Intervention de Hervé Lemoine

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 avril 2014 : 2ème réunion
Audition de M. Hervé Lemoine directeur chargé des archives de france au ministère de la culture et de la communication

Hervé Lemoine, directeur des archives de France :

Concernant la politique interministérielle des archives, la loi dispose que les ministères des affaires étrangères et de la défense disposent d'une autonomie de gestion. Afin qu'une politique cohérente soit mise en oeuvre par l'ensemble des administrations publiques chargées des archives publiques, une communauté de doctrine a toutefois été instaurée, sous la responsabilité des Archives de France et de la direction générale des patrimoines au ministère de la culture.

À cet effet, un comité interministériel aux Archives de France a été créé par le Gouvernement. Il a vocation à être le bras armé d'une politique commune cohérente et opérationnelle. Réuni sous les auspices du Premier ministre, il est présidé par le directeur général des patrimoines du ministère de la culture et le secrétariat en est assuré par le directeur chargé des archives au sein de la direction générale.

J'ajouterai qu'à notre initiative, et en association avec le Quai d'Orsay et la défense, a été conçu le programme VITAM, premier grand programme de mutualisation de compétences et de moyens pour assurer l'archivage numérique des données produites par les administrations centrales de l'État. Une réunion interministérielle devrait avoir lieu à Matignon afin que nos propositions soient validées et que ce programme puisse alors bénéficier de crédits dans le cadre du plan national d'investissements d'avenir.

Au niveau européen, deux instances regroupent les directeurs nationaux des archives des pays de l'Europe, l'European Archives Group et l'European Board of National Archivists (EBNA). La première est directement rattachée à la Commission européenne et la seconde dépasse le cadre de l'Europe communautaire puisqu'elle comprend, entre autres, la Suisse et la Turquie.

L'European Archives Group se réunit tous les six mois, concomitamment au changement de présidence de la commission. Ces réunions nous permettent d'échanger et de faire des propositions afin de faire évoluer la législation européenne. Actuellement, à titre d'exemple, un texte sur la protection des données personnelles est en débat. Jusqu'à présent, ce texte méconnaissait l'existence du service public d'archives, dont la mission est la conservation des données publiques, souvent riches de données personnelles. Or, le projet de règlement initial préconisait, une fois la finalité première ayant nécessité la création du document éteinte, l'anonymisation systématique ou la destruction de tout document permettant d'identifier une personne. Peut-on considérer que l'état civil d'une personne décédée n'a plus d'importance et qu'il peut être anonymiser ? La France est très mobilisée sur ce dossier et nous avons proposé une motion qui a été adoptée. Le Parlement européen, suivant nos propositions, a ainsi donné, pour la première fois dans un texte européen, une définition d'un service public d'archives, considéré dorénavant à la même aune qu'un opérateur privé, à l'instar de Google par exemple.

Après l'ouverture, en février 2013, du nouveau site d'archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, la direction générale des patrimoines a souhaité rééquilibrer ses efforts en faveur des services départementaux d'archives. C'est ainsi que depuis trois ans notre soutien au réseau des services départementaux d'archives a sensiblement augmenté, tant par des subventions pour la construction de nouveaux bâtiments ou la restauration de bâtiments existants, que par des subventions ou des accompagnements pour des activités de service public d'archives, comme la numérisation de fond ou l'encodage d'instruments de recherche.

Concernant les personnels mis à disposition par l'État, la situation n'est pas idéale, mais l'idéal s'éloigne de nous depuis fort longtemps. Il y a eu malgré tout - et cela doit se poursuivre - beaucoup d'efforts significatifs de rééquilibrage entre services nationaux et services publics d'archives. En effet, actuellement, tous les postes de directeur d'archives départementales sont pourvus alors que quatorze étaient vacants à mon arrivée.

S'agissant de la mutualisation, celle-ci ne doit pas se traduire par un transfert de charges. C'est pour cette raison que notre projet ouvre la possibilité aux collectivités territoriales, uniquement si elles le souhaitent, de s'associer ou non dans des projets de mutualisation.

Le ministère de la culture, mais également les services départementaux, les conseils généraux et les collectivités territoriales contribuent massivement au plan national de numérisation. C'est ainsi que les archives représentent aujourd'hui les ressources culturelles en ligne les plus nombreuses en volumétrie et en consultation avec plus de 300 millions de documents en ligne et plus de 2 milliards de pages lues. Cette politique est une vraie réussite, nos citoyens, soucieux de leur histoire personnelle, communale ou locale, consultant massivement les sites Internet sur lesquels ils trouvent l'ancien état civil, certes, mais également le cadastre napoléonien, site des collectivités territoriales le plus consulté.

Les archives sonores et audiovisuelles sont qualifiées d'archives publiques au regard de leur statut. Elles doivent être traitées et conservées au même titre que les comptes rendus des délibérations d'un conseil municipal, auparavant écrits et maintenant souvent enregistrés. Afin d'assurer dans les meilleures conditions et sur des supports les plus pérennes possibles la conservation de ces documents d'archives publiques, les Archives de France prodiguent des conseils techniques à tous les services publics d'archives. Néanmoins, il est nécessaire de dégager des moyens et de développer des compétences. Le numérique étant aujourd'hui acquis, il faut dorénavant apporter un soin particulier aux archives sonores et audiovisuelles, même si on les transfère souvent sur des supports numériques.

En termes de droit, les témoignages oraux s'apparentent à des archives privées, méritant ainsi le plus grand soin. Ce sont souvent les seuls témoignages de parties de notre histoire, pas toujours inscrites dans les archives publiques, conservées par ailleurs. Ils constituent souvent des sources très singulières, indispensables à la compréhension de nos sociétés, notamment contemporaines, et qui apportent d'importants compléments d'informations. Ainsi, sans le recueil systématique de témoignages oraux recueillis postérieurement à la guerre d'Algérie, nous n'aurions qu'une vision « hémiplégique » de cette guerre.

Enfin, compte tenu de notre organisation, nous devrons accompagner le « big-bang » territorial, et, si possible, l'anticiper. Nous avons conscience que cela sera un chantier considérable. Cela étant, les services territoriaux ont montré leur capacité à s'adapter à des réformes importantes, telles la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE). Ainsi, aujourd'hui, la cartographie des agences régionales de l'eau, agences régionales de santé (ARS), rectorats, etc. ne correspond pas exactement à la cartographie des compétences des services départementaux ou régionaux. À chaque fois, nous avons essayé de trouver des réponses fonctionnelles aux évolutions souhaitées par le législateur.

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