Intervention de Catherine Deroche

Commission des affaires sociales — Réunion du 16 avril 2014 : 1ère réunion
Don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, rapporteure :

Cette proposition de loi déposée par M. Paul Salen, adoptée par l'assemblée nationale le 25 janvier 2012 et transmise au Sénat, a été précédée par plusieurs textes aidant salariés et fonctionnaires à concilier les événements les plus tragiques de l'existence avec leur vie professionnelle.

Le don de jours de repos, autorisé dans le cadre d'un accord collectif dans les entreprises du secteur privé, n'est pas prévu dans le secteur public. Les employeurs publics locaux qui ont mis en place des mécanismes de ce type pour faire face à des situations individuelles l'ont fait sur un fondement légal incertain. Il existe sur ce point une véritable aspiration à la solidarité, qui doit être soutenue par le législateur. Le groupe UMP a inscrit ce texte dans son espace réservé pour que la loi consacre, tout en prévoyant certaines garanties fondamentales, la possibilité du don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade, notamment pour que les agents de la fonction publique en bénéficient.

De nombreuses entreprises, comme le groupe Casino, le groupe PSA, les assureurs April, Merial, la MSA Picardie ou l'association pour l'emploi des cadres, ont mis en place par accord au cours des deux dernières années des mécanismes de don de jours de repos pour aider un salarié à accompagner un enfant malade. Dans plusieurs cas - par exemple au sein du groupe PSA - les négociations ont été engagées à la demande de salariés désireux de venir en aide à l'un de leurs collègues.

La possibilité pour les salariés et les fonctionnaires d'exprimer ainsi leur solidarité suscite en effet une véritable attente et la presse a relaté des cas où le don de jours de RTT fut rendu impossible par l'absence de dispositions légales. La question des enjeux financiers liés à la maladie d'un enfant et l'intérêt du don de jours de RTT ont même fait l'objet d'un roman de Brigitte Giraud, adapté sous forme d'un téléfilm qui fut diffusé le 9 avril dernier sur France 2. Un encart précisait à la fin que l'assemblée nationale a voté une proposition de loi légalisant le don de jours de congé par des collègues mais que celle-ci n'avait « toujours pas été validée (sic) par le Sénat ». Une pétition soutenant l'adoption de cette proposition de loi a été ouverte sur Internet le 24 février dernier et a recueilli déjà plus de 19 000 signatures.

Il existe déjà en droit du travail différents dispositifs permettant de prendre soin d'un enfant malade. Les absences pour enfant malade prévues l'article L. 1225-61 du code du travail sont plafonnées à trois jours par an, ou à cinq jours si l'enfant concerné a moins d'un an ou si le salarié assume la charge d'au moins trois enfants de moins de 16 ans. Les conventions collectives applicables peuvent prévoir des conditions de durée et de rémunération plus favorables au salarié. Pour les enfants à charge atteints d'une maladie particulièrement grave, le passage à temps partiel est de droit.

Enfin, un mécanisme spécifique a été mis en place par l'article L. 1225-62 du code du travail pour ces cas graves, nécessitant une présence soutenue : le congé de présence parentale. Son bénéfice a été étendu aux fonctionnaires par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et il fut complété depuis par plusieurs textes, dont la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Il permet à tout salarié d'interrompre son activité, sans condition d'ancienneté, si l'enfant à charge au sens des prestations familiales est atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue à ses côtés et des soins contraignants.

Le nombre maximal de jours de congés dont peut bénéficier le salarié au titre du congé de présence parentale est de 310 jours ouvrés, soit 14 mois, dans une période dont la durée est fixée, pour un même enfant et par maladie, accident ou handicap, à 3 ans. Aucun de ces jours ne peut être fractionné. Le congé de présence parentale fonctionne ainsi comme un « compte crédit jours » de 310 jours ouvrés, que le salarié peut utiliser en fonction des besoins de son enfant malade, handicapé ou accidenté. Au-delà de cette période de 3 ans, le salarié peut à nouveau bénéficier d'un congé de présence parentale en cas de rechute ou de récidive de la pathologie de l'enfant au titre de laquelle un premier congé a été accordé.

A l'issue du congé de présence parentale, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Le congé peut être écourté, dans des conditions prévues à l'article L. 1225-52 du code du travail, en cas de diminution importante des ressources du ménage ou, tragiquement, de décès de l'enfant. Dans ces cas également, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

Le cadre juridique actuel permet donc aux parents de faire face aux cas les plus graves. Il est cependant contraignant pour les familles concernées, ce qui a incité plusieurs salariés ou employés de la fonction publique, informés de la situation d'un parent, à vouloir lui venir en aide par le don de jours de RTT.

Les différents congés prévus actuellement par la législation ne sont en effet pas rémunérés, sauf accord collectif pour les salariés du secteur privé. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a créé une allocation journalière de présence parentale (AJPP) servie par les caisses d'allocations familiales pour les parents qui réduisent leur activité professionnelle pendant plus de quatre mois. Le montant de cette allocation est plafonné à un peu plus de 945 euros par mois pour un couple et soumise à un plafond de revenus.

