Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 7 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Action extérieure de l'état

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Il y a quelques années, une rencontre avait été organisée au Luxembourg entre la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg et la Cour de justice des Communautés européennes de Luxembourg.

Les hauts magistrats étaient convenus qu'il était tout à fait possible d'organiser une répartition rationnelle afin d'éviter, précisément, les conflits de compétences et, surtout, les divergences de jurisprudence. La Cour européenne des droits de l'homme pourrait constituer en son sein une chambre spécialisée où ne siégeraient que les seuls juges issus des États de l'Union européenne.

Or, à cette solution de raison, d'ailleurs inscrite dans l'évolution normale des traités européens, on oppose une nouvelle institution, qui sera tôt ou tard concurrente des deux premières.

Je comprends bien le souhait de la Commission et du Parlement européen de mettre en avant leur rôle proactif en faveur des droits fondamentaux. Mais, outre que les vingt-sept États de l'Union européenne adhèrent depuis de nombreuses années à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que leurs ressortissants connaissent le chemin de la cour de Strasbourg, nos concitoyens ne sont pas dupes de ces affichages.

Cette prolifération institutionnelle pourrait même être contre-productive. Nous devons empêcher que ne se développe le sentiment d'une Europe « usine à gaz » aux compétences incompréhensibles parce qu'enchevêtrées, et, donc, de plus en plus coûteuses.

D'emblée, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, inspirée par notre compatriote René Cassin, prix Nobel de la paix, a été rédigée pour une Europe dont on espérait la pleine réunification continentale, dans la liberté et la garantie des droits fondamentaux.

Tous les États qui se sont émancipés de la dictature soviétique siègent au Conseil de l'Europe ; la Cour de Strasbourg les accompagne dans leur mutation vers l'État de droit. N'élevons pas, à nouveau, un mur entre l'Union européenne, dotée d'une « agence » propre, et les autres États européens.

Le pire serait d'accréditer l'existence d'un « double standard », excluant ceux qui ont payé parfois si cher la division du continent. Les droits de l'homme sont le socle du « modèle européen ». Nos concitoyens n'ont que faire de querelles de bornage entre institutions concurrentes, donc ruineuses. Finalement, cette prolifération affaiblit un système qui a fait ses preuves.

La polysynodie risque de donner une image bureaucratique de l'Europe, alors même que les droits de l'homme sont désormais le patrimoine commun de quelque 800 millions d'Européens.

Vous souhaitez, monsieur le ministre, avec MM. les rapporteurs ici présents, rationaliser les dépenses de l'action extérieure de la France. Comment ne pas vous approuver ? Il faut en effet toujours se souvenir que toute dépense nouvelle signifie des impôts alourdis.

Si vous souhaitez rationaliser la contribution de la France, n'est-il pas urgent d'organiser, bien sûr dans des formes décentes, la fin d'une nouvelle organisation créée par les gouvernements des quarante-six États du Conseil de l'Europe lors de leur troisième sommet, à Varsovie, les 16 et 17 mai 2005 ?

Il s'agit du « Forum du Conseil de l'Europe pour l'avenir de la démocratie pour renforcer la démocratie », forum qui rassemblerait « des décideurs, des fonctionnaires, des acteurs de terrain et des universitaires ».

J'apprécierais, monsieur le ministre, que vous nous communiquiez les noms, que je serais curieux de connaître, des représentants de ces catégories, toutes estimables, que vous avez dû désigner...

Je m'interroge sur la légitimité des personnes qui participeront à ce « forum » chargé de « renforcer, par sa réflexion et ses propositions, les travaux de l'Organisation dans le domaine de la démocratie », des personnes toutes nommées pour débattre de la démocratie alors même qu'elles ne détiennent aucun mandat du suffrage universel !

Pourtant, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, réuni le 27 septembre 2006, a prodigué de nouveaux encouragements à ce « forum », qui s'est déjà réuni deux fois, à Varsovie puis à Moscou, avant de se réunir en Suède l'année prochaine, puis en Espagne, puis en Ukraine, puis en Arménie...

Est-il judicieux, dans un contexte budgétaire de croissance zéro, de susciter la mise en place d'un nouvel organe nommé, dont le financement devra lui aussi être assuré « en interne », sans doute aux dépens de l'Assemblée parlementaire ? Or je rappelle que cette dernière est, elle, représentative puisque composée d'élus dont chacun représente le Parlement de son pays et qu'elle fait vivre la démocratie européenne depuis 1949. La démocratie est-elle donc trop sérieuse pour être confiée aux démocrates ?

Enfin, j'aurais voulu dire un mot du budget de l'Union de l'Europe Occidentale, dont on organise l'étouffement budgétaire, mais je crains que mon temps de parole ne soit épuisé.

Aussi je conclurai, monsieur le ministre, en vous assurant que le groupe UC-UDF votera vos crédits.

Vous savez les liens d'amitié et de pensée qui nous unissent. Certes, je soutiens la position du rapporteur spécial, car il est en effet nécessaire que ce ministère s'adapte aux nécessités budgétaires, mais je me mets aussi un peu à votre place, et je tenais à vous dire que nous sommes toujours très fiers de votre action : toutes les critiques qui ont accueilli celle-ci ont été injustes.

Je tenais aussi à vous dire que le fait qu'un médecin exerce les fonctions de ministre des affaires étrangères est une très bonne chose, ...

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