Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous présenter les principales conclusions de la commission des finances sur la mission « Action extérieure de l'État », qui est dotée, en 2007, de 2, 3 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 0, 84 % des dépenses du budget général. Les emplois de la mission représentent 13 480 équivalents temps plein, soit 0, 6 % du plafond global d'emploi de l'État.
Sur le plan budgétaire, les enjeux liés à la présente mission paraissent limités. Mais il est vrai que la mission ne représente que 37 % des crédits réellement dévolus à l'action extérieure de l'État. Rappelons-le, la mission « Aide publique au développement » et le programme « Audiovisuel extérieur » inclus, le Quai d'Orsay gère seulement 50 % des dépenses de l'État à l'étranger.
Cependant, sur le plan politique, la mission « Action extérieure de l'État » revêt une importance particulière. Elle recense, en effet, les moyens alloués à notre diplomatie et, donc, la capacité de celle-ci à porter dans le monde la voix de la France, que nous espérons singulière. Cette mission peut être aussi, si l'on n'y prend garde, le lieu de nos contradictions, puisque des écarts peuvent être relevés entre les déclarations et la réalité.
Au cours de mon intervention, je m'efforcerai de répondre à quatre questions : ce projet de budget pour 2007 prépare-t-il l'avenir ? L'évolution des crédits est-elle maîtrisée ? La justification de la dépense est-elle sincère ? Les performances de nos administrations sont-elles satisfaisantes ?
Première question : ce projet de budget pour 2007 prépare-t-il l'avenir ?
Sur ce point, je crois qu'il faut décerner à vos services, et à vous-même, monsieur le ministre, un vrai satisfecit. Nous assistons en effet, malgré quelques résistances, ici et là, à un véritable changement de culture au Quai d'Orsay, comme en témoignent les outils de modernisation dont vous vous êtes doté en 2006, à savoir le contrat pluriannuel de modernisation, le comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, et la directive nationale des ambassades. Il reste à en tirer les dividendes, pour permettre au ministère des affaires étrangères de ne plus subir la rigueur budgétaire, mais d'améliorer sa performance avec des moyens maîtrisés.
Je souhaite insister, parce que je l'ai appelé de mes voeux l'an passé, sur le contrat de modernisation 2006-2008. Celui-ci doit être un accord gagnant-gagnant vous garantissant, en contrepartie de réformes structurelles et donc profondes, un certain nombre d'assurances sur le plan budgétaire.
S'agissant des réformes structurelles, certaines, comme la couverture du risque de change pour les contributions internationales, ont été engagées sur la suggestion de la commission des finances. Pour d'autres, notamment la constitution d'une fondation dédiée au développement des alliances françaises à l'étranger, la commission des finances a souhaité être à vos côtés, monsieur le ministre, en programmant, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, deux millions d'euros pour doter en capital ce nouvel outil de rayonnement culturel.
Dans mon rapport écrit, je vous propose par ailleurs quelques réformes supplémentaires, en particulier la constitution d'un guichet unique, confié à l'une de vos directions, pour gérer deux programmes, « Personnalités d'avenir » et « Invitation de journalistes ».
Pour 2007, je me félicite que les engagements budgétaires prévus par le contrat de modernisation soient tenus. Par contraste, je regrette qu'un certain nombre d'accrocs soient survenus au cours de l'exercice 2006. Contrairement en effet aux engagements initiaux de Bercy, le Quai d'Orsay ne bénéficiera pas, en 2006, du retour du produit issu des droits de visa acquittés auprès de nos consulats.
En matière de gestion de l'immobilier, des progrès réels ont été accomplis. Une politique de cession d'actifs a été engagée. Il nous faut toutefois reconnaître la spécificité de l'immobilier de l'État à l'étranger, en particulier des bâtiments diplomatiques ayant fait l'objet d'accords internationaux ou de conventions avec les autorités locales. À l'inverse, les accords s'appliquant à l'immobilier de l'État à l'étranger doivent être négociés par nos diplomates, afin de permettre une réversibilité des implantations des services.
Chacun a conscience du nécessaire rééquilibrage géographique de la présence française à l'étranger. Le contrat de modernisation renforce le mouvement de redéploiement des moyens en cours en Europe et en Afrique. Mais nous sommes tous conscients du fait que nos postes ne pourront jamais couvrir la totalité des grandes villes du monde. J'ai donc proposé d'utiliser les technologies nouvelles, en prévoyant, par exemple, comme les Américains le font déjà, la création de « postes de présence virtuels ».
