Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 16 avril 2014 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PSMV
  • archives
  • bâtiment
  • cité
  • historique
  • protégé
  • urbanisme

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la culture et de la communication, venu nous parler du projet de loi relatif aux patrimoines culturels. L'accompagnent Isabelle Maréchal, cheffe du service du patrimoine et Emmanuel Etienne, adjoint au sous-directeur des monuments historiques et des espaces protégés.

Cette audition s'inscrit dans le cycle de nos travaux sur les politiques patrimoniales. Nous serons attentifs aux éléments de calendrier que vous serez en mesure de nous donner, car ce texte est très attendu par l'ensemble du secteur de la culture et par les sénatrices et les sénateurs de la commission de la culture, qui - je crois - apprécieraient que le projet de loi soit d'abord examiné par le Sénat. Et nous sommes évidemment impatients de vous entendre présenter les réformes envisagées, car nous avons constaté l'inquiétude de certaines associations, lors de la table ronde que nous avons organisée le 19 février dernier sur le thème des régimes de protection du patrimoine.

Debut de section - Permalien
Vincent Berjot, directeur général des patrimoines

Je vous remercie et souhaite débuter par quelques propos liminaires, le premier étant relatif au calendrier. Un premier cycle de concertations et d'arbitrages interministériels s'est déroulé dans de bonnes conditions, notamment sur la question des monuments historiques et des espaces protégés. Toutefois les discussions relatives aux archives n'ont pas pu aboutir et le second cycle de travaux est pour l'instant suspendu à la nomination d'un conseiller chargé de la culture au sein du cabinet du Premier ministre. Le second élément de contexte concerne les objectifs du projet de loi, qui couvre l'ensemble des champs du patrimoine dont les principaux sont les espaces protégés et les archives, mais traite également de sujets comme l'archéologie. Le texte vise à clarifier la typologie des régimes de protection, conformément au souhait du Gouvernement de garantir une meilleure lisibilité et une plus grande efficience des politiques publiques. J'insiste sur le fait que c'est la typologie des catégories qui est simplifiée, et non le niveau de protection.

Le projet de loi doit permettre aux collectivités territoriales d'être pleinement responsables des politiques touchant à leur territoire en leur redonnant la maîtrise d'ouvrage dans les plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), ces documents d'urbanisme relatifs aux secteurs sauvegardés, considérés comme offrant le plus haut niveau de protection. Cette compétence a toujours été exercée de façon très coopérative entre les collectivités et l'État dont il s'agit aujourd'hui de préserver le rôle essentiel tout en alignant le droit des PSMV sur le droit commun de l'urbanisme.

La cité historique, dont le terme ne suscite pas l'unanimité et pourrait évoluer, doit se substituer à plusieurs catégories : les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP). J'insiste sur le fait que la réforme n'induit en aucun cas une dépossession du rôle de l'État et que, dès lors qu'il existe une servitude d'utilité publique sur ces espaces protégés, l'accord préalable de l'architecte des bâtiments de France (ABF) est requis. L'État continuera donc d'assurer son rôle puisque le document d'urbanisme créant le PSMV continuera à lui être soumis.

L'espace protégé que sera la cité historique est une servitude d'utilité publique. C'est un élément totalement structurant qui va fonder l'intervention de l'ABF dans ces espaces. C'est bien l'État qui procède à la création du périmètre de cet espace protégé.

Une des questions était de savoir si à l'occasion de la création des cités historiques on risquait de perdre des espaces actuellement protégés sous le régime des AVAP ou des ZPPAUP. Tous les espaces protégés qui existent aujourd'hui sont automatiquement transformés dans la nouvelle appellation de cité historique. Il n'y a pas de perte de protection patrimoniale par rapport à ce qui existe.

Par ailleurs, dans les cités historiques, les documents d'urbanisme pourront être de deux natures qui prennent l'une et l'autre en compte la protection patrimoniale : le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) et le plan local d'urbanisme (PLU) patrimonial.

Les caractéristiques du PSMV ne changent pas par rapport à la situation existante. C'est le niveau de protection le plus important. Toutefois, c'est un document d'urbanisme lourd et long à élaborer car le plan décrit immeuble par immeuble les caractéristiques et les protections à appliquer. Il n'est donc pas possible d'imposer un tel document à tous les espaces protégés. La nouveauté vient du PLU, désormais appelé PLU patrimonial (PLUP), mis en place où il n'y aurait pas de PSMV. C'est un PLU renforcé en matière patrimoniale, c'est une avancée, un nouveau document qui n'a pas la lourdeur d'un PSMV. Contrairement aux critiques formulées par certaines associations de protection du patrimoine, je pense que l'on trouvera désormais, a minima, un PLU enrichi d'éléments patrimoniaux, ce qui représente un progrès par rapport à la situation actuelle.

Par ailleurs, le pouvoir et le rôle des architectes des bâtiments de France (ABF) restent fondés sur le fait que dès lors que l'on crée des cités historiques, on crée des servitudes d'utilité publique. Il faut leur accord ou leur avis sur ces espaces. Nous cherchons à rendre plus lisible le rôle des ABF ainsi qu'à clarifier et harmoniser les délais pour rendre leurs conclusions.

Les collectivités territoriales, dans la définition du PSMV, sont accompagnées par les services de l'État, qui participe financièrement. Les collectivités auront la maîtrise d'ouvrage de ce document. Mais, il reste soumis à l'approbation de l'État.

Le PLUP est parfois critiqué en raison de la possibilité de le faire évoluer, que certains jugent trop aisée. De la sorte, il pourrait être remis en cause, entraînant une perte en matière patrimoniale. Nous souhaitons rappeler plusieurs éléments : le PLUP s'appliquera dans l'espace limité d'une cité historique. Un maire ne peut remettre en cause l'existence d'une cité historique, qui aura créé une servitude d'utilité publique. Ce qu'il peut remettre en cause, c'est le contenu du PLUP. Mais là, le contrôle de légalité du préfet interviendra sur le nouveau PLU au regard du fait qu'il s'applique dans une cité historique. Le préfet pourra demander au maire de revoir son PLU si ce dernier est très en deçà en matière patrimoniale. Les inquiétudes soulevées par cette question n'ont pas lieu d'être car la délimitation de la cité historique est invariante dans le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je vous remercie de cette présentation. La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat s'est toujours mobilisée sur les questions du patrimoine. Nous représentons particulièrement les collectivités, et nous souhaitons que le texte soit déposé en premier à la Haute Assemblée. Nous sommes prêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

J'entends ce que vous nous dites afin de nous rassurer sur le risque de réduction du niveau de protection auquel on était accoutumé du fait d'un système légal relativement élaboré mais aussi très complexe avec des dispositifs diversifiés qui n'en facilitaient d'ailleurs pas toujours une bonne perception.

