locaux ? Telle est la question qu'il nous faut nous poser.
De même, monsieur le ministre, je vous accorde que les dépenses liées au RMI seront cette année compensées à l'euro près. Toutefois, il y a un rattrapage pour 2005 et 2006 et, par conséquent, rien ne nous garantit que cet équilibre sera maintenu à l'avenir !
Enfin, dans le cadre du principe très simple de la libre administration des collectivités territoriales, est-il normal que les représentants de l'État imposent certaines règles en matière d'intercommunalité, s'agissant, notamment, de la pertinence et des limites de ces structures ?
Bien entendu, cette contrainte s'applique de manière feutrée, et les communes sont entièrement libres de rester à l'écart de l'intercommunalité, mais dans ce cas elles n'auront pas droit à certains financements de l'État. Ce chantage est tout de même assez curieux, et il serait sans doute possible de procéder autrement.
En tant qu'élu local, je suis pour ma part partisan de l'intercommunalité. D'ailleurs, dans mon canton, toutes les communes ont adhéré dès le départ à une telle structure, et il n'y a donc pas de problème.
Toutefois, il faut le dire, des mesures curieuses ont parfois été adoptées en matière d'intercommunalité. On a vanté en son temps la taxe professionnelle unique, la TPU, alors qu'aujourd'hui certains établissements publics de coopération intercommunale qui ont choisi ce régime se demandent s'ils ne vont pas revenir à la fiscalité additionnelle. De telles variations sont très inquiétantes, mes chers collègues, s'agissant de structures jeunes et non encore stabilisées.
Pour ma part, j'aurais préféré que l'on accorde un délai aux communes. Par exemple, de petites communautés de communes, regroupant trois cents ou quatre cents habitants, se sont constituées - il aurait été préférable qu'elles ne voient pas le jour -, et elles ont mis en commun toutes leurs compétences.
Or, aujourd'hui, d'autres communes souhaitent les rejoindre, mais à la condition de ne pas mutualiser toutes leurs compétences, d'autant que, souvent, celles-ci n'ont pas été effectivement mises en oeuvre dans les structures intercommunales.
Monsieur le ministre, il serait plus judicieux de donner à ces communes un délai de trois ou cinq ans pour qu'elles puissent entrer dans les intercommunalités au moment où elles le désirent.
Ainsi, nous éviterions l'éclatement des communes entre plusieurs intercommunalités, surtout dans les départements où la géographie s'y prête, car elles permettent aux élus de choisir indifféremment une communauté plutôt qu'une autre. Cette politique serait préférable au refus rigide des intercommunalités organisées à une échelle inférieure à celle du canton.
Monsieur le ministre, voilà quelques-uns des problèmes qui préoccupent les élus locaux. Au-delà de nos divergences, qui sont tout à fait naturelles en démocratie, nous avons tout intérêt à entretenir de bonnes relations et à nous comprendre mutuellement. D'ailleurs, je ne doute que vous adopterez les mesures nécessaires pour améliorer la situation dans ce domaine.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les relations entre l'État et les collectivités territoriales ne sont plus de toute quiétude, et l'euphorie qui régnait autour des lois sur la décentralisation est quelque peu retombée.
Certes, le principe de la libre administration des collectivités territoriales est inscrit dans la Constitution, mais il est aujourd'hui impossible de déterminer qu'il s'applique de manière effective et satisfaisante.
D'un côté, l'État s'oriente vers une décentralisation plus poussée et donne davantage d'autonomie aux collectivités territoriales. Nous en avons eu l'illustration avec les deux actes de la décentralisation Raffarin.
L'acte I, avec la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, a consacré l'autonomie des collectivités territoriales à l'article 72-2 de la Constitution, et a créé notamment le droit à l'expérimentation.
L'acte II était censé entériner ce principe d'autonomie en transférant de nouvelles compétences aux collectivités. Mes chers collègues, je n'évoquerai pas immédiatement le problème des transferts financiers, sur lequel j'aurai l'occasion de revenir.
Si nous nous en tenons à cette vision purement conceptuelle, il n'est pas faux d'affirmer que l'État a fait le choix de renforcer l'autonomie des collectivités territoriales.
D'un autre côté, toutefois, certaines décisions politiques et budgétaires prises par le Gouvernement entravent cette autonomie et portent atteinte au principe de libre administration.
En évoquant les choix politiques du Gouvernement, dont les conséquences sur les finances des collectivités sont dramatiques, je pense à la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Cela dit, nous n'avons cessé de le répéter lors des débats, et la justesse de nos propos semble, aujourd'hui, atteindre les élus locaux de la majorité, catastrophés par la situation financière dans laquelle ils se trouvent.
La loi du 13 août 2004, et plus précisément les transferts de compétences et de personnels qu'elle a organisés, pèse aujourd'hui lourdement sur le budget des collectivités, qui se retrouvent dans des situations inextricables.
Ainsi, les collectivités ne sont pas en capacité financière, à moins d'augmenter considérablement leur fiscalité, d'exercer leurs missions et de répondre de façon pleinement satisfaisante aux attentes de leurs habitants.
Le Gouvernement a beau jeu d'appeler les collectivités territoriales à plus de responsabilité : celles-ci ne sont plus en mesure de compenser les carences de l'État et elles ne pourront augmenter indéfiniment la fiscalité locale.
Toutefois, la situation n'est pas près de s'arranger, si l'on en croit le rapport d'information d'Éric Doligé sur les transferts des personnels TOS et DDE, c'est-à-dire des personnels techniciens, ouvriers et de service et des personnels des directions départementales de l'équipement
En effet, notre collègue constate que, « malgré un processus de transferts des personnels en bonne voie, [le] volet financier [est] d'ores et déjà préoccupant ».
La fonction publique territoriale a, jusqu'à présent, remporté un véritable succès auprès des personnels TOS. Au 29 septembre 2006, 50, 35 % de ces personnels avaient fait connaître leur choix : 73, 5 % d'entre eux avaient choisi d'être intégrés dans la fonction publique territoriale dès le 1er janvier 2007, et 26, 49 % avaient opté pour le détachement sans limitation de durée.
Il existe une explication à cet engouement : les rémunérations et les primes versées dans la fonction publique territoriale sont sensiblement plus élevées que dans la fonction publique d'État.
Dans ces conditions, l'État sera-t-il en mesure de compenser les transferts à l'euro près, comme cela a été promis, alors que la compensation affectée aux collectivités locales est établie sur les rémunérations et les primes versées dans la fonction publique d'État ?
Par ailleurs, les collectivités se trouveront certainement dans l'obligation d'embaucher. La commission consultative sur l'évaluation des charges indiquait, dans son relevé de conclusions du 6 avril 2006, que la compensation des emplois disparus doit intervenir à la fin de la période d'exercice du droit d'option, soit le 1er janvier 2009 pour les postes relevant du ministère de l'éducation nationale et le 1er janvier 2010 pour ceux qui relèvent du ministère de l'équipement.
Les compensations arriveront donc très tardivement, alors que les besoins en personnels se font sentir dès à présent. Les collectivités devront par conséquent faire des avances de trésorerie pour procéder aux recrutements nécessaires.
Enfin, la question des retraites de ces personnels transférés est une véritable épée de Damoclès au-dessus de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL.
En l'état actuel, le régime de retraite des agents des collectivités locales devra financer, sans contrepartie de cotisations, la retraite des agents transférés. De la part de l'État, il s'agit d'une facétie quelque peu mesquine ! Le transfert de ces personnels vers la fonction publique territoriale constituera autant de pensions en moins à verser, sans que l'État ait, en contrepartie, à transférer aux collectivités les cotisations déjà perçues.
Les comptes de la CNRACL seront donc lourdement affectés par ces transferts de personnels. Parallèlement, ce seront les finances des collectivités locales qui en pâtiront. Rien ne leur est épargné !
Cette situation fait dire à notre collègue Éric Doligé que le volet financier des transferts constitue une véritable « bombe à retardement » pour les collectivités, du fait notamment de la faiblesse de la compensation des emplois disparus ou vacants, de la non-compensation « au réel » de l'alignement des indemnités des agents transférés sur celles de leurs collègues de la fonction publique territoriale, et de la dégradation, d'ici à 2015-2020 des comptes de la CNRACL.
La décentralisation, telle qu'elle a été voulue par le Gouvernement, coûtera décidément très cher au contribuable, sans pour autant que la qualité des services publics de proximité soit améliorée.
Les dotations de l'État que nous examinons aujourd'hui, et qui ont prétendument pour vocation de permettre aux collectivités d'assumer leurs compétences et de corriger les inégalités existant entre elles, sont très loin de correspondre à leurs besoins. Elles sont d'autant moins suffisantes que l'État reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre, en opérant des choix budgétaires allant à l'encontre de l'intérêt des collectivités, et donc des contribuables locaux.
Je pense ici à l'instauration du bouclier fiscal par la loi de finances pour 2006.
Le plafonnement de la taxe professionnelle à 3, 5 % de la valeur ajoutée constituera un important manque à gagner pour les collectivités locales. Même l'Association des maires de France s'inquiétait, l'année dernière, de l'adoption d'une telle disposition. La position de son bureau était claire et sans équivoque : « Le Bureau refuse la prise en compte des impôts locaux dans le calcul du bouclier fiscal. En tout état de cause, si ce dispositif était retenu, l'État devrait en assumer intégralement le coût. » Mais il n'est pas question pour l'État d'en assumer totalement le coût, puisque la compensation de ce financement ne sera plus assurée à partir de 2007.
Cette décision est d'une extrême gravité, d'un point de vue tant moral que financier, car elle remet en cause le principe de responsabilité de l'entreprise devant la collectivité locale. Par ailleurs, elle grèvera fortement le budget des intercommunalités, dont la principale recette est souvent la taxe professionnelle unique.
Par conséquent, le plafonnement de la taxe professionnelle remet en cause le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, pourtant si cher au Gouvernement.
En conclusion, je partage les propos de ma collègue Marie-France Beaufils, qui plaidait la semaine dernière pour une réforme urgente de la fiscalité locale. Les collectivités sont censées disposer d'une plus grande autonomie. Pourtant, elles se retrouvent prises dans un véritable carcan fiscal et auront de plus en plus de difficultés à assumer leur mission de service public.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a fait remarquer Bernard Saugey, avec l'art consommé de la litote qui est le sien, « les règles édictées par la LOLF semblent toujours aussi peu adaptées aux relations financières entre l'État et les collectivités territoriales ».
Rappelons d'abord que, à strictement parler, les crédits regroupés sous la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représentent pas plus de 3 milliards d'euros et 4, 4 % des concours financiers de l'État aux collectivités locales, et même 3, 6 % si l'on inclut les impôts transférés.
Michel Mercier fait observer pour sa part qu'il s'agit d'« une mission peu propice à la fongibilité des crédits », l'État n'ayant aucun pouvoir direct de décision sur 80 % des crédits. En principe, pourtant, la fongibilité est bien l'une des vertus de la LOLF !
Constatons aussi que la plupart des indicateurs censés mesurer la performance de l'administration ou l'effet des dispositions budgétaires n'indiquent rien, ou pas grand-chose de significatif pour les collectivités. Les programmes « ont d'autant moins d'indicateurs qu'ils sont d'un montant plus élevé », observe encore, facétieux, Michel Mercier.
Comme dans l'histoire du fou cherchant sous le réverbère sa clé perdue, parce que là est la lumière, les indicateurs se trouvent non pas là où ils seraient utiles, mais là où il est facile d'en inventer.
Il aurait par exemple été utile - c'est aussi l'avis du rapporteur spécial et du rapporteur pour avis - d'avoir un indicateur permettant de mesurer l'impact d'une mesure annoncée à son de trompe l'année dernière comme particulièrement favorable au monde rural : le « fléchage » de 20 millions d'euros de la DDR pour financer le service public en milieu rural.
Le Gouvernement y songe, mais je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ses explications. Je vous livre donc ce pur chef-d'oeuvre de galimatias bureaucratique : « La mesure de la performance de la seconde part de la DDR pourrait être réalisée en distinguant, au sein de l'objectif n°1 Promouvoir les projets de développement local du programme 119 Concours financiers aux communes et groupements de communes, les investissements réalisés au titre de la première part de la DDR et ceux réalisés au titre de la seconde part. Les indicateurs illustrant cet objectif seraient alors modifiés en ce sens. » Voilà ce que l'administration a répondu à notre rapporteur spécial. On se prend à rêver d'un indicateur permettant de quantifier l'usage du français standard par la haute administration !
Sourires.
Même mesurer l'effet de levier des dotations - ce qui serait pourtant très utile - se révèle aléatoire. Ainsi, en 2005, l'effet de levier aurait été au rendez-vous pour la dotation globale d'équipement des communes, mais pas pour celle des départements.
Tout cela est fort bien, sauf que la plupart des opérations réalisées en 2005 renvoient très probablement à des décisions des collectivités et à des bouclages de plans de financement antérieurs. Seuls s'en étonneront ceux qui ignorent les délais de plus en plus longs entre l'attribution des aides financières et le solde budgétaire des opérations. En tout état de cause, sur une seule année, les mesures de performance d'un tel indicateur ne sauraient être significatives.
« Effet de levier » : l'expression est belle, mais correspond-elle à quelque chose ?
En 2005, les dépenses d'équipement des communes ont représenté 17, 2 milliards d'euros, les communes de moins de 10 000 habitants investissant plus par rapport à leur population que les communes de plus de 10 000 habitants. Il faut comparer ce montant à celui de la DGE des communes et à celui de la DDR : respectivement 459 millions d'euros et 124 millions d'euros en 2006, soit trois dix millionièmes !
Ce n'est pas un levier, c'est peut-être un catalyseur, à moins que ce ne soit un agent homéopathique !
Sourires.
Les rédacteurs du projet de budget ne croient pas eux-mêmes à leur effet de levier.
Comme le fait remarquer Michel Mercier, d'un côté, on privilégie des taux d'intervention de DGE élevés pour accentuer l'effet de levier et, de l'autre, on y croit si peu que l'on se résigne à ce que les investissements réalisés grâce à eux ne progressent pas plus vite que les autres.
Tout ce qui vaut pour la mission « Relations avec les collectivités locales » stricto sensu vaut pour le reste des contributions de l'État. Quand on pense que M. Copé songe à transposer la LOLF aux budgets locaux, on tremble !
De réforme en réforme des nomenclatures comptables, les documents budgétaires ne sont plus lisibles que par les fonctionnaires et les spécialistes. Le contrôle des exécutifs par les assemblées n'est plus qu'un souvenir.
La présentation qui nous est faite des relations financières entre l'État et les collectivités locales est l'exemple parfait de ce théâtre d'ombres.
Je prendrai deux exemples pour étayer mon propos.
Le premier a trait à la péréquation. Le rapporteur spécial titre sur « le renforcement de la péréquation », sans justifier sérieusement son affirmation.
Si, dans la DGF, la part de la péréquation passe de 13, 3 % à 14, 4 % de 2005 à 2006, rappelons qu'elle était de 16 % en 2003. Si l'on réintroduit le Fonds national de péréquation qui n'était pas alors intégrée à la DGF, cette part passe à 18, 5 % en 2003. On voit le progrès !
Mais là n'est pas le plus important. Selon ces mêmes chiffres, en 2005, le montant total des mesures à visée péréquatrice pour les communes, y compris la DSU, la DSR, la DGE, la DDR et la dotation élu local, est de l'ordre de 2, 5 milliards d'euros. Il n'est qu'à le comparer aux 66, 3 milliards d'euros de recettes de fonctionnement des communes en 2005. Cela représente 3, 8 %. Là encore, il faut croire aux vertus de l'homéopathie pour penser qu'une intervention à ce niveau aura un réel effet correctif !
Évaluer l'évolution de la péréquation intercommunale à travers celle des dotations ayant officiellement cet objectif revient à sonder la profondeur de la mer en mesurant la hauteur des vagues !
Sourires.
C'est ignorer volontairement les deux inégalités les plus massives entre les communes : la répartition des bases de taxe professionnelle et le mode de construction de la DGF.
En matière de taxe professionnelle, l'écart entre les communes est de 1 à 8 500 ! Ainsi, 1 % des communes les mieux dotées reçoit quarante-quatre fois ce que reçoit 1 % des communes les moins bien dotées ; 5 % des communes perçoivent 80 % de la taxe professionnelle.
Ces différences recoupent, à quelques exceptions près, la hiérarchie des tailles de communes. En 2003, le potentiel fiscal des communes de moins de 10 000 habitants était de 489 euros, contre 718 euros par habitant pour les communes de plus de 10 000 habitants.
Depuis 2003, l'écart se creuse entre les communes bien dotées et les autres. Et ce n'est certainement pas la dernière réforme de la taxe professionnelle qui va le réduire, bien au contraire ! Pour le même produit, des communes qui disposent de bonnes bases ont des taux plus bas, donc moins de risque de le voir plafonner.
La DGF, pour ce qui la concerne, a pérennisé l'inégalité fondamentale qui présida à sa naissance. Le système des strates démographiques, fossilisé dans la dotation forfaitaire, devenue la dotation la plus importante pour le plus grand nombre des communes, continue à pénaliser fortement les communes rurales.
En 2003, un urbain valait 2, 5 ruraux. En 2004, l'écart a été ramené à 2, 2, ce que j'avais salué à cette même tribune. On en est resté là pour 2006 et pour 2007. C'est d'autant moins normal que les charges des communes rurales ressemblent de plus en plus à celles des communes urbaines, comme le montre la dernière étude de l'INSEE.
Quatre chiffres montrent sans ambiguïté l'ampleur du défi auquel ces communes sont confrontées.
En 2005, les recettes de fonctionnement inscrites au budget primitif des communes de moins de 10 000 habitants et des communes de plus de 10 000 habitants étaient respectivement de 819 euros par habitant et de 1 278 euros par habitant. Pour les dépenses d'équipement, c'est l'inverse : elles sont plus importantes pour les communes de moins de 10 000 habitants - 639 euros par habitant - et moindres pour les communes de plus de 10 000 habitants - 369 euros par habitant.
