Les crédits de l'action culturelle ne changent pas de nature en traversant le détroit de Gibraltar ! En outre, la dispersion entre deux missions de crédits clairement dédiés à une même politique publique nuit à l'information du Parlement et à la responsabilité du gestionnaire des crédits.
Par ailleurs, des éléments d'incertitude pèsent sur les crédits de notre action culturelle extérieure.
Le premier sujet d'inquiétude est le budget de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger.
C'est dès le plus jeune âge que l'on transmet un goût pour une langue et une culture étrangère. C'est pourquoi ce réseau d'établissements français du primaire et du secondaire constitue un facteur puissant du rayonnement de la langue et des cultures françaises. « Qu'ont en commun l'architecte espagnol Ricardo Bofill, l'actrice américaine Jodie Foster, l'homme politique égyptien Boutros Boutros Ghali et la dessinatrice iranienne Marjane Satrapi ? », peut-on lire sur le site internet du ministère. C'est bien leur scolarité dans une école française ! Ces personnalités, ainsi que beaucoup d'autres passées dans les écoles françaises, font, il faut bien l'admettre, beaucoup plus pour le rayonnement de la France que de nombreuses actions de promotion de la France à l'étranger.
Or que prévoit l'État pour ce réseau en 2007 ? De lui remettre en dotation de nombreux immeubles, afin qu'il puisse les gérer directement. On pourrait s'en féliciter, mais il s'agit d'un cadeau empoisonné étant donné le sous-investissement notoire de l'État dans le patrimoine immobilier du réseau. Je cite, sur ce thème, un rapport de juillet dernier de l'inspection générale des affaires étrangères : « Sur 73 établissements en gestion directe, 37 n'ont bénéficié d'aucun entretien de la part du ministère des affaires étrangères, sur la période 1990-2005, soit un déficit de l'ordre de 17, 5 millions d'euros pour ces seuls établissements. »
Pour financer les opérations d'acquisition, de construction ou d'extension, un rythme annuel moyen de dépenses à hauteur de 10 millions d'euros doit, en outre, être envisagé. Il est donc clair que l'augmentation de la subvention du ministère à l'Agence de 8 millions d'euros en 2007 est largement insuffisante pour compenser les coûts liés à ses nouvelles responsabilités immobilières.
Quelles en sont les conséquences ? À court terme, le fonds de roulement de l'Agence est utilisé ; à moyen terme, ce sont les frais de scolarité qui augmentent ; et, à long terme, l'attractivité du réseau en pâtit forcément. Nous souhaiterions vous entendre sur ce sujet, monsieur le ministre.
Deuxième sujet d'inquiétude, l'accueil des étudiants étrangers en France. Dans ce domaine, la France n'est pas, loin s'en faut, première de la classe. L'augmentation des crédits des bourses d'excellence est, cependant, un bon point pour le Gouvernement.
La mise en place des centres pour les études en France, qui ont notamment pour tâche de faciliter l'ensemble des démarches administratives des étudiants étrangers, est un autre bon point. La création de CampusFrance est plus difficile à évaluer. Si la fusion d'Édufrance et d'Égide paraît légitime, la baisse des crédits attribués à Édufrance au titre du programme 185 est plus critiquable.
Rappelons que la promotion du réseau universitaire français est une priorité. L'attraction d'étudiants étrangers, si possible les meilleurs d'entre eux, constitue un investissement extrêmement rentable sur le long terme.
Troisième sujet d'inquiétude, auquel on pourrait rapidement remédier, le réseau des établissements culturels. Le ministère tente de rationaliser, d'une part, l'installation des centres culturels et des alliances françaises, d'autre part, l'organisation de ces opérateurs, en fusionnant l'Association française d'action artistique, l'AFAA, et l'Association pour la diffusion de la pensée française, l'ADPF, en une unique agence appelée CulturesFrance. On donne ainsi une suite à une demande que j'avais adressée dans mon rapport de 2004 sur l'action culturelle extérieure de la France.
Le but est à la fois d'améliorer l'efficacité du dispositif de promotion de la culture française dans le monde et de lui donner une visibilité croissante grâce à la nouvelle appellation unique CulturesFrance, sur le modèle du Goethe-Institut allemand ou du British Council anglais.
Cette fusion a répondu préventivement aux critiques formulées par la Cour des comptes sur la gestion de l'AFAA à la suite de l'enquête demandée par la commission des finances. La Cour a cependant déploré le fait que la fusion ne soit pas encore mise en oeuvre.
La commission des affaires culturelles approuve cette fusion, mais considère qu'il faut laisser le temps à CulturesFrance de s'organiser. Elle sera attentive à ce que les nouvelles structures ne reproduisent pas sous une nouvelle appellation des méthodes et des comportements qui ont été à juste titre critiqués.
S'agissant de la dotation de CulturesFrance, la commission, qui a examiné les crédits de la mission avant la commission des finances, n'a pu se prononcer sur l'amendement proposé par M. Gouteyron.
Le président de la commission des affaires culturelles regrette, à cet égard, de n'avoir pu être informé plus en amont de cette intention, ce qui aurait permis à la commission de procéder aux consultations nécessaires et de débattre plus sereinement des moyens de cet opérateur stratégique.
La commission des affaires culturelles, qui a pris note des observations formulées tant par la Cour des comptes que par la commission des finances du Sénat, veillera très attentivement, à travers un groupe de réflexion, à ce que les engagements des uns et des autres soient tenus, afin qu'il ne soit pas porté atteinte au rayonnement culturel de la France
Dans l'attente des réponses que M. le ministre ne manquera pas d'apporter aux interrogations qu'elle a formulées, la commission des affaires culturelles s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'ensemble des crédits destinés à la mission « Action extérieure de l'État » pour 2007.