Je m'interroge sur l'appellation du nouveau dispositif : la cité historique est appelée à se substituer à des dispositifs de protection d'espaces de type urbain, comme les anciens secteurs sauvegardés par la loi Malraux ou les ZPPAUP mais également les espaces naturels inscrits. Le double terme de cité qui renvoie à l'urbain et d'historique qui renvoie au patrimoine culturel me semble mal adapté. Cette appellation est-elle modifiable en amont, avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres ou bien faut-il attendre le débat au Parlement pour trouver un terme plus neutre, comme zone d'intérêt patrimonial, zone de patrimoine exceptionnel ou encore espace protégé de caractère exceptionnel... ? On pourrait inscrire ce dispositif dans une forme de graduation montrant bien l'intérêt du zonage. Si les collectivités territoriales peuvent définir les modalités de la protection, le zonage une fois arrêté ne souffrira plus de modifications sans accord de l'État.

D'autres questions se posent sur les autres volets du projet de loi. Je pense en particulier à la gestion des collections par les musées et à l'archéologie, même si les choses ne sont pas complètement finalisées. Je continue à m'interroger sur la question de la propriété des vestiges archéologiques puisque le projet de loi dispose que tout vestige archéologique revient à l'État. C'est une mesure très radicale, très protectrice et qui peut être vécue, dans certains cas, comme spoliatrice par les propriétaires privés et publics. Que ces derniers soient dépossédés de la propriété de ce qu'ils trouvent, par leurs services agréés, sur leur propre domaine foncier, est assez abrupt ! Mais peut-être faut-il attendre le débat parlementaire pour trouver des éléments d'ajustement.

Enfin je souhaitais vous interroger sur le recours de plus en plus fréquent à des sociétés privées de fouilles archéologiques, au détriment de l'Institut de recherches archéologiques préventives (INRAP).

Debut de section - Permalien
Vincent Berjot, directeur général des patrimoines

L'appellation « Cité historique » a effectivement suscité quelques débats, mais nous ne doutons pas que le travail parlementaire permettra de déterminer des termes mieux adaptés aux multiples réalités du terrain.

M. Jacques Sallois n'a pas encore remis le rapport sur le bilan des opérations de récolement décennal des collections dont il a été chargé, mais je ne pense pas qu'il contienne des propositions d'ordre législatif. Les mesures envisagées sont, semble-t-il, plutôt d'ordre technique, en particulier informatique, ou pratique et organisationnel.

Les dispositions du futur projet de loi relatives aux vestiges archéologiques tirent les conséquences des difficultés actuelles de partage de propriété entre l'État et d'éventuels ayants droit, dont on observe par ailleurs que, dans la plupart des cas, ils ne souhaitent pas conserver le produit des fouilles effectuées dans leurs sous-sols.

Cependant, si l'article principiel stipule que tout produit de fouilles archéologiques est propriété de l'État, un second article donne à celui-ci, sous certaines conditions, la possibilité de transférer cette propriété à un tiers.

En concertation avec l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des maires de France (AMF), une réflexion a été engagée afin de rendre à la fois plus efficientes et plus équitables les actions simultanées des chantiers archéologiques entrepris par des sociétés privées, par des structures issues des collectivités et par l'INRAP, qui a pour contrainte particulière de devoir suppléer à d'éventuelles défaillances du secteur privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Pourriez-vous nous éclairer sur l'articulation des différents types de zones protégées, chacune identifiée par un sigle méritant d'être expliqué, de même que devraient l'être les termes de « Cité historique », qui ne m'apparaissent pas appropriés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Le futur projet de loi comprend plusieurs volets, mais nous nous intéressons aujourd'hui aux espaces protégés et j'interviens donc aussi comme président de la Commission nationale des espaces protégés, où j'ai succédé à notre ancien collègue Yves Dauge.

L'objet premier de ce projet de loi devrait être de « simplifier pour mieux protéger » ; il devrait pouvoir permettre de dégager un consensus en ce sens. Pour y parvenir, nous devons effectuer un travail en amont auprès de certaines associations et auprès des ABF, qui ont exprimé quelques craintes. Nous devons aussi prendre garde à ce que nos discussions parlementaires n'aboutissent pas à complexifier les choses.

Comme l'a indiqué M. Berjot, nous devons trouver pour la nouvelle appellation des termes plus appropriés que « Cité historique », qui ne reflète pas l'ensemble des réalités du terrain.

On peut se féliciter du fait que le texte annoncé traite des abords des monuments classés au patrimoine de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et qu'il introduise, par ailleurs, la notion de patrimoine immatériel. Nous devons toutefois garder à l'esprit que l'enjeu principal est celui de la décentralisation des décisions d'urbanisme. À ce propos, il est à craindre que dans le contexte budgétaire actuel, les élus se détournent des PSMV pour opter pour les PLUP, certes moins contraignants et moins coûteux, mais moins pérennes car plus exposés à l'aléa politique.

Je souhaiterais enfin avoir des précisions sur la date-limite actuellement envisagée pour transformer une ZPPAUP en AVAP : l'échéance est-elle toujours fixée à la mi-juillet 2015 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Je me félicite à mon tour que le futur projet de loi s'intéresse au patrimoine immatériel.

Vous avez indiqué que ce texte ne susciterait aucune perte de protection : à l'inverse, cela signifie-t-il que les contraintes seront accrues ?

J'aimerais savoir comment les PLUP peuvent s'articuler avec les plans d'urbanisme locaux intercommunaux (PLUI) créés par la loi pour l'accès au logement et pour un urbanisme rénové, et aussi connaître le devenir des « Grands sites de France ».