Dans ces conditions, parler de « renforcement de la péréquation » relève de la méthode Coué - vous l'aurez remarqué, je n'ai pas dit de la méthode Copé !
Sourires.
Le second exemple concerne l'effort financier réel de l'État envers les collectivités. Nous nageons dans une telle confusion que nous ne le connaissons même pas : est-il de 3 milliards d'euros, de 67, 5 milliards d'euros, de 84 milliards d'euros, de 130 millions d'euros comme l'a dit Michel Mercier ? On s'y perd, ou plutôt on nous perd, en mettant sur le même plan de réelles contributions comme la DGE, des remboursements d'impôts acquittés par les collectivités, le FCTVA, des prises en charge d'effets de décisions d'État étrangères à toute visée locale - compensations d'exonérations et dégrèvements -, des dotations, voire des impôts en contrepartie de compétences et de charges transférées.
Le principal avantage de la méthode, c'est qu'on peut affirmer à peu près tout et son contraire. On peut dire, comme le rapporteur pour avis, que, par rapport à 2006, l'effort financier de l'État envers les collectivités locales est maintenu pour ce budget, voire se féliciter, une dernière fois, de la progression de 2, 56 % de la DGF. On peut aussi constater, si on part de l'enveloppe normée et si on enlève le FCTVA, les compensations d'impôt, etc., que l'effort n'est plus que de 1, 46 %, soit même pas l'inflation !
Je conclurai en évoquant ce qui me semble être l'escroquerie intellectuelle la plus pernicieuse.
Période préélectorale oblige, la tentative de réduire le montant des dotations de l'État aux collectivités locales, initiée avec le rapport Pébereau et la Conférence nationale des finances publiques, a, cette année, fait long feu. En « com langue » et dans le langage de bureau, on appelle cela « associer les collectivités locales à l'effort de maîtrise des dépenses publiques ». Mais la menace est toujours là.
L'État, en tout cas le Gouvernement, entend toujours donner des leçons de vertu financière aux collectivités locales ! C'est proprement l'hôpital qui se moque de la charité !
Je veux maintenant, mes chers collègues, vous faire part de quelques chiffres et de ma conclusion, que j'emprunte à Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission des finances de l'Association des maires de France.
« En 2005, l'augmentation de la dette de l'État a été de 49 milliards d'euros. Pendant ce temps-là, il a réalisé 8 milliards d'euros d'investissement. La même année, l'augmentation de la dette des collectivités locales atteint 5 milliards d'euros, quand l'investissement public local représente 39 milliards d'euros. Ça veut donc dire que l'État s'est endetté pour payer des dépenses courantes alors que les collectivités locales ont autofinancé la plupart de leurs investissements.
« Les collectivités locales ne sont donc pas responsables de la dette publique, bien au contraire...
« Ce que l'on appelle les ?concours de l'État? ne sont pas des dépenses de l'État mais correspondent à un ?prélèvement sur recettes?, et dans ces conditions, ils doivent croître au même rythme que les recettes de l'État.
« C'est donc une malhonnêteté intellectuelle que de dire que les concours aux collectivités locales sont le premier poste de dépenses de l'État et que donc, pour réduire les dépenses de l'État, il faut réduire les concours aux collectivités locales. » Il est difficile d'être plus clair !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. André Boyer applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'ont rappelé, brillamment et brièvement, M. le rapporteur spécial, Michel Mercier, et M. le rapporteur pour avis, Bernard Saugey, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu'une petite partie, soit 3, 2 milliards d'euros, des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. Nous l'avons largement évoqué lors du débat sur les recettes des collectivités, à la fin du mois de novembre dernier : le périmètre des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales atteindra, en 2007, près de 67, 5 milliards d'euros.
Le ministère de l'intérieur est également chef de file pour ce qui concerne le financement des transferts de compétences issus de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Je remercie, en cet instant, M. Fourcade d'avoir souligné les différents efforts qui ont été accomplis par l'État alors qu'il s'astreint lui-même à une discipline budgétaire très rigoureuse.
Je souligne à l'attention de M. Collombat que le montant atteint par le FCTVA, la DGE et la DDR s'élève au total à 5, 3 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable.
M. Pierre-Yves Collombat s'exclame.
Je rappellerai très brièvement les différentes mesures qui concernent les collectivités territoriales dans ce projet de loi de finances, avant de répondre aux questions posées par les orateurs.
La première mesure, c'est, naturellement, la reconduction du contrat de croissance et de solidarité. L'effort accompli en la matière est important, comme vous le savez. De ce fait, la DGF progressera de 2, 5 %, soit 956 millions d'euros. Concrètement, les communes et leurs groupements verront leur enveloppe augmenter de 542 millions d'euros, les départements de 286 millions d'euros et les régions de 127 millions d'euros. Monsieur Collombat, j'ai pesé autant que je le pouvais sur cette décision. Vous admettrez qu'elle a, de ce fait, un impact réel sur le budget de l'État.
La reconduction du contrat de croissance et de solidarité, c'est aussi l'occasion de consolider la réforme des dotations, en particulier de renforcer la péréquation. Ainsi, les aménagements apportés à la DGF des communes, des départements et des régions permettront au Comité des finances locales, s'il le souhaite, de dégager plus de 100 millions d'euros supplémentaires en ce sens.
La deuxième mesure concerne la compensation des transferts de compétences, qui se poursuit dans une double démarche de concertation et de consolidation. L'année 2007 sera la troisième année de montée en puissance des transferts de compétences. Je voudrais faire, sur ce point, deux observations.
Première observation : le 1er janvier prochain commencera le transfert des emplois TOS. Sur les 93 000 agents concernés par cette décentralisation, plus de la moitié ont d'ores et déjà choisi la fonction publique territoriale. C'est d'ailleurs ce que souligne Eric Doligé dans son rapport rendu au nom de l'Observatoire de la décentralisation. Je suggère à ceux qui ne sont pas d'accord de mettre très clairement dans des programmes d'alternance qu'ils demanderont aux personnels TOS de rejoindre la fonction publique d'État, si c'est vraiment leur idée.
Seconde observation : grâce à la Commission nationale de conciliation et à la Commission consultative de l'évaluation des charges, la CCEC, présidée par Jean-Pierre Fourcade, la concertation dans ce domaine a très largement porté ses fruits, puisqu'elle se traduit, par rapport à ce qui aurait résulté d'une application très stricte des règles de compensation, par un surcroît de 157 millions d'euros.
La troisième mesure concerne le RMI. Je ne serais naturellement pas complet si je n'évoquais pas cette question. La compensation du transfert du RMI obéit à l'article 72-2 de la Constitution et conduit, de ce fait, à attribuer aux départements un montant de 4, 941 milliards d'euros, sur la base de la dépense de l'État en 2003.
Depuis, c'est vrai, sous l'effet de l'augmentation du nombre de RMIstes, la dépense s'est alourdie. Le Gouvernement a pris en compte cette situation, d'abord par l'attribution de 457 millions d'euros au titre de l'année 2004, puis par la mise en place du Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, qui, comme vous le savez, sera doté de 500 millions d'euros pour chacune des trois années suivantes. Les modalités de répartition de ce fonds seront précisées en loi de finances rectificative.
Au total, et j'insiste sur ce point, la dépense supportée par les départements en 2005 au titre du RMI sera couverte à hauteur de 93, 5 % par l'État, et le département du Rhône ne sera pas une exception en la matière, monsieur le rapporteur spécial.
Les départements recevront, en 2007, un apport de 1 milliard d'euros : 500 millions d'euros au titre de 2005, en loi de finances rectificative, et 500 millions d'euros au titre de 2006, dans le projet de loi de finances.
Je sais, monsieur Mercier, que nos points de vue sur cette question, et, plus généralement, sur les libertés données aux départements dans le pilotage de leurs dépenses sociales, convergent très largement. Comme vous et comme la majorité sénatoriale, je pense qu'une pause dans les transferts de compétences est nécessaire.
Chacun connaît d'ailleurs la position que j'ai défendue sur la réforme des tutelles, nécessaire, mais qui doit prendre en compte le calendrier des départements. Comme vous, je pense qu'une plus grande marge de manoeuvre doit vous être laissée dans le pilotage des dépenses sociales. Mais jusqu'où une telle liberté doit-elle aller ? Est-ce jusqu'à vous confier le soin de revaloriser le RMI, voire d'en fixer le montant ? Il ne faut pas seulement poser ces questions, il faut aussi mesurer les conséquences des réponses que nous pouvons leur apporter. Comme l'a souligné M. Fourcade, il est très clair que les départements doivent être, au moins, libres de leur organisation interne.
Je veux, après ces rappels, répondre aux autres questions que vous m'avez posées, messieurs Mercier et Saugey.
Je veux d'abord vous remercier des propos élogieux que vous avez tenus à l'endroit des services du ministère, en particulier de la direction générale des collectivités locales. Le respect des délais de calcul des dotations et le faible nombre de rectifications apportées à ces calculs témoignent en effet, monsieur Mercier, de l'excellence de cette direction.
Monsieur le rapporteur spécial, je veux aussi vous apporter quelques précisions sur les indicateurs qui figurent dans le projet annuel de performance de la mission et dans l'annexe, qui est plus particulièrement consacrée aux prélèvements sur recettes. Je suis bien sûr tout à fait d'accord avec vous pour considérer qu'il est nécessaire, lorsque des inflexions significatives sont apportées aux objectifs, que cela soit expliqué, et je m'y engage. En revanche, monsieur Collombat, je ne peux partager vos critiques sur ces indicateurs. Si leur nombre est limité, c'est parce que la plupart des dotations obéissent à des règles fixées très précisément par la loi.
Je veux maintenant répondre plus précisément sur deux points.
D'abord, monsieur Mercier, s'agissant de la part des projets subventionnés, entre 25 % et 35 %, par la DGE des communes et par la DDR, j'ai clairement souhaité - et je vous l'avais dit - que l'on cesse la politique de saupoudrage des dotations. La fourchette de 25 % à 35 % me paraît équilibrée. J'ai demandé aux préfets de respecter cette valeur cible, notamment dans la circulaire du 17 novembre dernier relative à la DGE des communes. Comme vous êtes très attentif - il vous arrive parfois de me signaler quelques erreurs lors de la signature de certains décrets -, je suis étonné que vous n'ayez pas vu cette circulaire, et je la tiens à votre disposition.
M. le rapporteur spécial s'exclame.
Concernant le nombre de rectifications prévues sur la répartition des dotations en 2007, je peux vous rassurer : la direction générale des collectivités locales n'a pas pour objectif d'accroître le nombre des erreurs, qui, vous l'avez vous-même noté, est très bas. Mais, alors que le chiffre de 100 avait été fixé de manière un peu forfaitaire, le chiffre de 110 retenu pour 2007 procède, pour sa part, d'un décompte plus précis. Nous essayerons naturellement de tenir une cible inférieure.
Vous m'avez également interrogé sur la mission « Avances aux collectivités territoriales ».
L'excédent de 500 millions d'euros que vous avez évoqué et qui, il faut bien le reconnaître, vous a quelque peu perturbé, ...
...résulte, en réalité, d'un effet de caisse.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La viscosité des tuyaux, sans doute !
Sourires.
En effet, l'État verse les dotations et la fiscalité par douzièmes, mais encaisse les impôts locaux en fin d'exercice. Le compte est donc structurellement déséquilibré sur neuf mois de l'année. Il s'équilibre toutefois in fine grâce à l'obligation de dépôt des fonds libres d'emploi des collectivités, qui demeurent très stables à un haut niveau grâce aux dépôts des communes. Un rapport de la Cour des comptes, établi en 2004, a d'ailleurs mis en lumière ces mouvements de trésorerie. Vous voilà rassuré.
Je veux également répondre à deux questions précises de M. Saugey sur l'intercommunalité.
Je veux d'abord aborder la définition de l'intérêt communautaire et l'échéance que j'avais fixée au 18 août dernier. L'enquête menée auprès des préfectures montre que le respect de cette échéance varie selon le type d'EPCI. Ainsi, pour les communautés urbaines et les communautés d'agglomération, qui représentent, par définition, les structures les plus intégrées et dont l'intérêt communautaire est déterminé par les seuls conseils communautaires, le calendrier est globalement tenu. En revanche, pour les communautés de communes, quelques retards dans cette définition ont été relevés, comme on s'y attendait.
Ces retards sont généralement imputables aux difficultés rencontrées par les petites communes, soit pour réunir leur conseil municipal en période estivale, soit pour procéder à la définition des critères pour certaines compétences. Dans le premier cas, qui était le plus facile, des correctifs ont été prévus pour les premiers jours de l'automne, et les préfets ont fait preuve de la souplesse nécessaire, comme je le leur avais demandé. Dans le second cas, un travail de concertation a été entrepris par les services préfectoraux auprès des communes et de leurs groupements sur la nécessaire délimitation de la compétence, puis ils ont appliqué la loi, en procédant, par arrêté, à un transfert intégral et immédiat des compétences attendues.
S'agissant, ensuite, des mises à disposition de services entre les communes et les EPCI dont elles sont membres, il est exact que le dispositif mis en place par la loi relative aux libertés et responsabilités locales a conduit à s'interroger sur la nécessité de soumettre ces mises à disposition aux procédures de marchés publics, et vous savez combien la Commission européenne est vigilante sur ce point. Les explications fournies par le Gouvernement selon lesquelles il s'agit de relations exclusivement internes à la sphère publique entre des communes et des EPCI dont les assemblées délibérantes sont exclusivement composées de représentants des communes devraient permettre de lever toute ambiguïté sur ce point.
Monsieur Sueur, je suis un peu étonné des critiques que vous avez émises sur la complexité du système des dotations. En effet, depuis 2002, les gouvernements successifs ont mené des réformes de grande ampleur en la matière. Ayant vous-même exercé les responsabilités qui sont les miennes aujourd'hui, vous êtes certainement mieux à même d'en mesurer l'importance.
Tout d'abord, des modifications ont été apportées afin de répartir les dotations forfaitaires en fonction de critères objectifs, pour effacer progressivement des rentes historiques. Cette première étape constitue, selon moi, un progrès.
Ensuite, nous avons accrû la péréquation dans des proportions qui n'avaient jamais été atteintes, comme l'a rappelé Jean-Pierre Fourcade tout à l'heure. Il a d'ailleurs parlé en expert puisqu'il présidait le Comité des finances locales lorsque celui-ci a préparé la réforme en 2005.
Par ailleurs, sur la fiscalité locale, je ne peux que répéter ma conviction, ce qui prouve que je n'en change pas : la réforme fiscale devra être menée après les prochaines échéances. J'attends beaucoup du rapport du Conseil économique et social, qui, je l'espère, nous éclairera. Chacun connaît l'obsolescence des bases, certaines d'entre elles datant de 1970. La seule condition est que les transferts de l'État n'augmentent pas, la réforme devant être menée de manière très équilibrée.
Sur la réforme de la taxe professionnelle, monsieur Sueur, l'objectif est d'assurer la compétitivité de nos entreprises, en leur garantissant que le prélèvement n'ira jamais au-delà de 3, 5 % de la valeur ajoutée. Or, aujourd'hui, 200 000 entreprises acquittent jusqu'à 10 % de leur valeur ajoutée au titre de cette taxe. Cette situation, vous en conviendrez puisque, à l'évidence, vous ne manquez ni d'honnêteté ni d'objectivité, nous fait perdre des milliers d'emplois chaque année et accroît les risques de délocalisations. Lorsque celles-ci ont lieu, nous avons d'ailleurs beaucoup de mal, les uns et les autres, à les expliquer à nos concitoyens.
Selon la réforme que nous avons fait voter, l'État prend à sa charge les conséquences des augmentations intervenues entre 1995 et 2004, ce qui représente tout de même 1, 6 milliard d'euros. Nous avons prévu de nombreux garde-fous pour régler le maximum de cas problématiques : ainsi, pour les EPCI à taxe professionnelle unique, une réfaction de 20 % du ticket modérateur sera automatique dès lors que ces EPCI auront 50 % de leurs bases plafonnées. Vous n'êtes d'ailleurs pas le seul à nous avoir alertés sur le sujet, plusieurs parlementaires, en particulier des sénateurs, ayant fait de même. Finalement, la réponse que nous apportons me semble équilibrée.
Monsieur Fortassin, vous avez apparemment oublié les efforts très importants du Gouvernement en faveur des territoires ruraux.
Nous avons veillé à ce que les dotations de péréquation allouées aux territoires ruraux progressent à un rythme équivalant à celui des dotations de péréquation urbaine. Reconnaissez-le, cet alignement n'allait pas de soi et ne s'est pas fait tout seul ni par l'opération du Saint-Esprit ! Il a bien fallu une volonté politique pour aboutir.
De plus, Nicolas Sarkozy, Christian Estrosi et moi-même avons mis en place une politique ambitieuse en faveur des territoires ruraux, au travers du soutien aux services publics en milieu rural et, surtout, par l'intermédiaire des pôles d'excellence rurale, dont vous connaissez d'ailleurs le calendrier et les enjeux puisqu'ils font actuellement l'objet d'un débat.
En ce qui concerne les sapeurs-pompiers, même si c'est peut-être la règle de la discussion parlementaire, je vous trouve franchement très injuste. Vous évoquez des décisions prétendument imposées par l'État.
C'est totalement faux ! Une discussion s'est engagée avec les organisations syndicales. J'ai voulu y associer, ce qui est une première, votre collègue Éric Doligé, président de la Conférence nationale des SDIS, et Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, qui est le partenaire institutionnel indispensable en la matière. Je leur ai proposé de rencontrer ensemble les organisations syndicales, afin que celles-ci ne puissent pas espérer profiter d'éventuelles divergences de vue entre nous. À mon sens, cette initiative était particulièrement raisonnable et utile. Je vous suggère d'ailleurs d'interroger vous-même Claudy Lebreton, qui pourra témoigner de ma volonté constante de l'associer le plus largement possible aux discussions en cours.