Sur le strict plan de la gestion, j'ai regretté, dans un rapport publié en début d'année, l'émiettement de la gestion des crédits à l'étranger. Le comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger a répondu à cette observation par le développement des services administratifs et financiers uniques, les SAFU. Cette démarche est excellente, à condition que ces services aient de vraies responsabilités de gestion.
Les bases de la modernisation étant posées, l'évolution des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » est-elle maîtrisée ? En apparence, tel est le cas, car la dépense paraît globalement encadrée. En réalité, on relève quelques exceptions : certains postes budgétaires paraissent mal maîtrisés. Il en est ainsi, monsieur le ministre, de la masse salariale des recrutés locaux. Je compte engager, en 2007, en relation étroite avec vos services, un travail d'observation et de réflexion sur ce sujet. Je ne doute pas que je disposerai à cette occasion de la collaboration de vos services.
La progression des contributions aux 150 organisations internationales dont la France est membre constitue également un autre sujet d'inquiétude. Ces contributions, évaluées, pour 2007, à 774 millions d'euros par la commission des finances, représentent, et de loin, le principal poste budgétaire de la mission « Action extérieure de l'État ». Entre 2003 et 2007, elles auront progressé de 50 %.
Bien sûr, la place de la France dans le monde et sa participation au Conseil de sécurité lui confèrent des obligations.
Dans une réponse au questionnaire budgétaire, vous avez d'ailleurs eu l'honnêteté, monsieur le ministre, de reconnaître « un besoin de sensibilisation plus marquée de l'ensemble des négociateurs, à l'administration centrale et dans les postes, aux aspects budgétaires des programmes d'action de chaque organisation ». Dans mon rapport, j'insiste sur la nécessité de faire un tri dans les contributions diverses et variées, au nombre de cent cinquante. Il y a un vrai problème de répartition des tâches entre votre ministère et les ministères techniques compétents. Vos diplomates et vos services ont bien d'autres choses à faire que de gérer certaines de ces contributions !
Quel est aujourd'hui le risque lié à l'inflation des contributions internationales ? Nous craignons que notre réseau diplomatique ne joue comme une variable d'ajustement, mais nous tenons à ce réseau qui, par sa densité, nous permet une action efficace.
Or le présent projet de loi de finances tente parfois de dissimuler une partie des crédits affectés aux organisations internationales. Ces fameuses contributions internationales sont évaluées à 587 millions d'euros. Mes investigations auprès de vos services m'ont permis d'établir, grâce à la justification au premier euro, que cette somme serait plus proche en réalité de 774 millions d'euros.
Ces réserves étant posées, et elles sont substantielles, il faut souligner, monsieur le ministre, que les progrès sont sensibles par rapport au projet de loi de finances pour 2006. Je note en particulier la volonté de votre administration d'évaluer le coeur de son action, l'avancement des négociations multilatérales, par exemple, méritant d'être encouragé. Cette évaluation est réalisée sous la forme d'une autonotation, d'une auto-évaluation, ce qui constitue un premier pas. Sur ce point, je rejoins notre collègue député Jérôme Chartier, qui propose de confier cette notation au nouveau Conseil des affaires étrangères, qui verra ainsi ses attributions clarifiées.
Les objectifs présentés au Parlement, monsieur le ministre, engagent votre ministère. Pour prendre l'exemple des délais de traitement des demandes d'asile, les objectifs de 60 jours pour l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et de 90 jours pour les recours devant la Commission des recours des réfugiés, ne seront pas tenus. Faut-il changer ces objectifs et en établir de plus réalistes, ou bien devons-nous adopter des mesures destinées à faire en sorte qu'ils soient respectés ?
Pour conclure, la performance est désormais au coeur de la réforme de l'État. Elle oblige le ministère des affaires étrangères : nous aurons sans doute tout à l'heure un débat s'agissant de l'exercice, par le Quai d'Orsay, de sa tutelle sur certains opérateurs.
Elle engage aussi le Parlement, notamment le Sénat et sa commission des finances. C'est pour cette raison que je présenterai plusieurs amendements sur la présente mission, qui, tous, visent à tirer les conséquences des travaux de contrôle menés durant l'année et à accompagner votre ministère dans la modernisation engagée.
Sous réserve de l'adoption de ces amendements, la commission des finances proposera au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».