Comme vient de le rappeler Mme Blandin, le travail mené en commission a permis de lever des interrogations sur la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France proposée au travers de ce projet de loi.
Ainsi, grâce à la commission de la culture, saisie pour avis, le statut, le périmètre et les missions de l’IAVFF ont été précisés.
Il s’agira d’un établissement public national à caractère administratif.
Les organismes de recherche sous tutelle du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, c’est-à-dire l’INRA et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, y seront intégrés d’emblée et obligatoirement.
Les fondations reconnues d’utilité publique, comme l’Institut Pasteur, pourront y adhérer.
La formation initiale et continue des personnels de l’enseignement technique agricole fera partie des missions de l’IAVFF. Enfin, des conventions de partenariat pourront être conclues à cet effet avec les ESPE.
Cette tentative de cadrage de l’IAVFF témoigne bien de ce que j’ai pu qualifier dans mon rapport de « pari risqué et incertain » à propos de cet institut qui, il faut le souligner, suscite encore, sinon de l’opposition, du moins des interrogations, notamment de la part des organisations syndicales concernées que j’ai pu entendre à titre personnel voilà quelques jours.
La première interrogation soulevée par nombre d’acteurs auditionnés et rencontrés ensuite est celle du choix de créer une nouvelle structure alors qu’aucune évaluation indépendante d’Agreenium n’a été réalisée.
Ainsi, la création de l’IAVFF paraît comporter des bénéfices incertains, mais des risques beaucoup plus réels.
Une deuxième interrogation réside dans le fait que le projet de loi est assez imprécis sur la structuration de l’institut et sur les équilibres qui devront être respectés lors de la composition du conseil d’administration.
Car, au fond, qu’est-ce que l’IAVFF ? Au cours des auditions que j’ai pu mener, j’ai entendu une série d’interprétations ; l’IAVFF serait à la fois un parlement de l’enseignement supérieur agricole, un canal de transmission de la politique ministérielle, une agence de projets, soit comme maître d’ouvrage, soit comme financeur, un opérateur de formation, une marque internationale, etc.
Une troisième interrogation porte sur le manque de vision claire de l’articulation de l’IAVFF avec la nouvelle structuration du paysage universitaire. Quelle sera en effet l’articulation de ce nouvel institut avec les politiques de site menées dans les communautés d’universités et d’établissements auxquelles appartiennent les écoles agronomiques et vétérinaires ?
Il ne suffit pas de constater que, d’un point de vue logique et juridique, il n’existe pas de contradiction entre les textes législatifs. Il faut aussi s’assurer de la cohérence des orientations et des effets de leur application concrète. Le poids des politiques de site contraindra nécessairement l’action de l’IAVFF et doit donc être anticipé.
Le projet Saclay ne déterminera-t-il pas les conditions de participation d’AgroParisTech à l’IAVFF ?
Comment l’IAVFF prendra-t-il en compte l’inscription de l’École nationale vétérinaire d’Alfort dans une communauté d’universités avec l’université Paris-Est Créteil Val-de-Marne, l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, l’École des Ponts, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, l’Établissement français du sang, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, entre autres ?
Les mêmes questions se poseront pour tous les membres de l’IAVFF. Il existe bel et bien un risque d’orthogonalité avec la loi Fioraso, un risque d’enfermement ou de repli sur le champ agricole.
Ce serait dommageable pour tous les acteurs, en particulier pour les écoles vétérinaires, qui ont vocation à tisser des partenariats avec les facultés de médecine et des organismes de recherche extérieurs au ministère de l’agriculture comme l’INSERM et l’Institut Pasteur.
La quatrième interrogation – et non des moindres à mon sens – a trait au financement de l’IAVFF.
Les inquiétudes portent sur deux points : le recours possible à des fonds privés dans des domaines sensibles qui touchent à l’alimentation et à la santé publique et la fragilisation de la situation financière des écoles par ponction de leurs ressources. Ce second point suscite des craintes dans les établissements concernés dont la situation budgétaire est parfois extrêmement difficile comme Montpellier SupAgro ou l’École nationale vétérinaire d’Alfort.
Enfin, mes chers collègues, je désire vous faire part d’une autre inquiétude qui m’est apparue alors même que la commission de la culture a tenté de clarifier les missions de l’IAVFF concernant la formation initiale et continue des personnels de l’enseignement technique agricole.
Quel sera le projet porté par l’IAVFF ? Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous apporter des précisions en ce sens, alors même que la date butoir pour le dépôt des projets de maquettes de master est fixée au 20 avril prochain. J’ajoute que ces projets conditionnent la mise en place de la formation pour la prochaine rentrée.
Telles sont les raisons qui vont me conduire dans quelques instants à soutenir l’amendement de suppression de l’IAVFF présenté par mon groupe.