Enfin, comment pensez-vous pouvoir normaliser les relations parfois difficiles existant entre les architectes des bâtiments de France et les Conseils d'architecture d'urbanisme et de l'environnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je souhaiterais évoquer la question de la temporalité du patrimoine, constatant que celui-ci est trop souvent envisagé selon une approche conservatrice qui exclut les constructions récentes des XIXe et XXe siècles. Élu des Hauts-de-Seine, je suis particulièrement sensible aux richesses patrimoniales relativement récentes que détient ce département telles que les Papeteries de la Seine, les écoles de type Ferry ou même l'école d'architecture de Nanterre, dont les bâtiments datent de 1972.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Comme mon collègue Jean-Pierre Leleux, je considère que nous devrions trouver un consensus sur ces questions qui n'appellent pas de positions politiquement marquées. Permettez-moi ainsi d'exprimer une réelle satisfaction en observant que le texte à venir semble reprendre un certain nombre de dispositions déjà contenues dans la proposition de loi que M. Jacques Legendre et moi-même avions élaborée, il y a quelques années.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

L'appellation « Cité historique » me rend, moi aussi, quelque peu perplexe.

Je souhaitais savoir si, selon vous, la mise en place des nouveaux PLUP impliquerait une révision préalable des schémas de cohérence territoriale (SCOT) ?

Enfin, le travail que j'ai eu l'occasion d'effectuer sur les « Grands sites » me fait craindre, qu'une fois encore, l'État décide laissant ensuite les collectivités gérer les difficultés quotidiennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je partage les inquiétudes qui ont été exprimées par notre collègue Jean-Pierre Leleux concernant la forme allégée de protection du patrimoine, que vous proposez en concurrence avec une forme plus lourde. Un vieil adage dit que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». Je ne voudrais pas qu'à l'occasion de la réforme des régimes de protection du patrimoine, les formes les plus élaborées de protection soient amenées à disparaître. Cela ne m'empêche pas de reconnaître que la lourdeur de certaines procédures existantes a pu constituer un frein à leur mise en oeuvre par certaines collectivités territoriales. L'instauration de procédures simplifiées peut leur permettre de faire le premier pas vers la protection de leur patrimoine. Ne pourrait-on pas concevoir les procédures allégées de protection comme une première étape, tout en instaurant clairement une obligation de passer, à terme, à des formes plus élaborées ?

En ce qui concerne la propriété des vestiges archéologiques, à laquelle vous avez fait référence, nous ne pouvons pas réserver à l'État le droit de conserver les « plus belles pièces », tandis que le coût de stockage ou de gardiennage des pièces les moins intéressantes continuerait à peser sur les collectivités territoriales. Il me semble qu'il faut trouver une formule permettant aux collectivités de conserver ce qu'elles entendent garder, à charge pour elles d'assurer la conservation et la mise en valeur de ces oeuvres dans de bonnes conditions. À défaut, je crains que les vestiges les plus intéressants ne soient captés par les musées nationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Il est clair que nous avons tous ici la volonté de faire avancer le texte. À ce sujet, je fais remarquer que seuls certains d'entre nous ont eu la chance de consulter l'avant-projet. Les ministères gagneraient à nous transmettre des documents préparatoires, en cours d'élaboration, afin que chacun puisse disposer des mêmes informations, avec toutes les réserves d'usage, bien entendu.

Debut de section - Permalien
Vincent Berjot, directeur général des patrimoines

Sur ce dernier point, je suis en effet favorable à la transmission de textes « avant arbitrage », qui permettrait à chacun de travailler à partir de textes et non de rumeurs.

Pour répondre à Monsieur Le Scouarnec, l'idée n'est pas de créer une nouvelle catégorie, appelée « Cité historique », qui s'ajouterait aux « secteurs sauvegardés », à la ZPPAUP et aux AVAP. Le champ de la catégorie « Cité historique » inclurait tout espace protégé, quel que soit sa nature et dès lors que l'architecte des bâtiments de France est appelé à intervenir, en raison de l'existence d'une servitude d'utilité publique. J'ai bien entendu que cette appellation « Cité historique » ne recueillait pas l'unanimité, bien au contraire. Elle devra donc évoluer dans la mesure où je ne vois pas de raison de ne pas parvenir à un accord. Certes, l'appellation n'est pas un sujet de fond, mais la sémantique constitue un enjeu important, notamment en ce qu'elle participe à la lisibilité des politiques patrimoniales, et donc à leur effectivité.

Concernant l'accueil qui sera fait à ce projet de réforme au Parlement, le ministère a bien conscience des risques qui sont pris. Cependant, nous gardons l'espoir de pouvoir adopter le texte le plus consensuel possible. Il n'en reste pas moins que s'exprimeront toujours, à l'occasion du débat parlementaire, des divergences de vue, concernant notamment le rôle de l'architecte des bâtiments de France et la servitude d'utilité publique. Nous n'échapperons donc pas au dépôt d'amendements visant à affaiblir le régime de protection du patrimoine. Mais ces amendements sont récurrents dès lors qu'est proposée une réforme passant par une modification du code de l'urbanisme, dès lors que le ministère en charge de l'aménagement du territoire, ou le ministère de l'écologie, déposent un texte. La ministre entend donc présenter au Parlement un texte portant une politique de protection et de valorisation du patrimoine. C'est dans ce contexte qu'il conviendra ensuite de « gérer » les amendements visant à un affaiblissement des régimes de protection.

Concernant la réticence des architectes des bâtiments de France, je tiens à souligner que nous avons consulté un groupe d'architectes des bâtiments de France, dont les membres ont été choisis et réunis par l'Association des architectes des bâtiments de France, afin qu'ils puissent nous faire part de leurs observations. Nous avons donc mené un véritable travail de concertation. Je ne suis pas certain que l'architecte des bâtiments de France que vous avez reçu à l'occasion de la table ronde du 19 février dernier sur la décentralisation culturelle ait été représentatif de la totalité des opinions qui ont pu être exprimées à l'occasion des huit réunions que nous avons menées. Nous recevrons à nouveau les architectes des bâtiments de France au mois de juin, et il est possible que certains ne se retrouvent pas dans le texte, mais nous avons vraiment eu à coeur de les entendre et de travailler en amont avec eux sur l'élaboration de ce texte.

