Je salue tous ceux qui ont participé aux travaux de cette mission et remercie notre président pour l'atmosphère paisible dans laquelle nous avons travaillé. Dans notre étude de la demande et de l'offre d'accès aux documents administratifs et données publiques, quatre enjeux nous ont vite paru essentiels : la transparence et la démocratie, comme l'ont montré François Pillet et Gaëtan Gorce dans leur rapport d'information sur la protection des données personnelles adopté hier par la commission des lois ; l'économie, le big data et l'open data pouvant se révéler créateurs de richesse, -approche qui mérite d'être encore creusée ; la modernisation des pratiques administratives et des politiques publiques, ainsi que l'ont souligné les ministres, car en cette période de contraintes budgétaires, il est indispensable que les administrations se parlent davantage ; la souveraineté, enfin, comme nous l'avons vu avec la déléguée à l'intelligence économique. Notre rapport devra être un outil pour avancer de manière consensuelle et présenter, non pas cent dix propositions, mais plutôt une dizaine de recommandations utiles.
Le droit d'accès aux documents administratifs représente un acquis fondamental pour la démocratie ; le cadre juridique actuel, adopté en 1978, complété en 2005 et ajusté à plusieurs reprises, notamment en 2008, apparaît globalement satisfaisant et sa mise en oeuvre a largement progressé, même s'il reste des réticences à lever au sein des administrations. La Commission d'accès aux documents administratifs est un médiateur efficace pour un coût très raisonnable lorsqu'on le compare à celui de ses homologues étrangers ou à d'autres instances administratives. Cependant, les délais de communication constituent une difficulté persistante. Ne pourrait-on pas créer un référé communication, variante du référé actuel, même si cela peut constituer un marché potentiel pour des avocats - ne soyons pas angéliques ?
D'autres progrès pourraient être réalisés dans la publication systématique, au-delà des circulaires et instructions, de documents d'intérêt général, en matière de rationalisation des portails des administrations et de développement du site data.gouv.fr. Il est toutefois important de conserver dans les administrations des interlocuteurs en vrai, des personnes physiques, pour éviter de creuser une fracture numérique avec ceux qui ne peuvent pas utiliser les moyens de communication numériques. Il faudra développer la culture des données dans le public pour que les demandes soient raisonnables - cela relève de l'Education nationale, et c'est un enjeu de confiance dans les institutions et l'administration. Les citoyens devraient d'ailleurs être plus associés à l'élaboration des décisions publiques, sur le modèle du code de l'environnement, de manière à éviter les contentieux par un dialogue préventif.
Vous le voyez, rien de révolutionnaire, mais des propositions concrètes comme le référé communication.
L'ouverture des données publiques suscite des tensions entre des intérêts contraires. L'intérêt collectif n'étant pas la somme des intérêts particuliers, il importe de clarifier les attentes pour trouver l'intérêt collectif et rationaliser la démarche. Trois domaines symptomatiques à cet égard, requièrent une attention particulière : les données de santé, les données environnementales, qui leur sont liées, et les données culturelles. Il faut construire une gouvernance raisonnée de ces données réalisant un compromis pragmatique entre les souhaits de certains et ce que peut faire l'administration, qui n'a pas pour mission première de fournir des données.
Comme le disent François Pillet et Gaëtan Gorce, nous irons de gré ou de force vers le big data ; la question est : le subirons-nous ; avec des tensions, ou saurons-nous l'anticiper ? Etalab devra être renforcé pour accompagner la généralisation des politiques publiques d'ouverture. L'open data ne doit pas être perçu comme une contrainte par les administrations, mais comme une chance : s'il ouvre des perspectives économiques aux entreprises, il est de nature à faciliter le dialogue entre les administrations, en particulier au sein de la tectonique complexe du système de santé.
Enfin maintenir notre souveraineté sur ces données suppose une approche régalienne diront les uns, jacobine diront les autres.
Nous voulons que le rapport éclaire les politiques publiques en ce domaine, afin d'avancer de façon consensuelle et apaisée.