Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 29 avril 2014 à 9h30
Questions orales — Exécution de trois militantes kurdes dans les locaux de leur organisation parisienne

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Madame la garde des sceaux, je suis très sensible à votre présence dans cet hémicycle pour répondre à une question à laquelle je suis extrêmement attachée.

Vous le savez, le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz, Fidan Doğan et Leyla Söylemez, trois militantes kurdes, étaient exécutées dans les locaux de leur organisation parisienne. Ces femmes luttaient pour la reconnaissance des droits politiques et culturels de leur peuple.

Depuis, un suspect a été arrêté, connu pour ses sympathies avec des mouvements nationalistes d’extrême droite turcs. Le mode opératoire et des révélations récentes tendent à démontrer l’implication des services secrets turcs et ceux d’autres États européens. Il s’agirait donc d’un acte planifié de longue date.

L’affaire Adem Uzun, dont l’ensemble des poursuites et la procédure ont été récemment annulées par la cour d’appel de Paris, prouve la coopération de la police française avec la Turquie pour l’arrestation des militants kurdes sur le territoire français. Partant de ce constat, nous pouvons nous interroger sur le rôle des services de renseignements français, sur les informations concernant Ömer Güney, ainsi que sur ses plans d’assassinat.

Une enquête a été ouverte et suit son cours en dépit des obstacles nombreux, qui visent à masquer les commanditaires. On peut craindre en effet l’enlisement de l’affaire. Il est dans notre pays une macabre tradition, qui consiste à ne jamais élucider les crimes politiques.

Il est un aspect sur lequel je souhaiterais appeler votre attention, madame la garde des sceaux, et qui donne sens à ma question. À ce jour, les plus hautes autorités de l’État n’ont toujours pas reçu les familles de victimes, contrairement à l’usage établi. Je salue d’ailleurs certains membres d’entre elles, qui sont actuellement présents dans les tribunes du Sénat.

Dans cette épreuve, les familles ont besoin du soutien de la République, alors que les leurs portaient les valeurs de démocratie, de justice et du droit des peuples. Les autorités de la République, en les recevant, exprimeraient leur compassion et prendraient en considération leur souffrance. L’indifférence accroît l’immense préjudice que ces familles vivent. Elles reconnaîtraient ainsi leur statut de victimes. L’œuvre de justice n’est pas une simple procédure de répression ou de sanction ; elle doit permettre aux victimes d’être informées, d’occuper la place qui leur revient.

Être à la hauteur de la gravité de l’événement est une manière de dire que la République ne laissera pas faire. Ne pas les recevoir introduit un doute sur la détermination des autorités. Or la recherche de la vérité nécessite que les questions empreintes de doutes soient posées.

Les recevoir permettrait aussi d’envoyer un message clair aux commanditaires de ce triple crime : la France ne le laissera pas impuni ! Il s’agit, enfin, d’adresser un signe à tous les démocrates qui ont trouvé refuge chez nous : la France les protégera et sera à leurs côtés.

Les associations de solidarité, comme l’association de solidarité France-Kurdistan, qui m’a sollicitée, les élus de tous bords que j’ai pu rencontrer, les citoyens et les personnalités comme celles rassemblées autour du comité « Vérité et justice », les associations kurdes et les familles ont besoin de cet encouragement.

Dès lors, madame la garde des sceaux, ma question est toute simple : quand les plus hautes autorités de l’État recevront-elles ces familles ?

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