J'aborde à présent la question relative au risque de voir s'affaiblir les PSMV, dans la mesure où les élus favoriseraient le recours au PLUP, en raison de la moindre contrainte qu'il représente. Avant même de nous interroger sur la mort possible des PSMV, nous devons constater qu'à ce jour, après cinquante ans de politique publique en la matière, il existe 105 secteurs sauvegardés, dont tous ne sont pas couverts par un PSMV : on ne décompte que 80 PSMV pour 105 secteurs sauvegardés. La situation actuelle n'est donc pas entièrement satisfaisante. Je rappelle également que certains règlements d'AVAP ou de ZPPAUP se révèlent parfois imprécis, ce qui donne lieu à des interprétations concurrentes par les différents acteurs chargés de les mettre en oeuvre et conduit à des contentieux entre les services de l'État et les services de la collectivité territoriale. Il ne faut donc pas magnifier la situation actuelle. Pour répondre à certaines observations qui ont pu être faites à ce sujet, un PSMV reste un document très lourd à élaborer et on ne peut pas imposer cette démarche aux élus. L'élaboration d'un tel document ne peut résulter que d'une démarche volontaire. La lourdeur et la précision qui caractérisent les PSMV ne sont d'ailleurs pas justifiées pour tous les espaces patrimoniaux et n'ont de sens que dans les cas où le potentiel patrimonial et historique est très important. Imposer partout l'élaboration de ces programmes reviendrait à prendre le risque d'une très forte opposition, ce qui aurait pour conséquence d'affaiblir la protection patrimoniale. L'objectif reste cependant d'inciter les collectivités territoriales à aller vers le PSMV. Il reviendra aux services de l'État de faire connaître aux collectivités territoriales les avantages que présentent ces programmes et d'accompagner les efforts financiers faits en vue de leur mise en oeuvre.

En ce qui concerne la disparition des ZPPAUP, la date couperet a été repoussée d'un an et est maintenant fixée à juillet 2016. Il faut reconnaître que ce report ne nous laisse que peu de temps. Suite aux dernières élections, de nouvelles équipes municipales se sont formées et doivent prendre le temps de se mettre en place. La loi relative au patrimoine mettra fin, une fois adoptée, à cette date couperet et aura pour effet de transformer automatiquement les ZPPAUP et les AVAP en cités historiques. L'entrée en vigueur de cette loi doit donc intervenir rapidement. En revanche, je ne suis pas maître du choix qui sera fait de déposer ce texte au Sénat ou à l'Assemblée Nationale. Mais je vous rejoins sur le fait que le texte doit être déposé rapidement devant le Parlement.

En réponse à l'interrogation de M. Leleux relative au patrimoine mondial de l'UNESCO, il me paraît utile de préciser qu'il n'est pas question de substituer une règlementation UNESCO à une règlementation nationale. Mais, en l'état, la notion de patrimoine mondial n'a pas été consacrée par notre corpus juridique, ni dans le droit du patrimoine, ni dans le droit de l'urbanisme. Et ce alors même qu'à l'occasion des demandes d'inscription au patrimoine de l'UNESCO, nous nous engageons vis-à-vis d'elle au travers de plans de gestion, sur lesquels l'État Français doit rendre régulièrement des comptes. Nous manquons d'outils dans notre droit national permettant de mettre en application ces engagements. Le projet de loi prévoie donc que les documents patrimoniaux devront prendre en compte ces plans de gestion. Je rappelle que ces engagements sont pris volontairement par la France. Il s'agit simplement de créer des passerelles entre ces plans de gestion et le droit français, qui n'existent pas à ce jour.

Pour répondre à l'inquiétude que vous avez exprimée quant aux contraintes supplémentaires qui seraient liées au nouveau statut de « Cité historique », il est clair que le projet de loi n'affecte pas le contenu des documents relatifs aux PSMV. Concernant le PLUP, document qui suscite le plus de débats, les règlements de ZPPAUP et des AVAP coexistent avec des PLU, voire se chevauchent. Le PLUP permettrait de rassembler au sein d'un document unique l'ensemble des prescriptions en matière d'urbanisme, de sorte d'assurer une plus grande lisibilité des règlementations, ce qui devrait faciliter le dialogue entre les collectivités locales et les services de l'État.

Concernant l'articulation des PLU communaux ou intercommunaux avec les documents patrimoniaux, le choix de recourir à l'un ou à l'autre revient aux collectivités territoriales, selon les modalités prévues par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 relative à l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », suivant les règles de majorité que vous connaissez. Nos documents s'inscriront dans le cadre choisi, quel qu'il soit. Si c'est l'intercommunalité qui reçoit la compétence en matière d'urbanisme, les documents d'urbanisme patrimoniaux s'inscriront dans le cadre intercommunal. Il vous reviendra ensuite de déterminer la façon dont le PSMV ou le PLUP seront pris en compte à l'échelon intercommunal. Autrement dit, les documents patrimoniaux seront indifférents au choix opéré au moment des règles de vote des règles de l'intercommunalité.

Les « Grands sites de France » constituent un label délivré par le ministère de l'écologie dans un but de valorisation touristique. Il ne crée aucune servitude, à la différence de la notion de « site classé » et de « site inscrit ». Par ailleurs, il ne fera l'objet d'aucune disposition du projet de loi. Concernant le projet de loi relatif à la biodiversité, le ministère de l'écologie a d'ailleurs formulé des propositions sur l'évolution des sites inscrits.

Pour répondre à la question posée à propos des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), des dispositions à ce sujet figurent bien dans le projet de loi, même si je dois reconnaître qu'elles font encore l'objet de débats au sein des réunions interministérielles. Il s'agit de proposer que les CAUE fournissent un service de conseil gratuit, mais obligatoire, à toute personne individuelle amenée à construire sans l'aide d'un architecte, sur le territoire d'une collectivité au sein de laquelle se trouve un espace protégé. Notre volonté est de protéger l'espace protégé en lui-même, mais également de veiller à la qualité des constructions qui sont réalisées autour de cet espace. Pour ce faire, il nous semblait important que les CAUE puissent délivrer un conseil architectural de manière obligatoire mais à titre gratuit, aux personnes qui construisent sans faire appel à l'aide d'architectes. Pour l'instant, ces dispositions ne font l'objet d'aucun consensus au sein de réunions interministérielles.