Concernant, enfin, les intercommunalités, j'ai effectivement fait le choix d'un effort de rationalisation des périmètres, d'une meilleure définition de l'intérêt communautaire et du renforcement des mises à disposition de service. C'était une nécessité absolue au regard du débat de l'année dernière, qui a effectivement été engagé sur des bases pour le moins dangereuses. Mais j'ai personnellement veillé à ce que le mouvement s'opère dans la concertation la plus large : c'est l'esprit des schémas départementaux qu'ont établis les préfets à la suite de la circulaire bien connue de novembre dernier.
Madame Mathon-Poinat, je vous remercie d'avoir souligné le succès de la décentralisation des personnels TOS.
Ce n'était peut-être pas votre intention, mais c'est ce qui est ressorti de votre propos ! Je répète ce que j'ai dit : si vous estimez que les TOS ne doivent pas rester dans la fonction publique territoriale, je vous suggère, les uns et les autres, de l'inscrire clairement dans vos programmes politiques d'alternance.
Vous ne pouvez pas à la fois critiquer la mesure et ne pas en tirer les conséquences.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Si vous voulez être en accord avec le message que vous faites passer, écrivez donc, noir sur blanc, que votre première décision serait de « renvoyer » les personnels TOS dans le giron de l'État !
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
Mais je ne m'adresse pas simplement à vous, madame la sénatrice. Ma remarque vaut pour l'ensemble de vos collègues de l'opposition.
S'agissant, maintenant, de la CNRACL, ...
Vous avez raison : c'est plus prudent pour vous !
Concernant la CNRACL, disais-je, je ferai deux observations.
Premièrement, à court terme, l'augmentation du nombre de cotisants devrait, de manière mécanique, améliorer la situation de la CNRACL. Le coût des cotisations à cette caisse a d'ailleurs été intégré à la compensation allouée aux départements et aux régions.
Deuxièmement, à plus long terme, je vous rappelle que la CNRACL repose sur le système par répartition. Il n'y a donc aucune raison de lui transférer les cotisations versées par l'État dans le passé. Ou alors cela supposerait de revenir sur un certain nombre de mécanismes que nous connaissons dans d'autres domaines.
En outre, comme je l'ai rappelé le 28 novembre dernier, les régions et les départements sont, globalement, dans une situation favorable. D'après les analyses chiffrées de Dexia, que je tiens d'ailleurs à votre disposition, rien ne permet d'envisager une dégradation pour 2007. Le silence approbateur des présidents de conseil général que sont Jean Arthuis et Michel Mercier ne tient absolument pas au fait qu'ils n'écoutaient pas mes propos : ils sont d'accord avec moi, parce que j'ai dit la vérité !
Sourires.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les explications que je souhaitais vous donner. J'espère avoir répondu aussi précisément que possible à vos interrogations.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » figurant à l'état B.
§(En euros)
Mission
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Relations avec les collectivités territoriales
Concours financiers aux communes et groupements de communes
Concours financiers aux départements
Concours financiers aux régions
Concours spécifiques et administration
dont titre 2
8 405 610
8 405 610
L'amendement n° II-262, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Concours financiers aux communes et groupements de communes
Concours financiers aux départements
Concours financiers aux régions
Concours spécifiques et administration
Dont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre délégué.
Cet amendement vise à procéder à des ajustements sur la dotation générale de décentralisation des régions d'outre-mer et sur celle des départements : pour les régions, c'est une majoration de quelque 2, 8 milliards d'euros ; pour les départements, ...
...c'est effectivement une minoration.
La commission des finances n'a pas eu le temps d'examiner cet amendement, qui lui a été transmis très tardivement. À ce propos, monsieur le ministre, je regrette, que vous n'ayez pas pu finir vos additions plus rapidement...
La majoration prévue pour les régions est sûrement bienvenue. Quant à la minoration constatée pour les départements, si elle est l'assurément beaucoup moins, elle résulte d'un calcul probablement exact. Par conséquent, la commission des finances émet un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur Mercier, le fait que la commission des finances n'ait pas été saisie plus tôt de cet amendement est certes regrettable, mais celui-ci est une conséquence des ajustements décidés le 30 novembre dernier par la Commission consultative sur l'évaluation des charges.
L'amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » figurant à l'état B.
J'ai été saisi d'une demande d'explication de vote de la part de Mme Josiane Mathon-Poinat.
Je rappelle que cette explication de vote vaut pour les deux missions que nous examinons.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l'on puisse dire est que la discussion générale des crédits de cette mission comme les amendements que nous allons examiner dans quelques instants et qui feront sans doute l'objet d'un débat intéressant montrent, s'il en était besoin, que le pacte de la décentralisation souffre de bien des limites.
Les concours de l'État aux collectivités locales subissent en effet, quoi qu'on en dise, l'application de la régulation budgétaire. Sans entrer dans les arcanes - qui sont pour le moins complexes - des relations entre l'État et les collectivités locales, nombre de communes et de départements vont une fois encore se trouver confrontés en 2007 à des pertes de ressources importantes, lesquelles viendront largement compenser à la baisse les petits « bonus » accordés au travers du contrat de croissance et de solidarité.
Au demeurant, monsieur le ministre la simple reconduction de ce contrat de croissance, que vous nous avez encore présentée tout à l'heure, ne fait pas le compte.
Ainsi, de par la simple mécanique de l'élévation du niveau de la fiscalité locale, l'État percevra pour lui-même 150 millions d'euros de plus au titre des frais de rôle, auxquels s'ajouteront 200 millions d'euros au titre du produit de la cotisation minimale de taxe professionnelle payée par les plus petites entreprises. Ces 350 millions d'euros de recettes fiscales complémentaires annulent largement le prétendu cadeau que représente la reconduction du contrat de croissance et de solidarité.
Année après année, les collectivités locales sont ainsi mises à contribution pour assurer l'équilibre budgétaire de l'État, alors même qu'elles participent très largement, par leur politique d'investissement, au développement du pays. De ce point de vue, l'état du compte d'avances aux collectivités locales est d'ailleurs sans équivoque et dégage, encore une fois, un excédent qui avoisine aujourd'hui un milliard d'euros.
L'autre inquiétude légitime des élus locaux tient à la compensation des transferts de compétences prévue par la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Outre que nous nous interrogeons avec persistance sur l'absolue pertinence de certains des transferts, qui s'apparentent plutôt à un « délestage » de l'État sur les budgets locaux, le fait est que ces transferts, je le répète, risquent fort de coûter particulièrement cher dans les années à venir.
Monsieur le ministre, pour en revenir à la situation des personnels TOS, je ne conteste pas le choix d'opérer un tel transfert. En revanche, je critique fortement l'insuffisance des moyens financiers prévus à cet effet, que les collectivités auront à subir dans le temps.
Par ailleurs, la non-réalisation par l'État des travaux préventifs ou des travaux de rénovation, notamment pour le réseau routier national transféré aux départements, ne va pas manquer, très rapidement, de grever la situation financière tant des départements que des communes. Nous risquons de voir se rééditer pour les routes ce que nous avons connu, dans les années quatre-vingt, pour les établissements scolaires.
Je mets aux voix les crédits, modifiés, de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Ces crédits sont adoptés.
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Compte de concours financier : avances aux collectivités territoriales » figurant à l'état D.
§(En euros)
Mission
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Avances aux collectivités territoriales
Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie
Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte de concours financier : « Avances aux collectivités territoriales ».
Ces crédits sont adoptés.
J'appelle en discussion les articles 51 bis à 51 sexies et les amendements tendant à insérer des articles additionnels, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-201 rectifié, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 51 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L... - La répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales tient compte des caractéristiques des territoires ruraux, notamment de leur faible densité de population, de la situation socio-économique de leur population, ainsi que des nouvelles obligations de nature environnementale qui s'imposent aux collectivités de ces territoires. Elle prend en compte notamment, selon des critères adaptés, les charges liées à la longueur des réseaux et des infrastructures de desserte, à la dispersion de l'habitat, aux surcoûts dus au relief et au climat, aux coûts liés à l'entretien et à l'amélioration de la qualité environnementale des espaces et réseaux hydrographiques ainsi que les charges liées à la protection contre les risques. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Actuellement, 6 130 communes de notre pays, dont 4 314 comptant moins de 500 habitants, répondent à la définition des « communes de montagne » et sont, à ce titre, confrontées à des problématiques particulières de gestion, de programmation de leurs équipements et de mise en oeuvre des politiques locales, tout à fait particulières.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que, malgré les éléments retenus dans le cadre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la situation des communes concernées ne peut être appréhendée de manière tout à fait positive. La faiblesse des moyens financiers et les contraintes spécifiques liées à la géographie sont autant de paramètres qu'il convient de prendre en compte, tout comme les revenus et la demande sociale des habitants eux-mêmes.
Citons quelques paramètres simples et accessibles.
Un certain nombre de départements - l'Allier, les Alpes-de-Haute-Provence, l'Ardèche, l'Ariège, notamment - bénéficient aujourd'hui de la dotation de fonctionnement minimale, la DFM. La situation de ressources des habitants de ces départements devrait, selon nous, être mieux prise en compte. Ainsi, parmi les départements métropolitains où le nombre de foyers non imposables est majoritaire figurent notamment les Alpes-de-Haute-Provence et l'Ariège.
La situation des collectivités locales de montagne, confrontées à des problèmes spécifiques liés à la géographie, doit donc être prise en compte de manière plus pertinente pour la détermination des conditions d'attribution des dotations budgétaires de l'État.
Force est de constater, à la lecture des amendements qui concernent cette question, que le dispositif adopté lors de la discussion de la loi de finances pour 2005 présente une imperfection évidente, car il s'est asphyxié aussi vite qu'il a été créé, ce que nous avions d'ailleurs prévu à l'époque.
La prise en compte des spécificités de la vie locale est l'un des postulats essentiels qui devraient guider la démarche de l'État et donner du sens à la qualité de ses relations avec les collectivités territoriales.
L'amendement n° II-223 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse, est ainsi libellé :
Avant l'article 51 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré, après l'article L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales, un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - La répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales tient compte des caractéristiques des territoires ruraux, notamment de leur faible densité de population, ainsi que des nouvelles obligations de nature environnementale qui s'imposent aux collectivités de ces territoires. Elle prend en compte notamment, selon des critères adaptés, les charges liées à la longueur des réseaux et des infrastructures de desserte, à la dispersion de l'habitat, aux surcoûts dus au relief et au climat, aux coûts liés à l'entretien et à l'amélioration de la qualité environnementale des espaces et réseaux hydrographiques ainsi que les charges liées à la protection contre les risques. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
Monsieur le ministre délégué, retenu ce matin à la réunion du Comité des régions, à Bruxelles, j'ai voulu cependant participer à ce débat budgétaire, car je tiens à faire entendre la voix de ces départements à faible densité de population, incarnés par la Lozère, qui doivent acquitter des charges très importantes par rapport à leur surface. Au passage, je tiens à saluer l'effort fait par ce gouvernement à de multiples occasions, que vous avez rappelées, monsieur le ministre délégué.
Cet amendement tend à souligner la nécessité d'intégrer, pour la répartition des dotations d'État entre les communes de territoires ruraux, des critères objectifs tels la longueur des réseaux, les infrastructures de desserte, la dispersion de l'habitat, les surcoûts dus au relief et au climat, le coût lié à l'entretien, à l'amélioration de la qualité environnementale des espaces et réseaux hydrographiques, ainsi que les charges liées à la protection contre les risques.
Il me semble que nous n'avons pas assez insisté sur cette dimension de la répartition des dotations d'État. Ce sont d'ailleurs les propos, très appréciés, que vous avez tenus, monsieur le ministre délégué, lors de l'assemblée générale de l'Association nationale des élus de la montagne, l'ANEM, qui m'ont incité à intervenir dans ce débat. Je pense en effet qu'il est bon de traduire cette volonté dans les textes.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Les amendements de Mme Mathon-Poinat et de M. Blanc sont intéressants. M. Blanc avait d'ailleurs déjà présenté le sien l'an dernier, et il a visiblement su convaincre sa collègue. Il est donc sur la bonne voie !
Sourires
Ces amendements ont pour objet d'attirer notre attention sur le problème de la répartition des dotations d'État, mais ils ne sont en rien normatifs et ne tendent à proposer aucune mesure concrète. Peut-être pourraient-ils être retravaillés par leurs auteurs et déposés l'année prochaine, mais avec un contenu plus normatif, car des règles claires sont toujours préférables à de simples intentions, fussent-elles louables.
Par ailleurs, je rappelle à M. Blanc que le département de la Lozère est celui dont la DFM a connu la plus forte croissance, puisqu'il a gagné plus de 60 euros par habitant en six ans ! Vous avez donc d'ores et déjà satisfaction, mon cher collègue.
À défaut d'un retrait, je serai contraint d'émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission : cette disposition est trop générale et pas assez normative. Certes, l'intention est louable, et je ne peux qu'y souscrire, je le dis d'autant plus volontiers, monsieur Blanc, que vous avez évoqué de façon très sympathique mon passage à l'assemblée générale de l'ANEM.
Je rappelle cependant, après M. le rapporteur spécial, ce qui témoigne d'une réelle complicité entre nous, que les territoires ruraux sont d'ores et déjà protégés, et selon des critères très précis. De surcroît, la DFM du département de la Lozère a effectivement augmenté de manière très sensible, puisqu'elle est exactement le double de celle des autres départements.
Je note que M. le ministre délégué et M. le rapporteur spécial, parlant sous le contrôle du président de la commission des finances, ont tous deux affirmé qu'ils souscrivaient à notre objectif et qu'un certain nombre d'évolutions avaient permis de mieux prendre en compte la réalité de ces départements.
Notre inquiétude concerne surtout l'avenir. Certes, nous reconnaissons que des progrès ont été faits. Toutefois, M. le président de la commission des finances avait indiqué, l'année dernière, qu'il ne manquerait pas d'analyser d'une manière à la fois forte et objective les perspectives d'avenir, celles-là mêmes qui nous préoccupent.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ce que j'ai fait !
M. le président de la commission des finances brandit un graphique.
Nous donnons acte à la commission des finances et au Gouvernement de l'évolution très positive de la DFM. Mais nous exprimons notre crainte de voir la situation se figer, ce qui aurait pour conséquence en quelque sorte de nous mettre en panne, et ce alors même que vous avez fait naître l'espoir dans nos départements, monsieur le ministre délégué.
Tenant compte des remarques de M. le rapporteur spécial portant sur le caractère peu normatif de ces propositions, je vais retirer cet amendement. Avec ce groupe des vingt-quatre départements les plus pauvres, qui ne sont toujours pas devenus les plus riches, si ce n'est en apparence et de manière pour le moins artificielle, nous allons réfléchir afin de proposer pour ces dotations, lors de l'examen des futurs budgets de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », des évolutions positives.
Pour l'heure, je retire cet amendement.
L'amendement n° II-223 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Je sais combien Jacques Blanc aime jouer « collectif ». Je suggère donc, monsieur le ministre délégué, que nous élargissions cette réflexion. Le nombre de vingt-quatre départements, arrêté en 1992, est en effet un peu réduit. Je pense que l'heure est venue de travailler à soixante-quatre et de remettre ce dossier sur la table afin de lever toutes les ambiguïtés.
Je ne doute pas que M. Blanc sera à nos côtés pour répondre aux exigences de l'équité républicaine.
Je mets aux voix l'amendement n° II-201 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 70 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° II-239, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 51 bis, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
I. - Après le premier alinéa de l'article L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La dotation forfaitaire par habitant attribuée aux communes et à leurs groupements est comprise dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne constatée au sein de leur strate démographique. »
II. - Le solde résultant de l'ajustement de la répartition de la dotation forfaitaire proposée au I, est affecté à la dotation de solidarité urbaine visée à l'article L. 2334-15 du même code.
III. - Les I et II font l'objet d'une mise en oeuvre progressive entre le 1er janvier 2007 et le 1er janvier 2012.
Les conditions de ce lissage sont définies par décret.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Nous avons précédemment insisté sur l'importance d'accroître la péréquation, qui est désormais un objectif de valeur constitutionnelle.
L'un de nos collègues, M. Fourcade, a estimé que ma conception de la péréquation était obsolète. C'est une façon de voir les choses !
Mais quelle est précisément notre idée de la péréquation ? Nous sommes favorables à un accroissement de la part de la péréquation dans la masse de la DGF, à périmètre constant, c'est-à-dire de la part de la justice et de la solidarité. Si l'on considère que cette position est obsolète, cela témoigne en effet d'une certaine conception, que nous ne partageons pas. Au moins, les choses ont le mérite d'être d'une grande clarté.
Vouloir impérativement maintenir une dotation forfaitaire invariable pour toutes les communes, c'est être défavorable à l'augmentation de la péréquation.
Le statu quo pour tout le monde est strictement incompatible, à périmètre constant, avec la péréquation en faveur des communes les plus en difficulté.
Je ne souscris pas aux propos que vous avez tenus, monsieur le ministre délégué. À toutes périodes, des efforts ont été accomplis. Le premier effort a consisté à créer la DSU puis à augmenter son montant. Mais aujourd'hui tout le monde sait que les moyens financiers consacrés à la politique de la ville et aux quartiers en grande difficulté sont insuffisants. On pourrait disserter à l'infini sur l'urbanisme des années cinquante et soixante et sur son héritage, mais, les choses étant ce qu'elles sont, si l'on veut répondre aux défis que constitue la réhabilitation en profondeur des quartiers où l'on vit mal, il faut de l'argent, beaucoup plus d'argent que ce que donne la DSU. Par conséquent, si l'on pense que c'est une véritable priorité, il faut y affecter les moyens.
Dans le rapport qu'ils ont consacré à la péréquation, MM. Guy Gilbert et Alain Guengant soulignent que l'appréciation du niveau global de correction des inégalités demeure « délicate en l'absence d'un chiffrage précis, par les pouvoirs publics, du degré souhaitable de réduction des inégalités territoriales, tant dans la loi que désormais dans la Constitution ».
Si le principe dorénavant constitutionnel d'autonomie financière est précisé dans une loi organique et fait l'objet d'un suivi spécifique, tel n'est pas le cas du principe de péréquation.
