Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 7 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Action extérieure de l'état

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement aux rapporteurs, je souhaite m'exprimer, non sur l'économie générale de la mission, mais plutôt sur un problème particulier, qui rejoint les préoccupations de notre rapporteur spécial, auquel, monsieur le ministre, j'espère que vous pourrez répondre.

Après nos collègues députés Bernard Schreiner et Marc Reymann, qui sont intervenus lors de la discussion à l'Assemblée nationale, M. Jacques Legendre exprimera tout à l'heure sa perplexité vis-à-vis de la position paradoxale de la France.

Ainsi, la contribution de la France à une organisation, le Conseil de l'Europe, dont le siège est situé dans notre pays, à Strasbourg, est soumise à une croissance zéro depuis plusieurs années.

L'organisation, qui rassemble quarante-six États, est constituée de trois branches principales, le Comité des ministres et le secrétariat général, l'Assemblée parlementaire, au sein de laquelle j'ai l'honneur de représenter le Sénat, et la Cour européenne des droits de l'homme.

Mes quarante-cinq collègues viennent d'ailleurs d'élire notre compatriote M. Jean-Paul Costa à la présidence de cette cour, et je suis sûr, mes chers collègues, que vous voudrez joindre vos félicitations aux miennes, à l'adresse de ce grand magistrat.

Comme j'ai eu l'occasion de le faire au moment de l'examen de la participation de la France au budget des Communautés européennes, je voudrais revenir, à l'instar de mes collègues, sur la création d'une « agence de l'Union européenne des droits fondamentaux », dont a débattu le conseil « Justice et affaires intérieures », ce 4 décembre.

Au même moment, on constate le succès de la Cour de Strasbourg, qui peine à statuer sur les milliers de recours dont elle est saisie. Cet « encombrement » est la marque de la confiance dans la Cour des quelque 800 millions de citoyens européens, ressortissants des quarante-six États du Conseil de l'Europe, pour leur garantir l'exercice des droits proclamés par la convention de 1950.

Les États ne peuvent ignorer ni ce succès, ni le besoin de renforcement des moyens de travail de la Cour de Strasbourg. Bloquer le budget global du Conseil de l'Europe, c'est donc demander aux autres branches de l'organisation paneuropéenne de restreindre leurs propres moyens de fonctionnement pour financer par voie interne les besoins de la Cour. Cela peut se concevoir.

Le paradoxe est donc de réduire les possibilités d'action du Conseil de l'Europe et du système de contrôle des droits de l'homme, alors même que l'Union européenne s'apprête à dégager quelque 30 millions d'euros chaque année pour une nouvelle institution, cette « agence » dont ne sont fixées ni les compétences ratione loci ni les compétences ratione materiae.

Même si nous le regrettons, le traité constitutionnel n'est pas entré en vigueur. La Charte des droits fondamentaux n'a donc pas encore de portée normative. Dès lors, à quel texte de droit positif devrait se référer la future « agence » ? Jusqu'où s'étendrait sa compétence ? L'Union, augmentée des « nouveaux voisins » ?

Mais alors, la superposition avec le Conseil de l'Europe brouillerait un peu plus un système déjà peu lisible. On risque, tôt ou tard, d'aboutir à un conflit de droits, doublé d'un conflit de juridictions, car, n'en doutons pas, la future « agence » n'aura de cesse de développer sa propre jurisprudence et de se constituer en quasi-juridiction.

Il y a là plus qu'un paradoxe, un véritable gâchis financier et un gaspillage d'énergie.

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