Au sujet du patrimoine le plus récent, le projet de loi contient une disposition courte mais importante. Il est fréquent que les questions relatives au patrimoine récent ne remontent que tardivement. En général, un projet d'aménagement est déjà élaboré, faisant fi de ce patrimoine. Au dernier moment, certains insistent sur le fait que le projet d'aménagement néglige un bâtiment qui, s'il ne peut pas encore prétendre à une labellisation ou à une protection, présente néanmoins un intérêt architectural. Dans ces conditions, le ministère de la culture est saisi, et se trouve démuni face à l'état d'avancement du projet d'aménagement. Il est alors très difficile de le remettre en cause. Des avis des ABF peuvent d'ailleurs avoir été délivrés, mais au titre d'autres règles d'urbanisme ; je pense notamment à la législation relative à la protection des abords de monuments historiques. L'avis en question peut cependant ne pas s'être intéressé en tant que tel au bâtiment récent, dans la mesure où sa destruction n'entraîne pas de conséquences sur les abords de monuments historiques. Le ministère se trouve alors dans une position extrêmement délicate. Le projet de loi prévoit la mise en place d'un dispositif en vertu duquel, dès lors qu'un bâtiment est labellisé, non plus « Patrimoine du XXe siècle » mais « Patrimoine le plus récent », tout projet d'aménagement qui inclut ce bâtiment doit le prendre en compte. Il convient que cette prise en compte se traduise, dès la phase d'élaboration du projet d'aménagement, par une discussion entre l'aménageur, les services de l'État et, le cas échéant, les collectivités territoriales. Par ailleurs, il faudra relancer une politique de labellisation de ce patrimoine, qui reste, à ce jour, inégale et partielle sur le territoire. Elle a été jusqu'à présent menée selon des axes dispersés, en fonction des politiques conduites par les différentes Directions régionales de l'action culturelle (DRAC). Certaines de ces directions se sont plutôt intéressées aux églises du XXIe siècle, tandis que d'autres s'intéressaient davantage aux bâtiments industriels. Il faut donc coordonner cette labellisation, afin de permettre que le sort du patrimoine le plus récent fasse l'objet d'une discussion en amont. Celle-ci n'exclut d'ailleurs pas les transformations d'usage qui peuvent se révéler nécessaires, mais ces dernières doivent être décidées en amont.

Par ailleurs, le projet de loi reprend beaucoup de dispositions qui figuraient dans la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État, déposée par M. Jacques Legendre et Mme Françoise Férat.

Je souscris également à ce qui a été dit par M. Jacques Legendre : le PLUP doit constituer un premier pas vers la prise en compte par les documents d'urbanisme non seulement des questions relatives à l'aménagement du territoire, mais également des enjeux patrimoniaux. Le PLUP peut en effet permettre d'évoluer vers un PSMV, sans pour autant que cette évolution soit imposée.

Concernant, enfin, la propriété des vestiges archéologiques, le projet de loi ne prévoit pas leur transfert systématique aux collectivités territoriales, à charge pour elles d'en assurer la conservation et l'entretien. L'idée est bien évidemment de créer les conditions d'un dialogue équilibré entre l'État et les collectivités territoriales, afin, notamment, que l'État ne se réserve pas les plus belles pièces. Par ailleurs, la question des centres de conservation devra être posée. Comme cela est fait pour les archives, il faudra également envisager la destruction de certains vestiges, sans qu'il y ait de pertes. Il faudra faire des choix, sélectionner ceux des vestiges archéologiques qu'il est nécessaire de conserver ad vitam aeternam et détruire les autres, une fois qu'ils auront été étudiés, inventoriés ou qu'ils auront fait l'objet de publication. Cette démarche fonctionne pour les archives et il faudra l'enclencher pour les archives.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Cela n'entre-t-il pas en contradiction avec le principe d'inaliénabilité des pièces de musées ?

Debut de section - Permalien
Vincent Berjot, directeur général des patrimoines

Les pièces ne sont inaliénables qu'une fois entrées dans une collection d'un musée public national. Par ailleurs, peut-être M. Salois pourra-t-il également évoquer ce sujet lorsque vous l'auditionnerez, d'autant que nous menons une réflexion concernant les objets en série des collections nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je m'étonne de vous entendre parler de destruction et pas de cession. Or, certaines de ces pièces peuvent intéresser des petits musées en régions.

Debut de section - Permalien
Vincent Berjot, directeur général des patrimoines

Le projet de loi offre la possibilité de transférer ces pièces à titre gratuit aux collectivités territoriales. Mais qu'en est-il des mobiliers archéologiques par lesquelles les collectivités ne seraient pas intéressées, et dont on considérerait que la conservation n'a plus de sens dans la mesure où ils ont été étudiés ? Ne peut-on s'interroger sur leur possible destruction, par analogie à ce qui est fait en matière d'archives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Le fait qu'une collectivité puisse être amenée à financer des fouilles, à découvrir des vestiges et que l'État puisse se réserver le droit de choisir ce qu'il entend conserver parait quelque peu léonin. On pourrait envisager que les collectivités aient, en priorité, la possibilité de conserver les pièces, à charge pour elles d'assurer le gardiennage et l'exposition de ces dernières.

Debut de section - Permalien
Vincent Berjot, directeur général des patrimoines

Les fouilles sont financées par l'aménageur, même s'il peut arriver qu'il s'agisse de la collectivité territoriale elle-même.

Debut de section - Permalien
Isabelle Maréchal, cheffe du service du patrimoine

La priorité donnée à l'État a pour objectif de conserver, au moins pendant le temps de l'étude, pour une durée de dix ou quinze ans, l'intégralité du produit d'une fouille au même endroit et sous la même gestion, afin de permettre que soit mené à bien le travail de recherche. La question du choix de pièces particulièrement emblématiques se pose dans un second temps.

Puis la commission entend M. Hervé Lemoine, directeur chargé des archives au ministère de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous poursuivons ce matin nos travaux sur les politiques patrimoniales et sommes heureux d'accueillir M. Hervé Lemoine, directeur chargé des archives de France au ministère de la culture et de la communication.

Il nous semblait important de vous entendre car le patrimoine archivistique est porteur d'une dynamique importante sur l'ensemble du territoire, comme l'illustre la hausse des crédits destinés aux archives départementales en 2014.

En outre, la politique archivistique doit répondre à des défis particulièrement intéressants en termes d'accessibilité, qu'il s'agisse de la question de la numérisation ou de celle de la transparence, sur laquelle travaillent plusieurs de nos collègues au sein de la mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques, dont Mme Corinne Bouchoux est rapporteure.

