Praticien hospitalier et professeur à l'université à Paris-Est Créteil, je suis chef d'un service clinique d'immunologie à l'hôpital Henri-Mondor plus particulièrement orienté sur la prise en charge des malades du sida et l'équipe INSERM que je dirige recherche un vaccin contre le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).
Mon parcours scientifique a toujours été mixte : recherche et clinique. Ma première inscription dans une unité INSERM remonte à 1985. Directeur d'équipe INSERM en 1999, je suis devenu directeur d'une unité créée à Dallas, que j'ai dirigée jusqu'en octobre 2012. Le projet que j'ai présenté lors du grand emprunt visait la mise au point d'un vaccin contre le VIH, l'hépatite C et la tuberculose. Je dirige ce labex en réseau qui regroupe 17 équipes et 150 chercheurs, dont la prestigieuse équipe de Françoise Barré-Sinoussi.
Recherche clinique, recherche translationnelle, mise au point de traitements innovants contre les maladies infectieuses, m'ont amené à faire le lien entre les essais cliniques à une large échelle, en France, en Europe comme aux États-Unis.
Je me suis impliqué dans les politiques publiques dès la création de la Fondation de l'Agence nationale de recherche contre le sida, qui, dès 1990, a organisé et coordonné la réponse à l'urgence de l'épidémie tout en conciliant la démocratie sanitaire et la recherche fondamentale. J'y ai été en charge en 1993 des programmes de thérapeutiques innovantes, puis, en 2000, de toute la coordination de la recherche sur le vaccin.
Enfin, conseiller spécial de Mme Fioraso sur la recherche biomédicale puis sur la recherche, j'ai participé depuis deux ans à l'élaboration de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche.
Le XXIe siècle sera celui de la révolution biologique. Les bouleversements seront extraordinaires : l'on peut imaginer que dans cinq ans, le dossier médical comportera, outre le diagnostic, la cartographie d'une tumeur, les facteurs de prédisposition... Le décloisonnement entre recherche d'amont et son implication jusqu'au soin du malade doit être au coeur de notre politique. Le changement d'échelle, l'essor technologique, le haut débit appellent une réflexion sur la transversalité de la recherche et à l'interdisciplinarité des métiers. Nous ne devons négliger ni les plateformes technologiques ni le lien avec la recherche clinique. En outre, l'agenda France Europe 2020 nous conduit à placer nos priorités dans une perspective européenne.
Les objectifs d'un prochain mandat à l'INSERM sont au nombre de quatre. Il s'agira tout d'abord de maintenir une recherche fondamentale de très haut niveau, en cohérence avec la stratégie nationale de santé, de manière à irriguer les applications en répondant aux défis sociétaux.
Ensuite, rattraper un niveau d'excellence en recherche technologique et dans les sciences de la santé. Les questions posées en recherche sont évidemment très dépendantes de l'état de la technologie, laquelle doit être d'emblée pensée en association avec ses applications, notamment dans le domaine de la santé. Les développeurs de ces nouvelles technologies ne sauraient ignorer que c'est là que doit être établi le partenariat avec la recherche académique.
Troisième objectif, aider à définir une authentique politique de santé publique : voilà, depuis sa création, l'une des missions régaliennes de l'INSERM. Celui-ci doit, avec ses partenaires d'Aviesan et l'ensemble des autres organismes de recherche, être le lieu de la réflexion sur les déterminants sociaux de la santé. Pourquoi, par exemple, est-il si difficile de faire passer les messages de prévention du tabagisme ? Pourquoi les campagnes de lutte contre le sida atteignent-elles de moins en moins certaines couches de la population ? De telles questions appellent à une réflexion organisée en amont, et non pas uniquement en réaction à l'urgence : notre expérience de la lutte contre le VIH a été décisive lorsqu'il s'est agi de faire face à la menace liée au virus H1N1.
Enfin, contribuer à la démocratie scientifique. Déjà fortement engagé dans la diffusion de la culture scientifique, l'INSERM s'attache à réduire la méfiance à l'égard des experts. Il collabore dans ce but avec plus de 380 associations de patients. Tout cela doit être amplifié et structuré.
La réalisation de ces objectifs reposera sur trois principes directeurs. Le premier est l'indispensable continuum depuis la recherche fondamentale jusqu'aux soins : la mission de l'INSERM est d'améliorer la santé dans tous ses aspects, physique, social et mental.
Le second principe est la transversalité inter-organismes, à laquelle nous obligent les enjeux scientifiques. Comment, par exemple, penser la gestion des données à l'ère du big data sans impliquer l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) ? Comment conduire la recherche fondamentale nécessaire sans partenariat avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ? Cela constituera la troisième étape d'Aviesan : comme les autres alliances de ce type, elle a d'abord été créée pour coordonner la réflexion des chercheurs, puis elle a reçu pour fonction de définir la programmation de la recherche ; il convient à présent d'aller vers une plus grande transversalité, en s'appuyant sur des structures souples, sans personnalité morale, et en favorisant les interactions entre les organismes membres de l'alliance.
Le troisième élément décisif est d'impliquer les chercheurs des unités mixtes de recherche à toutes ces étapes : les contraintes budgétaires que nous connaissons rendent leur responsabilisation indispensable. Cela passe par des mesures concrètes : définir une politique de ressources humaines, faire redescendre l'information, améliorer la vie des chercheurs au quotidien. Ainsi, toutes nos unités étant des unités mixtes, il faut qu'il y ait dans chacune une seule plateforme administrative de gestion de la vie quotidienne des chercheurs.
Tout cela pour augmenter la visibilité de l'INSERM dans l'espace européen de la recherche, qui est véritablement notre nouvelle frontière. André Syrota a mené en ce sens un travail remarquable. Il existe trois partenariats forts entre l'INSERM et des instituts européens ; il faut en créer d'autres et leur donner une nouvelle dimension, afin que les jeunes chercheurs qui ne peuvent être recrutés aujourd'hui dans nos organismes le soient temporairement à l'étranger, après quoi ils reviendront en France.
Je n'ambitionnais pas, il y a deux ans, de me présenter au poste de président de l'INSERM. Je mesure parfaitement l'enjeu et le défi que cela représente. Tout en réfléchissant à ce qu'impliquait la mise en place de politiques publiques, j'ai gardé mon activité de recherche et mes consultations. Pour faire passer à l'INSERM le cap crucial de ses cinquante ans d'existence, il importe d'aller au bout d'une réflexion et d'une démarche. C'est notamment le but de la feuille de route présentée la semaine dernière par le Président de la République : organiser avec l'alliance Aviesan et les autres partenariats de notre pays un niveau de cohérence et de structuration de la recherche qui nous permette de répondre aux défis des prochaines années. Je m'y consacrerai si vous l'acceptez.