Intervention de Philippe Bas

Réunion du 17 avril 2014 à 15h00
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Article 5 quinquies C

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Il m’a été permis de développer, au cours de la discussion générale, les arguments que je souhaitais invoquer à l’appui de cet amendement. Je serai d’autant plus bref pour le défendre.

Naturellement, la loi Veil n’est pas intangible : elle a déjà évolué et elle évoluera peut-être encore. Elle n’en repose pas moins sur un équilibre fondamental, qui se résume en trois points.

Premièrement, ce texte se fonde sur un principe : le respect de l’être humain, dès le commencement de la vie.

Deuxièmement, le législateur reconnaît qu’une « atteinte » à ce principe – c’est le terme précis qui est employé – peut être pratiquée « en cas de nécessité », pour permettre l’interruption volontaire de grossesse dans les conditions prévues par ce même texte.

Troisièmement, le cas de l’interruption médicale étant mis à part, l’IVG est le fait de « la femme enceinte que son état de grossesse place dans une situation de détresse ».

La modification adoptée par l’Assemblée nationale, que cet amendement tend à supprimer, revient à remplacer ces derniers termes par : « Toute femme qui ne veut pas poursuivre une grossesse… ». Or cette nouvelle formule nous paraît incompatible avec les deux premiers principes que j’ai rappelés, à savoir le respect de l’être humain dès le commencement de la vie et la possibilité d’une dérogation, ou « atteinte », à ce principe uniquement en cas de nécessité et dans le respect des conditions prévues par la loi.

Je tiens à le souligner : la loi Veil est fondamentalement une loi de liberté. Pour avoir compté parmi les très proches collaborateurs de Simone Veil - je ne parle naturellement pas en son nom - je me crois bien placé pour expliciter et énoncer, et non interpréter et commenter, les termes mêmes de ce texte.

Je le répète, c’est une loi de liberté, car elle dispose que nulle instance, nul individu n’est habilité à apprécier à la place de la femme la justification de sa démarche conduisant à l’interruption volontaire de grossesse. C’est là le droit applicable !

Quand j’entends dire qu’il faut mettre le droit en accord avec la réalité et supprimer la possibilité d’un contrôle de la motivation de la demande d’IVG, je réponds : relisez la loi ! Elle est à la disposition de tous ! Vous constaterez qu’aucun contrôle extérieur n’est exercé sur la décision souveraine de la femme, qui est prise en toute liberté et en conscience, car la loi Veil est aussi une loi de confiance à l’égard des femmes.

Par conséquent, cette disposition adoptée par l’Assemblée nationale est dépourvue de tout intérêt, de toute utilité, car elle repose sur une incompréhension des termes de la loi et sur une sorte de malentendu.

Aussi, je veux réaffirmer haut et fort les principes de ce texte qui, en dépit de ses quarante ans, est une loi moderne, de surcroît bien écrite. Je ne vois pas pourquoi on viendrait aujourd’hui remettre en cause cet équilibre, patiemment obtenu, à la suite d’un débat dont les plus anciens d’entre nous se souviennent. Ces discussions ont été si difficiles…

Mes chers collègues, je vous rappelle à ce propos qu’un certain nombre de parlementaires, réunis derrière Michel Debré, avaient alors exigé qu’une instance extérieure évalue l’état de détresse de la femme avant de permettre l’interruption volontaire de grossesse. Simone Veil a refusé, et elle a tenu bon. Grâce à la position très ferme qu’elle a défendue, au nom du gouvernement de l’époque, sous l’autorité du Président de la République Valéry Giscard d’Estaing et du Premier ministre Jacques Chirac, la loi qui a été votée fait confiance à la femme.

Je demande à la Haute Assemblée de bien vouloir considérer la situation de manière intellectuellement rigoureuse. Avec cet article, on rouvre inutilement un débat qui a déchiré la société française. Cette disposition ne doit pas être maintenue. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de la supprimer.

Adoptée dans l’improvisation par l’Assemblée nationale, …

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