Votre éclairage nous sera utile pour appréhender les réformes envisagées dans le cadre du projet de loi relatif aux patrimoines, dont nous avons eu l'occasion de discuter précédemment avec M. Vincent Berjot.

Debut de section - Permalien
Hervé Lemoine, directeur des archives de France

Trois grandes orientations ont guidé nos travaux et ont inspiré nos propositions qui font encore l'objet de concertation interministérielle.

Le premier axe concerne la simplification des règles d'accès aux archives et à la réduction des délais d'accès à ces documents qui sont souvent trop longs. La loi de 2008 avait déjà donné plus de transparence et raccourci certains délais mais certaines dispositions législatives peuvent être améliorées. Il faut aller plus loin pour faciliter l'accès aux archives et raccourcir les délais de communication des archives publiques.

Le deuxième axe est relatif à la conservation et à la protection du patrimoine archivistique public et privé. Les archivistes sont associés très en amont, dès la création de ce qui sera notre futur patrimoine historique, mais qui constitue d'abord une masse d'information documentaire qui a une valeur administrative probante très forte. C'est une responsabilité importante que nous partageons avec l'ensemble des institutions publiques. Il faut veiller dès la création des documents, pendant leur cycle de vie, à ce que ces documents soient accessibles, exploités et éliminés afin de ne conserver que le bon grain qui servira à nourrir la réflexion à des fins de recherche historique, scientifique ou statistique. C'est tout un processus d'accompagnement depuis la création des données et des informations publiques. Il faut prendre les bonnes décisions pour permettre leur exploitation et leur bonne conservation. Trop d'information tue l'information. Le risque est également d'être submergé par un flux énorme d'information que nous ne pourrions plus exploiter.

Le troisième axe traite de l'adaptation de notre dispositif législatif à la révolution du numérique. Cela a une incidence sur le cycle de vie des données. Dans ce contexte de numérisation et de production d'archives numériques natives, nous devons être vigilant quant aux conditions de production de ces données numériques natives. Il est essentiel de se poser la question au moment même de la production de création des données publiques, de sorte que le cycle de vie de ces données soit défini le plus en amont possible pour assurer une bonne gestion de ces informations.

Concrètement, s'agissant de la meilleure protection du patrimoine archivistique public et privé, la loi de 2008 était en retrait par rapport à la loi de 1979 sur la domanialité publique des archives, notamment en ce qui concerne les archives produites par des entreprises publiques ou des opérateurs publics ou privés agissant dans le cadre d'une mission de service public concernant l'intérêt général. Il est nécessaire de revoir la définition et le périmètre de ce qui constitue les archives publiques en réintégrant, par exemple, les archives produites dans le cadre de la gestion du domaine privé de l'État.

Il faut également remettre dans le périmètre de la domanialité publique des archives certaines archives produites par des grandes entreprises comme la SNCF qui a une mission de service public avec le transport des voyageurs et une mission commerciale avec le fret. Aujourd'hui, au regard de la loi, seul le transport des voyageurs entre dans le périmètre d'application de la loi. Les documents relatifs au fret ne sont pas considérés comme des archives publiques et peuvent donc être détruits sans contrôle. C'est problématique pour l'opérateur lui-même. On pourrait aussi citer les cas d'Areva ou de la banque postale... Tout ne doit pas, bien sûr, être conservé. Il faut un intérêt général public, ce que la loi de 2008 ne permet pas de déterminer de façon efficace.

S'agissant de la protection du patrimoine privé, certaines archives peuvent être classées comme trésors nationaux et mais pour autant elles peuvent être dispersées et démembrées au cours de ventes publiques. C'est contradictoire avec le motif qui a présidé à leur classement. L'intérêt de la conservation de ces fonds réside dans leur unicité. Aussi nous proposons, quand il s'agit d'un fonds d'archives privées, classé au titre d'archives historiques, de préserver son unicité, sauf avis contraire de l'administration.

Concernant l'adaptation du régime législatif à l'évolution numérique, deux mesures sont prévues dans le texte pour :

- associer l'administration dès les opérations de sélection des archives, c'est-à-dire en amont de la politique d'archivage, car aujourd'hui elle n'intervient que tardivement, au stade du tri ;

- permettre la mutualisation des moyens entre les collectivités et l'État pour tirer les conséquences des évolutions technologiques et adapter la cartographie des compétences aux enjeux du numérique, ce que la loi ne permet pas aujourd'hui ;

- éviter les « effets de bord » entre la législation relative à la commission d'accès aux documents administratifs et le code du patrimoine, qui conduisent à une sollicitation croissante des services départementaux de la part des usagers au titre du droit d'accès, pour des raisons soit personnelles soit administratives. L'inflation des demandes constitue un réel obstacle pour des procédures importantes imposant des délais courts, telles que le règlement d'une succession. Nous devons encore trouver une rédaction qui ne donnera pas l'impression de faire obstacle aux droits d'accès, à copie et à réutilisation ;

- régler la question des délais de communication des archives, contrainte par plusieurs types d'obstacles. Il existe tout d'abord des difficultés d'interprétation des « délais composites », que l'on retrouve, par exemple, dans le cas des dossiers de santé puisque trois délais peuvent s'appliquer. Il convient de garantir une meilleure sécurité aux citoyens tout en assurant une meilleure transparence. Un autre dossier fait l'objet de discussions avec le secrétaire général de la défense nationale, celui du délai appliqué aux archives classifiées et notamment aux archives nucléaires, bactériologiques, chimiques (NBC) qui, dans la loi de 2008 sont réputées « incommunicables de façon perpétuelle et absolue ». Il nous semblerait préférable d'envisager un délai de cent ans prorogeable après avis de la commission consultative du secret de la défense nationale, dont il faudrait alors étendre les compétences. Il me semble que les points de vue des différentes administrations ne sont pas irréconciliables.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Comme je l'ai fait remarquer à Monsieur Berjot, il nous serait plus facile de réagir à votre présentation si nous disposions d'un projet de texte, fût-il non arbitré et provisoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Merci, Monsieur le directeur, pour cet exposé étoffé et nerveux, je vous le confirme. Je voudrais débuter par une question très particulière. Je ne voudrais pas finir sur une note inquiète et je pose donc dès maintenant la question très préoccupante du site de Fontainebleau. Je partage avec ma collègue Colette Mélot le privilège d'être élu du département de Seine-et-Marne et j'ai donc à ce sujet, une préoccupation tenant à la pérennité du site, mais également une préoccupation sociale. Je serai heureux si vous pouviez nous éclairer, tout en comprenant que vous n'avez pas encore une vision certaine de ce qu'il adviendra de ce site. Pouvez-vous cependant nous informer des motifs qui ont conduit à la fermeture d'urgence de ce site et des suites que vous envisagez d'apporter à ce dossier ?

