Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Le budget du Quai d'Orsay épinglé au Sénat », « France - Dérapage des factures internationales du Quai d'Orsay », « Le Sénat épingle le Quai d'Orsay », « Les dépenses du Quai d'Orsay épinglées » : cette campagne de presse hostile à votre ministère portera préjudice à vos services, à vos agents et, par ricochet, aux Français de l'étranger, qui sont administrés par votre ministère. Je le regrette, parce que ces attaques ne portent pas sur les vrais problèmes.
Le budget que vous nous présentez n'est ni plus ni moins sincère que les années précédentes. Il gère la pénurie en organisant une répartition sur tous les postes.
Ce budget n'est pas sincère, car les dépenses de maintien de la paix ne sont pas réellement budgétées. À combien évaluez-vous les financements qui seront nécessaires en cours d'année pour faire face aux dépenses relatives à la FINUL renforcée, à la gestion des conflits au Darfour, au Timor ? À 150 millions d'euros, à 200 millions d'euros, à 300 millions d'euros ?
Ce budget, comme d'aucuns ont pu le soutenir, ne présente pas le défaut majeur d'organiser le transfert de la puissance de l'État français, en tant que membre du Conseil de sécurité, aux organismes internationaux. En revanche, on peut lui reprocher d'afficher des augmentations de crédits qui sont en réalité des baisses.
Ainsi, le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » bénéficie, en apparence, de 16 millions d'euros supplémentaires, mais cette somme est entièrement affectée à la mise en place des visas biométriques. Pour tout le reste du programme, c'est la stagnation ou la baisse, comme l'ont fort bien dit mes collègues de la majorité.
D'un côté, des augmentations fictives nous sont présentées, et, d'un autre côté, apparaissent des difficultés auxquelles sont confrontés vos services et, en matière consulaire, les Français qui dépendent d'eux, difficultés tout à fait tangibles.
Quand les autres ministères multiplient des structures coûteuses, plus ou moins bien intégrées dans notre réseau diplomatique, le ministère que vous dirigez réduit, en dix ans, ses implantations et son personnel de 10 %. Les coûts de fonctionnement et de personnel, eux, passent d'un tiers du budget à un quart en cinq ans. Je salue cette progression de la productivité et la mobilisation des agents qui la rend possible. En cet instant, j'ai une pensée particulière pour ceux qui ont été décorés hier soir.
Mais ce n'en est jamais fini des sacrifices. Peut-être est-ce mon expérience de vie de femme qui m'amène à penser cela. Quoi qu'il en soit, on a parfois tort d'en faire trop.
Dans le cadre du contrat de modernisation triennal 2006-2008, le ministère des affaires étrangères perdra encore 419 emplois - les données dont je dispose sont différentes de celles de M. de Montesquiou -, et l'on nous présente le retour au budget du ministère de la moitié de la masse salariale correspondante comme une belle compensation dont il faudrait se réjouir. Certes, c'est mieux que les pertes sèches des années passées, mais le solde est tout de même négatif !
Et encore faudrait-il que les engagements du ministère des finances soient tenus. Or, dès l'exercice 2006, votre ministère a reçu moins du tiers des 16 millions d'euros que devait lui verser le ministère des finances dans le cadre de la mise en oeuvre du contrat de modernisation, d'où le retard pris pour la réalisation du plan biométrie. Le comité interministériel de contrôle de l'immigration, le CICI, annonce 55 postes équipés en 2007. Avec quels crédits et quels personnels ?
Quant aux capacités de notre réseau consulaire à faire face aux charges supplémentaires que lui impose la loi relative au contrôle de la validité des mariages, vous ne m'avez pas répondu en commission, monsieur le ministre. Je réitère donc ma question. Selon le « bleu » budgétaire, les consulats perdraient encore huit emplois cette année.
La nouvelle loi - que le Sénat a adoptée, même si j'ai voté contre -, doit être appliquée. Elle génèrera un travail de contrôle très lourd : audition des fiancés préalable au mariage, audition des mariés préalable à la transcription, rédaction de comptes rendus, correspondances avec le parquet de Nantes, les préfectures, la SDCE. Où sont les agents compétents, en nombre suffisant, pour accomplir ces tâches difficiles ? Ce n'est pas la fermeture des consulats de Naples ou de Sarrebrück qui va dégager les dizaines d'agents nécessaires ! Je formule cette remarque à l'intention de tous ceux qui croient qu'en fermant les postes consulaires dans l'Union européenne on réglera les problèmes du ministère des affaires étrangères.
Pour que ce dernier puisse remplir toutes les nouvelles fonctions qui lui sont dévolues - biométrie, contrôle des mariages -, 150 agents supplémentaires seraient nécessaires, selon les rapports. Comment fera-t-on, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, je demande que l'on cesse de dénigrer les agents d'exécution des services de visas, accusés de tous les maux, en particulier de corruption, surtout s'ils sont recrutés locaux et mal rémunérés. Qu'on les mette d'abord en situation de réussir dans une mission délicate et ingrate ! Ce sera plus honorable, pour le ministère et pour un certain nombre d'observateurs, que d'ajouter l'humiliation aux bas salaires.
Vous annonciez, en commission, monsieur le ministre, que les crédits de bourses scolaires pour les élèves français de l'AEFE augmenteraient. Il n'en est rien ! Les droits de scolarité ont augmenté de 10 % l'année dernière. Le nombre d'enfants français scolarisés dans ce réseau est, cette année, en augmentation de 3 000, et une partie d'entre eux seront nécessairement demandeurs de bourse.
De surcroît, l'AEFE est dans l'impossibilité d'assumer ses nouvelles compétences immobilières, faute de financement. Je sais, monsieur le ministre, que vous allez me répondre « PPP », c'est-à-dire partenariat public-privé, alors que la réponse habituellement donnée est « redéploiement ». Mais, en pratique, comment va-t-on faire ? Pour un PPP au Caire, que se passe-t-il ailleurs ? Il y a donc péril dans le domaine immobilier ; le rapport d'audit réalisé à ce sujet est inquiétant.
Les bourses scolaires doivent être sanctuarisées et le budget de l'AEFE défendu face au ministère des finances. Peut-être faudrait-il penser à un arbitrage à Matignon.
Par ailleurs, aussi bien à Paris qu'à Nantes, je rencontre maintenant des agents de votre ministère soulagés de leur retour à l'administration centrale, après l'épreuve nerveuse et morale de leur dernier séjour en poste. Dans les conditions actuelles de fonctionnement et de financement, votre ministère a de plus en plus de difficultés à pourvoir des postes exposés, et ce à tous les niveaux de la hiérarchie ; la direction des ressources humaines le constate tous les jours. M. de Charette avait formulé la même remarque.
Ni le contrat de modernisation - une amélioration peut en être attendue, à condition qu'il soit respecté - ni le budget pour 2007 n'annoncent des jours meilleurs pour la diplomatie française.