C'est la raison pour laquelle nous proposons avec cet amendement que la dotation forfaitaire par habitant attribuée aux communes et à leurs groupements soit comprise dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne constatée au sein de leurs strates démographiques, le solde résultant de l'ajustement de la répartition de la dotation forfaitaire étant affecté à la péréquation. En l'espèce, nous visons la dotation de solidarité urbaine, mais on pourrait élargir le dispositif à la DSR, dès lors que l'on reverrait ses critères de répartition, ce qui me paraît nécessaire si l'on veut plus de péréquation.
Notre proposition n'est nullement obsolète, mais est au contraire l'expression concrète de la solidarité entre les collectivités locales. Certes, la mise en oeuvre d'une telle mesure exige du temps. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous prévoyons un dispositif de lissage.
On peut comprendre les raisons qui ont conduit M. Sueur à présenter cet amendement : il veut augmenter la capacité péréquatrice de la DGF.
Je rappelle cependant que la DGF a aussi pour fonction de couvrir un certain nombre de charges de base des collectivités. C'est d'ailleurs ce pour quoi elle a été créée. La dotation forfaitaire concourt à couvrir ces charges de base générales que toutes les collectivités doivent assumer.
Si nous comprenons l'objectif, la méthode que nous propose M. Sueur ne nous semble pas la bonne. En effet, réduire, au nom de la péréquation, la dotation forfaitaire, ou décider d'une moindre augmentation, alors que, nous le savons tous, les dépenses qu'elle doit couvrir augmentent, c'est condamner certaines communes à ne plus voir la totalité de leurs charges couvertes.
Je signale à cet égard qu'à la suite d'un débat similaire que nous avons eu lors de l'examen, en première partie, d'un amendement déposé par notre collègue François Marc, celui-ci avait accepté de le retirer pour cette raison.
Mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir aujourd'hui faire de même. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Comme vient de le dire M. le rapporteur spécial, votre intention, à l'évidence, n'est pas illégitime, monsieur Sueur. Elle s'inscrit d'ailleurs dans l'esprit de la réforme de 2005.
Néanmoins, j'attire votre attention sur les risques que ferait courir votre amendement qui, s'il était adopté, pourrait se traduire pour un certain nombre de communes par des pertes de ressources en ce qu'il réduirait très vraisemblablement les montants de dotation forfaitaire qui leur sont attribués. Évidemment, tel n'est pas votre objectif.
Je vous rappelle que le plan de cohésion sociale lancé par Jean-Louis Borloo garantit une augmentation régulière de la DSU pendant cinq ans. Comme je l'ai précédemment précisé, cela représente 120 millions d'euros par an. On ne peut quand même pas en faire abstraction !
Pour toutes ces raisons, comme M. le rapporteur spécial, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Monsieur le président, je comprends parfaitement les propos de M. le ministre et de M. le rapporteur, mais ne puis malheureusement y souscrire.
On peut discuter les modalités pratiques de cet amendement, mais, sur le fond, je conteste que son adoption entraînerait une perte de ressources pour les collectivités locales de ce pays. Les sommes seraient identiques, mais simplement réparties différemment.
Il n'y a pas trente-six solutions. Si l'on veut que les dotations versées à chaque collectivité restent inchangées, mais que la DSU soit dans le même temps augmentée, alors il faut accroître la masse. Cela signifie qu'il faut accroître les concours de l'État aux collectivités locales. Or il n'est pas prévu d'aller au-delà du pourcentage qui a été inscrit dans le projet de loi de finances.
Il y a donc entre nous un désaccord de fond. Toutes les associations d'élus demandent finalement que leurs ressortissants touchent en année N +1 au moins la même chose qu'en année N. Mais, avec ce système, on arrive aujourd'hui à un taux de péréquation réel de l'ordre de 7 % de la masse de la DGF. C'est très faible, parce que la dotation forfaitaire, par définition, n'est pas péréquatrice. La dotation d'intercommunalité, quant à elle, ne l'est guère parce qu'elle ne prend que peu en considération le niveau de richesse de la structure intercommunale. Enfin, la DSR aide globalement les communes rurales, mais elle est peu péréquatrice en vérité. Il reste la DSU, dont on pourrait d'ailleurs améliorer la formule.
Si l'on pense que la péréquation est une priorité, il faut avoir le courage d'en tirer les conséquences. Sinon, on aura beau jeu de réclamer toujours plus de solidarité pour les quartiers en difficulté, et des moyens en conséquence, tout en demandant que la situation reste inchangée pour les autres, y compris pour ceux qui vont très bien.
Telle n'est pas notre conception. Il y a là matière à un débat de fond et à un choix politique fort. Voilà pourquoi je maintiens cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-219 rectifié est présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, Hérisson, Amoudry, Bailly, Gouteyron, Faure, Fournier, Besse et Humbert.
L'amendement n° II-238 est présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 51 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les communes de montagne, il est minoré d'une partie de leur dotation proportionnelle à la superficie prévue au cinquième alinéa (2°) de l'article L. 2334-7 du présent code, correspondant à la majoration par hectare dont elles bénéficient par rapport aux autres communes. »
La parole est à M. Jacques Blanc, pour présenter l'amendement n° II-219 rectifié.
En 2005, la spécificité des communes de montagne a, de manière fort heureuse, été reconnue par une majoration de la dotation attribuée en fonction de la superficie. C'est ainsi que les communes de plaine bénéficient d'une dotation proportionnelle à la superficie de 3 euros par hectare, et les communes de montagne de 5 euros par hectare.
Cependant, comme je l'avais déjà fait observer l'année dernière, cette compensation de charge est prise en considération dans le calcul du potentiel financier, ce qui vient en partie annihiler la prise en compte de cette spécificité.
Cet amendement vise par conséquent à « éviter d'enlever d'une main ce que l'on donne de l'autre », pour reprendre les déclarations qu'a faites, au cours du quatre-vingt-neuvième congrès des maires et des présidents de communautés de France, Jean-François Copé, ministre délégué au budget, lors d'un débat sur les finances locales. À cette occasion, il s'était d'ailleurs prononcé en faveur d'un examen de la situation spécifique des communes de montagne, les élus ayant fait part de leur déception.
Cet amendement se justifie par la volonté que cette spécificité soit bien reconnue et que l'on ne reprenne pas d'un côté ce qui a été donné de l'autre.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° II-238.
J'ajouterai à ce que vient de dire Jacques Blanc qu'on mesure ici l'un des effets tout à fait pervers de la prise en compte de la dotation proportionnelle pour le calcul du potentiel financier. En effet, certaines communes dont les ressources sont faibles ou qui se trouvent en situation de quasi pauvreté se trouvent injustement défavorisées. C'est aberrant !
C'est pourquoi nous proposons tout simplement avec cet amendement de supprimer ce mécanisme, qui porte atteinte à l'équité, pour aller vers plus de péréquation.
L'amendement n° II-222 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse, est ainsi libellé :
Avant l'article 51 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Pour les communes classées montagne et dont la part de la garantie prévue au huitième alinéa (4°) de l'article L. 2334-7 représente plus de la moitié de la dotation forfaitaire, le potentiel financier est égal à son potentiel fiscal, majoré du montant de la dotation forfaitaire perçu par la commune l'année précédente, hors la part prévue au sixième alinéa (3º) de l'article L. 2334-7 et dans la limite de 25 % du montant du potentiel fiscal. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
Dans le même esprit, pour éviter de pénaliser les communes de montagne dont le montant de la dotation forfaitaire est très élevé - ce qui signifie qu'elles sont en situation difficile - du fait de la part prépondérante de la dotation de garantie par rapport à leur potentiel fiscal, et afin d'appréhender de manière plus réaliste leur richesse, nous proposons de limiter la proportion de cette dotation dans le calcul du potentiel financier à un niveau réaliste pour les communes dont le complément de garantie représente au moins 50 % de la dotation forfaitaire.
Chers collègues, il faut choisir ! On ne peut pas tout à la fois souhaiter augmenter les dotations de péréquation au motif que certaines collectivités sont moins riches que d'autres et refuser de mesurer la richesse de chacune d'entre elles pour calculer l'effort de péréquation pertinent.
Or la dotation forfaitaire - M. Sueur a proposé, dans son précédent amendement, de la réduire, tandis que vous suggérez de ne pas en tenir compte dans le calcul du potentiel financier, ce qui est plus simple - fait partie de la richesse intrinsèque de la collectivité. En effet, elle lui est acquise, elle ne diminue pas et même augmente, qu'il s'agisse de la part superficiaire ou de la fraction versée pour la montée et la descente de la colline !
C'est seulement une fois cette dotation forfaitaire connue, ajoutée aux autres richesses mesurées par le potentiel fiscal de la collectivité, que l'on se rend compte de la situation financière de cette collectivité par rapport aux autres et que l'on peut corriger, peu ou prou, les disparités. J'admets tout à fait que la correction n'est pas totale par des dotations de péréquation. Mais on ne peut pas, d'un côté, vouloir augmenter la péréquation et, de l'autre, choisir d'enlever la mesure de la richesse réelle.
Donc, si vous voulez tendre vers plus de péréquation, vous devez retirer vos amendements. Sinon, vous faussez le calcul, vous cassez le thermomètre
Sourires
Ces trois amendements trahissant votre intention, qui est tout à fait louable, je vous demande, chers collègues, de bien vouloir les retirer. Sinon, je serai contraint de demander au Sénat de les rejeter.
Il est vrai que les communes de montagne bénéficient d'une mesure favorable pour le calcul du montant de leur dotation forfaitaire, qui est calculée sur la base de 5 euros et non de 3 euros.
Mais il est juste, aussi, que le montant résultant de ce calcul soit bien pris en compte pour l'appréciation du potentiel financier, puisque, à l'évidence, cela constitue une ressource garantie pour les communes, comme d'ailleurs l'ensemble de la dotation forfaitaire.
Les charges qui incombent aux communes de montagne font déjà l'objet d'un traitement spécifique dans le calcul des dotations de péréquation, et il ne me paraît pas utile de modifier cette situation.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Monsieur Blanc, voulez-vous vraiment casser le thermomètre ?
Sourires
Le médecin que je suis sait qu'il faut toujours se méfier et prendre la vraie température ! Mais, en l'espèce, nous n'avons pas aujourd'hui le moyen objectif d'apprécier exactement la situation financière de ces communes. Et le fait d'introduire, pour le calcul de la richesse, la dotation qui est attribuée à la collectivité en raison de sa pauvreté est contradictoire.
J'accepte de retirer mes amendements, mais je demande à la commission des finances d'essayer de trouver une réponse plus adaptée. Il est vraiment difficile de comprendre, je le répète, que la somme supplémentaire accordée à une collectivité compte tenu de son degré de pauvreté soit introduite dans le calcul de sa richesse.
Les amendements n° II-219 rectifié et II-222 rectifié sont retirés.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Je comprends bien ce que souhaite Jacques Blanc : au fond, pour mesurer la richesse relative d'une commune ou d'un département, il faut enlever les dotations de garantie. Nous pouvons avancer dans cette voie, monsieur le ministre délégué, et estimer que le calcul s'effectuera par rapport à la population. Je suis très ouvert à cette proposition.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le président de la commission des finances ?
La parole est à M. Jacques Blanc, avec l'autorisation de M. le président de la commission des finances.
Je reviens à ce que j'avais indiqué au départ. Dans les territoires ruraux, le critère de population n'est pas le bon, et le retenir, c'est faire fausse route.
Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission des finances.
Nous prendrons d'autres critères.
Je voudrais vous en convaincre, il est temps de considérer que des dotations garanties font partie de la richesse relative.
Vous vous dites certainement que, si l'on tient compte de ces dotations, dont le montant n'est pas toujours le même, vous n'aurez plus droit à celles qui sont accordées aux collectivités les plus pauvres. Si vraiment vous souhaitez que vos collectivités soient considérées comme très modestes, nous pourrons toujours décider d'enlever ces ressources garanties du calcul de la richesse. La discussion est possible. Mais vous ne pouvez pas demander à bénéficier de dotations garanties et en faire ensuite abstraction pour le calcul d'un supplément.
Je sens bien une résistance de votre part...
Nous avons déjà eu ce débat l'an dernier, mais je suis à votre disposition pour que nous reprenions nos réflexions ensemble dans les prochaines semaines.
Je vais également retirer cet amendement, compte tenu du débat qui a eu lieu.
Mais un problème continue de se poser, qui n'est pas lié aux dotations de péréquation ; il tient à l'architecture nouvelle de la dotation dite forfaitaire, à l'intérieur de laquelle figure la dotation de superficie, la deuxième après la dotation de base, et la dotation de garantie, la quatrième après la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
Le système est d'une grande perversité, et nous en avons ici un exemple. Si M. Copé, un ministre délégué au budget qui ne parle pas à la légère a dit qu'il ne fallait pas, au sujet des communes de montagne, reprendre d'une main ce que l'on avait donné de l'autre, c'est que à l'évidence, monsieur le ministre délégué, même certains membres du Gouvernement ont le sentiment que ce nouveau dispositif de la dotation forfaitaire suscite des situations paradoxales. Donc, il me paraît nécessaire de poursuivre la réflexion sur ce point.
L'amendement n° II-238 est retiré.
L'amendement n° II-79 rectifié, présenté par MM. Masson, Jarlier, Adnot, Alduy, Balarello, Barraux, Baudot, Beaumont, Belot, Bernardet et Besse, Mmes Bout et Brisepierre, MM. Cambon, Cléach, Darniche, Del Picchia et Dériot, Mme Desmarescaux, MM. P. Dominati et Dulait, Mme B. Dupont, MM. J.L. Dupont, Esneu et Faure, Mmes Garriaud-Maylam et G. Gautier, MM. A. Giraud, Girod et Goulet, Mme Gousseau, MM. Grillot et Hérisson, Mme Hummel, M. Huré, Mme Létard, MM. Longuet, Milon et Othily, Mme Payet, MM. Portelli et Revet, Mme Sittler, MM. Souvet, Türk, Vendasi et Virapoullé, est ainsi libellé :
Avant l'article 51 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 2334-16 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants, dont une partie de la population est située en zone urbaine sensible et qui font partie d'une agglomération de plus de 5 000 habitants. Pour les communes concernées par le présent alinéa, la dotation de solidarité rurale n'est pas cumulable avec la dotation de solidarité urbaine ».
II. - Les dispositions du I entrent en application le 1er janvier 2007.
La parole est à M. Claude Belot.
Il s'agit de mettre fin à ce qui me semble une anomalie. Vous le savez, des zones urbaines sensibles ont été dessinées en France en fonction d'une réalité sociale malheureusement difficile. Or il se trouve que seize communes, ni plus ni moins, auparavant classées en zones rurales et bénéficiant, à ce titre, de la dotation de solidarité rurale, ne peuvent bénéficier de la DSU, alors qu'elles supportent toutes la charge particulière des zones urbaines sensibles, au motif que cette DSU, dont le montant est multiplié notamment d'un coefficient proportionnel à la population située en ZUS, ne peut pas être attribuée à des communes de moins de 5 000 habitants.
Cette situation, absurde, est totalement injuste à l'égard de ces communes. C'est la raison pour laquelle des souhaits ont été formulés pour qu'elle soit réexaminée, au nom d'une certaine cohérence. Je rappelle que cette question ne concerne que seize communes de moins de 5 000 habitants.
Peut-être cela tient-il à l'histoire. On a d'abord créé les zones urbaines éligibles à la DSU ; on a ensuite institué les zones sensibles, mais sans tenir compte de la législation antérieure.
Monsieur le ministre délégué, un amendement identique a été présenté à l'Assemblée nationale. Et, fort logiquement, vous aviez répondu qu'il n'était pas possible de cumuler la dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine, ce qui était cohérent. Mais l'amendement a été modifié de façon que précisément les communes ne puissent pas bénéficier cumulativement de la DSR et de la DSU. Cette disposition peut donc se justifier à tous points de vue.
La demande, formulée au Sénat par M. Belot et un nombre très important de nos collègues, de rendre éligibles à la DSU certaines communes de moins de 5 000 habitants dès lors qu'elles sont en ZUS apparaît pertinente. J'aurais souhaité connaître l'avis du Gouvernement avant de me prononcer.
Monsieur Belot, à l'évidence, votre remarque n'est pas infondée, et vous avez eu la sagesse, et l'habileté, de vous renseigner sur les propos que j'ai tenus à l'Assemblée nationale, ce qui ne me surprend pas de votre part. (Sourires.)
Mais il y a un autre argument que je n'ai pas utilisé à l'Assemblée nationale, puisque ce n'était pas le sujet.
En fait, si je vous suis bien, votre proposition aurait pour conséquence d'intégrer quatorze communes de moins de 5 000 habitants dans le dispositif, mais, compte tenu du critère des ressources et des charges, d'exclure des communes de plus de 5 000 habitants. Donc, paradoxalement, votre proposition aboutirait à une inégalité supplémentaire. Cela, vous ne pouviez pas le savoir, puisque ces chiffres m'ont été communiqués assez récemment. Voilà pourquoi je préférerais que vous retiriez cet amendement.
Monsieur le ministre délégué, je ne vais pas me battre. Je sais que nous touchons à une réalité complexe, mais je ne souhaite pas créer une nouvelle injustice en en supprimant une autre.
Néanmoins, il faut expliquer à ces communes de moins de 5 000 habitants pourquoi elles disposent de moyens bien inférieurs à ceux d'une municipalité voisine de 5 002 habitants, par exemple.
Cette situation, incohérente, n'est pas tenable, et il faudra que vous traitiez ce sujet. Cela dit, je retire mon amendement.
Le quatrième alinéa du 4° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, pour les communes dont la garantie par habitant est supérieure à 1, 5 fois la garantie par habitant moyenne constatée l'année précédente, le taux de progression de la garantie est nul. »
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° II-196 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-220 rectifié est présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, Amoudry, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse.
L'amendement n° II-241 est présenté par M. Bockel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° II-196.
La parole est à M. Jacques Blanc, pour présenter l'amendement n° II-220 rectifié.