Les jours non travaillés et rémunérés dans le cadre des accords de réduction du temps de travail antérieurs à la loi du 20 août 2008 sont un moyen de permettre l'absence d'une personne sans perte financière. C'est un choix généreux et logique de la part des collègues d'un parent de vouloir mettre à sa disposition une partie des jours dont ils disposent au-delà des quatre semaines légales de congés payés.

Seules de grandes entreprises ont actuellement mis en place des systèmes de don de jours de RTT, le plus souvent suite à la demande de salariés. Ce sont les entreprises où la négociation professionnelle est la plus active. Les salariés des autres entreprises ne disposent d'aucun moyen de faire don des jours de repos dont ils disposent.

Surtout, un tel dispositif ne peut être mis en place, à l'heure actuelle, dans la fonction publique, sauf à sortir de la légalité. Or les cas douloureux qui ont suscité l'attention des médias montrent que cette solution répond concrètement aux besoins des familles et l'aspiration des collègues de l'un des parents sont réels. Ils appellent donc une réponse urgente.

La proposition de loi soumise à notre examen ne se substitue pas aux accords déjà passés au sein des entreprises pour permettre le don de jours de repos. Elle étend simplement cette possibilité à l'ensemble des salariés, sous réserve de l'accord de l'employeur, ainsi qu'à la fonction publique, selon des modalités définies par décret. Elle offre un cadre et des garanties minimales, qui seront susceptibles de précisions ultérieures si la mise en oeuvre du dispositif l'impose.

Les modalités du don et les motifs pour lesquels il peut intervenir sont encadrés par la proposition de loi. L'article 1er ouvre à tout salarié la possibilité de faire don de jours de repos dont il dispose à un de ses collègues en charge d'un enfant gravement malade. Conformément aux dispositions du code du travail, ce don ne peut porter que sur les jours disponibles au-delà de quatre semaines de congés payés. Il ne peut donc porter sur les jours correspondant à la cinquième semaine de congés payés et aux jours compensateurs accordés à certains salariés qui travaillent au-delà de trente-cinq heures hebdomadaires. Il ne peut se faire qu'à partir d'une démarche individuelle et volontaire, soumise à l'accord du chef d'entreprise en raison de l'impact du transfert des jours de congés sur l'organisation du travail.

Le don se fait pour un collègue déterminé. Il n'est pas possible de faire un don général susceptible de bénéficier à tout collègue se trouvant dans la situation prévue par le texte. Néanmoins, conformément aux règles générales en matière de don en droit français, celui-ci doit être anonyme et gratuit, c'est-à-dire sans contrepartie. L'anonymat du don sera néanmoins quelque peu relativisé par la taille de la structure : garanti dans une grande entreprise, il se trouvera nécessairement amoindri dans une PME. L'anonymat et la gratuité protègent le donateur et le donataire, et il conviendra que l'employeur veille à ce que le don volontaire ne devienne pas une obligation imposée à certains salariés ou que le salarié qui reçoit les jours ne se trouve l'obligé de ses collègues donateurs.

Le don de jours de repos augmentera le nombre de jours disponibles pour un salarié en charge d'un enfant gravement malade. Celui-ci disposera de temps pour être présent auprès de son enfant sans diminution de salaire ou de droits à retraite. Par ailleurs, dans les entreprises où un compte épargne-temps a été mis en place, les jours de repos donnés y seront affectés et pourront faire l'objet d'une conversion en argent ou être utilisés pour un départ anticipé à la retraite.

Le mécanisme proposé sera rendu applicable à la fonction publique en application de l'article 2 de la proposition de loi qui renvoie à un décret.

La réalité de la situation dans laquelle se trouve une personne du fait de la particulière gravité de la maladie, du handicap ou de l'accident dont a été victime un de ses enfants est attestée par un certificat médical détaillé. La proposition de loi ne précise pas qui doit être destinataire de ce certificat mais il semble logique que ce soit l'employeur, qui devra autoriser les dons de jours de repos.

La proposition de loi déposée par M. Paul Salen et adoptée par l'Assemblée nationale pose le principe et les principales modalités du don de jours de repos. C'est au sein des entreprises que se négociera une partie des modalités pratiques. Les dispositions réglementaires fixeront le détail de l'organisation pour la fonction publique.

Deux types de compléments pourraient être apportés au texte proposé. Il s'agirait d'étendre le bénéfice du don de jours de repos d'une part à l'ensemble des parents ayant à prendre soin d'un enfant à charge, au lieu de le limiter à ceux dont les enfants ont moins de vingt ans, et d'autre part aux personnes ayant à s'occuper d'un conjoint, voire d'un parent, atteint d'une pathologie grave. Quant aux cas résultant des soins nécessités par une personne âgée, ils semblent devoir se multiplier, or un dispositif comme celui proposé par le texte est plutôt adapté à la prise en charge de situations exceptionnelles. Pour ne pas retarder encore l'adoption de ce texte, il m'apparaît que ce n'est que dans un deuxième temps, après la mise en place du système tel qu'il figure dans la proposition de loi, que ces compléments pourront être envisagés. Je vous invite donc à adopter ce texte sans modification.

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