Intervention de Virginie Klès

Réunion du 17 avril 2014 à 21h45
Égalité réelle entre les femmes et les hommes — Article 8

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès, rapporteur :

Au risque de vous surprendre, je suis en parfait accord avec ces arguments. Seulement, nous ne parlons pas des mêmes choses, chères collègues.

Quand des faits de violences arrivent devant le juge, il est extrêmement important que le magistrat sache quelle est la nature du conflit qui a amené ce couple devant lui. Il peut s’agir d’un conflit qui a débouché sur de la violence ponctuelle, où ce n’est pas toujours la même personne qui est victime, où il n’y a pas de réitération. Le juge peut avoir le sentiment que la victime qui est devant lui n’a pas accepté l’inacceptable ou n’a pas supporté l’insupportable.

Si l’on veut amener les magistrats à se poser la question, il faut surtout éviter de systématiser et de leur donner l’impression que, chaque fois qu’un problème de violences, y compris conjugales, leur est soumis, ce sont forcément des violences avec emprise.

Sinon, les magistrats ne vont plus faire le distinguo et ne feront plus l’effort de chercher à comprendre ce qui se passe, au risque de desservir, j’en suis convaincue, la cause de tous ceux qui luttent contre ces phénomènes de violences avec emprise.

Je le répète, il y a des conflits dans lesquels ce n’est pas toujours la même personne qui est victime. Il faut vraiment amener toute la chaîne judiciaire, et toute la chaîne pénitentiaire, à se poser ces questions : qui ai-je devant moi ? Est-ce un couple qui a dérapé ? La personne, homme ou femme, aujourd’hui victime, l’est-elle pour la première fois ou y a-t-il réitération ? Ai-je l’impression d’être en présence d’une succession de violences, d’une montée en puissance, d’une spirale ? Il faut savoir que ces impressions peuvent être ténues et porter sur des faits qui sont presque imperceptibles, mais dont l’accumulation caractérise ces phénomènes d’emprise et de violences.

Si nous voulons vraiment connaître à fond ces situations d’emprise, il faut savoir les distinguer des autres. C’est pourquoi je souhaite que la médiation pénale puisse être utilisée. Cet outil est intéressant dans les cas de conflit, mais totalement inefficace et à proscrire, vous avez raison, dans les cas de violences avec emprise.

En revanche, si nous retirons cet outil aux juges, nous allons affaiblir tout le dispositif de lutte contre les violences avec emprise, car les juges risquent de traiter comme telles des phénomènes qui n’en sont pas.

Aussi, je plaide pour le maintien de la médiation pénale lorsqu’elle n’est utilisée qu’une seule fois. De plus, si le juge sait d’avance que, s’il s’est trompé, il n’y aura pas de seconde médiation pénale, il fera d’autant plus attention à la façon dont il utilisera cet outil. Il se posera les bonnes questions et, petit à petit, il apprendra à reconnaître les violences avec emprise psychologique et à les distinguer des autres.

Pour ces raisons, et parce que je crois profondément que la médiation pénale n’est pas le bon outil pour lutter contre les violences avec emprise, je pense qu’il faut maintenir cet outil à disposition de la justice en précisant bien qu’il n’est efficace que lorsque le juge est en présence d’un conflit ponctuel et non de violences avec emprise.

Je suis donc défavorable à ces trois amendements.

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