Cet amendement vise à supprimer la disposition, adoptée à l'Assemblée nationale, prévoyant le gel de la dotation de garantie pour les communes bénéficiant d'une dotation de garantie de plus de 1, 5 fois la dotation de garantie moyenne.
Il convient d'avoir pour objectif le maintien d'une croissance significative à l'ensemble des composantes de la dotation forfaitaire des communes, particulièrement de celles dont la dotation de garantie représente une proportion importante de leur dotation forfaitaire, et, par ailleurs, dont le potentiel fiscal et les bases de taxe professionnelle sont, hélas ! généralement faibles.
En effet, pour certaines communes, la part de la garantie devient prépondérante au sein de la dotation forfaitaire et conduit à une évolution de cette dotation très inférieure à l'inflation, a fortiori si toute progression leur est supprimée. Ces communes risquent ainsi de perdre, au niveau de la dotation forfaitaire, ce qu'elles gagnent au niveau des dotations de solidarité ou de péréquation.
On relève, par exemple, s'agissant des communes de montagne de la première strate, c'est-à-dire de moins de 500 habitants, que, pour l'année 2006, la part du complément de garantie dans la dotation forfaitaire s'établit à 47, 56 % pour les communes de montagne, alors que, pour l'ensemble des communes de la métropole, elle représente 41, 93 %.
L'amendement n° II-241 n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-230 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, Amoudry, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse, est ainsi libellé :
I. - Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le quatrième alinéa du 4° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée :
Pour les communes dont la garantie représente plus de 40% de la dotation forfaitaire, cette garantie évolue selon un taux égal au taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement.
II. - En conséquence, au premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
une phrase ainsi rédigée
par les mots :
deux phrases ainsi rédigées
La parole est à M. Jacques Blanc.
L'amendement n° II-221 rectifié bis, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, Amoudry, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse, est ainsi libellé :
I. - Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le quatrième alinéa du 4° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée :
Pour les communes dont la garantie représente plus de 40% de la dotation forfaitaire, cette garantie évolue selon un taux égal au taux de progression de la dotation de base prévue au deuxième alinéa de ce même article.
II. - En conséquence, au premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
une phrase ainsi rédigée
par les mots :
deux phrases ainsi rédigées
La parole est à M. Jacques Blanc.
Très cher Jacques Blanc, afin que nous parvenions tous à comprendre, je souhaiterais vous poser une question simple et claire.
Vous nous avez expliqué que plus de péréquation était nécessaire pour les communes les plus pauvres. J'entends bien. L'article 51 bis a justement pour objet, en gelant la dotation de garantie, de libérer les possibilités financières pour augmenter la péréquation. Or vous déposez un amendement tendant à supprimer cet article. Une telle démarche va donc réduire les possibilités de péréquation !
Vous ne pouvez pas, me semble-t-il, prétendre vouloir plus de péréquation et plus de garantie, nous n'y parviendrons pas. Il faut choisir !
J'ai compris que tout le monde avait clairement opté pour la péréquation, d'ailleurs introduite dans la Constitution. Certes, elle est encore très imparfaite aux yeux de ceux qui en bénéficient, mais j'observe qu'elle est également tout à fait parfaite pour ceux qui n'en bénéficient pas, et ils sont un certain nombre !
Monsieur Blanc, vos amendements sont contraires à l'esprit de ceux que vous avez précédemment défendus. En effet, nous aurons beaucoup de peine à vous donner satisfaction à l'avenir : nous ne pourrons pas faire plus aujourd'hui, si vous demandez plus de garantie une fois et plus de péréquation la fois d'après ! Je vous demande donc instamment de retirer vos amendements, sinon la commission émettra un avis défavorable.
Le Gouvernement émet le même avis.
Je tiens à insister simplement sur un point : supprimer l'article 51 bis, c'est se priver de 13, 5 millions d'euros que l'on pourrait affecter à la péréquation. On ne peut pas tout à la fois réclamer un effort de péréquation et le torpiller ensuite !
Monsieur Jacques Blanc, l'amendement n° II - 220 rectifié est-il maintenu ?
Je vais le retirer, mais je ne crois pas que l'on puisse suivre votre raisonnement, monsieur le ministre délégué. En effet, il n'est pas question de réduire la péréquation ; il s'agit de faire en sorte que la dotation de garantie, dont la part peut être importante pour certaines communes, ne soit pas figée.
Voyons, monsieur Blanc, vous obtiendrez ainsi une réduction de la péréquation !
Nous ne souhaitons pas diminuer la péréquation de 13, 5 millions d'euros.
Nous voulons simplement que certaines communes, dont la situation est telle que la dotation de garantie s'élève à une fois et demie la dotation de garantie moyenne, ne voient pas cette dernière figée.
Vous admettez donc que leur dotation est une fois et demie au-dessus de la moyenne !
Oui, et cela prouve vraiment que leur situation est extrêmement difficile. Nous souhaitons simplement que l'évolution ne soit pas bloquée et que l'on aide ceux qui en ont le plus besoin. Si l'on en donne un peu plus à ceux qui en ont le plus besoin, il y en aura évidemment un peu moins pour les plus privilégiés...
Mais, de grâce, ne présentez pas nos amendements comme tendant à la diminution de la solidarité. Au contraire, il s'agit de faire en sorte que les communes les plus pauvres ne soient pas pénalisées par le gel de leur dotation de garantie.
Vous l'aurez compris, je maintiens mes amendements.
Si ces amendements sont soumis au vote, nous serons amenés à nous abstenir. Je tiens à vous en expliquer les raisons.
Tout d'abord, depuis tout à l'heure, nous parlons de péréquation, mais j'observe que la question qui nous occupe aujourd'hui porte sur la dotation dite forfaitaire et, au sein de la dotation forfaitaire, sur la dotation de garantie, c'est-à-dire une sous-dotation de la dotation forfaitaire.
Il s'agit de déterminer comment doit évoluer cette dotation de garantie. Dans un esprit de péréquation au sein de la partie de la dotation forfaitaire appelée dotation de garantie, les députés ont proposé un plafonnement. Pour comprendre le problème, je me permets de citer un extrait de la revue Décision locale qui l'explique extrêmement bien.
S'agissant de la dotation dite de garantie, il convient de distinguer deux catégories de communes : « Les premières, les plus nombreuses, ont une DGF très supérieure à celle des autres communes, en raison de différents héritages du passé, comme, par exemple, une forte activité touristique. Des villes comme Vichy ou Lourdes ont ainsi une DGF trois fois plus élevée que d'autres communes de même catégorie.
« Par conséquent, supprimer la dotation de garantie du potentiel financier des communes minorerait artificiellement la prise en compte de la richesse de certaines d'entre elles. Cela irait à l'encontre du renforcement de la péréquation, promu par la réforme de la DGF.
« Cependant, le problème est que la seconde catégorie de communes, qui perçoivent une dotation de garantie, est constituée par celles qui ont bénéficié de dispositifs de péréquation au sein de la DGF, entre 1985 et 1993. Elles sont néanmoins beaucoup moins nombreuses. »
En bref, il existe deux catégories de bénéficiaires de cette dotation de garantie : les villes, nombreuses, qui vont relativement bien, et les communes que visent nos collègues.
C'est le mécanisme qui est pervers. En effet, pour la première catégorie de communes, je souscris complètement aux propos de M. le rapporteur spécial : le plafonnement prévu au sein de la sous-dotation de la dotation forfaitaire est effectivement justifié et péréquateur. En revanche, une telle disposition a un effet pervers pour la seconde catégorie de communes. Malheureusement, nous ne trouvons aucune solution pour corriger ou supprimer cet effet pervers.
Nous nous abstiendrons donc de voter de telles mesures puisque le plafonnement est justifié pour la première catégorie desdites communes, mais, parce qu'il ne l'est pas pour la seconde, nous pensons que nos collègues ont raison de vouloir réparer cette injustice.
Il y a une part de vérité dans les propos de Jacques Blanc et de Jean-Pierre Sueur, et seulement une part. Il en est de ce sujet comme du célèbre pâté d'alouette, composé d'un cheval et d'une alouette : le problème est de définir la proportion de cheval qu'il faudra maintenir et la proportion d'alouette qu'il faudra corriger.
S'agissant du cheval, le complément de garantie est le cimetière de toutes les dotations et de tous les impôts morts depuis 1966. Si Vichy et Lourdes ont effectivement les DGF de loin les plus fortes de France, c'est parce qu'une taxe locale au taux de 8, 5 % pesait sur le chiffre d'affaire des cafés, hôtels et restaurants. Une telle taxe a rapporté à ces villes des sommes importantes, et notre système de garantie permet de conserver une ressource dont on a bénéficié à un moment donné, et ce ad vitam aeternam.
J'ai fait quelques calculs : sur les deux milliards d'euros de complément de garantie visés à l'article 51 bis, un cinquième correspond à la seule ville de Paris. C'est en effet elle qui bénéficie le plus de ce système de garantie. Le voilà, le cheval ! Il est bien normal que, à son égard, un écrêtement soit institué.
S'agissant de l'alouette, monsieur le ministre délégué, j'ai pris l'exemple du Puy-de-Dôme, et il apparaît, toujours d'après mes calculs, que 126 communes sont touchées par la réduction à 0 % du taux de croissance de la dotation de garantie. Cela représente une perte de 100 000 euros, secondaire certes ; toutefois, il faudra absolument trouver des solutions pour les communes qui sont du côté de l'alouette. Nous pourrions peut-être prévoir une augmentation de la dotation forfaitaire de cinq ou six euros par hectare. Le comité des finances locales pourra d'ailleurs y travailler.
D'autres villes sont concernées par le problème ; c'est le cas des communes minières du Pas-de-Calais, telles que Bruay ou Sallaumines. Il faudrait peut-être également engager une réflexion à leur sujet.
Toutefois, je maintiens mon avis très favorable à cette mesure parce qu'elle constitue le seul moyen d'augmenter la dotation de garantie.
Monsieur Blanc, les amendements n° II-220 rectifié, II-230 rectifié et II-221 rectifié bis sont-ils maintenus ?
Les amendements n° II-220 rectifié, II-230 rectifié et II-221 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° II-196.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 51 bis est adopté.
Le dernier alinéa de l'article L. 3334-3 du code général des collectivités territoriales est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En 2005, la dotation forfaitaire du département de Paris est égale à la dotation forfaitaire qu'il a perçue l'année précédente indexée selon le taux de progression fixé en application du quatrième alinéa.
« À compter de 2006, la dotation forfaitaire du département de Paris est égale à la dotation forfaitaire qu'il a perçue l'année précédente indexée selon le taux de progression correspondant à la moyenne pondérée des deux taux fixés par le comité des finances locales en application du cinquième alinéa. » -
Adopté.
Je suis d'abord saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° II-198 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-214 rectifié bis est présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse.
L'amendement n° II-236 est présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 51 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au deuxième alinéa de l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales, les mots : « et de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 3334-3, hors les montants antérieurement perçus au titre de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 » sont supprimés.
II. - La perte de recettes pour l'État résultant de l'application de cette disposition est compensée à concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° II-198.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, cet amendement porte sur la question essentielle de la dotation globale de fonctionnement des départements.
Les outils de péréquation et de détermination des capacités financières de chaque collectivité sont loin d'être satisfaisants, c'est le moins que l'on puisse dire. Nous avons notamment eu l'occasion de le rappeler lors de la discussion portant sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2006 qui comportait maintes dispositions concernant les collectivités territoriales.
Ainsi en est-il de la notion de potentiel financier, qui a fini par correspondre, relativement, à une forme de gommage des inégalités de ressources entre collectivités, notamment dès lors que ledit potentiel inclut la dotation forfaitaire.
Ainsi, ma collègue Marie-France Beaufils, intervenant sur la réforme de la DGF au nom de mon groupe, a pu dire que « La notion de potentiel financier constitue donc la première évolution significative de la réforme. Cette modification aura une certaine influence sur l'évolution ultérieure de la DGF des communes, qu'il s'agisse de la dotation forfaitaire ou des dotations de solidarité. » Et elle avait raison !
Les faits sont aujourd'hui manifestes : des départements comme la Creuse, la Lozère, le Gers ou le Cantal voient ainsi leur potentiel financier largement majoré par leur dotation de telle sorte qu'ils ne tirent plus de la solidarité nationale tout ce qui devrait leur revenir de manière tout à fait légitime.
Si l'on prend le cas de la Creuse, le potentiel fiscal n'y représente ainsi que 50, 3 % du potentiel financier ; pour la Lozère, ce taux est de 47, 9 % ; pour le Gers, il est de 57, 6 % ; et pour les Côtes-d'Armor à peine de 60 %. Il s'agit là de départements qui sont tous éligibles à la dotation minimale.
De fait, l'écart de ressources découlant de la seule prise en compte du potentiel fiscal est de 1 à 4, 4, tandis qu'il est lissé de 1 à 2, 4 si l'on retient le critère du potentiel financier.
Cet amendement vise donc, concrètement, à mieux prendre en compte la réalité des inégalités de ressources entre collectivités départementales en revenant sur une réforme qui crée sans doute beaucoup plus de difficultés nouvelles qu'elle n'apporte de solutions aux problèmes posés.
De plus, dans un contexte bouleversé, s'agissant des champs de compétence des uns et des autres, par le transfert des personnels TOS de l'éducation nationale ou des DDE, par la montée en charge des dépenses liées à la dépendance et à l'autonomie, force est de constater qu'à défaut d'apporter une réponse parfaitement satisfaisante aux départements, nous nous trouvons confrontés à des difficultés majeures.
Quel sens pourra avoir la décentralisation si elle conduit les départements, sous la pression des coûts, à réduire la qualité du service public rendu à la population ou à trouver des moyens par le biais d'un accroissement de la pression fiscale ? Vous savez bien que le danger est réel puisque nous avons déjà commencé à constater un mouvement en ce sens.
Des menaces pèsent, de fait, sur la stricte application du principe d'égalité, si désormais, parce que l'on réside dans tel ou tel département, on ne peut disposer d'une réponse collective adaptée aux besoins sociaux.
C'est bien ce qui est sous-tendu dans la démarche actuelle en matière de définition des concours de l'État aux collectivités territoriales et ici, singulièrement, aux départements. C'est ce qu'il convient, à la lumière de l'expérience, de corriger.
La cohérence exigerait que nos collègues élus de départements disposant de faibles ressources votent notre amendement.
La parole est à M. Jacques Blanc, pour présenter l'amendement n° II-214 rectifié bis.
Mon propos sera relativement bref, puisque nous retrouvons le principe déjà évoqué pour les communes, mais cette fois pour les départements.
Le potentiel financier s'est substitué au potentiel fiscal, en intégrant la dotation forfaitaire à l'occasion de la réforme de la dotation globale de fonctionnement intervenue en 2005. À nos yeux, ce nouvel indicateur de la richesse des départements fausse la réalité.
Pour les départements les plus pauvres exclusivement éligibles à la dotation de fonctionnement minimale jusqu'en 2004, le poids relatif des dotations intégrées - dont la dotation forfaitaire - dans le potentiel financier va varier de 17, 41 % à 52, 16 %. On constate donc un enrichissement artificiel des départements les plus pauvres, ...
...dont les ressources fiscales restent en réalité extrêmement faibles.
Nous ne souhaitons pas bouleverser les mécanismes de la péréquation. En proposant d'exclure la dotation forfaitaire du potentiel financier, nous voulons garder une vision réaliste des ressources propres des départements. Le comité des finances locales, dès le mois de février 2005, avait d'ailleurs admis que cette situation devrait être corrigée.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, nous voulons sortir de cette situation dans laquelle un département comme la Lozère, qui était classé deuxième au regard du potentiel fiscal, se retrouve subitement en trente-cinquième position selon le potentiel financier.
Sa capacité financière propre n'a pas fondamentalement changé, situation qui traduit la solidarité dont il a fait l'objet et dont nous nous félicitons.
Nous craignons cependant l'évolution dans le temps. Comme je l'avais dit en 2005, nous ne condamnons pas la mécanique. Puisqu'il a été question tout à l'heure de thermomètre, je me permets de filer la métaphore médicale. Il est vrai que, en tant que médecin, je sais qu'une fois le diagnostic établi, le traitement prescrit, même s'il est de bonne qualité, doit pouvoir être reconsidéré en fonction de l'évolution du malade et apprécié au regard de la réalité des résultats obtenus.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° II-236.
La réforme de la DGF de 2005 s'est traduite par la création du potentiel financier, nouvel indicateur de richesse des départements qui s'est substitué au potentiel fiscal. L'intégration de la dotation forfaitaire au sein du potentiel financier a clairement abouti à un resserrement de la richesse entre les départements.
Ainsi, pour les départements les plus pauvres, exclusivement éligibles jusqu'en 2004 à la dotation de fonctionnement minimale, on constate que le poids relatif des dotations intégrées dans le potentiel financier, dont la dotation forfaitaire, varie de 17, 41 % à 52, 16 %.
Pour limiter cet « enrichissement » - j'emploie les guillemets à dessein - des départements qui ont de faibles ressources fiscales, un enrichissement bien artificiel en réalité, et pour éviter un bouleversement des mécanismes de la péréquation, nous proposons d'exclure la dotation forfaitaire du potentiel financier.
D'ailleurs, mes chers collègues, dès le mois de février 2005, le comité des finances locales avait considéré qu'il fallait corriger les aberrations constatées en reconsidérant la composition du potentiel financier.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur spécial, j'espère que vous n'allez pas demander le retrait de ces amendements, parce qu'il est essentiel de rectifier une situation qui a des conséquences importantes pour les départements les moins favorisés.
Nous pensons vraiment que la correction des effets néfastes de la réforme de 2005 aura des conséquences péréquatrices. Si nous n'agissons pas, cela se traduira par une situation plus difficile pour les vingt-quatre départements les plus pauvres de notre pays.
Au rythme de nos débats, mes chers collègues, nous allons devoir reporter l'examen des crédits d'une mission à samedi prochain, contrairement à ce qui était prévu. Je plaide donc pour que nous évitions les débats redondants. Celui-ci a déjà eu lieu s'agissant des communes et il me semblait que M. Jacques Blanc avait compris.