Concernant la politique des archives, je structurerai mes questions de façon « géographique », allant du local à l'international.

D'abord, comment la dynamique budgétaire en faveur des archives départementales peut-elle suffire à mener à bien les projets locaux, compte tenu des difficultés rencontrées par les collectivités territoriales, qui prennent part à la politique en matière d'archives ? Ces difficultés sont d'ordre budgétaire, bien sûr, mais elles tiennent également à des incertitudes sur leur propre avenir, puisque des annonces relatives à la suppression de l'échelon départemental doivent nous conduire à nous interroger sur l'avenir de certaines politiques publiques, mais, singulièrement, sur le portage des archives.

J'en viens à l'échelon strictement national et je m'interroge, de ce point de vue, sur les principales difficultés induites par le caractère interministériel des politiques archivistiques. Vous avez d'ores et déjà abordé cette question, mais je souhaiterais que vous nous précisiez comment, selon vous, s'organise le travail et la compétence du service interministériel des archives de France, et notamment la compétence du délégué interministériel. Les politiques archivistiques relèvent bien entendu de la compétence culturelle, mais la culture doit également être mise au service de nombreux ministères.

Concernant l'échelon européen, quels enseignements pouvons-nous utilement tirer des modalités d'organisation et de gestion des archives qui sont mises en oeuvre chez nos voisins européens ? Quelles sont les contraintes communautaires, en particulier juridiques, dont vous devez tenir compte pour conduire votre politique archivistique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Ma question était relative au regard que vous portiez sur la loi de 2008, mais vous en avez parlé assez longuement et j'ai pris note de vos propos. Peut-être cette loi permettra-t-elle de pallier les difficultés évoquées. Je m'interroge cependant, comme mes collègues et comme vous tous, sur l'articulation des rapports avec les collectivités territoriales et l'État.

Je m'interroge également sur la numérisation. Vous avez évoqué tout à l'heure les archives du ministère de la défense et du ministère des affaires étrangères. Ces dernières entrent-elles dans vos compétences ? Ces deux ministères ont conçu un projet commun d'archivage numérique, le VITAM (valeurs immatérielles transmises aux archives pour mémoire). En êtes-vous partenaire et où en est la mise en oeuvre de ce projet ? Concernant la mutualisation, si ces archives n'entrent pas dans vos compétences, il aurait peut-être été utile de vous associer à ce projet commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Ce projet de loi devrait être capable de nous rassembler, dans la mesure où il s'agit de dispositions assez techniques. Nous resterons cependant vigilants sur la notion de mutualisation. Parfois, la mutualisation renvoie à un transfert de charges. Si la mutualisation peut se comprendre, il faudra s'assurer que les collectivités territoriales et l'État puissent débattre et décider conjointement. Il ne s'agit pas de permettre à l'État de faire peser sur les collectivités territoriales des charges nouvelles alors qu'il doit également prendre sa part du coût de cette mission. Si ce point n'est pas précisé, il pourra faire l'objet d'amendements, susceptibles de nous rassembler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

J'ai trois interrogations relatives à l'adaptation des dispositifs existants à la révolution numérique :

- quel est votre avis sur la numérisation des documents existants, afin de les rendre encore plus accessibles ;

- quelle est votre approche des documents dits « natifs », qui doivent être conservés selon des modalités appropriées ;

- troisième interrogation : les archives sonores. De plus en plus de conseils d'administration font l'objet de comptes rendus écrits et de captations sonores. Je ne parle bien évidemment pas de la conservation de films ou d'émissions, prise en charge par l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Je parle de documents audiovisuels administratifs. Quelles sont les perspectives que vous envisagez concernant ces archives sonores administratives, mais également en ce qui concerne les témoignages sonores collectés par les collectivités territoriales ? Tous ces documents méritent d'être conservés et partagés.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Dans le contexte du « big bang territorial » qui se dessine, comment envisagez-vous la conservation et la numérisation des archives ? La région n'est-elle pas, selon vous, l'échelon adéquat pour parvenir à la fois à mutualiser, à conserver, à numériser, à rendre accessible ? Dans certaines régions, des expériences ont été menées, à l'image de la Banque numérique du savoir (BNSA) en Aquitaine.

Debut de section - Permalien
Vincent Berjot

Vendredi 28 mars dernier, un rapport sur le site de Fontainebleau m'a été remis par un bureau d'étude, faisant état de désordres affectant le bâtiment et mettant en cause la sécurité des personnes, dans un délai et une ampleur non prévisibles. J'ai donc décidé, au regard de ce qui figurait dans ce rapport, de procéder à une évacuation immédiate. Depuis, deux rapports complémentaires nous ont été remis et confirment cette analyse. Ce bâtiment comprend des sous-sols d'archives qui atteignent un terrain marneux. Il y a certainement eu, compte tenu de l'état du bâtiment, un défaut de conception à l'origine. Des pressions des argiles ont des effets sur les structures du bâtiment. Nous sommes dans une phase d'analyse. Nous essayons d'organiser le travail des agents dans des structures provisoires. Soixante-dix kilomètres d'archives sont stockés dans ces sous-sols et nous devrons conduire une réflexion qui va nous prendre plusieurs mois. L'urgence était d'assurer la protection des personnes.

Debut de section - Permalien
Hervé Lemoine, directeur des archives de France

Concernant la politique interministérielle des archives, la loi dispose que les ministères des affaires étrangères et de la défense disposent d'une autonomie de gestion. Afin qu'une politique cohérente soit mise en oeuvre par l'ensemble des administrations publiques chargées des archives publiques, une communauté de doctrine a toutefois été instaurée, sous la responsabilité des Archives de France et de la direction générale des patrimoines au ministère de la culture.