Chers collègues, le mécanisme à l'oeuvre depuis 2005 devrait se traduire, en 2010, par une progression en valeur absolue de l'ordre de 40 euros par habitant dans des départements tels que la Lozère, alors que quarante départements ruraux avaient été oubliés dans les négociations de 1992, pour des raisons qu'il s'agirait d'ailleurs d'éclaircir. C'est ce qui avait justifié, je vous le rappelle, la réforme de 2005.
Cette réforme s'est donc engagée très modestement, si modestement que seuls vingt-quatre départements ont été intégrés dans le dispositif, alors que d'autres, qui étaient dans des situations pratiquement identiques, n'y ont pas eu droit. Pour ceux-là, la dotation de fonctionnement minimale progressera de 33 euros par habitant entre 2004 et 2010, alors que, dans le même temps, la Lozère connaîtra une augmentation de 60 euros par habitant et la Creuse, qui suscite l'émotion de Mme Luc, de 50 euros...
Cela étant dit, je laisse Michel Mercier exprimer l'opinion de la commission.
Nous avons déjà eu ce débat, qui est récurrent, monsieur le président, aussi serai-je bref.
Je m'adresserai d'abord à MM. Jacques Blanc et Adrien Gouteyron : vous avez voté la réforme de la DGF, qui consistait à remplacer le potentiel fiscal par le potentiel financier.
Il est incohérent de nous demander ensuite de ne pas utiliser le potentiel financier, et vous ne faites pas autre chose dans vos amendements !
La Lozère a un potentiel fiscal de 211 euros par habitant et un potentiel financier de 442 euros par habitant. L'apport de l'État est tout de même très important. Et il faudrait, selon vous, que nous ne tenions pas compte de la compensation et que nous continuions à calculer la DGF à partir de ces 211 euros ? Et pour les autres départements, qui n'ont pas reçu autant, comme la Haute-Loire, comment fait-on ?
Où est l'équité ? Ce système est probablement imparfait, comme tous les systèmes, mais l'inclusion de la dotation forfaitaire dans le potentiel financier avait précisément pour but de le rendre plus équitable.
Vous avez justement demandé que la compensation soit la plus forte possible pour les vingt-quatre départements les moins riches de France, qui étaient parvenus à constituer une catégorie fortement soudée. La Haute Assemblée l'a accepté, elle a également accepté de traiter spécifiquement les quarante autres départements qui les ont rejoints.
Ces départements ont donc fait l'objet d'un vrai traitement spécifique.
Venir nous demander ensuite de ne pas tenir compte du versement de la dotation forfaitaire, qui fait passer la Lozère de 211 euros de potentiel fiscal par habitant à 442 euros de potentiel financier par habitant, c'est impossible ! Mais vous vous en rendez bien compte, mes chers collègues, et je considère d'ores et déjà que vous avez retiré votre amendement.
Le Gouvernement reprend naturellement à son compte les arguments du rapporteur spécial, M. Michel Mercier, et du président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.
Je voudrais simplement apporter une précision à l'intention de M. Sueur, qui a évoqué le comité des finances locales. Un groupe de travail du CFL s'est en effet penché, au printemps dernier, sur la question de la péréquation départementale. Il a présenté un rapport d'étape, au cours de la séance qui s'est tenue au début du mois de juillet, dans lequel il a montré que le potentiel financier permettait de recenser près de 74 % des recettes de fonctionnement des départements, alors que le potentiel fiscal ne prenait en compte que 43 % de ces recettes.
À l'évidence, la notion de potentiel financier permet de comparer les départements sur une base plus équitable ; je tenais à le préciser. Je conclus naturellement comme Michel Mercier.
Monsieur Jacques Blanc, l'amendement n° II-214 rectifié bis est-il maintenu ?
Je ne veux pas prolonger le débat. Je rappellerai simplement que, dès le vote de la réforme de 2005, nous avions reconnu l'effort qui était réalisé, tout en exprimant nos inquiétudes pour l'avenir, faute à l'époque d'avoir disposé des simulations nécessaires pour apprécier l'évolution prévisible.
Cet amendement s'inscrit donc dans la logique du vote intervenu en 2005 ; néanmoins, je le retire, en espérant que nous parviendrons ensemble à une analyse objective.
L'amendement n° II-214 rectifié bis est retiré.
Monsieur Sueur, l'amendement n° II-236 est-il maintenu ?
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis maintenant saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-199 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° II-215 rectifié bis est présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 51 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le troisième alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « potentiel financier » sont insérés les mots : « , de leur densité de population »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° II-199.
Cet amendement participe des mêmes fondamentaux que les précédents.
De la densité de population, plus faible dans certains départements de notre pays que dans d'autres, ne dépend pas strictement la densité des services publics ou des infrastructures qu'il convient de mettre en place et de mettre en oeuvre à raison des besoins collectifs.
Il convient ainsi de noter que, parmi les vingt-quatre départements bénéficiant de l'ancienne dotation de fonctionnement minimale, la densité de population est particulièrement réduite puisqu'elle varie, selon les endroits, entre 14 et 52 habitants au kilomètre carré.
On peut également observer que ces densités de population n'excluent pas, notamment dans les départements de montagne, de grandes différences de répartition et qu'il n'est pas rare de trouver, dans certaines communes et localités, voire dans des cantons entiers, des densités encore plus faibles que celles que nous venons d'évoquer. On rappellera pour mémoire que la densité moyenne de notre pays est de 111 habitants au kilomètre carré, quand bien même cette notion n'est pas exclusive des difficultés sociales et économiques des habitants.
Il est cependant patent que la densité de population participe souvent de la situation sociale et économique des territoires, notamment quand cette densité est faible : il est tout de même assez rare de trouver un haut niveau de revenus et un développement économique dynamique dans des territoires sous-peuplés !
La parole est à M. Jacques Blanc, pour présenter l'amendement n° II-215 rectifié bis.
Il s'agit simplement d'introduire la densité de population dans les critères de répartition. Je crois que chacun comprendra le pourquoi de cet amendement !
L'amendement n° II-237, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 51 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le troisième alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « potentiel financier » sont insérés les mots : « , de leur densité de population, de la proportion de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation personnalisée d'autonomie au sein leur population, ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Nonobstant les déclarations que nous venons d'entendre, je voudrais insister sur le fait que la réforme de la DGF a profondément modifié les conditions d'éligibilité des départements ruraux à la dotation de fonctionnement minimale, puisque l'on est passé de vingt-quatre départements éligibles en 2004 à soixante-quatre départements en 2005. Tout irait pour le mieux si cet élargissement de l'éligibilité ne jouait pas au détriment des vingt-quatre départements les plus pauvres. Or, entre 2004 et 2006, la dotation des départements nouvellement éligibles a connu une progression de 51 %, alors que celle des départements qui recevaient l'ancienne DFM a augmenté de 15, 9 % seulement, monsieur Mercier.
En 2007, d'après les données de l'excellente DGCL, que je tiens toujours à saluer, les quarante départements nouvellement bénéficiaires de la dotation de fonctionnement minimale verraient leur dotation évoluer en moyenne de 27, 22 % ; seize d'entre eux connaîtraient une variation de DFM plafonnée à 30 %. Or, pour les vingt-quatre départements bénéficiaires de l'ancienne dotation de fonctionnement minimale, la progression des crédits ne serait que de 4, 51 % en moyenne, la fourchette allant de 11, 14 % à 2, 69 %, et dix-huit de ces vingt-quatre départements auraient une DFM inférieure à cette moyenne de 4, 51 %. Je donne ces chiffres pour que les choses soient claires.
J'ajoute que, pour la période 2007-2010, la moyenne de la dotation, toujours d'après la direction générale des collectivités locales, passerait de 18, 82 à 35, 61 euros par habitant pour les « quarante » et de 46, 54 à 70, 84 euros par habitant pour les « vingt-quatre ». Ainsi, pour les premiers, la dotation par habitant serait multipliée par 2, 12, alors que, pour les seconds, elle le serait de seulement 1, 52. La distorsion au détriment de ces vingt-quatre départements est évidente.
L'amendement que je présente comporte un plus par rapport aux amendements précédents, puisque nous proposons d'ajouter aux critères de population et de voirie des critères sociaux, en l'espèce la proportion de personnes bénéficiaires du RMI et celle de personnes bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
Ces amendements sont d'inspiration identique, même s'ils diffèrent dans leur contenu.
Je m'adresserai à leurs auteurs : chers collègues, je suis comme vous élu local depuis longtemps, et j'ai toujours pensé que les dépenses étaient décidées pour les habitants, et non pour le seul plaisir de dépenser !
Sans population, il n'y a pas de services publics à faire fonctionner. À l'inverse, plus les habitants sont nombreux, plus les dépenses sont élevées. Aussi, vouloir que la densité de population figure parmi les critères de répartition pour des départements peu peuplés, c'est aller vers une répartition moins large et des recettes en diminution.
Vos amendements ne sont donc pas justifiés : très honnêtement, ajouter le critère de la densité de population n'apporte rien et va même à l'encontre du but recherché.
Quant à l'amendement de M. Sueur, je reconnais qu'il est de la même inspiration, mais présenté d'une façon plus subtile.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. J'ai même cru un moment, mon cher collègue, que vous alliez vous sentir obligé de nous indiquer le sens du sigle « DGCL ».
Sourires
Vous avez parlé pourcentages : bien sûr, en pourcentage, vous avez raison ; mais vous avez totalement tort, et vous le savez parfaitement, en valeur absolue.
Une nuit, il y a bien longtemps, le groupe des vingt-quatre départements s'est accordé cette DFM à l'Assemblée nationale. Je me souviens fort bien de ce grand moment de solidarité nationale réalisé par quelques-uns, pendant que les autres étaient couchés
Rires
Il est tout à fait équitable - et je suis sûr que Mme Mathon-Poinat et M. Sueur seront sensibles à l'argument de l'équité - que la DFM des « quarante nouveaux » augmente plus en pourcentage : la base étant plus faible, l'augmentation plus forte en pourcentage donne un résultat moindre en valeur absolue, tandis que, pour les « vingt-quatre d'origine » l'augmentation plus faible en pourcentage donne davantage en valeur absolue, et ils continuent donc de recevoir plus que les quarante autres. C'était le résultat voulu, et c'est le résultat obtenu.
Comme vous avez satisfaction, mes chers collègues, je vous suggère de retirer vos amendements, sans quoi je serai obligé de demander au Sénat de les repousser.
Les amendements identiques n° II-199 et II-214 rectifié bis ont pour objet d'ajouter la densité de population aux critères de répartition de la DFM. Or, je le rappelle, la DFM tient déjà compte, au moins indirectement, de la densité puisqu'elle est répartie en fonction de la longueur de voirie, du potentiel financier et du potentiel financier superficiaire.
Quant aux critères sociaux de l'amendement n° II-237, monsieur Sueur, je me réfère pour ma part aux conclusions du groupe de travail que le comité des finances locales a chargé d'étudier la DGF des départements et que j'ai cité tout à l'heure. Après avoir analysé les écarts entre les vingt-quatre départements éligibles à la DFM avant 2005 et les quarante nouvellement éligibles, ce groupe de travail tire des conclusions intéressantes, montrant qu'en fait la proportion du nombre de bénéficiaires du RMI avantagerait légèrement les quarante nouveaux, tandis que la proportion de personnes âgées ou la densité avantageraient plutôt les vingt-quatre anciens et que, compte tenu de cet équilibre, il n'était sans doute pas utile de modifier les critères actuels.
Je me rallie donc à la position du groupe de travail du CFL.
Monsieur Jacques Blanc, l'amendement n° II-215 rectifié bis est-il maintenu ?
Je vais le retirer, monsieur le président, mais je veux auparavant souligner à l'intention de M. Mercier que moins la population est nombreuse, quand l'habitat est dispersé, plus les dépenses par habitant sont élevées. Je suis convaincu qu'il coûte plus cher de maintenir une population lorsque sa densité est de 14 habitants au kilomètre carré que lorsqu'elle est regroupée dans une agglomération. Je vous invite à venir dans le département de la Lozère, et vous verrez par vous-même !
L'amendement n'est pas adopté.
Je vais retirer cet amendement au bénéfice de la déclaration que vient de faire M. le ministre délégué. En effet, je ne disposais pas de cette information, qui est importante, sur les conséquences visiblement équilibrées de la prise en compte du critère APA, d'un côté, et du critère RMI, de l'autre.
Dans la cohérence même de ma proposition, cette information m'incite à retirer l'amendement.
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation en 2007, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de fonctionnement minimale inférieure au montant perçu l'année précédente indexé selon le taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement. »
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-216 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les quatrième et avant-dernier alinéas de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :
« À compter de 2005, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de fonctionnement minimale inférieure à 106 % ou supérieure à 130 % au montant perçu l'année précédente. Pour 2005, le montant à prendre en compte correspond au montant de dotation de péréquation perçu en 2004 par chaque département, majoré le cas échéant de la dotation de fonctionnement minimale perçue en 2004.
« Par dérogation en 2006, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de fonctionnement minimale inférieure à celle perçue l'année précédente ou supérieure à 130 % du montant perçu cette même année. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
Il s'agit de faire bénéficier la dotation de fonctionnement minimale, non seulement pour 2007 mais aussi pour les années suivantes, d'une garantie minimale de progression de 6 % initialement prévue uniquement pour 2005.
L'amendement n° II-240, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« À compter de 2007, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de fonctionnement minimale inférieure à 106 % ou supérieure à 130 % au montant perçu l'année précédente. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Cet amendement est clairement péréquateur, pour le coup, puisqu'il vise à faire bénéficier la dotation de fonctionnement minimale, pour 2007 et les années suivantes, de la garantie minimale de progression de 6 % initialement prévue uniquement pour 2005, mais aussi à plafonner les évolutions possibles à 130 %.
L'objectif est d'éviter que la réforme des critères de la DGF, qui a rendu éligibles à la dotation de fonctionnement minimale quarante nouveaux départements, n'intervienne au détriment de la péréquation destinée aux départements les plus pauvres, à savoir les vingt-quatre départements bénéficiaires de l'ancienne DFM.
Ce dispositif assez simple se traduirait à l'évidence par une péréquation, expression même de la solidarité.
L'amendement n° II-200 rectifié, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales :
« Par dérogation en 2007, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de fonctionnement minimale inférieure à 106 % ou supérieure à 130 % au montant perçu l'année précédente. »
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'augmentation éventuelle du prélèvement sur les recettes de l'État résultant de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales est compensée à due concurrence.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Cet amendement porte sur la progression de la dotation des départements bénéficiaires de la dotation de fonctionnement minimale. En effet, la réforme de la dotation globale de fonctionnement adoptée dans la loi de finances pour 2005 montre d'ores et déjà ses limites.
Ma collègue Marie-France Beaufils a longuement évoqué cette question lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Aussi, je vous conseille vivement de relire les remarques tout à fait pertinentes qu'elle nous a livrées.
L'amendement n° II-217 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour compléter l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales :
« Par dérogation en 2007, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de fonctionnement minimale inférieure à 106 % ou supérieure à 130 % au montant perçu l'année précédente ».
L'amendement n° II-218 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, Gouteyron, Faure, Fournier et Besse, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour compléter l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales :
« Par dérogation en 2007, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de fonctionnement minimale dont le taux de progression est inférieur à deux fois le taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
Sourires
J'attends donc d'avoir entendu le rapporteur spécial et le ministre. Je ne voudrais surtout pas prolonger inutilement les débats !
Ces amendements sont très intéressants, à ceci près qu'ils auraient pour conséquence de limiter la péréquation.
Monsieur Sueur, le plafonnement à 130 % de la garantie minimale que vous inscrivez dans votre amendement figure déjà dans la loi, à l'article 49 de la loi du 30 décembre 2004 modifiant la loi du 27 juillet 1999 : « À compter de 2006, les départements éligibles ne peuvent percevoir une dotation de fonctionnement minimale inférieure à celle perçue l'année précédente ou supérieure à 130 % du montant perçu cette même année. » Vous avez donc déjà satisfaction, mon cher collègue.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de ces différents amendements.
Si vous voulez véritablement faire progresser cette cause, il faut bâtir un principe et voir comment on peut le faire progresser. Pour le moment, il me semble logique de ne pas revenir sur une DGF qui vient d'être modifiée ni d'en retrancher certaines des dispositions. Ou alors il ne fallait pas la voter !
Vous l'avez votée, vous devez donc en accepter les conséquences.
D'ailleurs, votre département a été le principal bénéficiaire de cette réforme de la DGF et tous les habitants de la Lozère doivent vous en être reconnaissants ! Vivez de cette reconnaissance, mon cher collègue, et retirez vos amendements !
Sourires
Monsieur Jacques Blanc, depuis votre arrivée, le débat tourne quasi exclusivement autour de la Lozère. Vous l'avez par gentillesse étendu à la Haute-Loire, ce qui renforce la solidarité, mais peut-être pourrait-on parler de votre département dans d'autres circonstances. La situation de la Lozère ne va tout de même pas mobiliser l'attention de la Haute Assemblée toute la journée !
Ce que je voulais vous dire, monsieur Jacques Blanc, et je le dis également à M. Jean-Pierre Sueur, c'est que j'ai été interrogé sur ce dispositif à l'Assemblée nationale avec cette même proposition consistant à aligner l'évolution de la DFM sur celle de la DGF ; je m'en étais remis à la sagesse de l'Assemblée nationale.
Aujourd'hui, je ne peux pas aller plus loin parce que ce serait sinon remettre en cause l'objectif, qui consistait à réduire l'écart entre les vingt-quatre anciens départements éligibles et les quarante nouveaux, écart qui, de un à trois, passerait de un à deux.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements.
Monsieur Jacques Blanc, les amendements n° II-216 rectifié, II-217 rectifié et II-218 rectifié sont-ils maintenus ?
Les amendements n° II-216 rectifié, II-217 rectifié et II-218 rectifié sont retirés.
Monsieur Sueur, l'amendement n° II-240 est-il maintenu ?
L'amendement n° II-240 est retiré.
Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° II-200 rectifié est-il maintenu ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 51 quater est adopté.
Un montant de 9, 34 millions d'euros est prélevé sur le montant ouvert au titre de l'année 2006 de la dotation mentionnée à l'article L. 2334-26 du code général des collectivités territoriales. Il majore la dotation d'aménagement définie à l'article L. 2334-13 du même code au titre de la répartition de 2007. -
Adopté.
Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 30 juin 2007, un rapport présentant l'impact sur la dotation globale de fonctionnement des communes de l'éventuelle intégration des compensations d'exonérations fiscales dans le calcul du potentiel financier. Le rapport mesurera en outre l'impact de la non-prise en compte de la garantie de la dotation de base dans le calcul du potentiel financier, et celui qu'aurait l'application simultanée des deux mesures.
L'amendement n° II-197, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
En général, je suis contre les rapports parce que personne ne les lit jamais, mais celui-là me semble pertinent. Il est judicieux de disposer d'un rapport sur ce qui a constitué le coeur de nos débats cet après-midi, c'est-à-dire la mesure de la richesse de la commune. Nous en tirerons tous des enseignements.
Et, si ce rapport est bien fait, chers collègues du groupe CRC, je ne doute pas que vous y trouverez l'inspiration pour de nouveaux amendements !
Sourires
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
L'article 51 sexies est adopté.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission : « Relations avec les collectivités territoriales » et des articles rattachés, ainsi que des crédits du compte de concours financiers : « Avances aux collectivités territoriales ».
À cette heure avancée de l'après-midi, il convient de faire le point sur le déroulement de nos travaux.
Nous allons maintenant entamer l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », pour lesquels la conférence des présidents a prévu trois heures trente de discussion, ce qui nous conduira, à l'évidence, au-delà de minuit.
Or la conférence des présidents a posé le principe selon lequel la discussion d'une mission ne peut débuter après minuit. En conséquence, monsieur le président, nous devons reporter l'examen des crédits de la mission « Développement et régulation économiques » initialement prévu à la suite de nos présents travaux.
Notre ordre du jour de demain, vendredi 8 décembre, étant déjà particulièrement dense, je suggère que nous reportions à samedi après-midi l'examen des crédits de la mission « Développement et régulation économiques ».
Monsieur le président de la commission des finances, on me fait savoir que seul François Loos serait disponible samedi, et uniquement le matin.
Deux problèmes se posent, monsieur le ministre délégué. D'une part, samedi matin, nous n'avons pas de président de séance. D'autre part, compte tenu des onze heures de séance, peut-être douze, prévues pour demain, il est vraisemblable que nous irons bien au-delà de minuit. Dans ces conditions, il ne serait pas possible de reprendre la séance samedi dans le courant de la matinée.
Le principe de précaution nous conduit donc à maintenir la date de samedi, à quinze heures, pour la discussion reportée. J'espère que, d'ici là, un membre du Gouvernement aura pu se rendre disponible.
Au demeurant, je le rappelle, la conférence des présidents n'avait pas exclu de siéger ce samedi, pour les discussions éventuellement reportées. Nous avons essayé de tenir les plages prévues, mais l'important est que les débats puissent se dérouler comme le souhaite la Haute Assemblée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous présenter les principales conclusions de la commission des finances sur la mission « Action extérieure de l'État », qui est dotée, en 2007, de 2, 3 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 0, 84 % des dépenses du budget général. Les emplois de la mission représentent 13 480 équivalents temps plein, soit 0, 6 % du plafond global d'emploi de l'État.
Sur le plan budgétaire, les enjeux liés à la présente mission paraissent limités. Mais il est vrai que la mission ne représente que 37 % des crédits réellement dévolus à l'action extérieure de l'État. Rappelons-le, la mission « Aide publique au développement » et le programme « Audiovisuel extérieur » inclus, le Quai d'Orsay gère seulement 50 % des dépenses de l'État à l'étranger.
Cependant, sur le plan politique, la mission « Action extérieure de l'État » revêt une importance particulière. Elle recense, en effet, les moyens alloués à notre diplomatie et, donc, la capacité de celle-ci à porter dans le monde la voix de la France, que nous espérons singulière. Cette mission peut être aussi, si l'on n'y prend garde, le lieu de nos contradictions, puisque des écarts peuvent être relevés entre les déclarations et la réalité.
Au cours de mon intervention, je m'efforcerai de répondre à quatre questions : ce projet de budget pour 2007 prépare-t-il l'avenir ? L'évolution des crédits est-elle maîtrisée ? La justification de la dépense est-elle sincère ? Les performances de nos administrations sont-elles satisfaisantes ?
Première question : ce projet de budget pour 2007 prépare-t-il l'avenir ?
Sur ce point, je crois qu'il faut décerner à vos services, et à vous-même, monsieur le ministre, un vrai satisfecit. Nous assistons en effet, malgré quelques résistances, ici et là, à un véritable changement de culture au Quai d'Orsay, comme en témoignent les outils de modernisation dont vous vous êtes doté en 2006, à savoir le contrat pluriannuel de modernisation, le comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, et la directive nationale des ambassades. Il reste à en tirer les dividendes, pour permettre au ministère des affaires étrangères de ne plus subir la rigueur budgétaire, mais d'améliorer sa performance avec des moyens maîtrisés.
Je souhaite insister, parce que je l'ai appelé de mes voeux l'an passé, sur le contrat de modernisation 2006-2008. Celui-ci doit être un accord gagnant-gagnant vous garantissant, en contrepartie de réformes structurelles et donc profondes, un certain nombre d'assurances sur le plan budgétaire.
S'agissant des réformes structurelles, certaines, comme la couverture du risque de change pour les contributions internationales, ont été engagées sur la suggestion de la commission des finances. Pour d'autres, notamment la constitution d'une fondation dédiée au développement des alliances françaises à l'étranger, la commission des finances a souhaité être à vos côtés, monsieur le ministre, en programmant, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, deux millions d'euros pour doter en capital ce nouvel outil de rayonnement culturel.
Dans mon rapport écrit, je vous propose par ailleurs quelques réformes supplémentaires, en particulier la constitution d'un guichet unique, confié à l'une de vos directions, pour gérer deux programmes, « Personnalités d'avenir » et « Invitation de journalistes ».
Pour 2007, je me félicite que les engagements budgétaires prévus par le contrat de modernisation soient tenus. Par contraste, je regrette qu'un certain nombre d'accrocs soient survenus au cours de l'exercice 2006. Contrairement en effet aux engagements initiaux de Bercy, le Quai d'Orsay ne bénéficiera pas, en 2006, du retour du produit issu des droits de visa acquittés auprès de nos consulats.
En matière de gestion de l'immobilier, des progrès réels ont été accomplis. Une politique de cession d'actifs a été engagée. Il nous faut toutefois reconnaître la spécificité de l'immobilier de l'État à l'étranger, en particulier des bâtiments diplomatiques ayant fait l'objet d'accords internationaux ou de conventions avec les autorités locales. À l'inverse, les accords s'appliquant à l'immobilier de l'État à l'étranger doivent être négociés par nos diplomates, afin de permettre une réversibilité des implantations des services.
Chacun a conscience du nécessaire rééquilibrage géographique de la présence française à l'étranger. Le contrat de modernisation renforce le mouvement de redéploiement des moyens en cours en Europe et en Afrique. Mais nous sommes tous conscients du fait que nos postes ne pourront jamais couvrir la totalité des grandes villes du monde. J'ai donc proposé d'utiliser les technologies nouvelles, en prévoyant, par exemple, comme les Américains le font déjà, la création de « postes de présence virtuels ».
Sur le strict plan de la gestion, j'ai regretté, dans un rapport publié en début d'année, l'émiettement de la gestion des crédits à l'étranger. Le comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger a répondu à cette observation par le développement des services administratifs et financiers uniques, les SAFU. Cette démarche est excellente, à condition que ces services aient de vraies responsabilités de gestion.
Les bases de la modernisation étant posées, l'évolution des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » est-elle maîtrisée ? En apparence, tel est le cas, car la dépense paraît globalement encadrée. En réalité, on relève quelques exceptions : certains postes budgétaires paraissent mal maîtrisés. Il en est ainsi, monsieur le ministre, de la masse salariale des recrutés locaux. Je compte engager, en 2007, en relation étroite avec vos services, un travail d'observation et de réflexion sur ce sujet. Je ne doute pas que je disposerai à cette occasion de la collaboration de vos services.
La progression des contributions aux 150 organisations internationales dont la France est membre constitue également un autre sujet d'inquiétude. Ces contributions, évaluées, pour 2007, à 774 millions d'euros par la commission des finances, représentent, et de loin, le principal poste budgétaire de la mission « Action extérieure de l'État ». Entre 2003 et 2007, elles auront progressé de 50 %.
Bien sûr, la place de la France dans le monde et sa participation au Conseil de sécurité lui confèrent des obligations.
Dans une réponse au questionnaire budgétaire, vous avez d'ailleurs eu l'honnêteté, monsieur le ministre, de reconnaître « un besoin de sensibilisation plus marquée de l'ensemble des négociateurs, à l'administration centrale et dans les postes, aux aspects budgétaires des programmes d'action de chaque organisation ». Dans mon rapport, j'insiste sur la nécessité de faire un tri dans les contributions diverses et variées, au nombre de cent cinquante. Il y a un vrai problème de répartition des tâches entre votre ministère et les ministères techniques compétents. Vos diplomates et vos services ont bien d'autres choses à faire que de gérer certaines de ces contributions !
Quel est aujourd'hui le risque lié à l'inflation des contributions internationales ? Nous craignons que notre réseau diplomatique ne joue comme une variable d'ajustement, mais nous tenons à ce réseau qui, par sa densité, nous permet une action efficace.
Or le présent projet de loi de finances tente parfois de dissimuler une partie des crédits affectés aux organisations internationales. Ces fameuses contributions internationales sont évaluées à 587 millions d'euros. Mes investigations auprès de vos services m'ont permis d'établir, grâce à la justification au premier euro, que cette somme serait plus proche en réalité de 774 millions d'euros.
Ces réserves étant posées, et elles sont substantielles, il faut souligner, monsieur le ministre, que les progrès sont sensibles par rapport au projet de loi de finances pour 2006. Je note en particulier la volonté de votre administration d'évaluer le coeur de son action, l'avancement des négociations multilatérales, par exemple, méritant d'être encouragé. Cette évaluation est réalisée sous la forme d'une autonotation, d'une auto-évaluation, ce qui constitue un premier pas. Sur ce point, je rejoins notre collègue député Jérôme Chartier, qui propose de confier cette notation au nouveau Conseil des affaires étrangères, qui verra ainsi ses attributions clarifiées.
Les objectifs présentés au Parlement, monsieur le ministre, engagent votre ministère. Pour prendre l'exemple des délais de traitement des demandes d'asile, les objectifs de 60 jours pour l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et de 90 jours pour les recours devant la Commission des recours des réfugiés, ne seront pas tenus. Faut-il changer ces objectifs et en établir de plus réalistes, ou bien devons-nous adopter des mesures destinées à faire en sorte qu'ils soient respectés ?
Pour conclure, la performance est désormais au coeur de la réforme de l'État. Elle oblige le ministère des affaires étrangères : nous aurons sans doute tout à l'heure un débat s'agissant de l'exercice, par le Quai d'Orsay, de sa tutelle sur certains opérateurs.
Elle engage aussi le Parlement, notamment le Sénat et sa commission des finances. C'est pour cette raison que je présenterai plusieurs amendements sur la présente mission, qui, tous, visent à tirer les conséquences des travaux de contrôle menés durant l'année et à accompagner votre ministère dans la modernisation engagée.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements, la commission des finances proposera au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'excellente analyse financière que vient d'effectuer notre collègue Adrien Gouteyron.
En revanche, je veux souligner que la légère croissance des crédits alloués à la mission « Action extérieure de l'État » doit être appréciée, d'une part, au regard de l'évolution du budget du ministère des affaires étrangères depuis dix ans, d'autre part, en considérant les éléments contenus dans le contrat triennal de modernisation conclu le 18 avril dernier entre vous-même, monsieur le ministre, et le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, pour la période 2006-2008. C'est une bonne chose.
Le projet de budget pour 2007 est donc caractérisé par les garanties et les engagements pluriannuels contenus dans ce contrat. Ce budget s'inscrit également dans une vaste réflexion menée par le Gouvernement sur l'architecture de l'ensemble de nos réseaux à l'étranger, avec la réunion, inédite depuis 1997, du comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, le CIMEE.
Ce contrat triennal arrive à temps. Le ministère des affaires étrangères a en effet beaucoup contribué à la rationalisation des finances de l'État : la part de son budget dans le produit intérieur brut français s'est réduite, passant de 0, 28 % en 1996 à 0, 21 % en 2006. Certes, le PIB a crû entre temps, mais la réduction des « frais de structure » du ministère avait atteint ses limites.
Ce contrat de modernisation portant sur les années 2006 à 2008 donne au ministère une visibilité sur l'évolution de ses effectifs et de ses moyens de fonctionnement, et va lui permettre d'entreprendre les indispensables réformes des réseaux de l'État à l'étranger, dont les défauts sont bien connus : éparpillement, absence de priorités fonctionnelles ou régionales, rigidités face à la rapide évolution de la sphère internationale.
Un de ses premiers effets consiste dans l'attribution de 50 millions d'euros supplémentaires au profit des contributions aux opérations de maintien de la paix, OMP ; cet effort devra impérativement se poursuivre en 2008, dans un contexte où un volume croissant des opérations est prévisible sans que le ministère des affaires étrangères dispose des financements adéquats.
En effet, le problème récurrent du coût de ces opérations s'ajoute à la charge que constitue la participation de quelque 15 000 soldats français à différentes opérations. La place des crédits consacrés au financement des OMP ne cesse de croître au sein du programme 105, dont ils représentaient près de 20 % en 2005. En 2006, les crédits inscrits dans le budget s'élevaient à 136, 22 millions d'euros, alors que les dépenses effectives se sont montées à 251 millions d'euros.
Étant obligatoires, ces contributions aux OMP doivent impérativement être acquittées ; ce sont donc les autres actions du ministère, particulièrement les actions bilatérales, qui en pâtissent.
Sur un autre point, je note que le taux de retour au budget du ministère de 50 % des recettes issues de la délivrance des visas apportera un financement complémentaire à la modernisation du réseau consulaire, induite notamment par la délivrance des visas biométriques. Je m'interroge cependant sur les capacités du ministère des affaires étrangères à obtenir les quelque 145 millions d'euros prévus pour cette adaptation en trois ans. Certes, ce chiffre peut être discuté, mais je n'en ai pas d'autre à ce jour.
En revanche, la réflexion entreprise sur l'évolution souhaitable de nos réseaux diplomatiques, consulaires et culturels est un motif de satisfaction ; il faut le souligner avec force.
Cette rénovation se traduit déjà par la rédaction d'une « directive nationale d'orientation des ambassades » qui établit des priorités différentes selon le classement des postes dans une nouvelle typologie : partenaires mondiaux, espace européen, partenaires privilégiés, et pays à enjeu bilatéral spécifique. Cette typologie est perfectible, mais elle a le mérite de reconnaître la nécessité d'une action diplomatique différenciée selon les priorités fixées par le Gouvernement.
En considération de l'ensemble de ces éléments, dont la majorité sont positifs, voire très positifs, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l'adoption du budget affecté à la mission « Action extérieure de l'État » pour 2007.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pas de « bons points » pour les bons élèves, voilà le résumé des dotations budgétaires des programmes 185 « Rayonnement culturel et scientifique » et 115 « Audiovisuel extérieur ».
Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », les crédits consacrés au rayonnement culturel et scientifique atteignent 526 millions, soit 8 millions d'euros de plus qu'en loi de finances initiale pour 2006.
En 2007, seulement 13, 1 % des moyens globaux du ministère des affaires étrangères seront affectés à notre politique culturelle extérieure. Contrairement à ce que nous entendons toute l'année, la baisse se confirme : budgétairement, la diplomatie culturelle et la francophonie ne sont pas du tout des priorités. C'est sensible sur les plans universitaire et scolaire.
S'agissant de l'accueil des étudiants étrangers, la régression des crédits consacrés au renforcement des échanges scientifiques, techniques et universitaires ne permettra pas de maintenir à niveau les programmes de bourses d'excellence destinées aux meilleurs étudiants. Le mouvement avait déjà commencé l'an dernier pour les bourses Eiffel. Pourtant, en troisième cycle, ce sont eux qui garantissent l'avenir de notre recherche, surtout en mathématiques, sciences dures et biologie.
S'agissant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, il apparaît, à l'issue du conseil d'administration qui s'est tenu le 30 novembre dernier, que les crédits de bourses scolaires n'augmenteront pas, que les frais de scolarité continueront à croître - ils ont crû de 10 % entre 2005 et 2006 - et que le Fonds d'aide à la scolarisation des enfants francophones disparaît, faute de financement.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu dire à plusieurs reprises qu'il fallait en priorité construire nombre d'établissements de l'AEFE dans le monde. Pourtant, quand on assiste au conseil d'administration de l'AEFE, on s'aperçoit que ce n'est pas une priorité du tout !
La subvention totale de l'État est de 332 millions d'euros, mais, compte tenu des règles de mise en réserve, elle sera réduite à moins de 328 millions d'euros, contre 324 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2006. Ainsi, même en prévoyant un déficit de 19 millions d'euros, l'AEFE ne disposera que de 7, 9 millions de crédits d'investissement, équipements, entretien des écoles, construction, en dépit de ses nouvelles obligations immobilières.
Monsieur le ministre, les questions que je vous pose sont graves, mais celles-ci le sont particulièrement : dans ces conditions, l'AEFE peut-elle soutenir des établissements dont la situation financière est préoccupante, comme ceux de la Mission laïque française au Liban ? Que comptez-vous faire pour ces établissements qui, après avoir rendu un service exceptionnel pendant la guerre de juillet, connaissent de très fortes tensions ? D'une façon générale, comment va-t-on faire face à la croissance inéluctable de la demande d'aide à la scolarisation ?