À cet effet, un comité interministériel aux Archives de France a été créé par le Gouvernement. Il a vocation à être le bras armé d'une politique commune cohérente et opérationnelle. Réuni sous les auspices du Premier ministre, il est présidé par le directeur général des patrimoines du ministère de la culture et le secrétariat en est assuré par le directeur chargé des archives au sein de la direction générale.

J'ajouterai qu'à notre initiative, et en association avec le Quai d'Orsay et la défense, a été conçu le programme VITAM, premier grand programme de mutualisation de compétences et de moyens pour assurer l'archivage numérique des données produites par les administrations centrales de l'État. Une réunion interministérielle devrait avoir lieu à Matignon afin que nos propositions soient validées et que ce programme puisse alors bénéficier de crédits dans le cadre du plan national d'investissements d'avenir.

Au niveau européen, deux instances regroupent les directeurs nationaux des archives des pays de l'Europe, l'European Archives Group et l'European Board of National Archivists (EBNA). La première est directement rattachée à la Commission européenne et la seconde dépasse le cadre de l'Europe communautaire puisqu'elle comprend, entre autres, la Suisse et la Turquie.

L'European Archives Group se réunit tous les six mois, concomitamment au changement de présidence de la commission. Ces réunions nous permettent d'échanger et de faire des propositions afin de faire évoluer la législation européenne. Actuellement, à titre d'exemple, un texte sur la protection des données personnelles est en débat. Jusqu'à présent, ce texte méconnaissait l'existence du service public d'archives, dont la mission est la conservation des données publiques, souvent riches de données personnelles. Or, le projet de règlement initial préconisait, une fois la finalité première ayant nécessité la création du document éteinte, l'anonymisation systématique ou la destruction de tout document permettant d'identifier une personne. Peut-on considérer que l'état civil d'une personne décédée n'a plus d'importance et qu'il peut être anonymiser ? La France est très mobilisée sur ce dossier et nous avons proposé une motion qui a été adoptée. Le Parlement européen, suivant nos propositions, a ainsi donné, pour la première fois dans un texte européen, une définition d'un service public d'archives, considéré dorénavant à la même aune qu'un opérateur privé, à l'instar de Google par exemple.

Après l'ouverture, en février 2013, du nouveau site d'archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, la direction générale des patrimoines a souhaité rééquilibrer ses efforts en faveur des services départementaux d'archives. C'est ainsi que depuis trois ans notre soutien au réseau des services départementaux d'archives a sensiblement augmenté, tant par des subventions pour la construction de nouveaux bâtiments ou la restauration de bâtiments existants, que par des subventions ou des accompagnements pour des activités de service public d'archives, comme la numérisation de fond ou l'encodage d'instruments de recherche.

Concernant les personnels mis à disposition par l'État, la situation n'est pas idéale, mais l'idéal s'éloigne de nous depuis fort longtemps. Il y a eu malgré tout - et cela doit se poursuivre - beaucoup d'efforts significatifs de rééquilibrage entre services nationaux et services publics d'archives. En effet, actuellement, tous les postes de directeur d'archives départementales sont pourvus alors que quatorze étaient vacants à mon arrivée.

S'agissant de la mutualisation, celle-ci ne doit pas se traduire par un transfert de charges. C'est pour cette raison que notre projet ouvre la possibilité aux collectivités territoriales, uniquement si elles le souhaitent, de s'associer ou non dans des projets de mutualisation.

Le ministère de la culture, mais également les services départementaux, les conseils généraux et les collectivités territoriales contribuent massivement au plan national de numérisation. C'est ainsi que les archives représentent aujourd'hui les ressources culturelles en ligne les plus nombreuses en volumétrie et en consultation avec plus de 300 millions de documents en ligne et plus de 2 milliards de pages lues. Cette politique est une vraie réussite, nos citoyens, soucieux de leur histoire personnelle, communale ou locale, consultant massivement les sites Internet sur lesquels ils trouvent l'ancien état civil, certes, mais également le cadastre napoléonien, site des collectivités territoriales le plus consulté.

Les archives sonores et audiovisuelles sont qualifiées d'archives publiques au regard de leur statut. Elles doivent être traitées et conservées au même titre que les comptes rendus des délibérations d'un conseil municipal, auparavant écrits et maintenant souvent enregistrés. Afin d'assurer dans les meilleures conditions et sur des supports les plus pérennes possibles la conservation de ces documents d'archives publiques, les Archives de France prodiguent des conseils techniques à tous les services publics d'archives. Néanmoins, il est nécessaire de dégager des moyens et de développer des compétences. Le numérique étant aujourd'hui acquis, il faut dorénavant apporter un soin particulier aux archives sonores et audiovisuelles, même si on les transfère souvent sur des supports numériques.

En termes de droit, les témoignages oraux s'apparentent à des archives privées, méritant ainsi le plus grand soin. Ce sont souvent les seuls témoignages de parties de notre histoire, pas toujours inscrites dans les archives publiques, conservées par ailleurs. Ils constituent souvent des sources très singulières, indispensables à la compréhension de nos sociétés, notamment contemporaines, et qui apportent d'importants compléments d'informations. Ainsi, sans le recueil systématique de témoignages oraux recueillis postérieurement à la guerre d'Algérie, nous n'aurions qu'une vision « hémiplégique » de cette guerre.

Enfin, compte tenu de notre organisation, nous devrons accompagner le « big-bang » territorial, et, si possible, l'anticiper. Nous avons conscience que cela sera un chantier considérable. Cela étant, les services territoriaux ont montré leur capacité à s'adapter à des réformes importantes, telles la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE). Ainsi, aujourd'hui, la cartographie des agences régionales de l'eau, agences régionales de santé (ARS), rectorats, etc. ne correspond pas exactement à la cartographie des compétences des services départementaux ou régionaux. À chaque fois, nous avons essayé de trouver des réponses fonctionnelles aux évolutions souhaitées par le législateur.

La commission procède à l'élection de Mme Marie-Annick Duchêne en qualité de secrétaire, en remplacement de Mme Sophie Primas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Le dépouillement du vote sur la candidature de M. Lévy aux fonctions de président de l'INSERM se fera ce soir à 18 heures, en même temps qu'à l'Assemblée nationale.

La commission est levée à 12 h 15.

La réunion est ouverte à 14 h 30.