Le programme 115 « Audiovisuel extérieur » reçoit un budget qui est la quasi-reconduction du montant accordé en loi de finances initiale pour 2006. Le ministère des affaires étrangères, vos services, monsieur le ministre, reconnaît que « les entreprises de l'audiovisuel connaîtront de très grandes difficultés et devront revoir à la baisse de manière drastique, dès le début de l'année, leurs ambitions et donc leurs missions ».
Les deux opérateurs principaux ne sont pas dans une situation facile.
Tout d'abord, TV 5 Monde va devoir revenir sur le premier accord de partenariat avec l'Alliance française de Paris pour l'utilisation du dispositif multimédia d'apprentissage du français « Apprendre et enseigner avec TV 5 », notamment par Internet, ainsi que sur son effort de sous-titrage, destiné à élargir son audience, à diffuser notre culture. Pourtant, cette remarquable action de promotion de notre langue faisait partie du plan d'orientation stratégique signé par Mme Girardin à l'automne dernier.
RFI, ensuite, qui a réussi la renégociation de son contrat de diffusion en ondes courtes avec TDF, faisant ainsi une économie de 35, 5 millions d'euros sur cinq ans, voit ses efforts bien mal récompensés, puisque sa dotation est réduite.
Cela se produit naturellement au moment où RFI doit répondre aux défis des mutations technologiques et régler les problèmes sociaux qui en découlent pour s'intégrer dans l'audiovisuel extérieur TRI-MEDIA du futur - télévision, radio, Internet -, qui représente la solution d'avenir pour la France, avec France 24 et TV 5.
En conclusion, j'évoquerai la nécessité d'améliorer la cohérence de la maquette budgétaire.
Le partage de la politique d'action culturelle extérieure de la France entre les programmes 185 et 209 a peu de sens. Dans ces conditions, vos services ne peuvent, cette année, éclairer le Parlement par leurs réponses aux questions budgétaires sur les bourses ou les centres culturels, par exemple, qui portent sur les deux programmes confondus. On ne s'y retrouve absolument pas !
Je ne suis pas la seule à demander une modification de la répartition. D'autres rapporteurs budgétaires de l'Assemblée nationale et du Sénat, Mme Brisepierre et M. de Charrette, notamment, font de même. Monsieur le ministre, il est temps d'étudier sérieusement ce regroupement de l'action culturelle extérieure au sein d'un seul programme.
Par ailleurs, en matière de politique audiovisuelle extérieure, on peut légitimement se demander pourquoi la nouvelle chaîne France 24 ne serait pas rattachée à un programme global de l'audiovisuel extérieur français. Certes, il faut voir si cela serait rentable, mais cela ferait au moins progresser la cohérence de l'action de la France en ce domaine, marquée par une dispersion des moyens préjudiciable à la fois au bon usage des fonds publics et à l'efficacité.
En conclusion, en dépit de toutes ces remarques quelque peu négatives, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 185 et 115.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu'au banc des commissions.
La parole est à M. Louis Duvernois, en remplacement de M. David Assouline, rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, dans l'architecture budgétaire actuelle de l'État, l'action culturelle extérieure, dont les crédits sont divisés entre deux missions, est supposée contribuer au rayonnement culturel et scientifique de la France lorsqu'elle est orientée vers les pays développés, mais elle devient de l'aide au développement lorsqu'elle est dirigée vers les pays en développement.
Inutile de vous dire que ce n'est pas la conception que se fait la commission à laquelle j'appartiens de la diplomatie culturelle.
Les crédits de l'action culturelle ne changent pas de nature en traversant le détroit de Gibraltar ! En outre, la dispersion entre deux missions de crédits clairement dédiés à une même politique publique nuit à l'information du Parlement et à la responsabilité du gestionnaire des crédits.
Par ailleurs, des éléments d'incertitude pèsent sur les crédits de notre action culturelle extérieure.
Le premier sujet d'inquiétude est le budget de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger.
C'est dès le plus jeune âge que l'on transmet un goût pour une langue et une culture étrangère. C'est pourquoi ce réseau d'établissements français du primaire et du secondaire constitue un facteur puissant du rayonnement de la langue et des cultures françaises. « Qu'ont en commun l'architecte espagnol Ricardo Bofill, l'actrice américaine Jodie Foster, l'homme politique égyptien Boutros Boutros Ghali et la dessinatrice iranienne Marjane Satrapi ? », peut-on lire sur le site internet du ministère. C'est bien leur scolarité dans une école française ! Ces personnalités, ainsi que beaucoup d'autres passées dans les écoles françaises, font, il faut bien l'admettre, beaucoup plus pour le rayonnement de la France que de nombreuses actions de promotion de la France à l'étranger.
Or que prévoit l'État pour ce réseau en 2007 ? De lui remettre en dotation de nombreux immeubles, afin qu'il puisse les gérer directement. On pourrait s'en féliciter, mais il s'agit d'un cadeau empoisonné étant donné le sous-investissement notoire de l'État dans le patrimoine immobilier du réseau. Je cite, sur ce thème, un rapport de juillet dernier de l'inspection générale des affaires étrangères : « Sur 73 établissements en gestion directe, 37 n'ont bénéficié d'aucun entretien de la part du ministère des affaires étrangères, sur la période 1990-2005, soit un déficit de l'ordre de 17, 5 millions d'euros pour ces seuls établissements. »
Pour financer les opérations d'acquisition, de construction ou d'extension, un rythme annuel moyen de dépenses à hauteur de 10 millions d'euros doit, en outre, être envisagé. Il est donc clair que l'augmentation de la subvention du ministère à l'Agence de 8 millions d'euros en 2007 est largement insuffisante pour compenser les coûts liés à ses nouvelles responsabilités immobilières.
Quelles en sont les conséquences ? À court terme, le fonds de roulement de l'Agence est utilisé ; à moyen terme, ce sont les frais de scolarité qui augmentent ; et, à long terme, l'attractivité du réseau en pâtit forcément. Nous souhaiterions vous entendre sur ce sujet, monsieur le ministre.
Deuxième sujet d'inquiétude, l'accueil des étudiants étrangers en France. Dans ce domaine, la France n'est pas, loin s'en faut, première de la classe. L'augmentation des crédits des bourses d'excellence est, cependant, un bon point pour le Gouvernement.
La mise en place des centres pour les études en France, qui ont notamment pour tâche de faciliter l'ensemble des démarches administratives des étudiants étrangers, est un autre bon point. La création de CampusFrance est plus difficile à évaluer. Si la fusion d'Édufrance et d'Égide paraît légitime, la baisse des crédits attribués à Édufrance au titre du programme 185 est plus critiquable.
Rappelons que la promotion du réseau universitaire français est une priorité. L'attraction d'étudiants étrangers, si possible les meilleurs d'entre eux, constitue un investissement extrêmement rentable sur le long terme.
Troisième sujet d'inquiétude, auquel on pourrait rapidement remédier, le réseau des établissements culturels. Le ministère tente de rationaliser, d'une part, l'installation des centres culturels et des alliances françaises, d'autre part, l'organisation de ces opérateurs, en fusionnant l'Association française d'action artistique, l'AFAA, et l'Association pour la diffusion de la pensée française, l'ADPF, en une unique agence appelée CulturesFrance. On donne ainsi une suite à une demande que j'avais adressée dans mon rapport de 2004 sur l'action culturelle extérieure de la France.
Le but est à la fois d'améliorer l'efficacité du dispositif de promotion de la culture française dans le monde et de lui donner une visibilité croissante grâce à la nouvelle appellation unique CulturesFrance, sur le modèle du Goethe-Institut allemand ou du British Council anglais.
Cette fusion a répondu préventivement aux critiques formulées par la Cour des comptes sur la gestion de l'AFAA à la suite de l'enquête demandée par la commission des finances. La Cour a cependant déploré le fait que la fusion ne soit pas encore mise en oeuvre.
La commission des affaires culturelles approuve cette fusion, mais considère qu'il faut laisser le temps à CulturesFrance de s'organiser. Elle sera attentive à ce que les nouvelles structures ne reproduisent pas sous une nouvelle appellation des méthodes et des comportements qui ont été à juste titre critiqués.
S'agissant de la dotation de CulturesFrance, la commission, qui a examiné les crédits de la mission avant la commission des finances, n'a pu se prononcer sur l'amendement proposé par M. Gouteyron.
Le président de la commission des affaires culturelles regrette, à cet égard, de n'avoir pu être informé plus en amont de cette intention, ce qui aurait permis à la commission de procéder aux consultations nécessaires et de débattre plus sereinement des moyens de cet opérateur stratégique.
La commission des affaires culturelles, qui a pris note des observations formulées tant par la Cour des comptes que par la commission des finances du Sénat, veillera très attentivement, à travers un groupe de réflexion, à ce que les engagements des uns et des autres soient tenus, afin qu'il ne soit pas porté atteinte au rayonnement culturel de la France
Dans l'attente des réponses que M. le ministre ne manquera pas d'apporter aux interrogations qu'elle a formulées, la commission des affaires culturelles s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'ensemble des crédits destinés à la mission « Action extérieure de l'État » pour 2007.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 77 minutes ;
Groupe socialiste, 29 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement aux rapporteurs, je souhaite m'exprimer, non sur l'économie générale de la mission, mais plutôt sur un problème particulier, qui rejoint les préoccupations de notre rapporteur spécial, auquel, monsieur le ministre, j'espère que vous pourrez répondre.
Après nos collègues députés Bernard Schreiner et Marc Reymann, qui sont intervenus lors de la discussion à l'Assemblée nationale, M. Jacques Legendre exprimera tout à l'heure sa perplexité vis-à-vis de la position paradoxale de la France.
Ainsi, la contribution de la France à une organisation, le Conseil de l'Europe, dont le siège est situé dans notre pays, à Strasbourg, est soumise à une croissance zéro depuis plusieurs années.
L'organisation, qui rassemble quarante-six États, est constituée de trois branches principales, le Comité des ministres et le secrétariat général, l'Assemblée parlementaire, au sein de laquelle j'ai l'honneur de représenter le Sénat, et la Cour européenne des droits de l'homme.
Mes quarante-cinq collègues viennent d'ailleurs d'élire notre compatriote M. Jean-Paul Costa à la présidence de cette cour, et je suis sûr, mes chers collègues, que vous voudrez joindre vos félicitations aux miennes, à l'adresse de ce grand magistrat.
Comme j'ai eu l'occasion de le faire au moment de l'examen de la participation de la France au budget des Communautés européennes, je voudrais revenir, à l'instar de mes collègues, sur la création d'une « agence de l'Union européenne des droits fondamentaux », dont a débattu le conseil « Justice et affaires intérieures », ce 4 décembre.
Au même moment, on constate le succès de la Cour de Strasbourg, qui peine à statuer sur les milliers de recours dont elle est saisie. Cet « encombrement » est la marque de la confiance dans la Cour des quelque 800 millions de citoyens européens, ressortissants des quarante-six États du Conseil de l'Europe, pour leur garantir l'exercice des droits proclamés par la convention de 1950.
Les États ne peuvent ignorer ni ce succès, ni le besoin de renforcement des moyens de travail de la Cour de Strasbourg. Bloquer le budget global du Conseil de l'Europe, c'est donc demander aux autres branches de l'organisation paneuropéenne de restreindre leurs propres moyens de fonctionnement pour financer par voie interne les besoins de la Cour. Cela peut se concevoir.
Le paradoxe est donc de réduire les possibilités d'action du Conseil de l'Europe et du système de contrôle des droits de l'homme, alors même que l'Union européenne s'apprête à dégager quelque 30 millions d'euros chaque année pour une nouvelle institution, cette « agence » dont ne sont fixées ni les compétences ratione loci ni les compétences ratione materiae.
Même si nous le regrettons, le traité constitutionnel n'est pas entré en vigueur. La Charte des droits fondamentaux n'a donc pas encore de portée normative. Dès lors, à quel texte de droit positif devrait se référer la future « agence » ? Jusqu'où s'étendrait sa compétence ? L'Union, augmentée des « nouveaux voisins » ?
Mais alors, la superposition avec le Conseil de l'Europe brouillerait un peu plus un système déjà peu lisible. On risque, tôt ou tard, d'aboutir à un conflit de droits, doublé d'un conflit de juridictions, car, n'en doutons pas, la future « agence » n'aura de cesse de développer sa propre jurisprudence et de se constituer en quasi-juridiction.
Il y a là plus qu'un paradoxe, un véritable gâchis financier et un gaspillage d'énergie.
Il y a quelques années, une rencontre avait été organisée au Luxembourg entre la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg et la Cour de justice des Communautés européennes de Luxembourg.
Les hauts magistrats étaient convenus qu'il était tout à fait possible d'organiser une répartition rationnelle afin d'éviter, précisément, les conflits de compétences et, surtout, les divergences de jurisprudence. La Cour européenne des droits de l'homme pourrait constituer en son sein une chambre spécialisée où ne siégeraient que les seuls juges issus des États de l'Union européenne.
Or, à cette solution de raison, d'ailleurs inscrite dans l'évolution normale des traités européens, on oppose une nouvelle institution, qui sera tôt ou tard concurrente des deux premières.
Je comprends bien le souhait de la Commission et du Parlement européen de mettre en avant leur rôle proactif en faveur des droits fondamentaux. Mais, outre que les vingt-sept États de l'Union européenne adhèrent depuis de nombreuses années à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que leurs ressortissants connaissent le chemin de la cour de Strasbourg, nos concitoyens ne sont pas dupes de ces affichages.
Cette prolifération institutionnelle pourrait même être contre-productive. Nous devons empêcher que ne se développe le sentiment d'une Europe « usine à gaz » aux compétences incompréhensibles parce qu'enchevêtrées, et, donc, de plus en plus coûteuses.
D'emblée, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, inspirée par notre compatriote René Cassin, prix Nobel de la paix, a été rédigée pour une Europe dont on espérait la pleine réunification continentale, dans la liberté et la garantie des droits fondamentaux.
Tous les États qui se sont émancipés de la dictature soviétique siègent au Conseil de l'Europe ; la Cour de Strasbourg les accompagne dans leur mutation vers l'État de droit. N'élevons pas, à nouveau, un mur entre l'Union européenne, dotée d'une « agence » propre, et les autres États européens.
Le pire serait d'accréditer l'existence d'un « double standard », excluant ceux qui ont payé parfois si cher la division du continent. Les droits de l'homme sont le socle du « modèle européen ». Nos concitoyens n'ont que faire de querelles de bornage entre institutions concurrentes, donc ruineuses. Finalement, cette prolifération affaiblit un système qui a fait ses preuves.
La polysynodie risque de donner une image bureaucratique de l'Europe, alors même que les droits de l'homme sont désormais le patrimoine commun de quelque 800 millions d'Européens.
Vous souhaitez, monsieur le ministre, avec MM. les rapporteurs ici présents, rationaliser les dépenses de l'action extérieure de la France. Comment ne pas vous approuver ? Il faut en effet toujours se souvenir que toute dépense nouvelle signifie des impôts alourdis.
Si vous souhaitez rationaliser la contribution de la France, n'est-il pas urgent d'organiser, bien sûr dans des formes décentes, la fin d'une nouvelle organisation créée par les gouvernements des quarante-six États du Conseil de l'Europe lors de leur troisième sommet, à Varsovie, les 16 et 17 mai 2005 ?
Il s'agit du « Forum du Conseil de l'Europe pour l'avenir de la démocratie pour renforcer la démocratie », forum qui rassemblerait « des décideurs, des fonctionnaires, des acteurs de terrain et des universitaires ».
J'apprécierais, monsieur le ministre, que vous nous communiquiez les noms, que je serais curieux de connaître, des représentants de ces catégories, toutes estimables, que vous avez dû désigner...
Je m'interroge sur la légitimité des personnes qui participeront à ce « forum » chargé de « renforcer, par sa réflexion et ses propositions, les travaux de l'Organisation dans le domaine de la démocratie », des personnes toutes nommées pour débattre de la démocratie alors même qu'elles ne détiennent aucun mandat du suffrage universel !
Pourtant, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, réuni le 27 septembre 2006, a prodigué de nouveaux encouragements à ce « forum », qui s'est déjà réuni deux fois, à Varsovie puis à Moscou, avant de se réunir en Suède l'année prochaine, puis en Espagne, puis en Ukraine, puis en Arménie...
Est-il judicieux, dans un contexte budgétaire de croissance zéro, de susciter la mise en place d'un nouvel organe nommé, dont le financement devra lui aussi être assuré « en interne », sans doute aux dépens de l'Assemblée parlementaire ? Or je rappelle que cette dernière est, elle, représentative puisque composée d'élus dont chacun représente le Parlement de son pays et qu'elle fait vivre la démocratie européenne depuis 1949. La démocratie est-elle donc trop sérieuse pour être confiée aux démocrates ?
Enfin, j'aurais voulu dire un mot du budget de l'Union de l'Europe Occidentale, dont on organise l'étouffement budgétaire, mais je crains que mon temps de parole ne soit épuisé.
Aussi je conclurai, monsieur le ministre, en vous assurant que le groupe UC-UDF votera vos crédits.
Vous savez les liens d'amitié et de pensée qui nous unissent. Certes, je soutiens la position du rapporteur spécial, car il est en effet nécessaire que ce ministère s'adapte aux nécessités budgétaires, mais je me mets aussi un peu à votre place, et je tenais à vous dire que nous sommes toujours très fiers de votre action : toutes les critiques qui ont accueilli celle-ci ont été injustes.
Je tenais aussi à vous dire que le fait qu'un médecin exerce les fonctions de ministre des affaires étrangères est une très bonne chose, ...
M. Yves Pozzo di Borgo. ...comme l'on peut s'en apercevoir lorsque l'on « bouge » un peu dans le monde, car la santé entre aussi dans le champ de la diplomatie : tous nos amis étrangers que je rencontre apprécient que la France ait une action aussi efficace dans ce domaine.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.